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utilement avec le gouvernement belge le véritable sens de la négociation, de la ramener, s'il y avait contradiction, à une opinion conforme à l'esprit du traité et à l'intérêt de la justice, et de maintenir au besoin le droit de la justice française et les intérêts de la société à l'égard d'un justiciable placé dans les liens d'une inculpation judiciaire et détenu en France sous la garde de l'autorité administrative.-La Cour de cassation a eu fréquemment à faire application de ces textes dans des matières purement administratives, et en matière d'extradition, elle a spécialement reconnu

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III. L'arrêt méconnaît les principes de l'extradition en ce qu'il reconnaît à un fugitif un droit résultant du traité, le droit de n'être jugé que pour tel crime ou délit. Un malfaiteur n'a pu acquérir par sa fuite aucun titre légal contre la justice de son pays. Si le bras de la loi ne peut s'étendre au delà de la frontière, la négociation à laquelle nous devons recourir ne crée des obligations qu'entre les hautes parties contractantes, responsables de leur conduite d'après les règles du droit des gens. Aucun abus n'est à craindre dans cette matière, car les jugements sont publics, et les gouvernements, intéressés à ce qu'il soit usé de réciprocité à leur égard, surveillent avec jalousie les suites de chaque extradition. Mais reconnaître un droit à l'accusé, ce serait admettre qu'il

que l'appréciation et l'exécution des actes d'extradition, tenant à l'interprétation des traités, ⚫rentrent dans le pouvoir du Gouvernement » (arrêt Grandvaux, du 5 sept.1845); « que les traités d'extradition sont des actes de haute adminis-peut se faire le champion de l'Etat étranger, qu'il

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tration intervenus entre deux puissances, et que ces puissances seules peuvent de concert expliquer ou interpréter; qu'il n'appartient en aucune manière à l'autorité judiciaire de s'immiscer dans ces explications ou interprétations » (arrêts des 18 juill. 1851, Virmaître, et 23 déc. 1852, Dareau), et que ces actes de haute administration échappent à tout contrôle de l'autorité judiciaire (arrêt du 4 mai 1865, Chardon (V. ces divers arrêts cités en note, supra). Enfin l'arrêt Dermenon, du 4 sept. 1840 (P. 1840.2.591.-S. 1860.1.781), défend aux tribunaux de décider si des actes d'une autorité étrangère constituent ou non une extradition virtuelle, sans en référer à l'interprétation du gouvernement. Les tribunaux se conforment ordinairement à une jurisprudence aussi sage, et il en a été fait récemment une application irréprochable par la Cour d'assises de la Vienne dans l'affaire Lamirande (arrêt du 3 déc. 1866).-Ces principes résultent d'ailleurs de la nature des choses. Comment l'autorité judiciaire pourrait-elle, en effet, interpréter un traité d'extradition qui n'a rien d'absolu, qui est énonciatif et non restrictif, qui peut être étendu, suivant les convenances des gouvernements respectifs, par un simple échange de notes, même à des crimes et à des délits non prévus au traité? Et, en ce qui concerne chaque négociation d'extradition, comment le tribunal pourrait-il en déterminer les conditions, puisque la décision qui autorise l'extradition, et qui est judiciaire ou administrative, suivant les pays, n'est jamais produite devant lui, et n'est même pas en la possession du gouvernement qui l'a obtenue? Cet acte qui s'adresse aux agents du pays où il est rendu n'a pas de force exécutoire à l'étranger. C'est le corps du prévenu ou accusé, c'est sa personne qui nous est remise à la frontière, où les mandats et arrêts de la justice francais exercent, dès lors, une autorité absolue et exclusive. Nous agissons de même à l'égard des étrangers, à qui nos décrets ne sont jamais remis. Si des restrictions ou des conditions sont imposées, elles sont précisées, débattues et acceptées par correspondance diplomatique. Elles peuvent lier, sans doute, la justice française, comme tout traité régulier, mais seulement sur une notification du ministre de la justice, et encore en ce qui concerne l'indication des chefs sur lesquels on aurait promis de ne pas statuer.

