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et notamment de l'art. 53 du cahier des charges, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que cet article était applicable à la grande navigation maritime.— Après avoir cherché à démontrer que la clause d'interdiction renfermée dans l'art. 53 n'avait été imposée à l'origine qu'à la seule compagnie d'Orléans par la loi de concession du 7 juill. 1838, à cause de la concurrence que ce chemin de fer pouvait faire aux messageries, et qu'elle n'avait pas été insérée, notamment, dans le cahier des charges du chemin de fer du Havre et de Dieppe, qui aboutissait à la mer, faisait remarquer et on soutenait que le sens primitif de cette disposition n'avait pas été modifié par la législation subséquente. La loi du 15 juill. 1845, relative à la police des chemins de fer, disait-on, ne contient rien sur les arrangements des compagnies avec les entreprises de transport; mais une loi du même jour, relative au chemin de fer de Paris à la frontière de Belgique, comprend des dispositions générales qu'on est surpris de trouver dans une loi particulière. Quoi qu'il en soit, l'art. 14 de cette loi porte que, à moins d'une autorisation spéciale de l'administration supérieure, il est interdit à la compagnie, sous les peines portées par l'art. 419, C. pén., de faire directement ou indirectement avec des entreprises de transport de voyageurs ou de marchandises par terre ou par eau, sous quelque dénomination ou forme que ce puisse être, des arrangements qui ne seraient pas également consentis en faveur de toutes les autres entreprises desservant les mêmes routes.» Depuis cette loi, tous les cahiers des charges, notamment celui de la compagnie du Midi, ont reproduit textuellement la disposition qui vient d'être transcrite, sauf qu'en dernier lieu, les mots desservant les mêmes routes ont été remplacés par ceux-ci: desservant les mêmes voies de communication. Mais ce léger changement de rédaction ne modifie en rien le sens et la portée de la disposition, qui reste la même. C'est là évidemment une disposition exceptionnelle, exorbitante du droit commun, qu'il faut soigneusement renfermer dans ses limites et qu'il n'est permis d'étendre sous aucun prétexte. Or, il résulte du seul historique de cette disposition, que le législateur de 1845, qui l'a empruntée, en l'adoucissant, à la loi de 1838, n'a eu en vue que les entreprises de transports intérieures. Le sens usuel des mots employés par l'art. 14 de la loi de 1845 et, à la suite, par les cahiers des charges des compagnies de chemins de fer, est du reste conforme à cette pensée du législateur. Les entreprises de transports de voyageurs ou de marchandises par terre ou par eau ne sont et ne peuvent être que les entreprises dont parlent, dans les mêmes termés, les art. 1782 et suiv., C. Nap., et les art. 96 et suiv., C. comm., exclusivement relatifs au commerce de terre et totalement étrangers au commerce maritime réglé par un livre spécial de notre loi commerciale.

