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CASS.-CRIM. 8 décembre 1917. FONCTIONNAIRE PUBLIC-FONCTIONS

PUBLI

QUES, CIRCONSTANCE AGGRAVANTE, C. PÉN., 198, DÉLIT COMMIS PAR LE FONCTIONNAIRE SEUL (Rép., vo Fonctionnaire public, n. 556 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 608 et s.).

La participation prévue par l'art. 198, C. pen., ne doit pas s'entendre seulement du fait de prendre part à un acte commis par autrui, mais doit s'entendre aussi de l'acte exclusivement personnel par lequel le fonctionnaire ou officier public, chargé de surveiller ou de réprimer les crimes ou délits, participe aux violations de la loi dont la garde lui est confiée (1) (C. pén., 198).

L'aggravation de la peine, édictée par l'art. 198, est applicable au fontionnaire ou officier public condamné pour avoir commis un crime ou un delit qu'il était chargé de surveiller ou de réprimer, en sa qualité, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, et au fonctionnaire ou officier public, qui a commis ce crime ou ce délit, comme simple particulier, en dehors de l'exercice de ses fonctions, mais alors qu'il était, dans le lieu où il l'a commis, chargé de surveiller ou de réprimer le crime ou le délit (2) (Id.).

(1-2) Dans leur Théorie du Code pénal (6° éd., par Villey, t. 3, n. 908 à 910), Chauveau et F. Hélie ont proposé de l'art. 198, C. pén., une interprétation différente de celle de l'arrêt ci-dessus recueilli. Le système des savants auteurs consiste à restreindre l'application de ce texte au seul cas où le fonctionnaire ou l'officier public a participé avec d'autres à des crimes ou délits qu'il était chargé de surveiller ou de réprimer, et à écarter ses dispositions, lorsque le fonctionnaire commet seul et sans coopération une de ces infractions.

Ce qui constitue, en effet, d'après ces savants criminalistes, la cause de l'aggravation de la responsabilité pénale, ce n'est pas la qualité du fonctionnaire, mais l'association criminelle et perverse qui l'unit à des malfaiteurs; c'est la prostitution qu'il fait de ses fonctions et de l'autorité dont il est investi, et qu'il met au service de scélérats. C'est cela qui crée un danger sérieux pour la sécurité publique, et non pas le crime ou le délit isolé que pourrait commettre un fonctionnaire; c'est ce péril qu'il convenait de prévenir, et que la loi a cherché à conjurer, en élevant la répression.

A l'appui de cette solution, les mêmes auteurs ajoutent encore deux autres arguments : l'un est tiré da mot participé, qui se trouve dans l'art. 198, et qui marque une collaboration; l'autre est déduit de l'art. 459, qui n'augmente que d'un tiers la pénalité encourue, quand un garde champêtre ou un officier de police a commis un délit de dévastation ou de dommage, et qui serait en contradiction avec le système d'aggravation de l'art. 198, si ces deux textes visaient les mêmes hypothèses comme celle de l'art. 459 est claire, celle de l'art. 198 le devient par opposition.

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LA COUR; Sur le moyen pris de la violation des art. 198, C. pén., 380 et s., C. proc., et de la loi du 20 avril 1810, pour manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur, par prétendue application de l'art. 198, C. pén., comme ayant exercé des voies de fait et violences, d'ailleurs fort légères, sur la personne d'individus soupçonnés d'avoir commis un vol dans la circonscription où il exerçait les fonctions de juge de paix à compétence étendue, alors que, d'une part, ledit art. 198 ne vise, et, par suite, ne punit que le fonctionnaire qui a participé à un crime ou délit qu'il était chargé de surveiller ou de réprimer que cette disposition exceptionnelle ne peut être étendue au cas où un fonctionnaire aurait commis seul l'acte incriminé, et que, d'autre part, le demandeur, étant plaignant du vol dont s'agit, dès avant le susdit acte, il ne pouvait être considéré avoir agi en autre qualité que celle de simple particulier, puisque sa qualité de plaignant le rendait inapte à exercer les fonctions de magistrat dans sa propre cause: Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, qui a condamné C... à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, et à 200 fr. d'amende, par application des art. 479, C. instr. crim., 29 du décret du 17 mai 1895, 198, 311, 463, C. pén., et 1er de la loi du 26 mars 1891, que le prévenu s'est livré à Baria, le 2 juin 1917, sur plusieurs indigènes, soupçonnés d'un

Mais, quelque séduisantes que paraissent ces raisons, elles n'ont convaincu ni la jurisprudence ni la doctrine; et l'opinion de Chauveau et de F. Hélie est demeurée isolée. V. outre l'arrêt ci-dessus, Cass. crim. 2 mai 1816 (S. et P. chr.); Bruxelles, 17 nov. 1818 (S. et P. chr.); Carnot, Comment. du C. pén., t. 1o, sur l'art. 198, n. 11; Blanche, Et. sur le C. pén., 2o éd., t. 3, n. 484; Boitard, Leç. de dr. crim., 13 éd., par Villey, p. 302, n. 268; Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 3° éd., t. 2, n. 810, texte et note 2. Adde, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 198, n. 22. V. aussi, Agen, 11 oct. 1884 (S. 1885.2.91. P. 1885.1.599).