peut négocier avec lui et avec nous, qu'il serait admis à invoquer jusqu'aux nullités de la procédure suivie en pays étranger, tandis que nous ne reconnaissons même pas à un gouvernement ami le pouvoir de réclamer comme un droit, sous prétexte d'erreur de formes, la restitution d'un accusé, lorsque l'extradition est consommée et qu'aucune faute n'engage d'ailleurs la responsabilité de nos agents.—La Cour s'est sans doute inspirée de précédents dont elle a mal compris la portée. Le gouvernement français, dans ses relations diplomatiques, a toujours fait preuve d'une loyauté qui est fort appréciée des gouvernements étrangers. Elle s'est plusieurs fois manifestée dans l'espèce suivante: Des extradés pour crimes, qui ne pouvaient, dès lors, être jugés malgré eux pour des délits non prévus dans la convention générale et dans les négociations spéciales, sans porter atteinte au contrat intervenu en dehors de leur participation, ont consenti ensuite à purger toutes les accusations portées contre eux. Dans ce cas, et bien que ce fût une renonciation à la protection des gouvernements qui avaient accordé l'extradition, et l'équivalent d'un retour volontaire en France, nous avons fait preuve de courtoisie en prévenant le gouvernement étranger, de manière qu'il ne pût pas croire à un acte violent attentatoire à sa souveraineté. Toujours l'Etat étranger (par exemple, la Suisse et la Belgique) s'est empressé de nous remercier du procédé et d'envoyer son plein acquiescement. Mais ce qui prouve qu'on ne se trouvait plus en matière d'extradition, c'est que la Belgique, notamment, a approuvé le jugement pour des délits à raison desquels la loi spéciale du 1er oct. 1833 ne lui aurait pas permis d'accorder la remise d'un contumax réclamé par nous. Ces exemples viennent donc.confirmer, au contraire, la règle que le gouvernement étranger n'a pas à intervenir en dehors des stipulations qu'il a faites avec le nôtre.

IV. L'arrêt dénoncé devait déclarer que les juridictions françaises étaient saisies de plein droit en dehors des principes de l'extradition, et que Rennecon était dans la situation de tout prévenu ordinaire, auquel la justice ne doit que son impartialité et les garanties actuelles, accordées par la loi. Il a donc violé la règle de la compétence en omettant de statuer dans son dispositif sur le fond, et en, se dessaisissant, après évocation, sans se réserver même le droit de prononcer par défaut

à un jour déterminé. Une ordonnance du juge

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d'instruction d'Epernay avait renvoyé Renneçon devant le tribunal correctionnel, conformément à l'art. 130, C. instr. crim. Le tribunal était légalement saisi de l'action du ministère public, et, par suite, la Cour, qui prononçait l'évocation, devait vider les questions résultant du procès. Après avoir vérifié près de moi en quel état le prévenu lui était livré et si des restrictions étaient imposées à l'action publique par l'effet d'une convention diplomatique, elle n'avait plus qu'à procéder sur les faits incriminés, comme à l'égard d'un prévenu ordinaire, par un renvoi des poursuites ou par une condamnation.-Ces principes sont consacrés par plusieurs arrêts de la Cour suprême. On lit, en effet, dans l'arrêt du 31 juill. 1845 (Bastianesi, P.1847.1.152. S.1845.1. 839), que la mise en jugement de l'extradé ayant été ordonnée par l'autorité compétente, il ne dépendait pas de la Cour d'assises de ne pas procéder au jugement de l'accusation dont elle était légale. ment saisie. L'arrêt du 5 sept. 1845, déjà cité (Grandvaux), affirme que les procédures criminelles doivent suivre leur cours légal, et que les décisions des tribunaux ne portent pas atteinte au droit du Gouvernement d'assurer en tout état de cause l'exécution du traité. Il résulte enfin de l'arrêt du 18 juill. 1851, déjà cité (Virmaitre), que par le seul fait de la remise au gouvernement français de l'accusé extradé, les tribunaux sont légalement investis du droit de prononcer sur l'accusation portée contre lui. Ce sont là les véritables principes que la France a toujours proclamés dans ses rapports avec les nations étrangères, qui ont pris place dans le droit des gens, et qu'il importe de maintenir énergiquement comme la base de nos obligations et de nos droits en cette matière importante.

