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JOURNAL DU PALAIS.

Le procureur général impérial près la Cour de cassation expose qu'il est chargé par ordre formel de M. le garde des sceaux, conformément à l'art. 441, C. inst. crim., de dénoncer à la Cour

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(Cass. 24 juin 1839, P.1839.2.208.-S.1839.1. 577; 11 août 1841, 'P.1841.2.554.-S.1841. 1.847); mais, par ses arrêts les plus récents (Cass. 18 juill. 1851, P.1853.1.451.-S.1852. 1.157; 23 déc. 1852, P.1853.2.525.-S.1853. 1.400; 4 mai 1865, précité), la Cour de cassation a posé en thèse, d'une manière très-nette, que les conventions relatives aux extraditions sont des actes de haute administration généralement motivés sur des nécessités ou même sur de simples convenances internationales, et qui échappent à toute appréciation et à tout contrôle de l'autorité judiciaire, qui n'a pas à s'enquérir des motifs qui ont déterminé l'extradition. C'est aussi ce que jugent très-explicitement les divers arrêts aujourd'hui recueillis, et ce qu'une dépêche du ministre de la justice du 25 nov. 1866, relative à l'affaire Lamirande, rappelait en ces termes: • a Il appartient au Gouvernement seul d'examiner, avec la bonne foi qui préside à ses relations diplomatiques, les observations qui viendraient à lui être présentées par un gouvernement étranger; les tribunaux français sont incompétents, d'après une jurisprudence constante, pour résoudre ces questions diplomatiques, qui ne peuvent, par conséquent, être débattues utilement devant eux. › (V. dans le même sens, Cons. d'Etat, 2 juill. 1836, P. chr. S.1836.2.443; MM. Trolley, Hierarchie admin., t. 1, n. 119; Duvergier, sur Legraverend, Législ. crim., t. 1, p. 112, note 2; Trébutien, op. cit., p. 135; Ducrocq et Duverdy, loc. cit. V. toutefois MM. Legraverend, op. cit.; Morin, Rép. dr. crim.. v° Extrad., n. 13; Bonfils, Compét. des trib. franç. à l'égard des étrang., n. 373.) De même, et comme corollaire nécessaire de la solution qui précède, la jurisprudence déclare qu'un accusé est sans qualité pour arguer de nullité, sous quelque rapport que ce soit, l'extradition dont il a été l'objet, ou pour réclamer contre cette extradition (Cass. 11 mars 1847, P.1847.1.558.-S.1847. 1.397; 18 juill. 1851 et 23 déc. 1852, déjà cités. V. toutefois Cass. 9 mai 1845, P.1847.1. 148.-S.1845.1.396, et M. Hélie, t. 2, p. 709). La raison en est que l'accusé ne peut puiser dans sa fuite aucun droit qui lui soit personnel, et être reçu à l'opposer à la justice de son pays. Cette fuite, comme le dit M. Ducrocq, p. 21, a bien pour conséquence de mettre en présence deux souverainetés: celle qui réclame le fugitif et qui n'a pas d'action sur le territoire où il s'est réfugié, et celle qui le reçoit sur son sol, ou l'arrête et le livre, suivant les traités qui la lient, ses convenances, la nature de ses relations, et les dispositions de sa législation intérieure relative aux étrangers; mais l'accusé ne saurait avoir acquis, par cela seul qu'il aurait franchi la frontière, un droit qu'il n'avait pas avant d'avoir fui le sol de son pays. C'est ce que proclament avec beaucoup de force l'arrêt de la Cour de la Vienne du 3 déc. 1866 (aff. Lamirande), ainsi que la dépêche

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un arrêt de la Cour de Paris du 1er fév. 1867, et de réclamer l'annulation et la censure, soit du dispositif, soit des considérants dudit arrêt. La lettre de M. le garde des sceaux est ainsi conçue :

ministérielle précitée, et ce que décident également en principe l'arrêt de la Cour de cassation du 26 juill. 1867 (3 espèce) et celui de la Cour d'assises de la Charente (aff. Quesson). M. Ducrocq fait remarquer très-judicieusement que la doctrine contraire serait en quelque sorte une exhumation de l'ancienne théorie du droit d'asile territorial au profit des malfaiteurs étrangers, théorie dont l'auteur du Traité des délits et des peines, § 21, a justifié la disparition en disant que la persuasion de ne trouver aucun lieu sur la terre où le crime puisse demeurer impuni, serait le moyen le plus efficace de le prévenir.

