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premiers devoirs des gouvernements... La destruction des forêts est souvent devenue, pour les pays qui en furent frappés, une véritable calamité et une cause prochaine de décadence et de ruine. Leur dégradation, leur réduction au-dessous des besoins présents ou à venir, est un de ces malheurs qu'il faut prévenir, une de ces fautes que rien ne saurait excuser, et qui ne se répareraient que par des siècles de persévérance et de privation. Les droits d'usage, ajoutait-il, forment, pour la propriété de l'Etat comme pour la propriété privée, le plus redoutable des dangers et la source la plus féconde de dommages et d'abus.»

Aussi déclarait-il que, en pareille matière, la loi doit, dans une certaine mesure, intervenir pour réglementer l'exercice de la propriété privée.-M. Favard de Langlade, dans son rapport à la Chambre des députés, déclarait également que la possession des bois doit subir des modifications ou limitations pour cause d'utilité publique, et, comme M. de Martignac, il signalait le danger de la destruction des forêts par l'abus des usages, appelés si justement, disait-il, des servitudes dévorantes. Enfin, dans son rapport à la Chambre des pairs, M. Roy présentait la faculté accordée au propriétaire d'affranchir sa forêt des droits d'usage en bois par le cantonnement, comme la principale garantie contre l'abus des droits d'usage, et faisait observer que si le cantonnement, par cela même qu'il substitue, sur la demande de l'un des contractants et malgré la résistance de l'autre, une convention nouvelle remplaçant le contrat primitif, offense la loi civile, il se justifie par des vues politiques et supérieures, et que les moyens de parvenir à détruire les causes d'une si redoutable dévastation sont commandés sous tous les rapports par général de la société. C'était aussi par les mêmes motifs d'intérêt public que le rapport justifiait l'assimilation faite par l'art. 118, C. for., relativement à l'exercice du cantonnement, entre les particuliers et l'Etat.

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Or, s'il est évident que c'est dans des considérations d'ordre public que les art. 63 et 118, C. for., prennent leur source, comment admettre qu'il puisse y être dérogé par des conventions privées, et qu'un propriétaire puisse renoncer à tout jamais à l'exercice d'un droit établi, non pour son avantage particulier, mais dans des vues d'un ordre supérieur, politique et social, comme le disent les documents officiels ci-dessus rappelés?-I est vrai que l'art. 2, C. for., quí a restitué, en principe, aux particuliers toutes les prérogatives de la propriété, ne prohibe nullement, non plus que tout autre texte, la renonciation à la faculté du droit de cantonnement. Il est vrai aussi que, par deux arrêts des 8 avril 1857 (P.1857.773) et 4

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vant le tribunal de Marennes. Le sieur Lecocq alors a réclamé le cantonnement de la forêt; mais les usagers ont résisté à cette demande en prétendant qu'un des précédents propriétaires de la forêt, le sieur de Conflans, avait renoncé à l'exercice du cantonnement, et ce aux termes d'une transaction du 15 nov. 1830, ainsi conçue : « Le propriétaire renonce, pour lui et les siens, à toujours et à jamais,

août 1858 (P.1859.576.

S.1859.1.159), la Cour de cassation, en se fondant sur ledit art. a reconnu la validité et l'efficacité de la renonciation faite aux formalités, soit de la délivrance, soit de la reconnaissance de défensabilité, formalités qui, elles aussi, se rattachent à la conservation des forêts, et peuvent, dès lors, être considérées comme se liant à l'intérêt public. A cette objection, on peut répondre que les mesures qui ont pour objet la conservation des forêts n'ont pas toutes, aux yeux de la loi, le même degré d'importance; qu'elles ne sont pas toutes commandées d'une manière aussi impérative; que la renonciation du propriétaire aux formes qui doivent accompagner l'exercice des usages ne présente pas de dangers, tant qu'il reste en possession du droit de les faire cesser, s'ils deviennent abusifs, au moyen du cantonnement, et que cette garantie essentielle de la conservation des forêts demeure intacte. Il ne semble donc pas qu'il y ait rien à induire des deux arrêts précités en faveur de la validité de la renonciation au cantonnement qui, lui, intéresse au premier chef l'ordre public.-Le cantonnement a toujours été considéré comme un droit si essentiel que la jurisprudence en autorise l'exercice même alors qu'antérieurement il y aurait eu un aménagement restrictif des limites dans lesquelles l'usage peut être exercé. V. Cass. 7 août 1833 (P. chr. -S.1833.1.726) et 1er déc. 1835 (P. chr. S.1836.1.102); V. aussi M. Meaume, C. for., t. 1, n. 427, el Dr. d'usage, t. 1, n. 159. - C'est donc avec raison que l'arrêt ici recueilli déclare nulle la clause qui tend à interdire à tout jamais au propriétaire ou aux siens l'exercice de la faculté de cantonnement.