V. Enfin, un dernier excès de pouvoir résulte de la disposition de l'arrêt ordonnant que Renneçon sera conduit à la frontière belge, expressément désignée, où il sera mis en liberté. La Cour aurait été logique en se déclarant incompétente pour juger extraordinairement le prévenu, mais elle ne pouvait pas prescrire à l'administration les mesures qu'elle a édictées. D'abord, trois arrêts de la Cour de cassation ont décidé que les tribunaux excédaient leurs pouvoirs en ordonnant qu'un vagabond étranger serait reconduit à la frontière après l'expiration de sa peine (arrêts des 9 sept. 1826, P. et S. chr.; (6 déc. 1832, P.[chr. -S.1833.1.866; et 15 juin 1837, P.1838.1. 362). C'est là, en effet, une mesure de police du ressort exclusif de l'administration, dont le droit, à cet égard, est formellement consacré par les art. 7 et 8 de la loi du 3 déc. 1849. Puis, même à l'égard d'un Français qui se serait trouvé réellement dans un cas d'extradition, le gouvernement qui aurait promis de ne pas le faire juger contradictoirement pour un délit, doit rester libre de le laisser en France ou de le reconduire à la frontière, et à une frontière de son choix. L'arrêt le contraint d'obéir à un mandement de justice extralégal.

Par tous et chacun de ces motifs, dont la

gravité n'échappera pas à l'attention de la Cour de cassation, je vous charge expressément, mon

sieur le procureur général, conformément à l'art. 441, C. instr. crim., de dénoncer à la Cour l'arrêt de la Cour de Paris du 1er février dernier, et de réclamer l'annulation et la censure soit du dispositif, soit des considérants que j'ai signalés dans mes observations.-Agréez, etc. »

Dans ces circonstances et par ces considérations:-Vu la lettre ci-dessus transcrite de S. Exc. le garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 8 avr. 1867;-Vu l'art. 441, C. instr. crim.; Vu l'art. 6 de la Constitution du 14 janv. 1852; Vu la loi des 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13; celle du 16 fruct. an 3, et la Constitution du 3 sept. 1791, tit. 3, chap. 5, art. 3; -Vu les art. 7 et 8 de la loi du 3 déc. 1849 sur le séjour des étrangers en France; le traité d'extradition du 22 nov. 1834 entre la France et la Belgique; Vu les pièces jointes à l'appui du pourvoi,-Nous requérons, etc.

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Signé DELANGLE. ARRÊT.D

LA COUR ; Vu les art. 441, C. inst. crim., 6 de la constitution du 14 janv. 1852; 1 et 4 du traité d'extradition entre la France et la Belgique, du 22 nov. 1834; ensemble les lois des 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13, et du 16 fruct. an 3, et enfin la constitution du 3 sept. 1791, tit. 3, chap. 5, art. 3; Attendu que les traités et conventions d'extradition sont des actes diplomatiques de gouvernement à gouvernement; qu'il n'appartient pas aux tribunaux de les expliquer ni de les interpréter, et moins encore en s'appuyant sur des documents qui émanent exclusivement d'agents d'une puissance étrangère; étrangère; Attendu, d'ailleurs, que le prévenu Renneçon-Charpentier, voulant se soustraire aux délais qui auraient été nécessités par l'accomplissement des formalités préalables à l'extradition, aux termes de l'art. 4 du traité du 22 nov. 1834, a demandé et obtenu d'être immédiatement livré aux autorités françaises; qu'ainsi, rentré en France par un effet de sa propre initiative, il est sans droit pour se plaindre de l'inob servation des conditions applicables aux cas d'extradition; Attendu de plus qu'aucune loi n'autorise les Cours et tribunaux à prescrire qu'un prévenu qu'ils considèrent comn.e détenu en dehors des conditions stipulées par les traités d'extradition, sera reconduit à la frontière de la puissance qui l'a livré, pour y être mis en liberté; qu'une telle mesure est dans les attributions exclusives de l'administration; suit qu'en décla

rant que Renneco entier ne pouvait

être jugé en France pour un délit de banqueroute simple, et en ordonnant qu'il serait reconduit à la frontière belge pour y être mis en liberté, la Cour impériale de Paris a méconnu les règles de sa compétence, commis un excès de pouvoir, et formellement violé les dispositions ci-dessus visées; Casse, dans l'intérêt de la loi seulement, etc.

Du 4 juill. 1867. Ch. crim.MM. le

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cons. Legagneur, prés.; Meynard de Franc, cette renonciation ne pourrait résulter que rapp.; Delangle, proc. gén. -og-2° Espèce.