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Le défaut de qualité de l'accusé pour critiquer un acte d'extradition, et l'incompétence des juges pour connaître d'un pareil acte, sont si absolus qu'il est même reconnu par le dernier état de la jurisprudence qu'en cas de contestation par l'accusé de la validité de l'extradition, la Cour d'assises ne pourrait surseoir à statuer jusqu'à interprétation par l'autorité supérieure. . Il est évident, en effet, comme le dit encore M. Ducrocq, p. 38, que si l'accusé n'a pas le droit de dire aux magistrats: Vous ne jugerez pas, il n'a pas plus celui de leur dire: Vous ne jugerez pas en ce moment. » L'arrêt Lamirande précise, au reste, d'une manière bien nette, l'inutilité d'un sursis, lorsqu'il dit que par le fait même de la remise d'un accusé à ses juges naturels, le Gouvernement consacre la régularité de son extradition. Or, si la validité de l'extradition a déjà été nécessairement appréciée et consacrée par l'autorité compétente, à quoi bon surseoir ? - La dépêche ministérielle précitée, par la netteté de ses termes, et par cela même qu'elle porte que · les questions diplomatiques ne peuvent être débattues utilement devant les tribunaux, paraît également contraire à l'idée que le contredit élevé par l'accusé puisse être de nature à autoriser un sursis au jugement. En cela, elle s'écarte de précédents émanés de la chancellerie elle-même (Circ. 5 avril 1841) et de la doctrine consacrée par plusieurs arrêts (Cass. 15 mars 1822, 6 juin 1822, 4 sept. 1840, P.1840.2.591. S. 1840.1.781). Mais elle est, comme nous l'avons dit, en harmonie avec la jurisprudence la plus récente (Cass. 18 juill. 1851 et 23 déc. 1852 précités). M. Ducrocq, p. 39 et 41, répondant à MM. Hélie, t. 2, p. 714, et Mangin, t. 1, n. 238, qui admettent le sursis lorsque l'exception d'irrégularité paraît grave aux juges, fait ressortir les inconvénients d'un système qui permettrait aux Cours d'assises de provoquer le Gouvernement à l'examen de questions diplomatiques que la puissance intéressée la plus jalouse de ses droits n'aurait peut-être pas formellement posées et de rendre ainsi des arrêts qui seraient, en réalité, ⚫ une mise en demeure signifiée à grand bruit par l'autorité judiciaire à l'autorité administrative.

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L'arrêt du 25 juill. 1867 que nous recueillons (Faure de Monginot), admet toutefois que le

Monsieur le procureur général, le nommé Edouard Rennecon-Charpentier, marchand de vins à Avize (Marne), ayant été déclaré en faillite par jugement du tribunal de commerce d'Epernay du

juge de répression doit surseoir dans le cas où le caractère des faits produits devant l'autorité judiciaire serait contesté comme constituant ou ne constituant pas une extradition. Mais cette réserve semble se concilier difficilement avec la règle proclamée par l'arrêt Lamirande que, par le fait même de la remise d'un accusé à ses juges naturels, le Gouvernement consacre la régularité de l'extradition. »