Ce qui le prouve surabondamment, c'est que le législateur n'a voulu assurer l'égalité qu'aux entreprises desservant les mêmes routes. Or, il est clair que ces expressions ne peuvent s'appliquer qu'aux entreprises qui desservent les routes de terre ou les voies fluviales, naturelles ou canalisées; elles sont complétement inapplicables aux expéditions maritimes. Si hardi qu'on soit dans son langage, on ne peut pas faire rentrer dans leurs termes la mer, devant laquelle s'arrêtent les routes et où se perdent les fleuves. On ne pourrait donc pas, sous prétexte d'analogie, étendre aux expéditions maritimes la réglementation introduite pour les transports intérieurs. Cette analogie, du reste, n'existe pas. On comprend, en effet, que le législateur ait voulu protéger l'industrie des transports sur le territoire même de la France; on comprend surtout qu'il ait eu cette pensée au moment où l'établissement des chemins de fer jetait dans cette industrie une perturbation dont il était impossible de calculer la portée. Mais la situation de la navigation maritime n'est pas la même. D'une part, les chemins de fer l'alimentent, au lieu de la troubler; d'autre part, la navigation maritime était et est restée assez puissante pour se défendre elle-même. Dès lors pourquoi sacrifier à son profit le principe de la liberté des conventions ?-Au surplus, cela n'était même pas possible. En effet, le domaine de la navigation maritime est la pleine mer, qui ne saurait être soumise aux règles de police commerciale établies par la législation particulière d'un peuple. L'autorité de cette législation ne peut s'imposer qu'au territoire, et la pleine mer en est affranchie pour rester ouverte à toutes les nations. Le législateur de 1845 ne pouvait donc pas songer à étendre l'effet obligatoire de son art. 14 au delà des bornes de la souveraineté française. Cette extension, d'ailleurs, outre qu'elle était impossible en principe, eût été, en fait, on ne peut plus désastreuse. Pour les entreprises commerciales de l'intérieur, qui sont toutes régies par la loi française, les règles de la concurrence sont absolument les mêmes, et on peut leur appliquer une même mesure de police. Mais la question change de face si l'on tente d'appliquer la même mesure à la navigation maritime, qui s'exerce dans des conditions légales tout à fait différentes. Pour elle, la concurrence à considérer, c'est surtout la concurrence étrangère. Or, l'administration française ne peut pas assurer entre notre marine marchande et celle des autres nations qui ne lui est pas soumise, ce règne de l'égalité dans la concurrence qui est le but de la disposition qui nous occupe. Le but étant impossible à atteindre, comment admettre qu'on ait voulu le tenter, quand tout au contraire proteste que le légis lateur n'y a pas songé! Ne vaut-il pas mieux laisser sous l'empire du droit commun et abandonner aux règles équitables du droit des gens des relations internationales qui

ne peuvent pas être assujetties d'une manière complète à la police particulière d'un seul Etat? Ne voit-on pas qu'autrement on imposerait à la marine française une prohibition dont la marine étrangère profiterait sans être soumise aux mêmes entraves! L'armateur de Londres qui envoie des navires à Bordeaux, peut, en effet, traiter comme il l'entend avec les compagnies de chemin de fer; et si, en même temps, il a le droit de s'opposer à tout arrangement entre un armateur de Bordeaux et la compagnie des chemins de fer du Midi, il est clair qu'il a sur l'armateur français un avantage considérable et qui fausse, au détriment de nos nationaux, les règles naturelles de la concurrence commerciale. Voilà le résultat pratique de la trompeuse analogie trop facilement admise par l'arrêt attaqué.

20 branche. Violation des mêmes textes précités, en ce que l'arrêt a accordé aux sieurs Robinson des dommages-intérêts pour la concurrence qui leur a été faite à l'étranger. Il ne s'agit ici, a-t-on dit, ni d'une question de capacité, ni d'une question de forme, mais d'une règle de police qui assure aux différentes entreprises de transports desservant une même route, l'égalité de traitement de la part des compagnies de chemins de fer. Le texte de la disposition, le sens qui découle de son interprétation littérale et historique, montrent assez, ainsi qu'il vient d'être établi, qu'il s'agit d'une route française. Mais, à défaut du texte et du sens littéral des mots, cette interprétation resterait encore la seule possible d'après les principes généraux du droit. Il est certain, en effet, que l'empire des lois réelles s'arrête à la frontière et subit les limites de la souveraineté elle-même. Il en résulte évidemment que l'art. 14 de la loi du 15 juill. 1845 et l'art. 53 du cahier des charges de la compagnie du Midi, n'a pas de force obligatoire à Londres. Cependant les sieurs Robinson se plaignaient de ce que les sieurs Lindsay leur auraient fait à Londres une concurrence que les lois et règlements déclarent illicite France; ils réclamaient, à ce titre, des dommages-intérêts, et l'arrêt attaqué a déclaré qu'ils y avaient droit aussi bien que pour la concurrence qui leur a été faite à Bordeaux. Il est manifeste qu'en le décidant ainsi, la Cour de Limoges a violé les lois et règlements relatifs à la police des chemins, ainsi que l'art. 3, C. Nap. La concurrence faite à Londres par un armateur anglais à un autre armateur de la même nation, ne pouvait être appréciée qu'au point de vue de la loi anglaise, qui n'impose à la concurrence aucune limite analogue à celle qui a fait l'objet du procès, ainsi que l'a reconnu la Cour de Bordeaux dans son arrêt du 28 juill. 1863.

