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(1) Cette question est intéressante à raison de la matière à laquelle elle se rattache, mais sa solution ne semblait pas susceptible d'une difficulté bien sérieuse. La loi du 25 mars 1817, reproduisant un principe fondamental de droit public, ouvrait formellement, dans son art. 135, au contribuable lésé, l'action criminelle en concussion contre les autorités qui ordonneraient des taxes non autorisées par la loi, et contre les employés qui confectionneraient les rôles et tarifs, et ceux qui en feraient le recouvrement.- Quant à l'action civile qui pouvait appartenir au contribuable en restitution de la somme qui avait été indûment exigée de lui, la loi de 1817 ne s'en expliquait pas spécialement; mais il était hors de doute que cette action était ouverte à son profit, en vertu des principes du droit commun (art. 1235 et 1376, C. Nap.), contre l'administration qui avait encaissé le produit de la perception illégale. La loi du 15 mai 1818 ne s'est pas bornée, comme celle de 1817, à s'occuper de l'action criminelle en concussion; après avoir reproduit la disposition de l'art. 135 de cette dernière loi, elle ajoute (art. 94): • sans préjudice de l'action en répétition, pendant trois années, contre tous receveurs, percepteurs ou individus qui auraient fait celle perception. Est-il vrai qu'en ouvrant ainsi une action en répétition contre les agents de la perception, la loi de 1818 ait voulu dégager l'administration elle-même de la responsabilité directe à laquelle, sous la législation antérieure, elle était tenue en vertu des règles du droit commun? C'est ce qu'il est impossible d'admettre. Bien loin de vouloir diminuer les garanties dues aux contribuables, la loi de 1818 a voulu, au contraire, les étendre ; or, ces garanties seraient évidemment restreintes, si, d'une part, au lieu d'administrations toujours solvables, le contribuable n'avait plus pour débiteurs que des agents inférieurs qui peuvent n'être pas solvables, et si, d'autre part, la durée de son action était désormais soumise à la prescription triennale, au lieu de subir simplement la prescription du droit commun. En pareille matière, on le comprend, c'est l'administration qui est le véritable débi- | teur du contribuable, puisque c'est elle qui en

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caisse le produit de l'impôt dont elle décrète la perception, et que les receveurs et percepteurs ne sont que ses agents. Or, si, par des considérations particulières, et pour rendre un hommage d'autant plus grand au principe qui défend la perception de tout impôt non autorisé légalement, la loi a voulu rendre responsables civilement même les agents inférieurs, instruments passifs, le plus souvent, et simples exécuteurs des ordres qui leur sont donnés d'en haut, il serait étrange qu'elle eût voulu en même temps dégager le véritable coupable, c'est-à-dire l'administration qui, non-seulement a fait percevoir l'impôt illégal, mais qui, en outre, en a reçu le montant dans sa caisse. C'est ce qu'a fait observer très-nettement M. le conseiller rapporteur dans l'affaire actuelle (V. infra, au cours de l'article). Il faut donc dire que les deux actions, celle résultant du droit commun et celle ouverte par la loi de 1818, existent concurremment, chacune avec les caractères qui lui sont propres.

des

(2) Jugé, d'après le même principe, que les tribunaux saisis d'une action contre l'Etat en paiement d'une créance, ne sont pas tenus, si le Trésor oppose les lois de déchéance, de surseoir à statuer; ils peuvent prononcer la condamnation demandée, mais en réservant à l'administration la question de déchéance: Cons. d'Etat, 16 mai 1839 (P. chr.-S.1840.2.91); 23 juill. 1844 (P. chr.). V. aussi M. Serrigny, Compět. et proc. adm., t. 2, n. 1309 (2°édit.). « Cela explique, dit cet auteur, comment il peut arriver que le ministre des finances ne tient point de compte des jugements qui ont condamné l'Etat à payer créances frappées de déchéance au moment où ils sont rendus; c'est qu'il suppose que l'autorité judiciaire n'a ni dû ni pu examiner les questions de déchéance qui arrivent vierges devant lui, parce que, étant seul responsable, il est seul compétent pour faire payer ou pour refuser le paiement. . Sur le pouvoir du ministre d'appliquer les déchéances après les jugements de condamnation contre l'Etat, V. Cons. d'Etat, 18 août 1842 (P. chr.); 26 juill.1844 (P. chr.-S.1844. 2.604.); 13 déc. 1845 (P. chr.), et 28 mai 1866 (P. chr.).