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-Il est néanmoins, en matière d'extradition, un principe qui ne saurait être méconnu : c'est celui qui veut que le jugement n'ait lieu par les tribunaux français qu'à l'égard des chefs d'accusation pour lesquels l'extradition a été accordée; c'est ce que reconnaît la dépêche ministérielle précitée. V. aussi en ce sens, Legraverend, t. 1, p. 113; Trébutien, t 2, p. 141; Le Sellyer, Dr. crim., t. 5, n. 1954 et suiv.; Mangin, t. 1, n. 76; Bertauld, op. cit., p. 599; Morin, v° Extradition, n. 29: Foelix et Demangeat, Dr. intern., 1. 2, n. n. 609 et 613, note a; F. Hélie, t. 2, 136, p. 719; Duverdy, loc. cit.; Brouchoud, de l'Extradition, p. 29; · C. d'ass. Pas-de-Calais, 15 fév. 1843 (P. 1847.1.211. S.1843 2.223); Cass. 24 janv. 1847 (P. 1847.2.170.S.1847.1.676); Cons. révision de Paris, 20 déc. 1861 (S.1862.2.229). Ainsi, quant aux faits pour lesquels l'extradition n'a pas été accordée, quelle que soit leur connexité avec ceux qui l'ont motivée, l'accusé est toujours réputé ́absent. La Cour d'assises, dit M. F. Hélie, t. 2, p. 725, quand elle est saisie par l'arrêt de renvoi de deux accusations dont une seule a donné lieu à l'extradition, doit scinder les débats, si cette division est possible, et, dans tous les cas, ne poser au jury que les questions qui se rapportent au fait qui a été l'objet de la mesure; à l'égard de l'autre fait, elle doit procéder comme en matière de contumace. De là il suit que le juge de répression, s'il ne lui est pas permis d'interpréter l'acte d'extradition ni d'examiner sa régularité, peut et doit se livrer à l'examen de cet acte dans le but d'en comparer les termes à ceux de la poursuite. C'est ce qui ressort de l'arrêt de Cass. du 26 juill. 1867 (3 espèce) et de celui de la Cour d'assises de la Charente. En agissant ainsi, en effet, le juge de répression n'interprète pas l'acte d'extradition, il ne fait que l'appliquer. Or, on sait qu'en principe les magistrats ont plein pouvoir pour appliquer les actes administratifs, lorsque ces actes présentent un sens clair et exempt d'ambiguïté; et ce principe (bien que cela puisse sembler contesté par un des considé rants de l'arrêt de la Vienne (Lamirande) paraît applicable aux actes d'extradition comme à tous autres actes émanés de l'administration.-De ce droit qui appartient aux magistrats pour faire l'application, à la poursuite, de l'acte d'extradition, M. Ducrocq, p. 59, conclut avec raison qu'ils peuvent demander la production de eet sup ziołotnot dirbs ftonhynolf ab es

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19 sept. 1866, ses créanciers apprirent qu'il avait fait passer une grande partie de ses marchandises en Belgique et avait ouvert à Liège une maison de commerce. Une information fut ouverte d'a

acte, soit en original, soit en copie certifiée, et surseoir jusqu'à cette production.

Mais si le juge de répression doit veiller avec soin à ce que la poursuite soit restreinte dans les termes de l'acte d'extradition, s'ensuit-il que l'accusé ait le droit de revendiquer devant la justice le bénéfice de cet acte? MM. Duverdy, F. Hélie et Brouchoud, loc., cit., soutiennent l'affirmative; mais M. Ducrocq, p. 24, émet l'opinion contraire. Suivant lui,

si le ministère public requiert que l'extradé ne soit jugé que sur les chefs pour lesquels l'extradition a été accordée, ce n'est pas dans l'intérêt de l'extradé, c'est parce que la Cour doit, même d'office, appliquer purement et simplement, tel qu'il est, l'acte d'extradition, la restriction dont s'agit étant la condition expresse ou tacite de l'extradition consentie. Et il ajoute que a s'il appartient au Gouvernement, par ses instructions au ministère public, de veiller, dans l'intérêt des rapports diplomatiques et des bonnes relations internationales, à ce que ces conditions ne soient pas méconnues, l'extradé n'y est pour rien, en ce sens que ce n'est pas dans son intérêt qu'il en est ainsi. Cette dernière doctrine, toute sévère qu'elle peut paraître, semble plus en harmonie avec la règle, énoncée plus haut, qui veut que la fuite de l'accusé ne fasse pas sa condition meilleure devant la justice de son pays.-Au surplus, l'action d'office du ministère public et du juge de répression est ià pour le protéger, et c'est ainsi que la dépêche ministérielle de 1866 précitée recommandait formellement de ne juger l'accusé que sur les chefs pour lesquels l'extradition avait été accordée, et non sur les autres « à moins, ajoutaitelle, qu'il n'y consentit.