en

3e branche. Violation encore des mêmes textes, en ce que l'arrêt décidé que les voyages de Londres à Bordeaux et de Bordeaux à Londres opérés par les sieurs Ro

binson, devaient être considérés comme effectués sur une route française, alors même qu'ils ont eu lieu au moyen de navires anglais. En supposant que les dispositions de la loide 1845 et du cahier des charges pussent être appliquées à la navigation maritime, il faudrait tout au moins que les navires dont les voyages donnent lieu à la demande en dommages-intérêts fussent des navires français. Par une fiction généralement admise dans le droit des gens, les navires de guerre sont considérés comme une portion détachée du territoire de l'État auquel ils appartiennent. Cette fiction est appliquée dans une certaine mesure aux navires de commerce eux-mêmes. On concevrait donc que l'on pût soutenir à la rigueur, au moyen de cette fiction, que l'armateur qui part de Bordeaux pour aller à Londres, est resté sur le territoire français, dans une voiture française; que, par conséquent, il a parcouru une route française soumise aux lois de police de la France. Mais sur quoi peut-on appuyer une pareille prétention quand le navire est étranger? Cela est impossible à concevoir. Les sieurs Robinson n'ont expédié de Bordeaux à Londres, ou de Londres à Bordeaux, que des navires anglais ou espagnols. Leurs voyages se sont donc effectués tout entiers en dehors du territoire français, en dehors de l'empire des lois françaises. Si l'on peut dire qu'ils ont desservi une route, c'est non pas une route française, mais une route anglaise, protégée par le pavillon anglais, et parcourue par une voiture anglaise. Il faut donc bien reconnaître qu'ils ne sont pas recevables à invoquer l'art. 14 de la loi du 15 juill. 1845, et le cahier des charges de la compagnie du Midi, à moins de dire que ces dispositions protégent l'industrie anglaise sur les routes de la Grande-Bretagne et de l'lrlande. Cette distinction entre les navires français et les navires étrangers est appuyée, au surplus, sur un texte de loi positif, sur l'art. 4 du décret du 24 sept. 1793, qui interdit aux navires étrangers le cabotage, c'est-à-dire les expéditions d'un port français à un autre port français. Sous tous les rapports, donc, l'arrêt dénoncé a encouru la cassation.

ARRÊT.

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LA COUR ; Attendu que la compagnie demanderesse en cassation ne conteste plus aujourd'hui, en présence de l'arrêt de cassation du 3 juill. 1865, que le principe d'égalité dans la concurrence qui a été établi par l'art. 14 de la loi du 15 juillet 1845 et reproduit dans l'art. 53 du cahier des charges de la compagnie, ne puisse être invoqué par les étrangers aussi bien que par les Français; mais qu'elle prétend décliner l'application de ce principe en soutenant que la disposition de l'art. 53 précité ne peut être étendue ni aux entreprises de transports par mer, ni à la concurrence qui se réalise en pays étrangers, ni à celle qui se pratique au

Attendu

moyen de navires étrangers;
que la triple critique relevée par les trois
branches de l'unique moyen est repoussée
d'abord par cette considération générale que
la défense contenue dans l'art. 53 du cahier
des charges n'a pas seulement en vue l'in-
térêt privé des entrepreneurs de transports,
qu'elle a surtout pour objet de protéger l'in-
térêt général du commerce; qu'il suit de là
que cette défense doit être entendue dans
un sens large, appliquée dans tous les cas,
sans préoccupation des lieux d'expédition ou
de destination des marchandises transpor-
tées, non plus que du mode de transport,
et de telle sorte que le monopole dont sont
investies les compagnies de chemins de fer
ne devienne jamais pour elles un moyen
d'altérer les conditions naturelles de la libre
concurrence, et d'amener la hausse ou la
baisse des marchandises, en favorisant par
des arrangements quelconques certains en-
trepreneurs plutôt que d'autres; - Attendu
qu'indépendaniment de cette raison, aucune
des objections spéciales du pourvoi n'est
justifiée; Attendu 1o que si les art. 1782,

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CASS.-REQ. 1er août 1867.

