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(Comm. de Mathes et d'Arvert C. Lecocq.) 9 La forêt d'Arvert, appartenant au sieur Lecocq,est grevée de droits d'usage en bois mort et mort-bois au profit des habitants des communes de Mathes et d'Arvert. En 1860, des difficultés s'étant élevées sur le modé et l'exercice de ces droits réglés par diverses transactions, un procès s'engagea de

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vant le tribunal de Marennes. Le sieur Lecocq
alors a réclamé le cantonnement de la forêt;
mais les usagers ont résisté à cette demande
en prétendant qu'un des précédents proprié-
taires de la forêt, le sieur de Conflans, avait
renoncé à l'exercice du cantonnement, et ce
aux termes d'une transaction du 15 nov. 1830,
ainsi conçue « Le propriétaire renonce,
pour lui et les siens, à toujours et à jamais,

DEBAT

la

août 1858 (P.1859.576.) S.1859.1.159),
Cour de cassation, en se fondant sur ledit art. 2,
a reconnu la validité et l'efficacité de la renoncia-
tion faite aux formalités, soit de la délivrance,
soit de la reconnaissance de défensabilité, for-
malités qui, elles aussi, se rattachent à la con-
servation des forêts, et peuvent, dès lors, être
considérées comme se liant à l'intérêt public.
A cette objection, on peut répondre que les me-
sures qui ont pour objet la conservation des fo-
rêts n'ont pas toutes, aux yeux de la loi, le
même degré d'importance; qu'elles ne sont pas
toutes commandées d'une manière aussi impéra-
tive; que la renonciation du propriétaire aux for-
mes qui doivent accompagner l'exercice des usages
ne présente pas de dangers, tant qu'il reste en

premiers devoirs des gouvernements... La destruc-
tion des forêts est souvent devenue, pour les pays
qui en furent frappés, une véritable calamité et
une cause prochaine de décadence et de ruine.
Leur dégradation, leur réduction au-dessous des
besoins présents ou à venir, est un de ces mal-
heurs qu'il faut prévenir, une de ces fautes que
rien ne saurait excuser, et qui ne se répareraient
que par des siècles de persévérance et de priva-
tion.» Les droits d'usage, ajoutait-il, forment,
pour la propriété de l'Etat comme pour la pro-
priété privée, le plus redoutable des dangers et
la source la plus féconde de dommages et d'abus.»
-Aussi déclarait-il que, en pareille matière, la
loi doit, dans une certaine mesure, intervenir pour
réglementer l'exercice de la propriété privée.-M.
Favard de Langlade, dans son rapport à la Cham-possession du droit de les faire cesser, s'ils de-
bre des députés, déclarait également que la posses- viennent abusifs, au moyen du cantonnement, et
sion des bois doit subir des modifications ou limita- que cette garantie essentielle de la conservation
tions pour cause d'utilité publique, et, comme M. des forêts demeure intacte. Il ne semble donc
de Martignac, il signalait le danger de la destruc- pas qu'il y ait rien à induire des deux arrêts
tion des forêts par l'abus des usages, appelés si jus- précités en faveur de la validité de la re-
tement, disait-il, • des servitudes dévorantes. »— nonciation au cantonnement qui, lui, intéresse
Enfin, dans son rapport à la Chambre des pairs, au premier chef l'ordre public.-Le cantonnement
M. Roy présentait la faculté accordée au proprié- a toujours été considéré comme un droit si es-
taire d'affranchir sa forêt des droits d'usage en sentiel que la jurisprudence en autorise l'exercice
bois par le cantonnement, comme la principale même alors qu'antérieurement il y aurait eu un
garantie contre l'abus des droits d'usage, et faisait aménagement restrictif des limites dans lesquelles
observer que si le cantonnement, par cela même l'usage peut être exercé. V. Cass. 7 août 1833
qu'il substitue, sur la demande de l'un des con- (P. chr.S.1833.1.726) et 1er déc. 1835 (P.
tractants et malgré la résistance de l'autre, une con- chr. S.1836.1.102); V. aussi M. Meaume, C.
vention nouvelle remplaçant le contrat primitif, for., t. 1, n. 427, el Dr. d'usage, t. 1, n. 159.
offense la loi civile, il se justifie par des vues poli- - C'est donc avec raison que l'arrêt ici recueilli
tiques et supérieures, et que les moyens de parve- déclare nulle la clause qui tend à interdire à tout
nir à détruire les causes d'une si redoutable dé-
jamais au propriétaire ou aux siens l'exercice de
vastation sont commandés sous tous les rapports la faculté de cantonnement.
• par l'intérêt général de la société. » C'était aussi
par
d'intérêt public que le rap-
port justifiait l'assimilation faite par l'art. 118,
C. for., relativement à l'exercice du cantonne-
ment, entre les articuliers et l'Etat.