A vrai dire, le rapprochement des art. 198 et 459 n'a pas une grande valeur. L'art. 198, en effet, prend soin de dire lui-même que c'est en dehors des cas où la loi en a autrement disposé que l'aggravation de la peine se fera d'après le système qu'il établit. L'art. 459 est un texte spécial; il déroge à la règle générale, mais il n'y contredit pas; et il n'y a pas lieu de rechercher la conciliation avec l'art. 198 dans une différence d'hypothèse, qui serait d'ailleurs d'autant plus arbitraire que ce texte la repousse lui-même. Ne dit-il pas, en effet commis par des gardes champêtres ou forestiers ou des officiers de police, à quelque titre que ce soit, donc aussi bien sans aide, comme auteur unique, qu'en collaboration, comme complice ou coauteur ?

D'autre part, l'argument qui est appuyé sur le mot participé de l'art. 198 n'a pas non plus une force décisive. Sans doute, l'expression participation éveille ordinairement l'idée d'une association, d'une coopération. Mais il y a lieu d'observer d'abord que le législateur venait d'employer le mot commis dans la phrase précédente. Il a donc pu, pour éviter une redite chercher une expres

vol dont il avait été victime, à des actes de violences constituant le délit prévu et puni par l'art. 311, susvisé, et qu'à la date et au lieu de ce délit, ledit prévenu exerçait les fonctions de juge de paix à compétence étendue, et était, par conséquent, chargé de surveiller ou de réprimer les délits qui se commettaient dans la circonscription de la justice de paix à compétence étendue de Baria; Attendu, d'une part, que la participation prévue par l'art. 198, C. pén., ne doit pas s'entendre seulement du fait de prendre part à un acte commis par autrui, mais doit s'entendre aussi de l'acte exclusivement personnel par lequel le fonctionnaire ou officier public, chargé de surveiller ou de réprimer les crimes ou délits, participe aux violations de la loi dont la garde lui est confiée; que les travaux préparatoires du Code pénal confirment cette interprétation; Attendu, d'autre part, que l'aggravation de la peine, édictée par l'art. 198, est applicable au fonctionnaire ou officier public condamné pour avoir commis un crime ou un délit qu'il était chargé de surveiller ou réprimer, en sa qualité, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, et au fonctionnaire ou officier public qui a commis ce crime ou ce délit, comme simple particulier, en dehors de l'exercice de sa fonction, mais alors qu'il était, dans le lieu où il l'a commis, chargé de surveiller ou de réprimer le crime ou le délit; Attendu, dès lors, qu'en l'état des constatations susrappelées, sans rechercher si, dans l'espèce, C... a

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sion nouvelle, et entendre le mot participé dans un sens large qui n'a rien d'insolite; car on peut certainement dire de celui qui exécute seul une infraction qu'il y prend part. On remarquera ensuite que l'art. 198 renferme une règle et des exceptions, et que, selon toute vraisemblance, l'une et les autres doivent s'appliquer aux mêmes hypothèses; or, dans le début de l'art. 198, c'est incontestablement au cas où le fonctionnaire a commis l'infraction que le législateur s'est référé; c'est donc au même cas encore qu'il a songé, dans la suite du texte, en employant le mot participé.

Plus sérieuse est, à ce qu'il semble, la raison que Chauveau et F. Hélie dégageaient de la cause d'aggravation de la responsabilité pénale du fonctionnaire. Seulement, il convient de considérer que cette explication, parfaitement admissible en législation, ne ressort ni des travaux préparatoires, ni du texte de l'art. 198. Les travaux préparatoires la repoussent, et donnent à l'art. 198 une portée générale et absolue (V. l'exposé des motifs au Corps législatif, par Bernier: Locré, Législ. civ., comm., crim., t. 30, p. 249, n. 26). Le texte la rejette également; car, devant la signification amphibologique du mot participé, si les auteurs du Code avaient entendu admettre que ce mot impliquât ici le concours d'un tiers au délit commis par le fonctionnaire, ils auraient dû le dire, et ils ne l'ont pas dit. Sans doute, il est de principe que la loi pénale s'interprète restrictivement; mais c'est à la condition qu'en réalité elle soit obscure; et il ne faut pas que cette obscurité soit l'œuvre du commentateur lui-même, substituant un système hypothétique au système légal. V. Roux Cours de dr. pen. et de proc. pén., n. 63.

commis le délit de violences et voies de fait relevé contre lui, dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions de magistrat, il y a lieu de reconnaître qu'en le condamnnant par application des art. 198 et 311, C. pén., l'arrêt attaqué n'a violé aucun des articles visés au moyen et a donné à sa décision une base légale; Attendu, d'ailleurs, que l'arrêt attaqué est régulier en la forme; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 4 août 1917, par la Cour d'appel de l'Indo-Chine, etc.

Du 8 déc. 1917. - Ch. crim. MM. Bard, prés.; Mallein, rapp.; Delrieu, av. gén.; Le Marois (substit. Me Mihura, retenu sous les drapeaux), av.

CASS.-CRIM. 31 janvier 1918.

1° APPEL EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE, RAPPORT DU JUGE, FORMALITÉ SUBSTANTIELLE, QUESTION PRÉJUDICIELLE (Rép., v Appel [mat. répressive], n. 206 et s.; Pand. Rép., v Appel de simple police, n. 280 et s.). -2° ALGÉRIE, TRIBUNAUX DE POLICE CORRECTIONNELLE, APPEL DES JUGEMENTS DES JUGES DE PAIX A COMPÉTENCE ETENDUE, RAPPORT DU JUGE, FORMALITÉ SUBSTANTIELLE, QUESTION PRÉJUDICIELLE, AUDITION D'UN TÉMOIN (Rép., v Algérie, n. 1373 et s.; Pand. Rép., v Appel correctionnel, n. 1457 et s.).