COMMUNE, SECTION DE COMMUNE, Distrac-
TION, ECHANGE.

Au cas où une commune s'est engagée envers un propriétaire à lui céder, en échange de parcelles de terrain destinées à l'établissement de rues et places publiques dans une section de la commune, d'autres parcelles de terrain situées dans la même section, si cette section vient, dans l'intervalle, à étre érigée en commune, la commune contractante peut être mise hors d'instance sur la demande di

de terrain promises en contre-échange, et l'o-
bligation de cette délivrance étre imposée à
la nouvelle commune, seule en position de
l'effectuer comme possédant les parcelles dont
il s'agit (1). (C. Nap., 1134, 1165 et 1702.)
(Garbé et Dervieu C. comm. d'Oran et de
Mers-el-Kebir.)

En 1860, les sieurs Garbé et Dervieu proposèrent à la commune d'Oran de lui céder diverses parcelles de terrain destinées à l'ouverture de rues et places publiques dans la section de Mers-el-Klébir, et de recevoir en échange, au lieu d'une indemnité pécuniaire, d'autres terrains situés dans la même section et dont la valeur proportionnelle se

C. Nap., et 96, C. comm., quand ils parlenirigée contre elle en délivrance des parcelles de transports par eau ou de voituriers par eau, ne désignent que les transports par les canaux, les fleuves ou les rivières, ce sens, indiqué et restreint par la nature même des matières dont s'occupent lesdits articles n'est plus celui que présentent les expressions transports par eau, dans l'art. 53 du cahier des charges de la compagnie; que le mot eau, dans ce dernier article, conserve sa signification la plus étendue, qu'il désigne les transports par mer aussi bien que tous les autres, et que ce sens de l'art. 53 résulte avec évidence de ce que cet article contient les mots : « desservant les mêmes voies de communication »>, au lieu des mots : « desservant les mêmes routes », qu'on rencontrait dans l'art. 14 de la loi du 15 juill. 1845;-At-rait déterminée par experts.-En 1863, les tendu 2o que l'atteinte à la libre concurrence qui s'exerce, même à l'étranger, réagit sur le marché français, et que, d'un autre côté, la contravention à l'art. 53, réprimée par l'arrêt attaqué, a été bien réellement commise sur le territoire français et tombe ainsi sous l'empire de la loi française; - Attendu Attendu 3° que les statuts de la compagnie, non plus que l'art. 14 de la loi de 1845, ne se préoccupent en aucune façon de la nationalité du navire qui transporte les marchandises venant du chemin de fer ou allant au chemin de fer, et qu'enfin la loi du 24 sept. 1793, qui n'a point été invoquée devant la Cour de Limoges, ne peut recevoir aucune application à la cause, puisque cette loi n'a en vue que le cabotage d'un port français à un port français, et le transport des marchandises de cru français, et n'a rien décidé sur des marchandises de cru inconnu venant de Londres à Bordeaux pour chercher le chemin de fer, ou quittant ce chemin pour aller de Bordeaux à Londres; Attendu qu'il suit de là que les arrêts attaqués n'ont violé aucun des

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sieurs Garbé et Derieu, prétendant que la proposition d'échange n'avait pas été acceptée et qu'ils pouvaient, dès lors, la rétracter, firent assigner la commune en règlement d'une indemnité pour le terrain qu'ils avaient abandonné à la voie publique et qui de fait lui avait été réuni.

12 janv. 1864, jugement du tribunal d'Oran qui rejette la demande, dit que le contrat d'échange est irrévocablement intervenu, et renvoie les parties à l'exécuter.