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Dans la défense au pourvoi, on signalait, en outre, la clause dont s'agit comme contraire à un autre principe du droit public, celui qui veut que nul ne puisse être tenu de rester dans l'indivision. Il est certain, disait-on, que les usages forestiers créent avec la propriété un état d'indivision de droits. Cette qualification d'état d'indivision est, en effet, appliquée par l'arrêt précité de 1835 å la situation respective du propriétaire et de l'usager (V. aussi M. Meaume, loc. cit.), et elle paraît se justifier par cette considération que, indépendamment de la communauté de droits qui en résulte sur les produits de la forêt, les usages engendrent encore au profit des usagers le droit de s'immiscer dans l'administration de la propriété et de s'opposer aux mesures qui pourraient amener une diminution de leur émolument. Mais notre arrêt ne s'est pas préoccupé de la question à ce dernier point de vue.

à parquer les habitants des communes de Mathes et d'Arvert dans la forêt d'Arvers, et

à racheter le droit d'usage au bois mort et au mort-bois qu'ils y ont, sous quelque raison et prétexte que ce puisse être, renonçant pour cet effet, de la manière la plus formelle, à faire valoir en sa faveur soit les dispositions du Code forestier qui nous régit maintenant, soit celles de toutes les lois, décrets, ordonnances et arrêts qui pourraient être rendus à l'avenir et qui l'y autoriseraient. >>

24 janv. 1865, jugement du tribunal de Marennes qui déclares cette renonciation nulle comme dérogeant à une disposition d'ordre public « Attendu, porte ce jugement, que la faculté d'affranchir les forêts de tous droits d'usage en bois, moyennant un cantonnement, a été établie par le législateur de 1827, ainsi que cela résulte jusqu'à la dernière évidence de tous les documents législatifs, en vue de protéger d'une manière efficace le sol forestier, dont la conservation est l'un des premiers intérêts de la société, et par conséquent l'un des premiers devoirs du gouvernement, et cela en permettant à l'Etat, aux communes et aux particuliers, de s'affranchir de ces droits d'usage en bois qui sont le plus redoutable des dangers et la Source la plus féconde de dommages et d'abus, selon M. de Martignac (exposé des motifs), de ces servitudes dévorantes, comme les appelait M. Favard de Langlade, rapporteur de la commission; Attendu qu'il est vrai de dire que les dispositions contenues dans l'art. 63, C. forest., se rattachent évidemment à l'ordre public et à l'intérêt général, par cela seul qu'elles sont léonines, exorbitantes, et offensent la loi civile en autorisant le propriétaire à substituer, malgré l'usager, une convention nouvelle au contrat primitif, puisque, ainsi que cela résulte du rapport de M. le comte Roy à la Chambre des pairs, il ne fallait rien moins pour les faire admettre que des vues politiques supérieures et que l'intérêt général de la société; Attendu que notre législation ne reconnaît plus ni rentes, i redevances perpétuelles, et que les principes consacrés dans l'art. 63, C. forest., sont absolument les mêmes que ceux que le législateur de 1804 a fait prévaloir dans l'art. 1911, C. Nap.; d'où la conséquence que tout droit d'usage en bois est tout aussi essentiellement cantonnable que la rente constituée perpétuelle est essentiellement rachetable; Attendu que l'on argumente en vain, de la part des communes usagères, de ce qu'en principe les servitudes ou services fonciers admis par le Code Napoléon, ont tous pour but l'utilité ou l'agrément de la propriété, tandis que les servitudes usagères constituent une entrave à la libre disposition des biens, sans qu'aucun intérêt public vienne les justifier; à ce point de vue encore, il serait vrai de dire avec Dalloz que le cantonnement ren tre dans l'esprit de nos lois modernes qui tendent au dégagement de la propriété