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Comme on le voit, à côté du principe qu'elle pose, cette dépêche reconnaît que l'accusé pourrait consentir à être jugé même sur des chefs que l'extradition n'aurait pas eus en vue. Ici encore un dissentiment s'élève. Tel n'a pas, en effet, toujours été l'avis de la chancellerie. La circulaire précitée du 5 avril 1841 était muette sur ce point que résout si explicitement la dépêche de 1866, et, en 1843, la Cour d'assises du Pas-de-Calais ayant, par arrêt du 15 février, prononcé, à raison du consentement de l'accusé, sur un fait non compris dans l'acte d'extradition, le garde des sceaux improuva énergiquement cette décision et invita le procureur général à se concerter avec l'autorité administrative, pour que l'accusé, acquitté sur le fait qui avait motivé l'extradition, fût, malgré sa condamnation sur un autre fait au sujet duquel il avait consenti à être jugé, reconduit immédiatement à la frontière pour y être mis en liberté. Il est certain, dit dans le même sens M. F. Hélie, t. 2, p. 720, que l'adhésion du prévenu ne peut modifier ni les règles de compétence, ni l'exécution d'une convention dans laquelle il n'a pas été partie. »—Néanmoins, la jurisprudence nouvelle de la chancellerie, conforme à l'opinion de Legraverend, t. 1,

près leur plainte sur tous les faits délictueux qui pouvaient accompagner cette faillite, et, en vue d'atteindre la personne du fugitif, M. le procureur général de Paris me transmit un mandat d'arrêt en date du 29 septembre, délivré par le juge d'instruction d'Epernay: la banqueroute frauduleuse y était spécifiée. Conformément au traité du 22 nov. 1834 entre la France et la Belgique, et aux termes de l'art. 4, je fis réclamer l'arrestation provisoire par l'entremise de S. Exc. le ministre des affaires étrangères, comme préliminaire d'une demande d'extradition. Cette demande ne pouvait être examinée par le gouvernement belge qu'après production ultérieure d'un arrêt de renvoi aux assises et sur l'avis d'une chambre d'accusation belge. Arrêté à Liége le 14 octobre,

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p. 113, a été consacrée par un second arrêt de la Cour d'assises de la Vienne rendu le même jour (3 déc. 1866) dans l'affaire Lamirande (a).

Enfin, on peut aussi considérer comme l'ayant implicitement consacrée l'arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 1847 précité.-Cette dernière doctrine semble la meilleure; en effet, comme le fait remarquer avec raison M. Ducrocq, p. 71, le droit qui appartient à l'accusé de consentir à être jugé même sur des faits non compris dans l'acte d'extradition, n'est que l'application de la règle suivant laquelle, si l'accusé ne peut bénéficier de sa fuite, il ne peut non plus en souffrir; et comme il est possible que les restrictions de l'acte d'extradition lui soient défavorables, il doit lui être permis, quelles que soient les convenances diplomatiques, de réclamer en sa faveur l'application du droit commun. Pourquoi lui refuserait-on de se libérer entièrement, dans un déba: contradictoire, de toutes les inculpations de l'arrêt de renvoi, et l'obligerait-on, lorsqu'il veut se défendre, à subir une condamnation par défaut, en ne lui réservant que le droit, après avoir été conduit hors de France, d'y rentrer pour venir purger sa contumace? Le consentement librement donné par l'accusé, sans surprise, en entière connaissance de cause, après qu'il a pu s'éclairer sur toutes ses conséquences, en conférant avec son défenseur, n'est-il donc pas, comme le fait encore observer M. Ducrocq, l'équivalent d'un retour volontaire ?