Appel. Dans l'intervalle, un décret impérial du 27 mai 1864 avait érigé en commune la section de Mers-el-Kébir. La commune d'Oran a alors appelé en cause la nouvelle commune, et a conclu à être mise hors d'ins

(1) On remarquera que l'arrêt énonce formellement dans ses motifs que cette solution n'implique point que la commune contractante ne pourra pas être ultérieurement recherchée si la nouvelle commune ne réalisait pas la délivrance mise à sa charge.

tance et à ce que la commune de Mers-elKébir, sur le territoire de laquelle se trouvaient les terrains à délivrer au sieur Garbé, prît son lieu et place. Ces conclusions ont été combattues par les appelants. Quant à la commune de Mers-el-Kébir, elle a déclaré prendre fait et cause pour la commune d'Oran, et au fond a conclu à la confirmation du jugement attaqué.

4 déc. 1865, arrêt de la Cour impériale d'Alger qui met la commune d'Oran hors d'instance, donne acte à la commune de Mers-el-Kebir de ce qu'elle déclare prendre son fait et cause, et au fond confirme le juge

ment.

POURVOI en cassation par les sieurs Garbé et Derieu, pour fausse application du décret du 27 mai 1864, et violation de l'art. 6 de la loi du 18 juill. 1837; violation aussi des art. 2 et 1165, C. Nap., et 181, C. proc., en ce que l'arrêt dénoncé, donnant un effet rétroactif au décret impérial qui a détaché la commune de Mers-el- Kébir de la commune d'Oran, et mettant à tort cette dernière hors de cause, a imposé à la nouvelle commune la dette contractée antérieurement par la commune d'Oran.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que, du moment où il est jugé que les demandeurs en cassation ont droit pour la valeur de leurs terrains non à une indemnité en argent ainsi qu'ils le prétendaient, mais seulement à d'autres terrains acceptés par eux en échange, et que ces terrains se trou

(1) Par deux arrêts du 12 fév. 1866 (P.1866. 249.-S.1866.1.94), la Cour de cassation a également jugé que l'action conférée par l'art. 1798 ne peut être exercée par les sous-entrepreneurs qui, dans une pensée de spéculation, s'étant chargés de travaux qu'ils font exécuter pour leur propre compte, n'y prennent point une part personnelle, et que cette action n'appartient qu'aux ouvriers proprement dits. Ces deux arrêts ajoutent qu'il n'y a pas lieu, d'ailleurs, de distinguer entre l'ouvrier qui ne donne que son travail personnel et celui qui, prenant part au travail, s'est fait aider par d'autres ouvriers sous ses ordres, ou qui s'est chargé des fournitures accessoires nécessaires de la matière sur laquelle il travaille. Dans l'espèce actuelle, l'arrêt attaqué avait accordé l'action de l'art. 1798 au sous-entrepreneur, en le considérant, d'après les circonstances de la cause, comme ouvrier ayant travaillé lui-même, avec les ouvriers sous ses ordres, à la construction, et ayant fourni sa main-d'œuvre en même temps qu'une certaine quantité de matériaux. Cette décision a néanmoins été cassée par le motif que la coopération du sous-entrepreneur aux travaux avait un caractère de spéculation et d'opération industrielle. D'où il résulte qu'aux yeux de la Cour suprême, ce caractère de spéculation suffit pour refuser aux sous-entrepreneurs le bénéfice de l'art. 1798, quelle que soit d'ailleurs la part qu'ils aient prise personnelle

vent en la possession, non de la ville d'Oran, mais de la commune de Mers-el-Kébir, c'est évidemment à bon droit que la commune d'Oran a été mise hors d'instance et l'obligation de délivrer les terrains en contre-échange imposée à la seule commune qui fût en position de faire cette délivrance; Que cette solution, d'ailleurs, n'implique point que la ville d'Oran ne pût être ultérieurement recherchée par les demandeurs en cassation si la commune de Mers-el-Kébir ne pouvait réaliser la délivrance mise à sa charge;-Attendu qu'une telle décision, conforme à la raison et à la nature des choses, ne peut faire grief aux demandeurs en cassation et qu'elle ne heurte d'ailleurs aucun principe de droit.-Rejctle, etc. Du 1er août 1867. Ch. req. Bonjean, prés.; de Peyramont, rapp.; Paul Fabre, av. gén. (concl. conf.); Jager-Shmidt,

av.

MM.