(Faure de Monginot.)

Un arrêt de la Cour de Paris du 24 mai 1867, confirmatif d'un jugement du tribunal correctionnel de la Seine du 29 mars précédent, avait statué ainsi qu'il suit : « Considérant que Faure de Monginot soutient que, son extradition n'ayant été accordée par le gouvernement belge que pour le crime de banqueroute frauduleuse, il ne peut être jugé sur les délits d'escroquerie et d'abus de confiance; Considérant que lorsqu'il y a lieu de rechercher si l'extradition s'est produite régulièrement, s'il s'agit d'interpréter les traités internationaux ou les conventions spéciales qui ont ordonné la remise d'un prévenu, les tribunaux ne sont pas compétents pour apprécier et résoudre ces difficultés, et qu'il appartient au gouvernement seul de les trancher; mais qu'il n'en est pas de même lorsque les faits sont constants; que le sens des traités ou des conventions spéciales n'est pas contesté; qu'il s'agit seulement de décider si les círconstances qui ont précédé et accompagné la remise du prévenu à la justice française présentent les caractères de l'extradition; qu'en ce cas, les tribunaux doivent statuer sur l'exception soulevée par le prévenu;-Considérant que les faits présentent tous les caractères d'une extradition; Qu'on remarque, en effet, la demande d'extradition formée par le gouvernement français, l'arrestation du sieur Monginot à Bruxelles par suite de cette demande, la décision du gouvernement belge portant que le prévenu sera livré aux autorités françaises, et l'avis donné de cette décision au gouvernement français par la voie diplomatique; Considérant que la demande formée par Faure de Monginot de ne pas attendre l'accomplissement complet des formalités exigées pour l'extradition, ne peut changer la nature de l'acte international qui est intervenu; Qu'en réalité Monginot a été arrêté à Bruxelles aux autorités françaises malgré sa volonté, et que le consentement qu'il a donné n'a eu d'autre objet que d'abréger les délais qui pouvaient prolonger sa détention et retarder sa remise aux autorités françaises, remise à laquelle il pensait ne pouvoir se soustraire;

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livré

Qu'il suit de ce qui précède que Faure de Monginot a été livré aux autorités françaises par suite d'une extradition, et que les principes qui régissent l'extradition doivent être appliqués; — Qu'ainsi, l'extradition n'ayant été accordée que pour le crime de banqueroute frauduleuse, Faure de Monginot ne peut être jugé, dans l'état où il se trouve, sur les délits d'escroquerie et d'abus de conflance qui lui sont reprochés, sauf à procéder contre lui par défaut ou autrement, s'il y a lieu; Considérant que Faure deMonginot n'a pas renoncé dans le le cours

opposer Texception qu'il présente; -Que opposer Texception qu'il de l'instruction à

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d'une déclaration formelle, faite en connaissance de cause, que, malgré l'extradition, il consentait à être jugé sur les délits d'escroquerie et d'abus de confiance; Que cette déclaration n'existe pas; - Qu'en donnant devant le juge d'instruction des explications sur les faits constituant les délits en même temps que sur ceux établissant le crime, Faure de Monginot n'a pas renoncé à la faculté qu'il pouvait avoir de ne pas être jugé sur les délits; Que, sous peine d'aggraver sa situation à l'égard même de l'inculpation de crime, il a dů, comme il le déclare, chercher à expliquer et à atténuer tous les faits qui lui étaient opposés;- Sur la partie du jugement ordonnant que Faure de Monginot sera conduit à la frontière belge, où il sera mis en liberté-Considérant qu'il existait un contentieux entre Faure de Monginot, qui demandait à être reconduit à la frontière, et le ministère public, qui concluait à ce qu'il fût retenu et jugé; Que le tribunal devait statuer sur ce contentieux; Qu'en décidant que Faure de Monginot serait mis en liberté à la frontière belge, il n'a pas plus excédé ses pouvoirs qu'en ordonnant que les portes de la prison s'ouvriraient devant un prévenu détenu et acquitté ; — Que la force des choses exige que Faure de Monginot ne soit mis en liberté qu'à la frontière ;-Qu'autrement, s'il était mis en liberté en France, il pourrait être arrêté immédiatement en vertu d'un mandat d'arrêt, et qu'il ne pourrait plus se refuser à être jugé; Par ces motifs, ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, etc. »