Ces diverses questions, on le voit, sont d'une haute gravité. Si elles n'ont pas toutes été résolues par les arrêts que nous recueillons, elles s'y rattachent d'une manière intime.-II importera d'aillears, pour se faire une idée bien nette des principes qui régissent la matière, de se référer à la lettre de M. le garde des sceaux qui sert de base au réquisitoire du procureur général près la Cour

(a) LA COUR; Attendu que l'extradé ne peut être jugé contradictoirement par la Cour d'assises que sur les chefs d'accusation pour lesquels son extradition a été accordée, à moins qu'il ne consente expressément à être jugé sur tous les chefs compris dans l'arrêt de mise en accusation; Attenda qu'interpellé formellement à cet égard par le président des assises, Sarcao, dit Lamirande, après avoir répondu tout d'abord qu'il ne voulait ni consentir ni ne pas consentir à être jugé sur tous les chefs d'accusation, a fini par déclarer qu'il n'y consentait pas.slubuant sto

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son

tion ne constatait pas un crime prévu au traité, ou par le simple fait d'expiration d'un délai de trois mois sans production régulière de notre part. Il ne jugea pas convenable d'attendre que toutes les formalités d'une extradition régulière fussent accomplies, et il manifesta spontanément l'intention formelle d'être livré aux autorités de pays. Je fus officiellement avisé de ce fait que déjà l'inculpé avait été remis, le 28 oct. 1866, à Quiévrain, entre les mains de la gendarmerie française et placé dans les liens du mandat qui, suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, consacrée par son arrêt du 9 juill. 1859 (P.1861. 17.-S.1859.1.966), étend son influence sur

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de cassation, et que nous avons reproduit en tête de l'arrêt du 4 juill. 1867.

AM. BOULLANGER.

(4) M. Duverdy (Gaz. des trib. du 8 août 1867) critique cette décision. Il soutient que, dans les espèces qui y ont donné lieu, la question agitée entre le ministère public et l'accusé étant celle de savoir si ce dernier, que l'on prétendait juger pour un fait non compris dans la demande d'extradition, devait être considéré comme constitué volon¬ taire ou comme extradé, la Cour de cassation n'avait pas plus que les juges de répression le pouvoir de la trancher, et que le gouvernement étranger avait seul compétence pour décider si, lorsque ses agents avaient remis l'inculpé aux autorités françaises, il avait ou non entendu accomplir une extradition. « Qu'arriverait-il, dit-il, si, aujourd'hui, le gouvernement belge réclamait, par la voie diplomatique, contre l'arrêt de la Cour de cassation et contre le sens que cet arrêt a attribué à ses actes, disant qu'il a entendu opérer une extradition? Pour éviter le conflit qui se produirait en pareil cas entre les deux gouvernements, il doit paraître plus sage décider que, dans le doute sur la portée de la remise d'un individu dont l'arrestation ou l'extradition avait été d'abord demandée, c'est au gouvernement qui a opéré la remise de l'accusé à déclarer si cet accusé doit être considéré comme s'étant constitué prisonnier volontairement ou comme ayant été livré par voie d'extradition. Toutefois, dans une espèce analogue, la Cour de cassation, par arrêt du 8 nov. 1860 (P.1861.979.-S.1861.1.474), s'était déjà reconnu le droit de décider que l'accusé qui avait consenti à être ramené en France, et qui avait même formé une demande expresse à cet égard, devait, bien que ce consentement et cette mande eussent coïncidé avec l'éventualité moyen de contrainte (une demande d'extradition) être réputé constitué volontaire.

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(7) Il est de principe que les tribunaux ne peuvent faire des injonctions aux autorités administratives, ce qui serait une violation du principe de droit constitutionnel relatif à la séparation des pouvoirs. On ne saurait donc leur reconnaître le droit d'ordonner qu'un prévenu sera reconduit à lá frontière, V. au reste, sur ce principe, les indications contenues dans la lettre du ministre de la justice, ci-dessus reproduite.