CASS.-CIV. 11 novembre 1867. LOUAGE D'OUVRAGE, OUVRIERS, SOUS-ENTRE

PRENEURS.

L'action que l'art. 1798, C. Nap., confère aux ouvriers qui ont été employés à des ouvrages faits à l'entreprise, contre le maître de ces ouvrages, jusqu'à concurrence de ce qu'il doit à l'entrepreneur, n'appartient qu'aux ouvriers proprement dits; elle ne peut être exercée par les sous-entrepreneurs, dont la coopération aux travaux a un caractère de spéculation et d'opération industrielle (1).

ment aux travaux matériels, la qualité d'ouvrier ou de maître ouvrier disparaissant alors devant celle plus importante de spéculateur industriel. -Un arrêt de la Cour de Poitiers, du 4 mai 1863 (P.1864.510.-S.1864.2.61) a jugé, dans le même sens, que l'action directe de l'art. 1798 ne peut être exercée par ceux qui, ayant sousentrepris une partie des travaux, ont fourni les matériaux en même temps que leur travail. Mais le contraire a été jugé par plusieurs autres arrêts. V. Montpellier, 22 août 1850 et 24 déc. 1852 (P. 1854.1.382.-S.1853.2.685); Nancy, 21 fév. 1861 (P.1861.236.-S.1861.2.218); Bordeaux, 8 juill. 1862 (P.1863.1149.-S.1863.2.13). Les arrêts précités de la Cour de Montpellier ont aussi jugé que l'action de l'art. 1798 appartient à ceux qui ont eux-mêmes d'autres ouvriers à leur compte, dont ils ont fourni le travail en même temps que le leur propre. C'est ce qui a été également jugé par un arrêt de la Cour de Paris du 9 août 1859 (P.1860.657.-S.1859.2.589). -Enfin, il a été encore jugé, par un arrêt de la Cour de Besançon du 16 juin 1863 (P. 1864. 170.-S.1863.2.206), que l'on doit considérer comme ayant coopéré à la main-d'œuvre les tâcherons, maîtres ouvriers et sous-entrepreneurs qui ont organisé et dirigé les chantiers; et qu'à leur égard, l'action embrasse les fournitures par eux faites, en tant qu'elles sont les accessoires de la main-d'œuvre.

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(Synd. Billette CG. Gaullier.)

Le sieur Billette, entrepreneur à Dijon, s'est chargé de la construction d'un hôtel dans cette ville pour le sieur Vacheron, receveur général, et il a passé avec Gaullier, charpentier à Dijon, un traité en vertu duquel celui-ci devait faire les travaux de charpente de cet hôtel, en fournissant les bois, les travaillant et les posant, le tout à raison de 29 fr. par mètre de bois employé.

Pendant que les travaux se poursuivaient, Billette a été déclaré en faillite.-Le syndic a alors sommé le charpentier Gaullier d'avoir à fournir le mémoire des travaux par lui exécutés; mais Gaullier a élevé la prétention de se faire payer directement par le propriétaire pour lequel il avait travaillé, et de rester ainsi étranger aux chances de la faillite: il basait cette prétention sur l'art. 1798, C. Nap.

Le tribunal de commerce de Dijon a rejeté cette prétention et a ordonné à Gaullier de produire à la faillite comme les autres créanciers.

Appel par le sieur Gaullier; et, le 21 mars 1865, arrêt de la Cour de Dijon qui réforme en ces termes « Considérant que l'action accordée aux ouvriers contre le pro priétaire qui a traité avec un entrepreneur principal, est fondée sur ce que, par leurs travaux et leurs fournitures, ils ont donné plus de valeur à la maison qu'ils ont construite, agrandie ou réparée;-Que ce n'est pas seulement en vertu des dispositions de l'art. 1166, C. Nap., qu'ils agissent comme subrogés aux droits de l'entrepreneur; que le législateur, par un sentiment d'équité et de commisération, leur a accordé une action directe contre celui qui doit payer les travaux; Que cette faveur, proclamée par l'art. 1798, a été encore plus nettement formulée, à l'égard des ouvriers et sous-entrepreneurs travaillant pour le compte de l'Etat, par le décret du 12 déc. 1806; Qu'il n'y