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Attendu que descuen

et

LA COUR; Vu les art. 6 de la constitution du 14 janv. 1852; 1 et 4 du traité d'extradition entre la France et la Belgique, du 22 nov. 1834; ensemble les lois des 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13, et du 16 fruct. an 3; et constitution du 3 sept. 1791, tit. 3, ch. 5, art. 3; conventions d'extradition sont actes diplomatiques de gouvernement à gouvernement; qu'il n'appartient pas à l'autorité judiciaire de les expliquer ni de les interpréter, et qu'elle doit s'arrêter et surseoir dès que le caractère des faits produits devant elle est contesté comme constituant ou ne consti tuant pas une extradition;-Attendu, d'ailleurs... (Le surplus, comme à l'arrêt qui précède); Casse, etc.

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Du 25 juill. 1867. Ch. crim. MM. le cons. Legagneur, prés.; Meynard de Franc, rapp.; Bedarrides, av. gén.; Bozérian, av. ze subenį s£3, Espèce(Guérin.) banemoo

Le sieur Guérin, ancien agent de change à Strasbourg, réfugié en Belgique, avait été condamné la Cour d'assises du amne par l Bast Rhin aux travaux forcés à perpétuité, en

conformité de l'art. 404, C. pén., pour avoir fait faillite étant agent de change et pour avoir détourné une partie de l'actif de sa faillite.-Son extradition a été demandée et obtenue par le gouvernement français. Devant la Cour d'assises, ou, par suite, il a comparu pour purger sa contumace, Guérin a soutenu que c'était comme inculpé de banqueroute frauduleuse qu'il avait été extradé, et qu'il ne devait, dès lors, être jugé que quant à ce chef d'accusation; il a déclaré n'accepter le débat que sur ce chef. Deux questions ont été cependant posées au jury: l'une relative au fait par Guérin d'avoir failli étant agent de change, fait constitutif par lui-même de la banqueroute simple à l'égard des agents de change et passible des travaux forcés à temps (C. comm., 89; C. pén., 404); l'autre sur le fait d'avoir, étant agent de change failli, détourné une partie de son actif, fait constitutif de la banqueroute frauduleuse et entraînant contre les agents de change la peine des travaux forcés à perpétuité (C. comm. 593; C. pén., 404). Le jury à résolu la première affirmativement et la seconde négativement. Guérin a pris alors des conclusions tendant à ce que, le fait sur lequel la déclaration de culpabilité avait eu lieu n'étant pas celui de banqueroute frauduleuse pour lequel, disait-il, il avait été extradé, il ne fût prononcé aucune peine contre lui.

10 juin 1867, arrêt qui rejette ce moyen, en se fondant notamment sur ce que l'acte d'extradition ne paraissait renfermer ni distinction ni réserve relativement aux deux chefs d'accusation, et condamne en conséquence l'accusé à six années de travaux forcés.

POURVOI en cassation pour excès de pouvoir, fausse application de l'art. 404, C. pen., et violation des art. 89 et 593, C. comm.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que les traités et conventions d'extradition sont des actes de haute administration qui interviennent entre deux puissances et que, seules, lesdites puissances peuvent expliquer ou interpréter quand il y a lieu; mais qu'il appartient essentiellement à l'autorité judiciaire d'en faire l'application aux espèces, lorsque leur sens et leur portée sont clairs et ne présentent point d'ambiguïté; Attendu que l'accusé, livré à la justice de son pays en vertu des mêmes traités ou conventions par le gouvernement sur le territoire duquel il s'était réfugié, n'a aucun titre pour réclamer contre l'extradi

(1-2) Jugé aussi que le fait d'avoir coupé, sans autorisation préalable, des arbres sur des dunes plantées aux frais et par les soins du Gouvernement, rentre dans la catégorie des contraventions prévues et punies par les art. 192 et 194, C. forest., sans que la qualité de propriétaire du sol, fût-elle reconnue exister en faveur des auteurs de ce fait, leur enlève le caractère de délit. V. Cass.