(Douanes de la Réunion C. Lacaussade.)

Le 17 fév. 1852, un jugement du tribunal de Saint-Denis (île de la Réunion), statuant entre le directeur des douanes de l'île et le directeur de l'intérieur de la colonie, d'une part, et les sieurs Lacaussade et comp., fabricants de tabacs, d'autre part, a déclaré inconstitutionnels et illégaux divers arrêtés par lesquels le gouverneur de la Réunion avait réglementé la perception des taxes locales sur les tabacs. Ce même jugement condamnait l'administration à restituer 24,623 fr. 65 cent., montant des taxes illégalement perçues. Ce jugement a été réformé par un arrêt de la Cour de la Réunion du 8 août 1857; mais cet arrêt, à son tour, a été cassé par la Cour suprême le 7 mai 1861 (P.1861.1137.-S.1861.1.728). La Cour de Bordeaux, statuant sur le renvoi, a confirmé le jugement.

A la suite de cet arrêt, qui n'avait statué que sur les droits perçus en 1851, les sieurs Lacaussade et comp. ont réclamé le remboursement de tout ce qu'ils avaient payé sous l'empire des arrêtés reconnus illégaux. -Ils se sont adressés au directeur des douanes et au directeur de l'intérieur oblepour nir la restitution de la somme de 571,233 francs, montant des droits dits de fabrication, d'octroi et de bandelettes, par eux payés jusqu'au 25 juin 1863. Les défendeurs, ont opposé diverses exceptions. Ils ont soutenu notamment : 1° que la demande relative aux perceptions faites antérieure ment au 1er janv. 1856, c'est-à-dire sous le régime financier établi par l'ordonnance royale de 22 nov. 1841, était repoussée par la déchéance quinquennale établie dans les art. 44 et 45 de ladite ordonnance 2° que la demande relative aux perceptions faites depuis le 1er janv. 1856 aurait dû, conformément à l'art. 41 du décret du 26 sept. 1855, portant application à la colonie du nouveau système financier, être dirigée dans les trois années, à partir de la perception des droits, non contre les directeurs des douanes et de l'intérieur, mais contre les percepteurs, receveurs ou autres individus qui avaient opéré la perception; 3° qu'en supposant que cette dernière fin de non-recevoir ne fût pas applicable, la demande devrait être soumise, pour cette seconde période, comme pour la première, à la déchéance quinquennale établie par les art. 44 et 45 de l'ordonn. du 22 nov. 1841. 8 nov. 1864, jugement qui considérant divisément ce qui a trait aux perceptions antérieures au 1er janv. 1856 et ce qui concerne les perceptions postérieures, refuse d'appliquer aux premières la déchéance quinquennale par le motif que la mission de l'autorité judiciaire consiste uniquement à statuer sur le fond du droit, sauf à l'autorité chargée de la liquidation des dettes de la colonie à appliquer, s'il y a lieu, la déchéance, en vertu de l'art. 44 de l'ordonn.

roy. du 22 déc. 1841.Quant aux perceptions de la deuxième période, faites depuis la mise à exécution du décret du 26 sept. 1855, le tribunal déclare que la seule voie ouverte aux demandeurs était l'action en répétition exercée directement contre les agents qui avaient opéré la perception; d'où il conclut que la demande, dans sa forme, et en tant que dirigée contre le directeur des douanes et le directeur de l'intérieur, était non recevable. - Enfin, il exprime que la dernière solution rend inutile l'examen du moyen de déchéance tiré, quant à cette deuxième période, de la prescription quinquennale ou triennale.

