sance est quelquefois relative. La loi ne doit statuer que sur ce qui est ordinaire; or, l'impuissance absolue est rare. D'ailleurs comment l'invoquer contre l'état d'un enfant? Ne peuton pas dire, au contraire, que l'existence de cet enfant est une preuve contre l'impuissance? Il est possible que le père soit actuellement impuissant, sans qu'il en résulte qu'il l'ait été au moment où l'enfant a été conçu. LE PREMIER CONSUL ajoute à ces observations, que d'ailleurs on conçoit, à la vérité, que la femme ait pu être admise à faire valoir l'impuissance de son mari; mais qu'il est inoui qu'on ait admis le mari à faire valoir sa propre impuissance pour contester l'état de son enfant. M. MALEVILLE fait lecture de la loi 6 ff. de his qui sui vel alieni, etc., laquelle est ainsi conçue: Filium eum definimus, qui ex viro et uxore ejus nascitur; sed si fingamus abfuisse maritum, v. g. per decennium, reversum anniculum invenisse in domo suá, placet nobis Juliani sententia hunc non esse mariti filium. Non tamen ferendum Julianus ait, eum qui cum uxore suá assiduè moratus, nolit filium adgnoscere quasi non suum. Sed mihi videtur, si constet maritum aliquandiu cum uxore sud non concubuisse, infirmitate interveniente, vel alia causa vel si ed valetudine pater-familias fuit ut generare non possit, hunc qui in domo natus est, licet vicinis scientibus, filium non esse. Cette loi, dit M. Maleville, appuie le système du Consul Cambacérès, elle est pleine de raison. Le mariage forme une présomption de droit de la paternité, qu'on ne peut pas écarter sans preuves contraires; mais elle n'exclut pas ces preuves, ⚫ et le bon sens nous dit assez que, parce qu'une femme ma riée sera accouchée, il ne s'ensuit pas nécessairement que son enfant appartienne au mari: seulement, la faveur des enfans et le repos des familles ont dû rendre le législateur très-difficile sur l'admission de ces preuves. Ainsi, quand l'exception du mari est fondée sur l'absence, on a voulu que la distance fût telle que le rapprochement fût impossible ; ainsi la dernière jurisprudence a peut-être sagement rejeté et l'allégation de l'impuissance pour cause de maladie, et celle de l'impuissance habituelle et naturelle; la première, parce qu'on a vu dans ce genre des exemples si extraordinaires, qu'ils ne laissent pas de base certaine pour asseoir son jugement; la deuxième, parce que l'homme doit s'imputer de s'être marié dans cet état, et que d'ailleurs le moyen qu'on prenait pour s'en convaincre était véritablement scandaleux. Mais il est une espèce d'impuissance accidentelle qui peut être survenue depuis le mariage, soit dans les combats, soit par toute autre cause, laquelle ne peut pas laisser le moindre doute, et il ne faudrait pas écarter par une règle absolue les exceptions qu'elle peut produire. M. PORTALIS dit qu'il est difficile de supposer qu'un individu mutilé ose présenter à la société le simulacre d'un mariage, et venir ensuite alléguer son impuissance pour désavouer ses enfans. Mais s'il se le permettait, l'enfant n'en profiterait pas moins du contrat de mariage, parce que ce contrat ne laisserait pas de subsister aux yeux de la société. En général, l'impuissance a été ou cause de divorce ou moyen de cassation; mais elle n'a jamais ébranlé l'état des enfans. L'absence de l'époux et d'autres causes semblables sont les seules qu'on ait crues jusqu'ici assez fortes pour faire douter de la légitimité. Au reste, ces questions d'état s'élèvent rarement pendant la vie des époux : ce ne serait donc qu'après leur mort que des collatéraux avides viendraient remuer, et, pour ainsi dire, réchauffer leurs cendres, pour les accuser d'avoir été froides et inanimées pendant leur vie. LE PREMIER CONSUL dit qu'il serait juste de refuser l'action aux collatéraux. Quand le mari a vécu avec l'enfant, ou il s'en est reconnu le père, ou il l'a adopté; lui seul devrait avoir le droit de réclamer, et seulement pendant les trois mois qui suivraient l'accouchement. Le Premier Consul pense qu'il convient de limiter la disposition à l'impuissance accidentelle. Il n'est pas possible de reconnaître l'impuissance naturelle; or, le législateur ne doit pas essayer de pénétrer dans des secrets que lui cache la nature: d'ailleurs son silence est dans l'intérêt des enfans. L'impuissance accidentelle, au contraire, est un fait physique sur lequel on ne peut se tromper, et que dès lors le législateur ne peut dissimuler. Au reste, une disposition très-sage serait celle qui, dans tous les cas, obligerait