Attendu, quant aux raisons de décider contrairement à ce qui précède que l'on tires de la loi du 18 juin 1859, et notamment de ce que cette loi reconnaît au propriétaire le droit de défricher, à moins que la forêt ne soit dans l'un des six cas énumérés par l'art. 220, que c'est en vérité aller par trop loint que de décider que, depuis cette loi, la conservation des forêts n'est plus considéréc comme étant absolument d'ordre public; Attendu, en effet, que cette loi, bien com{ prise et sainement interprétée, est un argue ment sérieux en faveur de l'opinion que le tribunal vient de faire prévaloir, par cela seul qu'elle assure à la propriété foncière une répression plus énergique et plus efficace, et rend définitives, en les tempérant, des dispositions ultra-conservatrices que les législateur de 1827 avait édictées pour vingt e ans seulement; et d'ailleurs, est-ce que lar conservation de la forêt d'Arvert n'est pas nécessaire à la protection de la côte contre les érosions de la mer et les envahissements des sables? Attendu, au surplus, que l'on ne comprend guère la résistance qu'opposent les communes usagères à un cantonnement qui ne peut que leur être avantageux SOUS Y tous les rapports, puisqu'il doit avoir pour conséquence, en premier lieu, d'enrichir, au profit des malheureux, la communauté, qui est pauvre quoique la plupart de ceux qui la composent aient plus que l'aisance, et, en second lieu, de faire disparaitre du pays des habitudes de pillage et de dévastation souverainement démoralisatrices; -Par ces motifs, etc. »befohasuroh of goitevildall pryggen Appel par les communes usagères; mais, le 14 août 1865, arrêt confirmatif de la Cour de Poitiers.ush betongo

POURVOI en cassation pour violation des art. 686, 1134, 2052, C. Nap., fausse application des art. 6, 686 et 1133, même Code, ainsi que des art. 63 et 118, C. forest., en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le propriétaire d'une forêt ne pouvait renoncer au droit de cantonnement. Sans méconnature, a-t-on tr dit, le caractère de lois d'intérêt public aux lois qui ont introduit la faculté de cantonnement, il n'est pas moins certain qu'elles ont laissé le propriétaire juge de l'utilité qu'il pourrait y avoir pour lui à user de cette faculté, et qu'aucun texte ne lui défend d'y renoncer. De ce que cette faculté lui a été donnée dans l'intérêt public, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'elle soit inaliénable. L'intérêt public est satisfait du moment que le propriétaire a pu prendre librement son parti. C'est ce qui résulte de l'ensemble des dispositions du Code et de la jurisprudence qui s'est formée sur ces dispositions. En prin cipe, aux termes de l'art. 2, C. forest., qui abandonne en ce point le système de l'ord. de 1669, les particuliers exercent sur leurs bois tous les droits de la propriété. L'article ajoute, il est vrai, sauf les restrictions spécifiées au présent Code ». Mais ces res

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volonté des parties. — La faculté de cantonnement n'est pas d'autre nature/Toutes ces dispositions constituent un ensemble de mesures destinées à protéger le propriétaire contre les dévastations des usagers; mais le propriétaire n'est pas tenu de se laisser 'protéger malgré lui, il peut renoncer à touteser les faveurs que la loi lui assure, et, par con

1824.