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tous les cri
terminée pourra constater.

crimes ou délits que l'information non

Si les rmation et

Les conséquences de ce retour volontaire de Rerneçon, au point de vue de sa situation judiciaire, paraissaient fort simples et légalement indiscutables. Le gouvernement français ne peut pas consentir à pactiser avec les coupables présumés qui se sont soustraits par la fuite à l'action de la justice française; il traite seulement avec la puissance étrangère dont il invoque les bons offices, à charge de réciprocité et conformément aux traités qui prévoient une concession bénévole dérogeant aux droits rigoureux de la souveraineté. Il ne pouvait voir dans retour de Henneçon qu'un fait de constitution inspiré au fugitif par son devoir comme citoyen justiciable de nos tribunaux, ou par son intérêt bien entendu comme inculpé. Il n'y avait pas eu, en effet, de demande définitive d'extradition, puisque les résultats de étaient encore inconnus. indices du crime de banqueroute frauduleuse venaient à se dissiper, le gouvernement français aurait été dans l'impossibilité de maintenir de ce chef des prétentions à une application du traité. D'un autre côté, si l'enquête avait révélé d'autres crimes que celui de banqueroute frauduleuse (et, par exemple, des faux), l'arrêt de renvoi aurait relevé et précisé ces divers chefs, et l'extradition eût alors été réclamée dans termes de cet arrêt. Enfin, l'extraon salt, été accordée purement et simplement eût ou avec des réserves, et le gouvernement serait resté libre de décliner les conditions imposées, s'il les s avait jugées contraires à sa dignité ou aux intérêts de la justice. Telle est la marche régulière d'une négociation internationale. Elle ne peut être poursuivie avec personne du contuet il est évident que tant que l'information n'est pas complète, si un gouvernement s'abaissait jusqu'à accepter du fugitif une soumission conditionnelle et limitée à tel ou tel chef de prévention, il se lierait les mains et ne pourrait plus poursuivre

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informatios autres crimes, alors inconnus, que viendrait u lui révéler, Ainsi,

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droit, était impossible de supposer

du droit des gens

de Renneçon en France pût être comme un cas d'application du traité. Une, ex la extradition régulièrement débattue entre la France et la Belgique était le seul acte qui pût créer des obligations réciproques entre les deux nations, et il est à peine besoin de rappeler ce principe actes particuhers a ou que les conventions générales, ne peuvent attribuer attribuer aucun droit aux fugitifs qui n'y participent pas et contre lesquels ils sont dirigés. C'est dans ces circonstances que l'instruction judiciaire contre Renneçon se poursuivit et fut close par une ordonnance non attaquée dans les délais légaux. Le prévenu obtenait un non-lieu quant au chef de banqueroute frauduleuse, mais il était renvoyé devant le tribunal correctionnel pour délit de banqueroute simple. On lui avait reproché, en effet, dans son interrogatoire 14 déc. 1866, de n'avoir pas fait sa declaration de faillite dans les trois jours de la 1940 40 Tements, de n'avoir pas de livres d'inventaire ou livres irrégulièrement tenus, enfin de s'être livré å s'être livré à dés emprunts ou emprunts ou cir

de ses

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culations d'effets dans l'intention de retarder sa faillite (88 3,4 et 6. de l'art. 586, C. comm.). A l'audience du tribunal correct. d'Epernay du 29 déc. 1866, la défense s'efforça d'attribuer à Renneçon la situation d'un extradé pour crime, qui ne pouvait, dès lors, être jugé pour un délit. Le tribunal ordonna le sursis, mesure régulière et logique en soi, puisqu'elle tendait à vérifier une exception préjudicielle; mais, au lieu de demander au gouvernement français, par l'organe de son ministre de la justice, l'interprétation des actes de sa compétence, le tribunal réclamait la production d'une copie de la demande adressée par Renner çon aux autorités belges. Il faisait donc dépendre sa décision d'une sorte de contrat passé à l'insu et en dehors du gouvernement français entre le fugitif et la justice, et qui aurait lié soit le gouvernement français, soit la justice de notre pays..