tion dont il a été l'objet; que, dès lors, la seule remise au gouvernement français de l'accusé extradé investit légalement les tribunaux français du droit de prononcer sur l'accusation formulée à son égard;- Attendu qu'il est constant, en fait, que, sur la demande du Gouvernement français, Guérin a été remis par ordre du gouvernement belge à la disposition de la justice française ;- Attenda que cette extradition a eu lieu sans restriction ni réserves sur le vu d'un arrêt de la Cour d'assises du Bas-Rhin du 18 déc. 1865, qui avait condamné l'accusé par contumace

la peine des travaux forcés à perpétuité pour crimes de banqueroute et de banqueroute frauduleuse en qualité d'agent dechange, faits complexes, tous deux punis des mêmes peines aux termes des art. 89, C. comm., et 404, C. pén., et par la législation belge ;Attendu qu'en rejetant, dans ces circonstances, les conclusions de Guérin tendant à n'être jugé que pour le crime de banqueroute frauduleuse proprement dite, et d'être relevé de toute peine pour le crime de faillite comme agent de change, auquel l'acte d'extradition ne devait pas recevoir d'application, la Cour d'assises du Bas-Rhin n'a pas commis d'excès de pouvoir ni violé le droit de la défense; qu'elle a fait, au contraire, une saine appréciation des principes et règles de la matière; Rejette, etc.

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Du 26 juill. 1867. Ch. crim. MM. le cons. Legagneur, prés.; Meynard de Franc, rapp.; Bédarrides, av. gén.; Mazeau, av.

CASS.-CRIM. 2 août 1867.

DUNES, PLANTATIONS, PROPRIÉTAIRE, INTRODUCTION D'ANIMAUX, Délit FORESTIER.

Les dunes plantées par l'Etat en exécution de l'art. 5 du décret du 14 déc. 1810, bien que ne cessant pas d'appartenir aux propriétaires du sol, sont soumises au régime forestier à raison du droit de jouissance exclusive dont elles se trouvent grevées par ce décret au profit de l'Etat (1). (C. for., 1" et 159.)

En conséquence, l'administration a qualité pour poursuivre les délits forestiers qui y sont commis;—et l'introduction d'animaux sur ces dunes est passible, même dans le cas où elle est le fait du propriétaire, des peines portées par les art. 199 et 202, C: for. : l'art. 7 du décret de 1810, qui renvoyait au Code pénal pour la répression des délits commis sur les dunes, a été abrogé, à cet égard, par l'art. 218, C. for. (2).

7 mai 1835 (P. chr.). La même solution résulte aussi, quoique moins formellement, d'un second arrêt rendu dans la même affaire par les chambres réunies le 1er juill. 1836 (P. chr.-S.1836.1. 665). Il faut toutefois remarquer que la difficulté ne se présentait pas alors devant la Cour suprême dans les termes où elle se formulait dans l'affaire actuelle. En effet, Fart. 6 da décret du

(Simard de Pitray C. Adm. des forêts.)

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sh winnen Le 27 fév. 1867, la Cour de Bordeaux a statué en ce sens par deux arrêts ainsi conçus «Attendu que les dunes CrobotDubos font partie de la propriété du sieur de Pitray, mais qu'elles sont, ainsi qu'il est encore reconnu au procès, du nombre des terrains de cette espèce que l'Etat, en vertu de dispositions de plusieurs règlements sur la matière, et notamment de celles du décret du 14déc.1810, a plantés et boisés, sur le refus ou dans l'impuissance des propriétaires de ces terrains de procéder à cette opération, et que depuis son accomplissement l'Etat seul cultive, entretient et administre, et dont il jouit ainsi exclusivement; Que c'est dans cette situation des choses qu'il s'agit de décider si, à raison des faits délictueux commis par ses deux juments, de Pitray a encouru l'application du droit commun répressif des contraventions forestières, ou si, comme il le soutient, au contraire, il n'est pas justiciable de ce droit parce que l'Etat n'a aucun titre pour pouvoir assujettir le terrain où le délit a été perpétré, au régime forestier;- Qu'en cherchant à se rendre compte, dans sa cause et dans ses effets, de la mesure d'ordre et d'intérêt public au premier chef par laquelle les dunes du littoral de la Gironde et d'autres départements maritimes ont été placées sous la main de l'Etat, on est amené à reconnaître que, de toutes les manières de définir la position vis-à-vis des propriétaires