trictions consistaient dans la servitude de martelage, et dans l'interdiction de défricher. La première a disparu; la seconde a été fortsatténuée par la loi du 18 juin 1859.3 Les propriétaires de bois peuvent done disposer de leurs bois de la manière la plus absolue, d'après le principe écrit dans l'art. 544, G. Nap., et, aux termes de l'art. 686, ils peuvent les grever de toute espèce de servi-séquent, au droit de cantonnement comme tude, pourvu que ces servitudes ne soient pas contraires à l'ordre public. Or, quelle que soit l'aversion que les usages forestiers inspiraient au législateur de 1827, il ne les a cependant pas considérés comme contraires à l'ordre public;il a, en effet, maintenu les usages existants, et s'il a interdit d'en concéder de nouveaux dans les forêts de l'Etat (art. 62), cette interdiction n'a pas été re. produite par lui à l'égard des bois des particuliers (art. 120). Les particuliers peuvent donc constituer de nouveaux droits d'usage: leur liberté, sous ce rapport, est illimitée; et l'on peut ajouter qu'elle est sans danger, car ils sont les premiers intéressés à n'en pas faire abus. Mais s'ils peuvent créer de nouveaux droits d'usage, pourquoi ne pourraient-ils pas renoncer à cantonner les anciens ? Cette liberté n'est pas plus dangereuse que l'autre, et elles semblent se lier intimement. Sans doute la conservation des forêts est intéressée à ce que les usages puissent être cantonnés; mais ne demande-t-elle pas surtout quebles usages s'exercent dans des conditions convenables? La loi, à cet égard, a prévu divers cas. Ainsi, elle impose aux usagers l'obligation de demander la délivrance (art. 79 et 120); et cependant la Cour de cassation a jugé, par arrêt du 4 août 1858 (V. la note), que le propriétaire dans l'intérêt duquel cette règle générale a été établie peut y renoncer parisaune convention expresse. De même, l'art. 119 porte que les droits de pâturage, parcours, pauage et glandée dans les bois des particuliers, ne pourront être exercés que dans les parties de bois déclarées défensables par l'administration forestière, et suivant l'état et la possibilité des forêts reconnus et constatés parola même administration. Ici, encore, le législateur a évidemment voulu protéger la propriété forestière, et en assurer la conservationet, cependant, par un arrêt du 8 avril 1857 (V. la note), la Cour de cassation a jugé que cette prohibition n'était pas absolue et qu'il pouvait y être dérogé par des conventions particulières. Enfin l'art. 830p rendu applicable, par l'art. 120, aux bois des particuliers, interdit aux usagers de vendre ou d'échanger les bois qui leur ont été délivrés, et de les employer à aucune autre destination que celle pour la quelle le droit d'usage a été accordé; set pourtant il a été reconnu, lors de la discussion à la Chambre des députés (V. Moniteur du 24 mai 1827); que les clauses constitutives des droits d'usage n'ont, quant à l'étendue des droits concédés, d'autres limites que la ANNÉE 1867.-10° LIVR.

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aux autres, sans qu'il soit possible d'établir aucune distinction à cet égard.→ Au surplus, cette liberté du propriétaire est de droit commun en fait de servitudes. Aux termes de l'art. 701, C. Nap., lorsque l'assignation primitive d'une servitude est devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêche d'y faire des réparations avantageuses, il peut offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-cine peut pas le refuser. C'est là une disposition favo rable, à coup sûr, puisqu'elle a pour effet d'alléger le fardeau de l'un, sans diminuer le bénéfice de l'autre ; et cependant on peut y renoncer par convention expresse, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation le 19 mai On objecte le principe de la liberté des héritages posé par le Code rural de 1791, et celui du rachat des rentes introduit par la loi de mars 1790, et confirmé par les art. 530 et 1911, C. Nap.; mais ces objections ne sont nullement décisives. En effet, il est certain que les droits d'usage sont des servitudes réelles, et que la renonciation au cantonnement ne constitue qu'une aggravation de servitude; or, le Code Napoléon admet les servitudes perpétuelles, et proclame la liberté des conventions en pareille matière (art. 686). Il ne s'agit donc ni d'un droit inhérent au droit de propriété, comme celui de se clore ou de se borner, ni d'une faculté accordée à un débiteur, favore liberationis, et à laquelle la loi elle-même interdit expressément de renoncer. Pourquoi, d'ailleurs, le législateur a-t-il déclaré nulle toute stipulation contraire à la faculté de rachat des rentes perpétuelles? C'est que le débiteur de la rente est un emprunteur, et que, dans tout emprunt, c'est le prêteur qui fait la loi du contrat et l'emprunteur qui la subit; or, si la loi n'avait pas déclaré nulle toute stipulation contraire à la faculté de rachat, ces stipulations seraient devenues de style et le vœu de la loi n'aurait pas été rempli. Il n'en est pas de même en matière de servitudes. Il y a égalité entre les parties contractantes; elles ne peuvent se faire la loi l'une à l'autre, et toutes deux méritent également protection. On n'a pas à craindre, par conséquent, que telle ou telle clause devienne de style, et on en a bien la preuve par l'affaire actuelle, puisqu'elle est absolument sans précédent. Au surplus, en renonçant à la faculté de cantonnement, le propriétaire ne porte atteinte à la liberté de son fonds qu'autant qu'il est nécessaire pour le maintien de la servitude d'usage. Il est con