le père à adopter l'enfant : en même temps qu'elle viendrait au secours d'un infortuné, elle donnerait à l'État un bon citoyen; car qu'espérer de celui qui n'appartient à personne, et que tous repoussent et abandonnent à la dégradation? M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) observe que la remarque du Premier Consul porte sur l'article 7, qui rejette les réclamations des collatéraux, lorsqu'il n'y a pas eu de désaveu de la part du père. Cependant il restera à pourvoir à ce que les enfans d'un premier lit n'abusent pas de la faiblesse d'un père mourant, pour se ménager le moyen d'enlever l'état à leurs frères nés d'un second mariage. On préviendrait cet inconvénient en ne donnant aucun effet au désaveu du père, à moins qu'il ne l'ait fait avant la maladie dont il meurt, et qu'il n'ait intenté son action un mois après l'avoir fait. L'article est adopté avec le retranchement du mot naturelle. Les articles 2, 3 et 4 sont soumis à la discussion ainsi qu'il suit : Art. 2. « L'enfant né avant le cent quatre-vingt-sixième 314 « jour du mariage, n'est plus présumé l'enfant du mariage. Art. 3. « Il en est de même de l'enfant né deux cent quatre- 315 vingt-six jours après la dissolution du mariage. » Art. 4. « La présomption de paternité résultante du ma- 312 « riage cesse encore, 1o lorsque l'éloignement des époux est << tel, qu'il y ait eu impossibilité physique de cohabitation; " 2o lorsqu'ils ont été séparés de corps et de biens : à moins, « dans ce dernier cas, qu'il n'y ait réunion de fait et récon<<< ciliation entre eux. >>> LE PREMIER CONSUL (*) dit qu'il estimpossible de déterminer, d'une manière précise, le moment de la conception. Au surplus, on paraît partir d'un faux principe; car il n'y a jamais d'intérêt à priver un malheureux enfant de son état : il n'y en a qu'à forcer ses père et mère à le reconnaître. M. FOURCROY demande si les articles en discussion sont nécessaires. Il est impossible, dit-il, de reconnaître à des signes certains l'âge d'un enfant qui naît. On n'a sur cela que des aperçus ou équivoques ou trompeurs. La question des nais (*) § A quel terme doit naître l'enfant pour être légitime. LE PREMIER CONSUL: Un enfant né à six mois six jours peut-il vivre ? » LE PREMIER CONSUL: - On part de données très-vagues. On n'a aucun intérêt à flétrir une créature innocente. Comment sait-on quand un enfant est conçu? Quand les théologiens croient-ils que l'âme entre dans le corps?» FOURCROY: Les uns à six semaines, d'autres à..... LE PREMIER CONSUL: Cette matière donne lieu à des observations de deux sortes: 1o le terme auquel naît l'enfant; 2o l'état dans lequel il se trouve en naissant. On dit que le fœtus est formé à six semaines, il peut donc naître à cette époque. Il naîtra mort; mais il sera né. Né est donc une mauvaise expression dont on se sert dans le projet. Il faudrait dire né vivant. Il peut aussi naître mort à neuf mois. Qu'est-ce qui constate que l'enfant est viable ou non? Quand a-t-il vie dans le ventre de sa mère? 20 TRONCHET: On pourrait dire l'enfant né à terme avant cent quatre-vingt-six jours.. LE PREMIER CONSUL: Qu'est-ce que terme ? » FOURCROY: De sept à neuf mois. LE PREMIER CONSUL: Les gens de l'art peuvent-ils connaître si un enfant est né à neuf mois?» FOURCROY: «Non.» LE PREMIER CONSUL: Un enfant peut-il naître vivant à six mois? - LE PREMIER CONSUL: J'adopterais que le père pourra désavouer l'enfant né avant cent quatre-vingt-six jours, et qui survit un certain temps. Mais quand l'enfant est né mort, il doit toujours appartenir au mariage. Quand les ongles viennent-ils aux enfans? . FOURCROY: Avant six mois.. LE PREMIER CONSUL: Si un enfant me naissait à cinq mois, je le prendrais pour être de moi, et je le croirais malgré les médecins. (Tiré des Mémoires de M. Thibaudeau sur le Consulat, pages 452 et 453.) sances accélérées et des naissances tardives a donné lieu à des opinions, et même à des décisions judiciaires très-variées en différens temps et en différens lieux. Il présente sur cet objet un précis de la doctrine des meilleurs auteurs de médecine (a). (a) PRÉCIS PRÉSENTÉ PAR M. FOURGROY, Sur l'époque de la naissance humaine, et sur les naissances accélérées et tardives. La question du terme de la naissance humaine, et surtout celle des naissances tardives, ou du terme prolongé des accouchemens, considérées sous le rapport de la législation, sont peut-être, de toutes les questions médico-légales, celles sur lesquelles on a le plus écrit, et qui ont le plus partagé