14 déc. 1810 (V. en note, sous l'arrêt de 1836, le texte de ce décret, qui a été depuis inséré au Bull. des lois, 9 série, Bull. 1434, n. 13959), défendant expressément de faire aucune coupe dans les dunes sans une autorisation spéciale de l'administration, la seule question qui fût souleyée par les parties était celle de savoir si le décret, bien que non inséré alors au Bulletin des lois, avait force de loi. C'est cette question qui a été seule résolue par les arrêts précités. Quant à la difficulté spéciale qui vient d'être tranchée par la Cour de cassation, elle peut être considérée comme neuve, les auteurs s'étant tous bornés, à cet égard, å rappeler les dispositions du décret de 1810. V. MM. Proudhon, Dom. publ., t. 3, n. 723; Dufour, Dr. admin. appliq., t. 4, n. 273; Bourguignat, Dr. rur., n. 809; Gaudry, Tr. du dom., t. 1, n. 101. La question, cependant, ne manque pas de gravité. L'art. 1o, n. 6, C. forest., soumet au régime forestier les bois et forêts dans lesquels l'Etat, la Couronne, les communes ou les établissements publics ont des droits de propriété indivis avec des particuliers. Il s'agit de savoir si cette disposition doit être entendue restrictivement, en ce sens que les bois dont l'Etat, les communes, etc., sont propriétaires, doivent être seuls assujettis au régime forestier, ou si elle doit être étendue aux bois dont l'Etat n'a que la jouissance. Le pourvoi soutenait la première, opinion, et il invoquait à l'appui de sa thèse un arrêt de la Cour de cassation du 29 mai 1845 (P.1845.2.

du sol même de ces dunes, la plus juste et qui explique le mieux cette position spéciale est celle qui considère l'Etat comme substi tué à ces mêmes propriétaires, substitution temporaire sans doute et conditionnelle, puisqu'elle peut cesser lorsque, après le remboursement des avances de toute nature faites pour leur mise en culture, les dunes sont restituées à leurs propriétaires dans l'ordinaire acception du mot, mais substitution qui, tant qu'elle dure, investit l'Etat de tous les droits inhérents à la propriété quant à l'administration, à la préservation et à la jouissance de la chose qui en est l'objet; Que, par une conséquence nécessaire, cette chose devient partie intégrante du domaine de l'Etat et donne à celui-ci le droit de la régir comme telle; que, dès lors, elle se trouve participer, quant au mode de conservation, aux règles de police établies pour celles des portions identiques du domaine, c'est-à-dire les forêts de l'Etat, et est sou→ mise, comme ces dernières et avec elles, au régime forestier; Qu'il suit de là que l'Etat peut et doit même poursuivre les délits commis sur les dépendances de son domaine contre quiconque s'en est rendu coupable, et qu'à cet égard il n'y a aucune distinction à faire entre les tiers, étrangers à toute prétention passée ou future sur les dunes, et leurs propriétaires originaires; Que l'exception dont voudraient se prévaloir ces derniers ne trouverait nulle part en droit sa raison d'être; Que loin de là et en fait

753. S.1846.1.41), d'après lequel, en effet, les travaux d'ensemencement exécutés par l'Etat, ne lui conférant aucun droit de propriété ou de possession sur les terrains qui appartiennent aux communes ou aux particuliers, ne peuvent être envisagés comme un trouble de la part de l'Etat, autorisant contre lui l'action en complainte. Par le nouvel arrêt que nous recueillons, la Cour de cassation, tout en reconnaissant, comme l'avait fait celui de 1845, que le propriétaire de dunes n'est pas dépouillé, par le fait de l'ensemencement, de ses droits sur le sol, n'hésite pas cependant à appliquer aux dunes les dispositions du Code forestier; d'où il est permis d'induire que, dans l'opinion de la Cour, la disposition prérappelée du Code forestier est destinée à protéger, nonseulement les droits de copropriété existant au profit de l'Etat, mais même un simple droit le jouissance. On peut tirer argument, à l'appui de cette solution, du décret du 29 avril 1862 (P. Lois, décrets, etc., de 1862, p. 47.-S. Lois annotées de 1862, p. 27) qui a placé dans les attributions du ministre des finances et confié à l'administration des forêts les travaux de fixation, d'entretien, de conservation et d'exploitation des dunes, attribués jusque-là à l'administration des ponts et chaussées. Ce décret étant motivé sur la nécessité d'établir, dans l'intérêt public, l'unité de direction entre les services qui se rattachent au régime forestier, semble supposer résolue la question tranchée dans notre arrêt.cale mal di

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