«

Or, s'il est évident que c'est dans des considérations d'ordre public que les art. 63 et 118, C. for., prennent leur source, comment admettre qu'il puisse y être dérogé par des conventions privées, et qu'un propriétaire puisse renoncer à tout jamais à l'exercice d'un droit établi, non pour son avantage particulier, mais dans des vues d'un ordre supérieur, politique et social, comme le disent les documents officiels ci-dessus rappelés?—I est vrai que l'art. 2, C. for., qui a restitué, en principe, aux particuliers toutes les prérogatives de la propriété, ne prohíbe nullement, non plus que tout autre texte, la renonciation à la faculté du droit de cantonnement. Il est vrai aussi que, par deux arrêts des 8 avril 1857 (P.1857.773) et 4

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Dans la défense au pourvoi, on signalait, en outre, la clause dont s'agit comme contraire à un autre principe du droit public, celui qui veut que nul né puisse être tenu de rester dans l'indivision. Il est certain, disait-on, que les usages forestiers créent avec la propriété un état d'indivision de droits. Cette qualification d'état d'indivision est, en effet, appliquée par l'arrêt précité de 1835 å la situation respective du propriétaire et de l'usager (V. aussi M. Meaume, loc. cit.), et elle paraît se justifier par cette considération que, indépendamment de la communauté de droits qui en résulte sur les produits de la forêt, les usages engendrent encore au profit des usagers le droit de s'immiscer dans l'administration de la propriété et de s'opposer aux mesures qui pourraient amener une diminution de leur émolument. Mais notre arrêt ne s'est pas préoccupé de la question à ce dernier point de vue.

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à parquer les habitants des communes de Mathes et d'Arvert dans la forêt d'Arvert, et à racheter le droit d'usage au bois mort et au mort-bois qu'ils y ont, sous quelque raison et prétexte que ce puisse être, renonçant pour cet effet, de la manière la plus formelle, à faire valoir en sa faveur soit les dispositions du Code forestier qui nous régit maintenant, soit celles de toutes les lois, décrets, ordonnances et arrêts qui pourraient être rendus à l'avenir et qui l'y autoriseraient. >>

-13

24 janv. 1865, jugement du tribunal de Marennes qui déclare cette renonciation nulle comme dérogeant à une disposition d'or dre public: Attendu, porte ce jugement, que la faculté d'affranchir les forêts de tous droits d'usage en bois, moyennant un cantonnement, a été établie par le législateur de 1827, ainsi que cela résulte jusqu'à la dernière évidence de tous les documents législatifs, en vue de protéger d'une manière efficace le sol forestier, dont la conservation est l'un des premiers intérêts de la société, et par conséquent l'un des premiers devoirs du gouvernement, et cela en permettant à l'Etat, aux communes et aux particuliers, de s'affranchir de ces droits d'usage en bois qui sont le plus redoutable des dangers et la Source la plus féconde de dommages et d'abus, selon M. de Martignac (exposé des motifs), de ces servitudes dévorantes, comme les appelait M. Favard de Langlade, rapporteur de la commission; Attendu qu'il est vrai de dire que les dispositions contenues dans l'art. 63, C. forest., se rattachent évidemment à l'ordre public et à l'intérêt génétifs, ral, par cela seul qu'elles sont léonines, exorbitantes, et offensent la loi civile en autorisant le propriétaire à substituer, malgré l'usager, une convention nouvelle au contrat primitif, puisque, ainsi que cela résulte du rapport de M. le comte Roy à la Chambre des pairs, il ne fallait rien moins pour les faire admettre que des vues politiques supérieures et que l'intérêt général de la société;