Cette première erreur doit être signalée à la Cour suprême, et si je ne la défère pas expressément à sa censure, c'est que cette décision judiciaire ne subsiste plus légalement. En effet, le ministère public interjeta appel. Il se fondait sur ce qu'il n'avait pas d'autorité pour faire exécuter à l'étranger un jugement rendu par un tribunal français, et ce moyen fut accueilli par la Cour impériale de Paris; mais elle tomba bientôt dans une série d'erreurs plus graves encore que celle des premiers juges. Au lieu de maintenir le sursis, en vue de s'adresser, au gouvernement fran çais pour résoudre une question qu'elle croyait internationale, elle procéda à des vérifications en pays étranger; puis, quand elle crut avoir mis ainsi l'affaire en état, à son point de vue, elle évoqua le fond de fond de l'affaire par application de l'art. 215, C. proc. civ. Son arrêt du 1er fév. 1867 vise une lettre du procureur général de Liége du 30 janv. 1867, qui déclare parler au nom du ministre de la justice belge. Il vise une ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de Liége, qui avait rendu exécutoire en Belgique le mandat d'arrêt dirigé contre Renneçon. Il vise une décision du ministre de la justice de Belgique, ordonnant la réintégration de Rennecon aux frontières françaises. Il déduit de ces diverses pièces, qui n'ont été ni contrôlées par le gouver nement f français, ni obtenues par son intermé diaire, que le gouvernement belge n'a entendu li vrer Renneçon à la justice française que comme un prévenu soumis à l'extradition et qui pourrait se prévaloir des règles applicables à la matière. Il décide enfin, en interprétant à la fois le traité et ce qu'il appelle l'acte d'extradition », que l'ex tradition de Rennecon, n'avait pu être obtenue et n'avait en réalité été accordée que pour le crime: de banqueroute frauduleuse. Il, ordonne, on con sequence, que le prévenu sera reconduit à la frontière belge, où il sera mis en liberté (1). 6715 sq on bobankxel cop whosi A

081ba179 004 aloupeal yoq noilgenoob etada

(1) Voici le texte, de cet arrêt Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la lettre de M. le procureur général de Liége du 30. janv. 1867, qu'au mois de sept. 1866 des pour suites furent dirigées devant le tribunal d'Eper nay contre Renheçon, comme inculpd de banque route frauduleuse, que Renneçon s'était refugie

« Il n'y a pas un considérant de cet arrêt qui ne viole les principes les plus incontestables de notre droit public. Le dispositif n'est pas moins illégal. Quant au considérant spécial qui fait, en outre, un grief à l'information de ce que Renneçon n'aurait pas été interrogé sur les éléments de la banqueroute simple, ce blâme immérité jeté sur les procédés du juge instructeur n'est pas fondé sur la réalité des faits, mais il suffit de relever en passant cette nouvelle erreur. Cette décision, monsieur le procureur général, n'a pas été attaquée en temps utile par un pourvoi du ministère public. Elle a été exécutée au profit du prévenu; mais je ne pouvais hésiter à la déférer à la Cour de cassation, et je vous invite à réclamer dans cette affaire une réparation solennelle aux graves atteintes portées à la prérogative du souverain, à la dignité de la justice, aux principes de la séparation des pouvoirs, aux règles de l'extradition et de la compétence. Il est facile

de justifier mes assertions à cet égard :

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1. Aux termes de l'art. 6 de la Constitution du 14 janv. 1852, le chef de l'Etat fait des traités de paix, d'alliance et de commerce. Il représente donc le pays dans ses rapports avec les gouvernements étrangers. Les autorités judiciaires ne peuvent se mettre en communication avec ces gouvernements, surtout pour des matières qui relèvent exclusivement du ressort de l'action diplomatique. Il n'est pas douteux que les négociations relatives aux extraditions sont, comme les traités eux-mêmes, réservées au Gouvernement. La plupart des traités portent même expressément que les demandes d'extradition auront lieu par la voie

en Belgique ; qu'un mandat d'arrêt fut décerné contre lui le 29 sept. 1866 par le juge d'instruction près le tribunal d'Epernay, pour banqueroute frauleuse, et que le gouvernement français demanda son extradition; que, par ordonnance rendue le 13 oct. 1866 par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Liége, le mandat d'arrêt fut rendu exécutoire, et que Renneçon fut arrêté le 14 octobre; que copie du mandat d'arrêt et de l'ordonnance le rendant exécutoire a été délivrée à Renneçon au moment de son arrestation;