1o Le rapport du juge, premier élément du débat oral devant la juridiction supérieure, et qui a pour but de faire connaitre tous les documents qui ont servi de base à la décision frappée, constitue une formalité substantielle, dont l'observation est exigée à peine de nullité, soit qu'il s'agisse de juger le fond du procès, soit qu'il y ait lieu de prononcer sur une question préjudicielle (1) (C. instr. crim., 209).

20 Et cette règle s'applique, non seulement devant les Cours d'appel, mais aussi, en Algérie, devant les tribunaux correctionnels, statuant comme juridictions d'ap

(1-2-3) Le rapport prescrit par l'art. 209, C. instr. crim., doit être le premier acte du débat oral devant la juridiction d'appel, puisque c'est par ce moyen que les juges prennent connaissance de la décision qui est attaquée devant eux. V. Cass. crim. 31 janv. 1879 (motifs) (S. 1880.1.43.

P. 1880.69): F. Hélie, Tr. de l'instr. crim., t. 6, n. 3057; Roux, Cours de dr. pén. et de proc. pén., p. 757, n. 537, note 3. D'autre part, et pour la même raison, c'est une formalité substantielle, dont l'accomplissement est prescrit à peine de nullité. V. not., Cass. crim. 16 juin 1898 (S. et P. 1899.1.423; Pand. pér., 1899.1.491); 3 févr. 1905 (S. et P. 1905.1.200; Pand. pér., 1905.1.231); 20 janv. 1912 (S. et P. 1914.1.423; Pand. pér., 1914.1.423), les notes et les renvois; F. Hélie, op. et loc. cit.; Roux, op. cit., p. 756, n. 537, texte et note 2. Et cette prescription obligatoire s'applique, soit que la Cour d'appel vide le fond de l'affaire, soit qu'elle soit appelée à statuer sur une question préjudicielle. V. Cass. crim. 16 juin 1898 et 3 févr. 1905, précités, les notes et renvois; F. Hélie, op. cit., t. 6, p. 834, n. 3057. Dans la décision qui est ci-dessus reproduite, la Cour de cassation confirme à nouveau cette jurisprudence.

pel sur les jugements des tribunaux répressifs indigènes ou sur les jugements des juges de paix à compétence étendue (2) (C. instr. crim., 209; DD. 19 août 1854, art. 3; 9 août 1903, art. 23).

Doit, en conséquence, être annulé, pour violation de cette règle, la décision d'appel qui, avant qu'il ait été fait un rapport sur l'affaire jugée en première instance par un juge de paix à compétence étendue, rejette les conclusions du demandeur, tendant à faire entendre un témoin (3) (C. instr. crim., 209; Décr., 19 août 1854, art. 3).

(Aubertin).

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ARRÊT.

LA COUR; Sur l'unique moyen soulevé, pris de la violation des art. 1er et 2 du décret du 19 août 1854, 209, C. instr. crim., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que la décision attaquée a statué sur un incident de procédure, sans qu'il soit constaté que ladite décision ait été précédée du rapport d'un juge - Vu les articles précités; Attendu qu'aux termes de l'art. 209, C. instr. crim., l'appel doit être jugé sur le rapport fait par un des juges; que ce rapport, premier élément du débat oral devant la juridiction supérieure, a pour but de faire connaitre tous les documents qui ont servi de base à la décision frappée; qu'il constitue une formalité substantielle, dont l'observation est exigée à peine de nullité, soit qu'il s'agisse de juger le fond du procès, soit qu'il y ait lieu de prononcer sur une question préjudicielle; que cette règle s'applique, non seulement devant les Cours d'appel, mais aussi devant les tribunaux correctionnels, qui, suivant les décrets du 19 août 1854 et du 9 août 1903, statuent comme juridiction d'appel sur les jugements des tribunaux répressifs indigènes de l'Algérie ou sur les jugements des juges de paix à compétence étendue; Attendu, enfin, qu'Aubertin, appelant d'un jugement du juge de paix à compétence étendue de Lamoricière, a, par des conclusions préjudicielles, de

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Elle ajoute de plus que les règles de l'art. 209 ne s'appliquent pas seulement aux Cours d'appel, mais aussi, en Algérie, aux tribunaux correctionnels qui jugent à la place de la Cour d'appel, en l'espèce, aux tribunaux correctionnels, lorsqu'ils connaissent de l'appel des jugements des tribunaux répressifs indigènes, en vertu dé l'art. 23 du décret du 9 août 1908 (S. et P. Lois annotées de 1908, p. 610; Pand. pér., 1903.3.174), ou de ceux des juges de paix à compétence étendue, en vertu de l'art. 3 du décret du 19 août 1854 (S. Lois annotées de 1854, p. 150. P. Lois, décr., etc. de 1854, p. 260). La solution ne pouvait faire de doute. D'une part, les tribunaux correctionnels fonctionnent, dans ces cas, à la place de la Cour d'appel d'Alger, dont ils allègent la tâche ; d'autre part, les mêmes motifs rationnels expliquent l'exigence du rapport pour eux comme pour les juges de la Cour. Mais on observera que cette seconde raison est moins décisive que la première, puisque le rapport n'est point exigé pour le jugement des appels de simple police, quoiqu'il faille également faire connaître la cause aux juges du tribunal corectionnel jugeant comme juridiction d'appel. V. Cass. crim. 2 (et non 3) juill. 1852

mandé au tribunal correctionnel de Tlemcen l'audition d'un témoin, à laquelle le ministère public s'est opposé; que le tribunal a dit n'y avoir lieu d'entendre le témoin cité à la requête dudit Aubertin, et a ordonné le renvoi de l'affaire à quinzaine pour être passé à l'examen du fond; mais que le débat sur cet incident n'a pas été précédé du rapport qui aurait exposé les éléments de la cause; - D'où

il suit qu'il y a eu violation des articles visés au moyen; - Attendu que l'irrégu

larité commise sur cet incident doit entrainer, par voie de conséquence, celle du jugement sur le fond; Casse le jugement rendu le 6 sept. 1916 par le tribunal correctionnel de Tlemcen, etc.