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à aucune différence à faire entre les simples ouvriers et les ouvriers sous-entrepreneurs qui ont fourni, non-seulement leur maind'œuvre, mais encore une certaine quantité de matériaux ; Que l'art. 1798 ne devrait recevoir exception que pour ceux qui auraient fourni leurs matériaux sans maind'œuvre ; Que toutes les fois que les ouvriers, sous-entrepreneurs ont travaillé euxmêmes et par leurs ouvriers à la construction dont le prix doit être distribué, ils doivent être payés avant la faillite; Attendu que Gaullier doit être rangé dans cette catégorie; que c'est à tort que les premiers juges ont pensé qu'étant sous-entrepreneur les dispositions de l'art. 1799, C. Nap., enlevaient à Gaullier le bénéfiée de l'art. 1798; que, par l'art. 1799, le législateur a voulu seulement imposer une certaine responsabilité aux sous-entrepreneurs en cas de vices de construction; · Par ces motifs, etc. »

POURVOI en cassation par le syndic de la

faillite Billette, pour fausse application de l'art. 1798, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a décidé que l'action que confère cet article pouvait être exercée par un sous-entrepreneur, qui n'est pas un ouvrier proprement dit.-L'art. 1798, disait le demandeur, a créé au profit de l'ouvrier, en cas de faillite de l'entrepreneur qui l'a employé, une position exceptionnelle; pour lui, bien que créancier de l'entrepreneur, il ne le réduit pas à l'action de l'art. 1166, C. Nap.; l'art. 1798 lui donne une action a lui propre et directe contre le propriétaire envers lequel cependant il n'a pas contracté. Cette situation exceptionnelle, exorbitante en quelque sorte, on le comprend, se justifie chaque fois qu'il n'est question que des salaires des ouvriers. L'équité, l'humanité, la commisération, comme le dit l'arrêt attaqué, voulaient que l'on assurât, autant que possible, le paiement des salaires de l'homme qui vit au jour le jour et qui fait vivre de son travail sa femme et ses enfants. On pouvait d'autant mieux lui assurer cet avantage que les salaires se payant par jour, par semaine au plus, leur arriéré ne peut jamais être une charge bien lourde pour la faillite; restreinte dans ces limites et ne protégeant que le salaire, cette faveur accordée à l'ouvrier sur les autres créanciers est légitime, elle a même quelque chose de saMais qu'on se garde bien de l'étendre au delà de son but parfaitement restreint, car alors on se montrerait injuste envers les autres créanciers et on romprait sans motifs graves tout le système sur lequel repose la législation des faillites, l'égalité dans le malheur commun. Qu'est-ce ici que Gaullier? ajoutait le demandeur; sa créance peut bien comprendre le prix de quelques journées de travail, mais la plus forte part représente le prix des fournitures de bois qu'il a faites. Il s'est rendu sous-entrepreneur de la charpente de l'hôtel du sieur Vacheron, comme Billette s'était rendu entrepreneur général. Billette trouvera son profit dans les bénéfices qu'il fera sur les prix qui lui sont alloués par le propriétaire, et Gaullier trouvera le sien dans les bénéfices qu'il fera sur les prix que Billette lui a consentis; il stipule sur une partie déterminée du bâtiment, comme Billette spécule sur la totalité de la construction. Gaullier a fourni des bois, comme d'autres ont fourni des pierres, des fers, comme le banquier lui-même a fourni de l'argent; ils sont tous créanciers de Billette, ils doivent tous subir la même loi.-On se prévalait, en terminant, de deux arrêts de la Cour de cassation du 12 fév. 1866 qui ont refusé le bénéfice de l'art. 1798 à un sous-entrepreneur (V. ad notam).

cré.

Le défendeur s'emparait, de son côté, de ces arrêts pour dire que si la Cour avait refusé le bénéfice de l'art. 1798 à un sous-entrepreneur, c'est qu'elle avait constaté que cet entrepreneur n'était pas un ouvrier, mais un véritable spéculateur. Ces arrêts, par leur rédaction, font assez comprendre que la

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