Attendu, quant aux raisons de décider contrairement à ce qui précède que l'on tire de la loi du 18 juin 1859, et notamment des ce que cette loi reconnaît au propriétaire le droit de défricher, à moins que la forêt ne soit dans l'un des six cas énumérés par l'art. 220, que c'est en vérité aller par trop loint que de décider que, depuis cette loi, la conservation des forêts n'est plus considéréc comme étant absolument d'ordre public; Attendu, en effet, que cette loi, bien com prise et sainement interprétée, est un argu ment sérieux en faveur de l'opinion que le tribunal vient de faire prévaloir, par cela seul qu'elle assure à la propriété foncière une répression plus énergique et plus efficace, et rend définitives, en les tempérant, des dispositions ultra-conservatrices que les législateur de 1827 avait édictées pour vingt ans seulement;pet d'ailleurs, est-ce que la conservation de la forêt d'Arvert n'est pas›› nécessaire à la protection de la côte contre les érosions de la mer et les envahissements des sables? Attendu, au surplus, que l'on ne comprend guère la résistance qu'opposent les communes usagères à un cantonnement! qui ne peut que leur être avantageux sous tous les rapports, puisqu'il doit avoir pour conséquence, en premier lieu, d'enrichir, au profit des malheureux, la communauté,quí est pauvre quoique la plupart de ceux qui la composent aient plus que l'aisance, et, en second lieu, de faire disparaitre du pays des habitudes de pillage et de dévastation souverainement démoralisatrices; Par ces mo-ma etc. » befrolinaaroh dildoll PragceR Appel par les communes usagères; mais, le 14 août 1865, arrêt confirmatif de la Cour de Poitiers. brielsingora of sup foto sl a stenuang slyós attas tempeh the POURVOI en cassation pour violation des art. 686, 1134, 2052, C. Nap., fausse application des art. 6, 686 et 1133, même Code, ainsi que des art. 63 et 118, C. forest., en ce que l'arrêt attaqué a décidéque le propriétaire Attendu que notre législation ne recon- d'une forêt ne pouvait renoncer au droit del naît plus ni rentes, ni redevances perpé- cantonnement. Sans méconnature, a-t-on tr tuelles, et que les principes consacrés dans dit, le caractère de lois d'intérêt public aux l'art. 63, C. forest., sont absolument les mê- lois qui ont introduit la faculté de cantonnemes que ceux que le législateur de 1804 a ment, il n'est pas moins certain qu'elles ont fait prévaloir dans l'art. 1911, C. Nap.; d'où laissé le propriétaire juge de l'utilité qu'il la conséquence que tout droit d'usage en pourrait y avoir pour lui à user de cette fabois est tout aussi essentiellement canton-culté, et qu'aucun texte ne lui défend d'y nable que la rente constituée perpétuelle est renoncer. De ce que cette faculté lui a été essentiellement rachetable; Attendu que donnée dans l'intérêt public, il ne s'ensuit l'on argumente en vain, de la part des com- pas nécessairement qu'elle soit inaliénable. munes usagères, de ce qu'en principe L'intérêt public est satisfait du moment que les servitudes ou services fonciers admis le propriétaire a pu prendre librement son par le Code Napoléon, ont tous pour but parti. C'est ce qui résulte de l'ensemble des l'utilité ou l'agrément de la propriété, tandis dispositions du Code et de la jurisprudence que les usagères qui s'est formée sur ces dispositions. En prin entrave à la libre disposition des biens, sans cipe, aux termes de l'art. 2, C. forest., qui qu'aucun intérêt public vienne les justifier; abandonne en ce point le système de l'ord. de à ce point de vue encore, il serait vrai de 1669, les particuliers exercent sur leurs bois dire avec Dalloz que le cantonnement ren tous les droits de lola propriété. L'article tre dans l'esprit de nos lois modernes qui ajoute, il est vraiya sauf les restrictions spé tendent au dégagement de la propriétécifiées au présent Code » Mais ces res- TOSI SAMMA