les naturalistes et les médecins, surtout en 1765, époque d'un procès fameux dans ce genre de causes. Il a paru alors à Paris une foule de dissertations sur cet objet; mais, avant d'en faire mention, il ne sera pas inutile d'exposer au Conseil la doctrine des principaux auteurs qui se sont occupés, avant cette époque, de la question des accouchemens retardés, et du terme de la naissance de l'homme. Doctrine de Paul Zacchias. Parmi ces auteurs, Paul Zacchias est celui qui, dans ses questions médico-légales, a traité le plus méthodiqueinent et le plus clairement l'objet qui occupe le Conseil. Son mode de discussion faisant le passage entre les auteurs anciens et modernes, et la plupart de ceux qui ont écrit des ouvrages de médecine légale à peu d'intervalle de celui de Zacchias, ne l'ayant qu'imparfaitement imité, il est utile de donner ici un précis de la doctrine de ce savart. Paul Zacchias a consacré le titre II de son premier livre à la question du part légitime et viable, de partu legitimo et vitali; il a divisé le titre en dix questions: La première, sur le terme naturel de la naissance; La deuxième, de l'accouchement avant le septième mois; La troisième, de l'accouchement à sept mois; La quatrième, de l'accouchement à huit mois; La cinquième, de l'accouchement à neuf et à dix mois: La sixième, de l'accouchement au-delà de dix mois Les quatre questions suivantes, qui traitent des signes de l'enfant ne sans viabilité, du nombre des fætus-viables qui peuvent naître d'une seule couche, du jour où le fatus conçu est animé, enfin, de l'accouchement qui doit être consideré comme avortement, n'ayant point de rapport avec l'objet qui occupe le Conseil, on ne parlera que des six premières. Le terme de la naissance a été traité par Paul Zacchias d'après les données d'Hippocrate et d'Aristote. Voici comment il discute cette première question: Aristote voyant qu'Hippocrate avait admis des naissances depuis sept jusqu'à onze mois, en a conciu que l'homme n'avait point de terine fixe pour sa naissance comme les autres animaux. De là, quelques tribunaux ont légitimé même une naissance de treize mois. Une foule d'auteurs et de jurisconsultes ont adopté l'opinion d'Aristote; ils l'ont appuyée sur la diversité des tempéramens, des saisons et des températures; sur la capacité variée de l'uterus; sur la quantité diverse du sang; sur la nature tout à la fois multipare et paucipare de l'espèce humaine, etc., etc. Zacchias réfute longuement toutes ces raisons. Il n'est pas vrai, suivant lui, que l'homme soit le seul animal dont le tempérament varie: tous les animaux présentent des disparités entre les individus. Pourquoi, d'ailleurs, si la différence de la naissance tenait à celle des tempéramens, cette différence ne serait-elle pas aussi multiplice que celle des tempéramens même ? La grandeur de l'uterus varie dans les animaux où l'on n'admet pas la variété de naissance: pourquoi la même femme a-t-elle souvent un accouchement de sept mois et un autre de neuf? La quantité de sang n'est pas une cause de variété de naissance, puisque toutes les jeunes femines, qui ont moins de sang, devraient accoucher à neuf mois, et toutes les femmes plus âgées, à sept mois : cependant on n'observe pas cette constance dans le terme comparé de leurs accouchemens. L'homme n'a point une nature moyenne entre les animaux multipares et les paucipares: il n'appartient qu'à cette dernière classe. En considérant quelques femmes comme paucipares, et quelques autres comme multipares, celles-ci devraient toujours accoucher à sept ou huit mois, et cellesà neuf ou dix; là et l'on sait que celle constance de rapport n'existe point. S'il était vrai, comme le voulait Aristote, que l'homme n'eût point un terme fixe de naissance, pourquoi ne naîtrait-il pas des individus au delà de onze mois, et d'autres avant sept mois? pourquoi n'y aurait-il pas des naissances à deux ou trois mois, comune à deux ou trois ans? En reufermant cette latitude entre sept et dix mois, il est cependant remarquable que les enfans nés à dix mois vivent presque tous, tandis qu'il meurt beaucoup de ceux qui naissent à sept mois. Zacchias conclut de cette discussion et de beaucoup d'autres raisons tirées des causes finales, qui n'ajoutent rien à la force de ses raisomemens, que la nature a fixe un terme à la naissance de l'homme, comme à celle de tous les animaux; que ce terme est l'étendue du neuvième et du dixième mois, que la naissance au septième et au huitième mois est un accident ou une maladie; |