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stant que la servitude qui appartient aux usagers ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire modifie l'aménagement de sa forêt pour suivre des méthodes de culture perfectionnées; s'il ne peut s'entendre à cet égard avec l'usager, la justice interviendra, et il sera fait un règlement pour concilier les deux droits. Mais le droit existe toujours, et, dès lors, le cantonnement ne peut être considéré comme un préliminaire indispensable de tout perfectionnement dans la culture forestière. C'est ce qui résulte d'un arrêt de la Cour suprême du 14 juill. 1858 (P.1859.577.

S.1859.1.154). De tout ce qui précède, il suit donc qu'en déclarant nulle la renonciation faite par le propriétaire à la faculté de cantonnement, l'arrêt attaqué a violé les textes précités.

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ARRÊT.

LA COUR; Attendu que la faculté de cantonnement autorisée par les art. 63 et 118, C. forest., a été édictée dans des vues politiques et supérieures, la conservation des forêts; Que si chacun peut renoncer aux facultés et droits qui lui sont déférés pour son avantage personnel, il en est autrement quand il s'agit, comme dans l'espèce, d'une faculté établie dans un intérêt d'ordre public; Qu'en le jugeant ainsi et en annulant, par suite, la clause de la transaction par laquelle le marquis de Conflans avait renoncé à toujours, pour lui et les siens, à exercer le cantonnement dans la forêt dont s'agit, l'arrêt attaqué, loin de violer la loi, n'en a fait qu'une juste application; - Rejette, etc.

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Du 17 juill. 1867. Ch. civ. MM. Pascalis, prés.; Fauconneau-Dufresne, rapp.; de Raynal, 1er av. gén. (concl. conf.); Dareste et Mimerel, etc.

CASS.-CIV. 23 juillet 1867. TESTAMENT, DISPOSITION NULLE, SUBSTITUTION PROHIBÉE, RÉVOCATION, POUVOIR DU

JUGE.

La nullité d'un testament pour cause de substitution prohibée ne peut, s'il est d'ailleurs régulier en la forme, inficier ses autres dispositions, notamment la clause de révocation d'un testament antérieur (1). (C. Nap., 1035 et 1037.)

La clause révocatoire d'un testament antérieur, écrite dans un second testament contenant, au profit du même légataire, une disposition qui se trouve viciée de nullité comme renfermant une substitution prohibée, doit, alors qu'elle est précise et formelle, produire son effet, sans qu'il soit permis aux juges de décider, par appréciation de la volonté du testateur, que la clause révocatoire était subordonnée à la condition que le second testament recevrait son exécution (2).