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Du31 janv. 1918.— Ch. crim.—MM.Bard, prés.; Geoffroy, rapp.; Delrieu, av. gén.

CASS.-CRIM. 14 février 1918. FOURNISSEUR DES ARMÉES, MARCHÉ DE GRÉ a gré, Cahier DES CHARGES (Absence de), DELIT (Rép., v Marché administratif, n. 126 et s.; Pand. Rép., v Adjudications administratives [Etat], n. 1027 et s.).

Des art. 18 et 19 du décret du 18 nov. 1882, il résulte que, dans les cas qui y sont spécifiés, il peut être passé des marchés de gré à grẻ par les ministres ou par les fonctionnaires délégués à cet effet (4) (Décr., 18 nov. 1882, art. 18 et 19).

Et, de tels marchés pouvant avoir lieu même par correspondance, suivant les usages commerciaux, leur validité n'est nullement subordonnée à la rédaction préalable d'un cahier des charges (5) (Id.).

C'est donc à tort que, pour relaxer un prévenu, inculpe de fraude dans des fournitures faites aux armées, un arrêt pose en principe que la qualité de fournisseur implique l'existence d'un marché passé avec une administration de l'Etat et d'un cahier des charges visé audit marché (6) (C. pén., 433).

(S. 1852.1.676. P. 1853.1.586); F. Hélie, op. cit., t. 6, n. 3057.

(4-5-6) Cette solution mérite d'être approuvée. Rien dans les textes du Code pénal n'implique que l'existence du délit de fournisseur aux armées soit subordonnée à la condition d'un marché de fournitures, avec un cahier de charges. Il serait illogique, d'ailleurs, que les fournisseurs qui traitent sans cahier des charges, ainsi que le prévoit le décret du 18 nov. 1882 (S. Lois annotées de 1883, p. 438. P. Lois, décr., etc. de 1883, p. 719), fûssent exempts de la responsabilité pénale incombant aux fournisseurs ayant conclu des marchés avec cahier des charges, alors que, pour les uns comme pour les autres, il s'agit de fournitures pour les armées, et que le fonctionnement du service exige les mêmes sanctions. Précédemment, dans un arrêt du 27 juill. 1895 (S. et P. 1896.1. 206), la Cour de cassation avait décidé que l'inobservation d'une stipulation du cahier des charges sur la mise en demeure du fournisseur n'empêchait pas que celui-ci fût considéré comme étant en délit; c'était dire que le caractère délictueux des faits devait être apprécié sans avoir égard au cahier des charges.

(Villien).

ARRÈT (apr. délib, en ch. du cons.).

Sur le moyen relevé d'office, et pris de la violation des art. 18, 19 du décret du 18 nov. 1882, et 7 de la loi du 20 avril 1810: - Vu lesdits articles; - Attendu que, des art. 18 et 19 du décret du 18 nov. 1882, il résulte que, dans les cas qui y sont spécifiés, il peut être passé des marchés de gré à gré par les ministres ou par les fonctionnaires délégués à cet effet; que de tels marchés peuvent avoir lieu même par correspondance, suivant les usages du commerce, et que leur validité n'est nullement subordonnée à la rédaction préalable d'un cahier des charges; Attendu que, pour relaxer Villien, inculpé de fraudes dans des fournitures faites aux armées, l'arrêt attaqué pose en principe que «la qualité de fournisseur implique l'existence d'un marché passé avec une administration de l'Etat et d'un cahier des charges visé audit marché ; que c'est en se fondant sur cette considération arbitraire que l'arrêt ajoute que l'accord tacite, qui a présidé aux opérations conclues entre Villien et le président de la commission de réquisition, ne saurait revêtir les caractères juridiques d'un contrat de vente régulier»; qu'une telle décision manque de motifs, et qu'ainsi l'arrêt attaqué doit être cassé; Casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris, le 14 déc. 1917, etc.

Du 14 févr. 1918.-Ch. crim. - MM. Bard, prés.; Bourdon, rapp.; Delrieu, av. gén.; Morillot, av.

CASS.-CRIM. 8 août 1918.

TRIBUNAUX MILITAIRES, CONSEIL DE GUERRE, COMPÉTENCE, ETAT DE SIÈGE, LOI DU 27 AVRIL 1916, CRIMES OU DÉLITS PORTANT ATTEINTE A LA DÉFENSE NATIONALE, RÉQUISITIONS MILITAIRES, OFFICIER D'ADMINISTRATION, COUPS ET BLESSURES AYANT ENTRAINÉ LA MORT SANS INTENTION DE LA DONNER (Rép., vo Justice militaire, n. 199 et s.; Pand. Rép., vo Conseils de guerre et de revision, n. 367 et s.).

L'art. 6, $ 9, de la loi du 27 avril 1916, conférant, sur les territoires en état de siège, ou en cas de péril imminent résultant d'une guerre étrangère, compétence aux juridictions militaires pour tous crimes portant atteinte à la défense nationale,

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(1-2-8) L'interprétation de l'art. 6, § 9, de la loi du 27 avril 1916 (S. et P. Lois annotées de 1916, p. 197; Pand. pér., Lois annotées de 1916, p. 197), remplaçant l'art. 8 de la loi du 9 août 1849, sur l'état de siège, pouvait prêter à une certaine équivoque; celle à laquelle s'est arrêtée la Cour de cassation est la moins libérale, mais la plus large. Par crimes ou délits portant atteinte à la défense nationale », on pouvait, en effet, entendre seulement les infractions commises dans l'intention de porter atteinte à la défense du pays; on pouvait aussi y ajouter les infractions qui ont eu pour effet de nuire à cette défense, ce qui élargit notablement l'application de la loi, et peut lui donner un domaine inattendu. Mais, étant données les circonstances dans lesquelles la

n'exige point que l'auteur du crime ou du délit ait eu pour but de porter atteinte à la défense nationale (1) (L. 27 avril 1916, art. 6, § 9).