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trictions consistaient dans la servitude de
martelage, et dans l'interdiction de défri
cher. La première a disparu; la seconde a
été fortsatténuée par la loi du 18 juin 1859.9
Les propriétaires de bois peuvent done dis-
poser de leurs bois de la manière la plus
absolue, d'après le principe écrit dans l'art.
544, G. Nap., et, aux termes de l'art. 686, ils
peuvent les grever de toute espèce de servi-
tude, pourvu que ces servitudes ne soient
pas contraires à l'ordre public. Or, quelle
que soit l'aversion que les usages forestiers
inspiraient au législateur de 1827, il ne les a
cependant pas considérés comme contraires à
l'ordre public; il a, en effet, maintenu les
usages existants, et s'il a interdit d'en con-
céder de nouveaux dans les forêts de l'Etat
(art. 62), cette interdiction n'a pas été re-
produite par lui à l'égard des bois des parti-
culiers (art. 120). Les particuliers peuvent
donc constituer de nouveaux droits d'usage:
lear liberté, sous ce rapport, est illimitée; et
l'on peut ajouter qu'elle est sans danger, car ils
sont les premiers intéressés à n'en pas faire
abus. Mais s'ils peuvent créer de nouveaux
droits d'usage, pourquoi ne pourraient-ils pas
renoncer à cantonner les anciens ? Cette li-
berté n'est pas plus dangereuse que l'autre,
et elles semblent se lier intimement. Sans
doute la conservation des forêts est intéres-
sée à ce que les usages puissent être can-
tonnés; mais ne demande-t-elle pas surtout
quebles usages s'exercent dans des condi-
tions convenables? La loi, à cet égard, a
prévu divers cas. Ainsi, elle impose aux
usagers l'obligation de demander la délivrance
(art. 279 et 120); et cependant la Cour de
cassation a jugé, par arrêt du 4 août 1858
(V. la note), que le propriétaire dans l'inté-
rêt duquel cette règle générale a été établie
peut nyrenoncer partneune convention
expresse De même, l'art. 119 porte
que
eles droits de pâturage, parcours, pa-
uage et glandée dans les bois des particuliers,
ne pourront être exercés que dans les par-
ties de bois déclarées défensables par l'ad-
ministration forestière, et suivant l'état et la
possibilité des forêts reconnus et constatés
par la même administration. Ici, encore, le
législateur a évidemment voulu protéger la
propriété forestière, et en assurer la conser-
vation; et, cependant, par un arrêt du 8
avril 1857 (V. la note), la Cour de cassation
a jugé que cette prohibition n'était pas ab-
solue et qu'il pouvait y être dérogé par des
conventions particulières. Enfin l'art.
83p rendu applicable, par l'art. 120,
aux bois des particuliers, interdit aux usa-
gers de vendre ou d'échanger les bois qui
leur ont été délivrés, et de les employer à
aucune autre destination que celle pour la-
quelle le droit d'usage a été accordé; et
pourtant il a été reconnu lors de la discus-
sion à la Chambre des députés (V. Moniteurçant à la faculté de cantonnement, le pro-
du 24 mai 1827); que les clauses constitutives priétaire ne porte atteinte à la liberté de son
des droits d'usage n'ont, quant à l'étendue fonds qu'autant qu'il est nécessaire pour le
des droits concédés, d'autres limites que la maintien de la servitude d'usage. Il est con
ANNÉE 1867.-10° LIVR.
66