(1-2) V. les autorités rappelées dans la note

(Duboscq et Berreau C. Busson.) fot Les sieurs Duboscq et Berreau se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de la Cour de Caen du 17 janv. 1865, rapporté dans notre vol. de 1865, pag. 468, pour violation des art. 1035, 1036 et 1037, C. Nap., ainsi que des art. 6 et 896, même Code, en ce que cet arrêt avait refusé effet à une clause expresse de révocation de testament.-Deux sortes de révocation en matière de testament, a-t-on dit pour les demandeurs, sont indiquées et admises par les art. 1035 et 1036, C. Nap.: d'une part, la révocation expresse, qui peut résulter soit d'un testament postérieur, soit d'un acte passé devant notaire; d'autre part, la révocation tacite, qui a lieu lorsque les dispositions contenues dans le testament postérieur sont inconciliables avec celles qui faisaient l'objet du précédent testament. Quand c'est la première voie qu'a suivie le testateur, quand, dans un testament postérieur ou dans un acte par-devant notaire, il a, en termes exprès, déclaré révoquer d'une manière pure et simple ses dispositions précédentes, il semble qu'il n'est qu'un droit et qu'un devoir possible pour le juge donner effet à la volonté formellement exprimée par le testateur, sans pouvoir, à l'aide d'interprétations conjecturales, y apporter des changements, supposer des conditions. Ces interprétations conjecturales ne sont pas même permises en matière de révocation tacite; et il est d'autant plus nécessaire de les repousser quand il existe des révocations expresses, que, si elles pouvaient être rendues conditionnelles par le juge, jamais le disposant ne pourrait être certain que sa dernière volonté sera accomplie. Telle n'a pas été la doctrine de l'arrêt attaqué. Et cependant, dans l'espèce, le testament du 2 juin 1848 contenait à la fois une révocation tacite et une révocation expresse du testament du 25 fév. 1829: une révocation tacite, car les mêmes biens légués en 1829 au sieur Busson seul et en pleine propriété, avaient été donnés en 1848 au même sieur Busson comme grevé de substitution, et à ses enfants comme substitués; une révocation expresse et absolue, car la testateur déclare formellement révoquer tous testaments antérieurs, notamment celui du 25 fév. 1829.-Suivant l'arrêt attaqué, le testament de 1829 n'aurait été révoqué que conditionnellement par celui de 1848, et pour le cas où ce dernier testament aurait pu re

jointe à l'arrêt ici cassé de la Cour de Caen du 17 janv. 1865 (P.1865.468. S.1865.2.98). V. également Paris, 25 mars 1859 (P.1859.487.-S. 1859.2.499); Cass. 10 juill. 1860(P.1861.275.— S.1860.1.708), ainsi que l'annotation qui accompagne un arrêt de la Cour de cassation du 6 janv. 1863 (P.1863.225. S.1863.1.233). Junge MM. Demolombe, Donat. et testam., t. 5, n. 158 et 195, et Bertauld, Quest. prat. du Cod. Nap., n. 436 et suiv.

(P.1861.275. S.4860.1.708). L'autorité de ces arrêts, de date récente, doit prévaloir sur celle de l'arrêt du 25 avril 1825, invoqué par le pourvoi et rendu à une époque où la jurisprudence se montrait plus sévère sur l'interprétation des actes de dernière volonté. Ils ne laissent aucun doute sur le pouvoir souverain qu'ont les juges du fait pour interpréter la volonté du testateur en rapprochant les unes des autres les dispositions des divers actes de dernière volonté émanés du testateur. Il suffirait presque de changer les noms des parties pour que les motifs de ces arrêts pussent s'appliquer à la cause actuelle. L'arrêt attaqué constate formellement, de même que ceux qui ont été précédemment déférés à la Cour suprême, que l'intention persistante de la testatrice était de gratifier le sieur Busson, et qu'elle n'a entendu révoquer son premier testament que dans le cas où le second recevrait son exécution. Il ne saurait dès lors tomber sous la censure de cette Cour.

ARRET (après délib. en ch. du cons.).