Il suffit, pour justifier la compétence du conseil de guerre, que, commise volontairement, l'infraction, en troublant un service sur lequel repose la défense du pays, soit de nature par elle-même à porter atteinte à cette défense (2) (Id.)..

Spécialement, est de la compétence du conseil de guerre le meurtre commis par un civil, dans un territoire én état de siège, sur la personne d'un officier d'administration, du service de l'intendance, alors que la victime, qui procédait à une réquisition de bétail dans l'intérêt de l'armée ou de la population civile, était dans l'exercice de ses fonctions d'officier d'administration (3) (Id.).

(Daclin). ARRÈT.

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LA COUR; Statuant sur le pourvoi de Daclin (François-Xavier) contre un jugement du conseil de guerre de la direction des étapes, qui l'a condamné, le 24 juin 1918, à la peine de mort, pour voies de fait sur la personne d'un officier d'administration chargé d'un ministère de service public, coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner, par application des art. 6, § 9, de la loi du 27 avril 1916, 267, C. just. milit., 228, 230 et 233, C. pén.; Sur le moyen unique, pris de la violation de l'art. 6 de la loi du 27 avril 1916, en ce que la décision attaquée a reconnu la juridiction militaire compétente pour juger un homicide com-` mis par un civil, n'ayant pas eu pour but de porter atteinte à la défense nationale : - Attendu que Daclin, prévenu civil, a été poursuivi et condamné pour avoir, à Verne (Doubs), le 20 avril 1918, volontairement porté un coup de couteau à l'officier d'administration Laurissesque, du service de l'intendance, chargé d'un ministère de service public, avec les circonstances: 1° que le coup a été porté alors que la victime était dans l'exercice de ses fonctions d'officier d'administration, chargé des réquisitions militaires; 2o que la mort s'en est suivie dans un délai de quarante jours; 3o que le coup de couteau a été porté avec intention de donner la mort;

Attendu qu'aux termes de la loi du 27 avril 1916, art. 6, § 9, dans les territoires en état de siège, ou en cas de péril

loi de 1916 a été votée, et en tenant compte, en outre, du désir du législateur d'assurer, dans tous les cas où la défense nationale se trouvait en cause, une répression prompte et énergique, l'interprétation, qui a prévalu devant la Cour de cassation, ne paraît pas illégitime, bien qu'elle ait incontestablement comme conséquence d'étendre une exception, et de priver les inculpés des garanties qu'offre leur renvoi devant les juridictions de droit commun. Comp. Cass. crim. 30 mars 1916 (S. et P. 1917.1.149; Pand. pér., 1917.1.149), et la note; 2 et 16 août 1917 (S. et P. 1920.1.192; Pand. pér., 1920.1.192), et la note.

(4) Une dénonciation peut être déclarée calomnieuse dans deux cas différents : 1° quand elle porte sur des faits dont la fausseté matérielle est

imminent résultant d'une guerre étrangère, les juridictions militaires peuvent connaître... d'une manière générale, de tous crimes portant atteinte à la défense nationale; Attendu que le demandeur, qui n'a pas contesté que le meurtre commis sur la personne d'un officier d'administration, opérant une réquisition de bétail dans l'intérêt de l'armée ou de la population civile, est un crime portant atteinte à la défense nationale, se borne à soutenir qu'il n'appert d'aucune constatation des décisions entreprises que l'acte reproché ait été accompli par lui avec l'intention de compromettre la défense nationale; Mais attendu que

l'art. 6, 9, de la loi du 27 avril 1916, n'exige point que l'auteur du crime ou du délit ait eu pour but de porter atteinte à la défense nationale, et que, pour justifier la compétence du conseil de guerre, il suffit que, commise volontairement, comme au cas actuel, l'infraction, en troublant un service sur lequel repose la défense du pays, soit de nature par elle-même à porter atteinte à cette défense; Et attendu que l'état de siège a été déclaré pour toute la France par la loi du 5 août 1914; qu'il suit de là que le conseil de guerre était compétent pour connaître des faits qui ont motivé la condamnation de Daclin; Rejette, etc.

Du 8 août 1918. Ch. crim. - MM. Bard, prés.; Daniel, rapp.; Trouard-Riolle, av. gén.; Retouret (substituant Me Bickart-Sée, retenu sous les drapeaux), av.

CASS.-CRIM. 2 mai 1919. DÉNONCIATION FAUSSE OU CALOMNIEUSE, FAITS MATÉRIELLEMENT VRAIS, CARACTÈRE DELICTUEUX (Rép., v Dénonciation calomnieuse, n. 81 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 124 et s.).