Appel par les sieurs Lacaussade; et, le 19 août 1865, arrêt de la Cour de la Réunion qui confirme sur le premier chef, ét infirme sur le deuxième, dans les termes suivants : «1° Quant à la demande de remboursement des sommes perçues pendant la première période, c'est-à-dire du 1er janv.1851 au 1er janv. 1856: -Attendu que lorsqu'un tribunal a reconnu la validité d'une créance contre l'Etat, et prononcé contre lui une condamnation, le paiement de cette créance ne peut s'effectuer que par les voies administratives; que, dans le but d'éviter des embarras inextricables, résultant d'arriérés considérables, l'administration a cru devoir adopter une mesure rigoureuse, impitoyable, une prescription particulière qui affecte le paiement de la créance et non la créance elle-même, la déchéance; que les tribunaux n'ont nullement à s'en occuper;-2° Sur la non-recevabilité de l'action en ce qui concerne les perceptions de la deuxième période, du 1er janv.1856 au 15 juin 1863: Attendu, quand on lit l'art. 41 du décret du 26 sept. 1855, et qu'on le rapproche des dispositions qui le précèdent ou le suivent, qu'il est impossible de se méprendre sur sa véritable portée, sur son sens réel ;-Attendu, en effet, que cet article, calqué sur l'art. 94 de la loi de finances du 15 mai 1818, et reproduit depuis dans les lois de la métropole qui, chaque année, fixent le budget, le rendent exécutoire, et déterminent les contributions, droits, taxes votés ou maintenus, n'a eu en vue que les contributions, droits ou taxes, ainsi du reste que le texte lui-même l'énonce, non compris dans le budget colonial et local; que la variante signalée par les parties dans la rédaction de cet art. 41, ne peut avoir aucune influence sur la décision à intervenir; Que cet article prévoit uniquement le cas où les fonctionnaires qu'il énumère ordonnanceraient ou feraient des perceptions interdites, et ouvre, dès lors, au contribuable lésé, deux actions, l'une criminelle, l'autre civile ; qu'il est évident qu'en accordant ces deux seules voies de recours, le législateur ne s'est préoccupé que de l'infraction à ses inhibitions et défenses; qu'il a voulu atteindre des individus coupables, mais coupables à un degré différent; - Qu'ainsi, il punit des peines de la

concussion édictées par l'art. 174, C. pén., ceux qui auraient ordonné de percevoir, exigé ou reçu des contributions, droits, taxes qu'il savaient n'être pas prévus au budget, ni, par conséquent, dûs; tandis qu'en permettant les poursuites au civil, il a entendu que ces mêmes fonctionnaires, s'ils avaient commis la faute involontairement, sans en tirer aucun profit, s'ils avaient, par exemple, versé dans les caisses de l'Etat les deniers par eux perçus, portassent néanmoins la peine de leur incurie, de leur légèreté et de leur impéritie; c'est pourquoi il ne les juge pas dignes de sa protection, et il leur retire la faveur de la garantie constitutionnelle, tout en limitant à trois années le délai pour exercer contre eux l'action en répétition, afin de ne pas les laisser indéfiniment exposés à être troublés dans leurs fonctions par des poursuites n'ayant quelquefois d'autre mobile que la haine ou le ressentiment; Attendu, dès lors, qu'on ne saurait contester le caractère d'une sanction pénale à la disposition de l'art. 41; que, comme les lois spéciales, elle ne peut être étendue aux cas qu'elle ne prévoit pas; que si, au contraire, on veut la considérer comme ayant un caractère civil, on admettra bien, au moins, qu'elle est exceptionnelle, qu'elle sort du droit commun, et que, de même que les lois exceptionnelles, elle n'admet aucune extension; exceptiones sunt strictissimæ interpretationis; Attendu, en conséquence, que c'est à tort que le tribunal a cru devoir faire l'application du susdit art. 41 à l'espèce actuelle; qu'il s'agit, en effet, de perception de droits de douanes sur les tabacs qui figuraient annuellement au nombre des taxes devant alimenter le budget local; que ces perceptions étaient autorisées par des arrêtés émanant d'un gouvernement revêtu d'un pouvoir législatif restreint, il est vrai, à certaines matières, mais qui n'en existait pas moins au vu et au su de tout le monde; que jusqu'au jour où ils ont été annulés comme inconstitutionnels par des décisions judiciaires, inconstitutionnalité sur laquelle, encore aujourd'hui, l'administration n'est pas complétement édifiée, ces arrêtés étaient obligatoires pour tous, contribuables et agents de perceptions; tendu, au surplus, que Lacaussade et comp. se sont, dès l'origine, adressés au directeur des douanes, en qualité de percepteur, conformément à l'arrêté du 17 juill. 1850; que, d'un autre côté, la demande en répétition concernant les impôts perçus depuis 1856 est la conséquence du différend qui existait depuis 1851 jusqu'au 30 juill. 1863 entre le directeur de l'intérieur et le directeur des douanes, d'une part, et Lacaussade et comp. d'autre part; Qu'il était donc rationnel et juste que ces derniers actionnassent les fonctionnaires qui, devant les diverses juridictions, n'ont cessé d'être, comme représentants de l'administration, leurs constants adversaires; Attendu, en conséquence,