volonté des parties. La faculté de canton-
nement n'est pas d'autre nature. Toutes ces
dispositions constituent un ensemble de me-
sures destinées à protéger le propriétaire
contre les dévastations des usagers; mais le
propriétaire n'est pas tenu de se laisser pro-
téger malgré lui, il peut renoncer à toutes !
les faveurs que la loi lui assure, et, par con-
séquent, au droit de cantonnement comme
aux autres, sans qu'il soit possible d'établir er
aucune distinction à cet égard. — Au sur-
plus, cette liberté du propriétaire est de droit
commun en fait de servitudes. Aux termes
de l'art. 701, C. Nap., lorsque l'assignation
primitive d'une servitude est devenue plus
onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, m
ou si elle l'empêche d'y faire des réparations
avantageuses, il peut offrir au propriétaire
de l'autre fonds un endroit aussi commode
pour l'exercice de ses droits, et celui-cine peut
pas le refuser. C'est là une disposition favo
rable, à coup sûr, puisqu'elle a pour effet
d'alléger le fardeau de l'un, sans diminuer
le bénéfice de l'autre ; et cependant on peut
y renoncer par convention expresse, ainsi
que l'a jugé la Cour de cassation le 19 mai
1824. On objecte le principe de la liberté
des héritages posé par le Code rural de 1791,
et celui du rachat des rentes introduit par la
loi de mars 1790, et confirmé par les art.
530 et 1911, C. Nap.; mais ces objections
ne sont nullement décisives. En effet, il est
certain que les droits d'usage sont des ser-
vitudes réelles, et que la renonciation au
cantonnement ne constitue qu'une aggrava-
tion de servitude; or, le Code Napoléon ad-
met les servitudes perpétuelles, et proclame
la liberté des conventions en pareille ma-
tière (art. 686). Il ne s'agit donc ni d'un
droit inhérent au droit de propriété, comme
celui de se clore ou de se borner, ni d'une
faculté accordée à un débiteur, favore libe-
rationis, et à laquelle la loi elle-même inter-
dit expressément de renoncer. Pourquoi,
d'ailleurs, le législateur a-t-il déclaré nulle
toute stipulation contraire à la faculté de
rachat des rentes perpétuelles? C'est que le
débiteur de la rente est un emprunteur, et
que, dans tout emprunt, c'est le prêteur qui
fait la loi du contrat et l'emprunteur qui la
subit; or, si la loi n'avait pas déclaré nulle
toute stipulation contraire à la faculté de ra-
chat, ces stipulations seraient devenues de
style et le vœu de la loi n'aurait pas été rem-
pli. Il n'en est pas de même en matière de
servitudes. Il y a égalité entre les parties
contractantes; elles ne peuvent se faire la loi
l'une à l'autre, et toutes deux méritent éga-
lement protection. On n'a pas à craindre,
par conséquent, que telle ou telle clause de-
vienne de style, et on en a bien la preuve
par l'affaire actuelle, puisqu'elle est absolu-
ment sans précédent. Au surplus, en renon-

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stant que la servitude qui appartient aux usagers ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire modifie l'aménagement de sa forêt pour suivre des méthodes de culture perfectionnées; s'il ne peut s'entendre à cet égard avec l'usager, la justice interviendra, et il sera fait un règlement pour concilier les deux droits. Mais le droit existe toujours, et, dès lors, le cantonnement ne peut être considéré comme un préliminaire indispensable de tout perfectionnement dans la culture forestière. C'est ce qui résulte d'un arrêt de la Cour suprême du 14 juill. 1858 (P.1859.577. S.1859.1.154). De tout ce qui précède, il suit donc qu'en déclarant nulle la renonciation faite par le propriétaire à la faculté de cantonnement, l'arrêt attaqué a violé les textes précités.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que la faculté de cantonnement autorisée par les art. 63 et 118, C. forest., a été édictée dans des vues politiques et supérieures, la conservation des forêts; Que si chacun peut renoncer aux facultés et droits qui lui sont déférés pour son avantage personnel, il en est autrement quand il s'agit, comme dans l'espèce, d'une faculté établie dans un intérêt d'ordre public; Qu'en le jugeant ainsi et en annulant, par suite, la clause de la transaction par laquelle le marquis de Conflans avait renoncé à toujours, pour lui et les siens, à exercer le cantonnement dans la forêt dont s'agit, l'arrêt attaqué, loin de violer la loi, n'en a fait qu'une juste application; Rejette, etc.

Du 17 juill. 1867. - Ch. civ. MM. Pascalis, prés.; Fauconneau-Dufresne,rapp.; de Raynal, 1er av. gén. (concl. conf.); Dareste et Mimerel, etc.