La dénonciation est calomnieuse et justifie l'application de l'art. 373, C. pen., bien que les faits dénoncés soient matériellement exacts, si le dénonciateur, par les circonstances dont il les a accompagnés, les a représentés comme délictueux (4) (C. proc., 373). (Moreau C. Jeanniard). LA COUR; Sur le moyen pris de la violation des art. 373, C. pěn., et 7 de la loi du 20 ayril 1810, et excès de pouvoir, en ce que l'arrêt attaqué, dont les motifs sont

ARRÊT.

reconnue par l'autorité compétente ce qui est le cas normal (V. Chauveau et Faustin-Hélie, Theor. du C. pén., 6° éd., par Villey, t. 4, n. 1836 et 1852; Blanche, Et. sur le C. pén., t. 5, n. 448; Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2o éd., t. 5, n. 2051; adde notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 373, n. 163); 2° quand elle concerne des faits vrais, que le dénonciateur dénature et présente faussement comme délictueux. V. Cass. crim. 17 nov. 1855 (P. 1857.283); 20 mai 1899 (S. et P. 1901.1.107), et la note. Adde, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 373, n. 164 et s. La dénonciation calomnieuse est, en effet, celle qui expose méchamment celui qui en est l'objet à des poursuites judiciaires ce qui peut se produire également dans les deux hypothèses susindiquées.

contradictoires et dénaturent le sens et la

portée d'une décision judiciaire antérieure, a retenu contre le demandeur un prétendu délit de dénonciation calomnieuse, alors que les faits dénoncés n'avaient pas été déclarés faux par la juridiction compétente, laquelle avait seulement décidé que ces faits, s'ils étaient établis, ne seraient pas constitutifs d'infractions à la loi pénale, cette circonstance étant d'ailleurs exclusive du délit de dénonciation calomnieuse; - Attendu que Moreau, ancien huissier, ayant, en vertu de l'art. 63, C. instr. crim., déposé contre Jeanniard, notaire, une plainte pour détournement de pièces et violation du secret professionnel, une information a été ouverte sur ces deux inculpations; que cette information a été close par une ordonnance de non-lieu; que, sur opposition de Moreau, un arrêt de la chambre d'accusation de la Cour de Paris a confirmé cette ordonnance; Attendu qu'à la suite de ces faits, Moreau a été poursuivi pour dénonciation calomnieuse, et condamné par l'arrêt attaqué à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 1.000 fr. d'amende : Attendu que l'arrêt de la chambre d'accusation énonce que « les faits dénoncés par Moreau, tels qu'ils résultent de l'instruction, ne sauraient, même en les supposant établis dans leur matérialité, constituer à la charge de Jeanniard les délits allégués par le plaignant; qu'en effet, au point de vue pénal, ces faits ne réunissent aucun des éléments délictueux susceptibles de justifier la mise en mouvement de l'action publique »; Attendu qu'il importe peu que les faits dénoncés soient matériellement vrais; qu'il suffit que le dénonciateur, par les circonstances dont il les a accompagnés, les ait représentés comme caractérisant des délits; que, d'autre part, les faits imputés à Jeanniard n'étaient pas seulement de nature à faire suspecter sa délicatesse; qu'ils apparaissent, au premier abord, d'après le contexte de la plainte, comme délictueux, et que, si l'information a établi qu'ils n'étaient pas punissables, Jeanniard n'en a pas moins été exposé à des poursuites; que, dans ces conditions,. la décision de la chambre d'accusation a été retenue à bon droit par l'arrêt attaqué pour justifier l'application au prévenu de l'art. 373, C. pén. ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme; — Rejette

(1) L'art. 41 de la loi du 21 juin 1898, sur le Code rural (S. et P. Lois annotées de 1899, p. 705; Pand. pér., 1900.3.1), interdit l'exposition, la vente et la mise en vente des animaux atteints ou soupçonnés d'être atteints de maladie contagieuse. D'autre part, aux termes de l'art. 33 de la même loi, l'arrêté préfectoral, portant déclaration d'infection, doit être pris après constatation de la maladie dans une étable. V. aussi l'art. 43 du décret du 6 oct. 1904 (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 931; Pand. pér., 1904.3.113). Les animaux, qui composent une étable déclarée en état d'infection, sont donc à considérer ou comme déjà

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CASS.-CRIM. 12 décembre 1919. EPIZOOTIE, LOI DU 21 JUIN 1898, ANIMAUX SOUPÇONNÉS De tuberculose, VENTE, DÉlit, Épreuve de LA TUBERCULINE, OFFICE DU JUGE, MESURE ADMINISTRATIVE (Rép., vo Epizootie, n. 15 et s.; Pand. Rép., v Police sanitaire, n. 552).

Caractérise suffisamment le délit prévu par l'art. 41 de la loi du 21 juin 1898, l'arrêt qui constate que le prévenu, dont l'étable avait été déclarée en état d'infection par arrêté préfectoral, a vendu des animaux qu'il savait atteints ou soupçonnés d'être atteints de maladie contagieuse (1) (L. 21 juin 1898, art. 41).

Si l'art. 46 du décret du 6 oct. 1904 permet au propriétaire de faire cesser les effets de la déclaration d'infection pour cause de tuberculose par l'épreuve de la tuberculine, les juges du fait n'ont pas, toutefois, en l'absence de conclusions prises à cet égard, à rechercher s'il a été procédé à celle épreuve (2) (Décr., 6 oct. 1904, art. 46).

Et aucune disposition de toi n'impose à l'Administration de procéder d'office à cette épreuve, et ne subordonne à l'accomplissement de cette opération les effets de la déclaration d'infection (3) (Id.).

(Combettes).