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qu'on ne saurait opposer à Lacaussade et comp. l'art. 41 du décret du 26 sept. 1855, et les faire déclarer non recevables dans leur demande, sur le motif qu'elle aurait dû être directement intentée contre les agents de la perception; Attendu que les mêmes motifs qui font repousser l'exception tirée de la non-recevabilité de l'action, en ce qui concerne les perceptions de la deuxième période, suffisent pour proscrire tout examen de la prescription triennale; - Dit que l'action en remboursement de la deuxième période a été bien et valablement intentée contre le directeur de l'intérieur et le directeur des douanes;- Au fond, par application des art. 1235 et 1376, C. Nap., condamne le directeur de l'intérieur et le directeur des douanes, ès-qualités, à rembourser à Lacaussade et comp. le montant des perceptions faites sur les tabacs, au préjudice de ces derniers, du 1er janv. 1856 au 25 juin 1863, etc. »

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POURVOI en cassation par le directeur des douanes et le directeur de l'intérieur de la colonie. 1er Moyen. Violation de l'art. 41 du décret impérial du 26 sept. 1855, et fausse application des art. 1236 et 1376, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a jugé que la répétition des sommes perçues en vertu d'arrêtés inconstitutionnels a pu être exercée contre des fonctionnaires autres que les agents de perception.-L'art. 41 du décret de 1855, ont dit les demandeurs, reproduit, en l'appliquant à la colonie, une disposition qui, depuis 1818, est écrite dans les lois de finances annuelles, et qui est ainsi conçue : << Toutes contributions directes ou indirectes, autres que celles autorisées ou maintenues par la présente loi, à quelque titre ou sous quelque dénomination qu'elles se perçoivent, sont formellement interdites, à peine contre les autorités qui les ordonneraient, contre les employés qui confectionneraient les rôles et tarifs, et ceux qui en feraient le recouvrement, d'être poursuivis comme concussionnaires, sans préjudice de l'action en répétition pendant trois années, contre tous receveurs, percepteurs ou individus qui auraient fait la perception... » Ces termes sont formels; l'action en répétition s'exerce contre le fonctionnaire qui a procédé à la perception; or, il est certain que ni l'un ni l'autre des demandeurs en cassation n'a procédé à la perception; donc c'est à tort que l'action a été dirigée contre eux.-L'arrêt attaqué, pour repousser cette fin de nonrecevoir, émet des motifs qui paraissent revenir à cette idée, que l'art. 41 ne fait qu'édicter des peines contre les fonctionnaires qui enfreignent les lois constitutives de l'impôt, et, par conséquent, ne peut s'appliquer au cas où les perceptions donnant lieu à répétition ont été exercées en vertu de textes qui avaient au moins l'apparence de la légalité, et qui commandaient ainsi l'obéissance. D'où il semble conclure que