cevoir son exécution; mais la substitution prohibée qui y était contenue rendant cette exécution impossible, les dispositions précédentes devaient être maintenues. Cette décision est une violation manifeste des art. 1035 et 1036, C. Nap. La clause révocatoire contenue dans le testament de 1848 était formelle; elle visait même par une mention spéciale le testament de 1829; de plus, elle était pure et simple. Or, ajouter à cette clause révocatoire une condition qui ne s'y trouve point, c'est comme si l'on suspendait par une condition l'effet d'une libéralité faite d'une manière ferme et définitive. Sur quoi, d'ailleurs, se base l'arrêt attaqué? Sur ce que de legs de 1848, rapproché de celui de 1829, indiquerait la volonté persévérante de la testatrice de gratifier le sieur Busson de la portion d'immeubles qui lui appartenait dans la communauté d'avec son mari. Mais, d'abord, on n'aperçoit aucun lien entre la clause révocatoire contenue dans le second testament et l'exécution de la disposition au profit du sieur Busson. Sans doute, les immeubles légués en 1848 sont les mêmes que ceux qui faisaient l'objet du testament de LA COUR ;-Vu les art. 1035, 1036, 1037 1829; mais, par ce premier testament, le lé- et 896, C. Nap.; Attendu que, par un gataire en devenait propriétaire incommuta- premier testament du 25 fév. 1829, la veuve ble et définitif; par le second testament, au Busson a légué à Jean Busson, son beau-fils, contraire, il n'en était gratifié qu'à la condi- la part qui lui appartiendra au jour de son tion de conserver et de rendre les mêmes décès dans les biens immeubles dépendant biens à ses enfants. La situation était donc de la communauté ayant existé entre elle et toute différente, et il est impossible de sou- son mari; et que, par un second testament tenir que ce soit la même volonté qui ait du 2 juin 1848, elle a légué les mêmes imprésidé au testament de 1829 et à celui de meubles audit Jean Busson, mais en lui im1848. Ensuite, quand même il en serait posant cette fois la charge de les conserver ainsi, cela importerait peu. Lorsque la révo- et de les rendre à tous ses enfants nés et à cation est expresse, le juge, nous le répétons, naître ;-Attendu que cette substitution, aun'a qu'une chose à faire, lui donner effet. torisée, au moment où les deux testaments C'est ce qu'a bien nettement décidé un arrêt ont été faits, par la loi du 17 mai 1826, est de la chambre civile du 25 avril 1825, dans tombée depuis, et avant le décès de la testaune espèce moins favorable encore que celle trice, sous les dispositions prohibitives de de la cause. Ajoutons qu'il est indifférent, l'art. 896, C. Nap., remis en vigueur par la pour l'effet de la clause révocatoire, que le loi du 7 mai 1849; que, dès lors, le legs testament qui la contient ne puisse pas rece- qui substituait à Jean Busson ses enfants nés voir son exécution, et que ce soit, dans l'es-et à naître était nul à l'égard du grevé, compèce, à raison d'une substitution prohibée que cette exécution n'ait pas lieu; car il est de jurisprudence constante que l'art. 1037 n'est pas limitatif; et il résulte, d'ailleurs, d'un arrêt de la chambre civile du 25 juill. 1849 (P.1850.1.451. S.1849.1.673), que, spécialement, la substitution prohibée doit être assimilée aux cas nominativement prévus par l'art. 1037. L'arrêt attaqué ne saurait donc échapper à la cassation.

Pour le défendeur, on a répondu que la Cour de Caen avait jugé souverainement que la révocation du premier testament était conditionnelle. Le pouvoir des juges du fait de décider que, dans l'intention du testateur, la révocation du premier legs est conditionnelle et subordonnée à la validité de la seconde disposition, a été reconnu par plusieurs arrêts de la Cour suprême. V. notamment arrêts des 5 juill. 1858 (P.1859.484.-S.1858.1.577) et 10 juill. 1860

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me à l'égard des appelés; Attendu, en outre, que le testament étant régulier en la forme, cette nullité ne pouvait pas inficier ses autres dispositions; que cela est particulièrement vrai de celle qui suit et dont voici les termes : « Je révoque tous les testaments antérieurs, et notamment celui du 25 février 1829; » Attendu, au fond, que cette clause est précise et formelle ; que, prise en elle-même, elle exclut toute ambiguité et n'est pas susceptible d'interprétations diverses; que, de plus, elle n'est ni contredite ni modifiée par aucune disposition du testament d'où l'on puisse inférer que la veuve Busson ait voulu en suspendre ou en restreindre les effets; Attendu, en outre, que l'interprétation de l'arrêt, qui se fonde uniquement sur la volonté présuméc de la testatrice pour subordonner cette clause à la condition que les dispositions contenues dans le testament du 2 juin 1848

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