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(Duboscq et Berreau C. Busson.)org

Les sieurs Duboscq et Berreau se sont pour vus en cassation contre l'arrêt de la Cour de Caen du 17 janv. 1865, rapporté dans notre vol. de 1865, pag. 468, pour violation des art. 1035, 1036 et 1037, C. Nap., ainsi que des art. 6 et 896, même Code, en ce que cet arrêt avait refusé effet à une clause expresse de révocation de testament.-Deux sortes de révocation en matière de testament, a-t-on dit pour les demandeurs, sont indiquées et admises par les art. 1035 et 1036, C. Nap.: d'une part, la révocation expresse, qui peut résulter soit d'un testament postérieur, soit d'un acte passé devant notaire; d'autre part, la révocation tacite, qui a lieu lorsque les dispositions contenues dans le testament postérieur sont inconciliables avec celles qui faisaient l'objet du précédent testament. Quand c'est la première voie qu'a suivie le testateur, quand, dans un testament postérieur ou dans un acte par-devant notaire, il a, en termes exprès, déclaré révoquer d'une manière pure et simple ses dispositions précédentes, il semble qu'il n'est qu'un droit et qu'un devoir possible pour le juge donner effet à la volonté formellement exprimée par le testateur, sans pouvoir, à l'aide d'interprétations conjecturales, y apporter des changements, supposer des conditions. Ces interprétations conjecturales ne sont pas même permises en matière de révocation tacite; et il est d'autant plus nécessaire de les repousser quand il existe des révocations expresses, que, si elles pouvaient être rendues conditionnelles par le juge, jamais le disposant ne pourrait être certain que sa dernière volonté sera accomplie. Telle n'a pas été la doctrine de l'arrêt attaqué. Et cependant, dans l'espèce, le testament du 2 juin 1848 contenait à la fois une révocation tacite et une révocation expresse du testament du 25 fév. 1829: une révocation tacite, car les mêmes biens légués en 1829 au sieur Busson seul et en pleine propriété, avaient été donnés en 1848 au même sieur Busson comme grevé de substitution, et à ses enfants comme substitués; une révocation expresse et absolue, car la testateur déclare formellement révoquer tous testaments antérieurs, notamment celui du 25 fév. 1829.-Suivant l'arrêt attaqué, le testament de 1829 n'aurait été révoqué que conditionnellement par celui de 1848, et pour le cas où ce dernier testament aurait pu re

jointe à l'arrêt ici cassé de la Cour de Caen du 17 janv. 1865 (P.1865.468. S.1865.2.98). V. également Paris, 25 mars 1859 (P.1859.487.-S. 1859.2.499); Cass. 10 juill. 1860(P.1861.275.– S.1860.1.708), ainsi que l'annotation qui accompagne un arrêt de la Cour de cassation du 6 janv. 1863 (P.1863.225. S.1863.1.233). Junge MM. Demolombe, Donat. et testam., t. 5, n. 158 et 195, et Bertauld, Quest. prat. du Cod. Nap., n. 436 et suiv.

ARRET (après délib. en ch. du cons.).