Considérant que Renneçon a immédiatement adressé à M. le procureur général de Liége une demande ayant pour objet d'être livré aux autorités françaises, sans attendre l'accomplissement des formalités prescrites pour les extraditions; que, par décision de M. le ministre de la justice belge du 21 oct., la remise de la personne de Renneçon aux autorités françaises a été autorisée ; qu'il a en effet été conduit à la frontière et livré aux autorités françaises; Considérant que Renneçon n'a point été interrogé par le juge d'instruction du tribunal d'Epernay sur les faits de banqueroute simple, et que, dans le cours de l'information, il n'a pas consenti à être jugé sur ce délit ; Considérant qu'à la date du 22 décembre, il est intervenu une ordonnance du juge d'instruction du tribunal d'Epernay qui a déclaré qu'il n'y avait lieu à suivre contre Rennecon pour le crime de banqueroute frauduleuse, mais qui l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel

diplomatique. S'il en est ainsi, comment comprendre que, pour établir la véritable portée d'une négociation d'extradition à laquelle le gouvernement français devait être partie principale, des correspondances aient été engagées en dehors de lui avec les autorités étrangères? Un tribunal pouvait-il prendre une décision exclusivement fondée sur l'intention présumée ou même déclarée de l'une des parties en cause, c'est-à-dire du gouvernement étranger, sans se préoccuper de la manière de voir de l'autre partie, qui est le gouvernement français ? Il est impossible de lire sans un profond regret un arrêt rendu par des magistrats français et qui fait si bon marché de l'opinion et des prérogatives du gouvernement impérial dans une affaire de cette nature. La correspondance en elle-même était irrégulière. Elle ne pouvait légalement être visée comme base d'une décision, et les conclusions qu'on en a tirées sont contraires aux droits du chef de l'Etat.

a

« II. L'arrêt de la Cour de Paris, en s'arrogeant le droit d'interpréter le traité avec la Bclgique et la négociation relative à Renneçon, a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs. Il est défendu, en effet, à tous juges de troubler de quelque manière que ce soit les opérations des autorités administratives, à tous tribunaux de connaître des actes d'administration de quelque espèce qu'ils soient, ou d'entreprendre sur les fonctions administratives (Lois des 16 et 24 août 1790, tit. 2, art. 13; du 16 fruct. an 3, et Constitution du 3 sept. 1791, tit. 3, chap. 5, art. 3). Par le fait de cet arrêt, le gouvernement français s'est trouvé dépouillé du droit de discuter

comme prévenu du délit de banqueroute simple;

Considérant que Renneçon, encore bien qu'il ait demandé à être livré aux autorités françaises, n'en devait pas moins être traité comme un prévenu auquel l'extradition avait été appliquée ; Qu'en effet, Renneçon n'a été arrêté en Belgique que parce que son extradition était demandée par le gouvernement français; que la demande qu'il a formée pour être livré sans délai aux autorités françaises, n'avait d'autre but que d'abréger les formalités de l'extradition, mais ne pouvait changer la nature de l'acte international en vertu duquel il était arrêté en pays étranger et remis par les autorités de ce pays à la justice française pour être jugé; qu'il subissait une véritable extradition, et que, par suite, il conservait le droit de réclamer ultérieurement l'application des principes qui régissent l'extradition entre la France et la Belgique; qu'il résulte des documents produits que le gouvernement belge n'a entendu livrer Renneçon à la justice française que comme un prévenu soumis à l'extradition et qui pourrait se prévaloir des règles qui lui sont applicables; Considérant que l'extradition de Renneçon n'ayant pu être obtenue et n'ayant en réalité été accordée que pour le crime de banqueroute frauduleuse, il ne peut être jugé sur le délit de banqueroute simple; Par ces motifs, ordonne que Edouard Renneçon sera reconduit à la frontière belge, où il sera mis en liberté

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