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LA COUR; Sur les conclusions tendant à ce que la Cour déclare n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi, l'action publique étant éteinte par l'amnistie, en vertu des dispositions de l'art. 2, n. 16, de la loi du 24 oct. 1919: ... (sans intérêt); Au fond: Sur le moyen unique, pris de la violation des art. 3, 30, 31 de la loi du 21 juill. 1881, 33 et 41 de la loi du 21 juin 1898, 44, 45 et 46 du décret du 6 oct. 1904, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1910, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Combettes coupable d'avoir vendu des animaux atteints où soupçonnés d'être atteints de tuberculose, par le seul motif qu'un arrêté du préfet de l'Hérault, pris le

contaminés ou comme soupçonnés d'être contaminés de maladie contagieuse. Leur vente par le propriétaire tombe, par suite, sous l'application de l'art. 41. V. sous l'empire de la législation antérieure, Cass. crim. 2 avril 1896 (S. et P. 1900. 1.251).

(2-3) L'art. 46 du décret du 6 oct. 1904 (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 931; Pand. pér., 1904.3.118) autorise à faire un départ, parmi les animaux d'une étable déclarée en infection, que le vétérinaire sanitaire a soumis à l'épreuve de la tuberculine, entre ceux chez qui l'inoculation du réactif révèle l'existence de la tuberculose, et

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE

29 févr. 1916, renouvelant un arrêté pris par lui le 15 juill. 1914, avait déclaré son étable en état d'infection pour cause de tuberculose, alors, d'une part, que, si les épreuves prévues par l'art. 46 du décret du 6 oct. 1904 avaient été effectuées, il eut fallu que l'arrêt en constatât les résultats pour donner à la condamnation prononcée, s'il y avait lieu, une base légale, et que, d'autre part, s'il n'avait pas été procédé à ces preuves, il manquait une des conditions prescrites pour la validité de la condamnation : Sur la première branche de ce moyen : Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Combettes, dont l'étable avait été déclarée en état d'infection, pour cause de tuberculose, par arrêté préfectoral du 29 févr. 1916, a vendu des animaux qu'il savait atteints de maladie contagieuse; Attendu que ces énonciations sont suffisantes pour caractériser le délit prévu par l'art. 41 de la loi du 21 juin 1898, et puni par l'art. 31 de la loi du 21 juill. 1881; Attendu qu'aux termes de l'art. 46 du décret du 6 oct. 1904, le propriétaire d'une exploitation déclarée infectée de tuberculose peut disposer, sous certaines conditions, des animaux qui ont subi l'épreuve de la tuberculine sans que la maladie ait été révélée;

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- Mais attendu que le prévenu n'alléguait pas devant les juges du fait que les animaux par lui vendus eussent été soumis à cette épreuve, et qu'en l'absence de conclusions prises à cet égard, la Cour d'appel n'avait pas à se prononcer sur ce point; qu'au surplus, ce moyen, mélangé de fait et de droit, ne saurait être proposé pour la première fois devant la Cour de cassation;

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Sur la seconde branche Attendu qu'aucune disposition de loi n'impose à l'Administration de procéder d'office à l'épreuve de la tuberculine, et ne subordonne à l'accomplissement de cette opé.ration les effets de la déclaration d'infection; Et attendu que l'arrêt est régulier, et que les faits souverainement constatés par la Cour d'appel justifient la qualification qu'ils ont reçue et les peines qui ont été prononcées; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Montpellier le 10 juill. 1919, etc. Du 12 déc. 1919. Ch. crim. MM. Bard, prés. ; Cénac, rapp.; Péan, av. gén.; Coutard, av.

ceux chez qui cette inoculation n'a rien révélé. Mais ce texte ne dit pas à qui il incombe de faire procéder à cette épreuve, si celle-ci doit être demandée par le propriétaire pour hâter la levée de l'interdit de son étable, ou s'il doit y être procédé d'office par l'Administration pour déclarer l'interdit. La Cour de cassation s'est ralliée à la première opinion, estimant que, s'agissant d'une mesure établie dans l'intérêt du propriétaire, pour lui permettre de retrouver plus rapidement le libre usage de son bétail, c'était à lui qu'il appartenait d'en demander l'accomplissement.

JURISPRUDENCE DES COURS D'APPEL,

DES TRIBUNAUX ET DÉCISIONS DIVERSES

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Dijon, 9 févr. 1894, S. et P. 1894.2.262); à propos d'un exploit ne portant pas la date du mois (V. Cass. req. 2 mars 1891, S. et P. 1895.1.493, la note et les renvois; Pand. pér., 1895.2.140), et à propos de la nullité d'un acte d'appel (V. Pau, 24 déc. 1913, S. et P. 1914.2.105; Pand. pér., 1914.2.105, la note et les renvois).

Les actes frustratoires, c'est-à-dire inutiles, engagent également la responsabilité des huissiers, car ils sont des mandataires (V. la note sous Pau, 24 déc. 1913, précité), et les mandataires répondent des fautes commises dans leur gestion (C. civ., 1992). Il a été jugé en ce sens que le fait par un huissier de continuer une poursuite contre un insolvable constitue une faute dont il doit réparation. V. Cass. req. 5 mai 1915 (S. et P. 1916.1. 68; Pand. pér., 1916.1.68), et les renvois. Il en est de même de la signification tardive d'une opposition à un jugement par défaut faute de conclure. V. Trib. de Boulogne-sur-Mer, 26 nov. 1909 (S. et P. 1912.2.92; Pand. pér., 1912.2.92).

Ce qui est vrai des simples fautes, l'est, a fortiori, des actes délictueux. Pas de doute, si l'huissier seul est coupable, si son client n'y est pour rien. Mais en sera-t-il de même, si la combinaison fraudulease, à laquelle l'huissier s'est prêté, a été conçue par son client, dont il s'est borné à exécuter les instructions?

En matière notariale, on admet, sans conteste, que le simple fait de ne pas éclairer ses clients sur les conséquences de leurs engagements, de ne pas leur faire connaitre les règles du droit, engage la responsabilité du notaire. V. Cass. req. 8 nov. ANNÉE 1920. ler cah.