cevoir son cxécution; mais la substitution prohibée qui y était contenue rendant cette exécution impossible, les dispositions précédentes devaient être maintenues. Cette décision est une violation manifeste des art. 1035 et 1036, C. Nap. La clause révocatoire contenue dans le testament de 1848 était formelle; elle visait même par une mention spéciale le testament de 1829; de plus, elle était pure et simple. Or, ajouter à cette clause révocatoire une condition qui ne s'y trouve point, c'est comme si l'on suspendait par une condition l'effet d'une libéralité faite d'une manière ferme et définitive. Sur quoi, d'ailleurs, se base l'arrêt attaqué? Sur ce que le legs de 1848, rapproché de celui de 1829, indiquerait la volonté persévérante de la testatrice de gratifier le sieur Busson de la portion d'immeubles qui lui appartenait dans la communauté d'avec son mari. Mais, d'abord, on n'aperçoit aucun lien entre la clause révocatoire contenue dans le second testament et l'exécution de la disposition au profit du sieur Busson. Sans doute, les immeubles légués en 1848 sont les mêmes que ceux qui faisaient l'objet du testament de 1829; mais, par ce premier testament, le légataire en devenait propriétaire incommutable et définitif; par le second testament, au contraire, il n'en était gratifié qu'à la condition de conserver et de rendre les mêmes biens à ses enfants. La situation était donc toute différente, et il est impossible de soutenir que ce soit la même volonté qui ait ait présidé au testament de 1829 et à celui de 1848. Ensuite, quand même il en serait ainsi, cela importerait peu. Lorsque la révocation est expresse, le juge, nous le répétons, n'a qu'une chose à faire, lui donner effet. C'est ce qu'a bien nettement décidé un arrêt de la chambre civile du 25 avril 1825, dans une espèce moins favorable encore que celle de la cause. Ajoutons qu'il est indifférent, pour l'effet de la clause révocatoire, que le testament qui la contient ne puisse pas recevoir son exécution, et que ce soit, dans l'es-et à naître était nul à l'égard du grevé, compèce, à raison d'une substitution prohibée me à l'égard des appelés; Attendu, en ouque cette exécution n'ait pas lieu; car il est tre, que le testament étant régulier en la de jurisprudence constante que l'art. 1037 forme, cette nullité ne pouvait pas inficier n'est pas limitatif; et il résulte, d'ailleurs, ses autres dispositions; que cela est partid'un arrêt de la chambre civile du 25 juill. culièrement vrai de celle qui suit et dont 1849 (P.1850.1.451. .S.1849.1.673), que, voici les termes : « Je révoque tous les tesspécialement, la substitution prohibée doit taments antérieurs, et notamment celui être assimilée aux cas nominativement pré- du 25 février 1829; » Attendu, au fond, vus par l'art. 1037. L'arrêt attaqué ne sau- que cette clause est précise et formelle; que, rait donc échapper à la cassation. prise en elle-même, elle exclut toute ambiguité et n'est pas susceptible d'interprétations diverses; que, de plus, elle n'est ni contredite ni modifiée par aucune disposition du testament d'où l'on puisse inférer que la veuve Busson ait voulu en suspendre ou en restreindre les effets; Attendu, en outre, que l'interprétation de l'arrêt, qui se fonde uniquement sur la volonté présumée de la testatrice pour subordonner cette clause à la condition que les dispositions contenues dans le testament du 2 juin 1848

du

LA COUR;-Vu les art. 1035, 1036, 1037 et 896, C. Nap.; Attendu que, par un premier testament du 25 fév. 1829, la veuve Busson a légué à Jean Busson, son beau-fils, la part qui lui appartiendra au jour de son décès dans les biens immeubles dépendant de la communauté ayant existé entre elle et son mari; et que, par un second testament du 2 juin 1848, elle a légué les mêmes immeubles audit Jean Busson, mais en lui imposant cette fois la charge de les conserver et de les rendre à tous ses enfants nés et à naître ;- Attendu que cette substitution, autorisée, au moment où les deux testaments ont été faits, par la loi du 17 mai 1826, est tombée depuis, et avant le décès de la testatrice, sous les dispositions prohibitives de l'art. 896, C. Nap., remis en vigueur par la loi du 7 mai 1849; que, dès lors, le legs qui substituait à Jean Busson ses enfants nés

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Pour le défendeur, on a répondu que la Cour de Caen avait jugé souverainement que la révocation du premier testament était conditionnelle. Le pouvoir des juges du fait de décider que, dans l'intention du testateur, la révocation du premier legs est conditionnelle et subordonnée à la validité de la seconde disposition, a été reconnu par plusieurs arrêts de la Cour suprême. V. notamment arrêts des 5 juill. 1858 (P.1859.484.-S.1858.1.577) et 10 juill. 1860

(P.1861.275. S.4860.1.708). L'autorité de ces arrêts, de date récente, doit prévaloir sur celle de l'arrêt du 25 avril 1825, invoqué par le pourvoi et rendu à une époque où la jurisprudence se montrait plus sévère sur l'interprétation des actes de dernière volonté. Ils ne laissent aucun doute sur le pouvoir souverain qu'ont les juges du fait pour interpréter la volonté du testateur en rapprochant les unes des autres les dispositions des divers actes de dernière volonté émanés du testateur. Il suffirait presque de changer les noms des parties pour que les motifs de ces arrêts pussent s'appliquer à la cause actuelle. L'arrêt attaqué constate formellement, de même que ceux qui ont été précédemment déférés à la Cour suprême, que l'intention persistante de la testatrice était de gratifier le sieur Busson, et qu'elle n'a entendu révoquer son premier testament que dans le cas où le second recevrait son exécution. Il ne saurait dès lors tomber sous la censure de cette Cour.

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