Les huissiers, tenus, en qualité d'officiers ministériels, de renseigner leurs clients sur la nature, la portée et les conséquences des actes qu'ils leur suggèrent ou qu'ils exécutent sur leurs instructions, sont responsables de leurs fautes personnelles, comme conseils ou comme mandataires de leurs clients, aussi bien que des fautes commises par les clercs qui participent, sous leur direction, à la gestion de leurs charges (1) (C. civ., 1382 et s.).

En conséquence, lorsque tous les pourparlers relatifs à la dation d'un caution

1899 (S. et P. 1902.1.410; Pand. pér., 1901.1.71); Cass. civ. 9 nov. 1904 (S. et P. 1905.1.229; Pand. pér., 1905.1.839); Cass. req. 9 mai 1911 (S. et P. 1911.1.495; Pand. pér., 1911.1.495), les notes et les renvois.

En serait-il autrement en ce qui concerne les huissiers? On ne voit pas de raison d'établir une différence entre les notaires et les huissiers. Ceuxci, sont, comme les notaires, des officiers ministériels, et ils doivent, à ce titre, respecter et faire respecter la loi. S'ils manquent à ce devoir primordial de leur charge, il est juste qu'ils réparent le préjudice qui a été occasionné par leur faute.

C'est une tout autre question de savoir dans quels cas il a faute. Il est très généralement reconnu que, si le fait qu'on reproche à l'officier ministériel consiste à ne pas avoir averti son client des suites des actes à accomplir, ce fait ne devra être considéré comme une faute que dans le cas où le client est un homme illettré et sans expérience, n'ayant pas pu discerner les conséquences desdits actes. V. Cass. req. 2 juill. 1878 (S. 1879. 1.155. P. 1879.385); 6 août 1890 (S. et P. 1892.1.252; Pand. pér., 1890.1.435); 8 nov. 1899 et 9 nov. 1904, précités.

Que si, au lieu d'une imprudence ou d'une négligence, il y avait délit, la circonstance que l'officier ministériel n'aurait fait qu'obéir aux ordres de son mandant le rendrait-il indemne vis-à-vis de celui-ci ?

Il est manifeste qu'un officier ministériel est gravement répréhensible, lorsqu'il s'associe à une combinaison dolosive, et qu'il peut, de ce chef, être l'objet de poursuites disciplinaires. V. en ce qui concerne les notaires, Cass. req. 21 mars 1904 (S. et P. 1904.1.516; Pand. pér., 1904.1.519); 16 févr. 1910 (S. et P. 1910.1.557; Pand. pér., 1910.1.557), les notes et les renvois. Adde, notre Rép. gen. du dr. fr., v° Notaire, n. 1585 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 2373. V. aussi, Cass. req. 2 mars 1915 (S. et P. 1918-1919.1.83; Pand. pér., 1918-1919. 1.83).

nement à un créancier d'une faillite, en échange de l'adhésion de ce créancier au concordat, tractations qui ont exposé ce créancier à l'annulation de la garantie illicite qu'il s'était fait consentir et à des poursuites pénales, ont eu lieu dans l'étude d'un huissier, d'où ont également été expédiées toutes les correspondances et toutes les instructions relatives à cette affaire, l'huissier, qui a pris l'initiative de pareilles tractations, dont il ne pouvait ignorer ni la nature ni les risques, a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité (2) (Id.).

Est-il, dans le même cas, et sans réserve ni distinction, responsable civilement vis-à-vis de son client? Ne conviendrait-il pas, au contraire, de maintenir la distinction précédente, et de dégager sa responsabilité, si son mandant était suffisamment instruit pour discerner le caractère délictueux de la convention projetée? Notre arrêt proclame le principe de la responsabilité absolue. Après avoir rappelé qu'en fait, l'huissier avait pris l'initiative des tractations frauduleuses, tendant à obtenir, moyennant un avantage particulier, l'adhésion d'un créancier au concordat, il ajoute que la responsabilité de l'huissier serait engagée, alors même que la combinaison incriminée aurait été conçue par son client, parce qu'il était dans l'obligation de la repousser énergiquement.

Nous avons quelque peine à accepter cette théorie. Qu'au point de vue disciplinaire, le délit du mandant n'efface pas celui du mandataire, officier ministériel, nous l'admettons aisément. Mais que, dans les rapports respectifs du mandant et du mandataire, le mandataire doive indemniser le mandant du préjudice résultant d'une combinaison frauduleuse émanant de ce dernier, alors, d'ailleurs, que le mandant est compos mentis et a pu apprécier le caractère de la combinaison dont il a pris l'initiative, cela nous paraît excessif.

Sans prendre pour règle l'adage romain que celui qui subit un préjudice par sa faute doit être traité comme s'il n'avait pas subi ce préjudice : Quod quis ex culpa sua damnum sentit, non intelligitur damnum sentire (L. 203, Dig., De reg. juris, liv. 50, tit. 17), encore faut-il convenir que, s l'on peut, dans le cas de faute commune ordinaire, admettre une responsabilité commune, mitigeant, sans l'exclure, la responsabilité de l'auteur du préjudice (V. Cass. civ. 31 juill. 1912, S. et P. 1913.1.16; Pand. pér., 1913.1.16; 17 juin 1913, S. et P. 1913.1.503; Pand. pér., 1913.1.503, les notes et les renvois), il est malaisé d'autoriser l'auteur d'un délit à se retourner contre celui qui n'a fait qu'exécuter ses instructions pour obtenir

II PART. 1

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