dans le cas d'une légalité pour ainsi dire putative qui est celui de l'espèce, la répétition de l'indu a lieu purement et simplement dans les conditions du droit commun; c'est, d'ailleurs, ce qui ressort du dispositif où il est dit que la condamnation a lieu par application des art. 1325 et 1376, C. Nap.Ainsi, il y aurait, selon les cas, trois actions ouvertes au contribuable lésé par une perception illégale : l'action en concussion, l'action en répétition pendant trois années, la condictio indebiti du droit commun. Exposer une telle théorie, c'est la réfuter; il est évident que l'action ouverte par l'art. 94 de la loi de 1818, n'est autre que la condictio indebiti elle-même, appropriée à la matière spéciale de l'impôt; en d'autres termes, que l'art. 94 organise l'application, en matière d'impôt, des art. 1235 et 1376, C. Nap.-La jurisprudence du Conseil d'Etat est formelle à cet égard (arr. 16 fév. 1832, P. chr.; 4 sept. 1841, P. chr. —S.1842.2.191 ; 28 août 1848, P. chr.). « Considérant, y est-il dit, que les lois de finances n'ouvrent que deux modes d'action judiciaire aux particuliers qui voudraient se pourvoir à l'occasion des contributions qu'ils prétendraient ne pas être autorisées par la loi; la plainte en concussion, et l'action en répétition pendant trois années... que, hors de ces deux modes indiqués d'une manière limitative, il n'appartient pas aux tribunaux de s'immiscer dans l'établissement des rôles de répartition, en connaissant des actions auxquelles ils pourraient donner lieu de la part des particuliers. »Dans le système de l'arrêt attaqué, ce qui permettrait d'échapper à ces précédents, serait que les percepteurs, dans l'espèce, se trouvaient autorisés par des lois apparentes; mais il est certain que l'action spéciale en répétition n'est pas moins faite pour ce cas que pour celui où la perception a eu lieu sans titre; c'est au reste ce qui résulte d'un arrêt du Conseil d'Etat du 14 déc. 1862 (P. chr.- S.1863.2.23). L'action en répétition accordée par l'art. 94 précité compétait donc seule aux sieurs Lacaussade et comp., et, aux termes de cet article, c'est contre les agents qui avaient procédé à la perception, et contre eux seuls, qu'elle devait être dirigée. — On saisit d'ailleurs parfaitement la raison qui a fait désigner ces agents comme devant être actionnés; perception et répétition sont les deux termes d'un même rapport, et il était naturel que la poursuite en répétition s'exerçât contre celui qui avait exercé la poursuite en perception. C'est l'intérêt du contribuable de n'avoir pas à démêler parmi les divers agents d'une administration compliquée celui auquel il doit s'adresser; la signature apposée sur la quittance de l'impôt provisoirement payé lui indique son adversaire.-D'autre part, c'est l'intérêt de l'administration que l'agent de perception soit seul et directe. menten cause, car s'il était permis d'assigner tel ou tel autre fonctionnaire, les tribunaux

n'auraient plus seulement à s'attacher au fait matériel de la perception; ils apprécieraient la nature des rapports des divers fonctionnaires entre eux, ce qui n'est pas admissible. Enfin, il est certain que la pensée de la loi a été d'établir la responsabilité personnelle et directe de l'agent qui se trouve en contact avec le contribuable (Vivien, Etudes administratives, t. 1, p. 77 et suiv., 2e éd.)— C'est donc à tort que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'action intentée contre le directeur des douanes et le directeur de l'intérieur, sous prétexte qu'ils auraient dirigé le service de la perception de l'octroi dans les trois ports de la colonie.

2o Moyen. Violation de l'article 41 du décret du 26 sept. 1855, en ce que, en admettant même que l'action des sieurs Lacaussade et comp. fût valablement dirigée contre les demandeurs en cassation, elle eût dû être déclarée tardive et frappée de la prescription triennale, le vœu de la loi étant que le délai de 3 ans éteigne, dans tous les cas, toute contestation entre le contribuable et l'agent de perception.

M. le conseiller rapporteur a présenté, sur ces deux moyens réunis, les observations suivantes :

• Suivant les demandeurs, l'effet de la disposition générale insérée dans l'art. 94 de la loi de finances de 1818, et reproduite dans le décret du 26 sept. 1855, art. 41, serait d'affranchir l'administration elle-même de l'action en répétition autorisée par le droit commun, et de limiter cette action à la personne des agents directs de la perception et à la durée de trois ans. Vous aurez peut-être quelque peine à admettre que telle ait été la pensée du législateur. Depuis l'établissement du régime constitutionnel en France, il est de principe que l'impôt doit être voté par le Corps législatif, et qu'il ne peut en être exigé aucun autre des citoyens ; dès le 22 déc. 1789, ce principe était consacré par la loi de ce jour (sect. 3, art. 6); il l'était de nouveau dans la Constitution de 1791 (tit. 5, art. 1 et 5), et l'on peut lire dans les art. 11 et 12, sect. 1re, tit. 1er, du Code pénal du 25 septembre de la même année, que ce Code réservait des châtiments rigoureux non-seulement aux simples agents de la perception, mais aussi au ministre qui avait contre-signé l'ordre de percevoir un impôt. C'est là un des grands principes de 1789 que la Constitution actuelle garantit, et qu'ont respectés les diverses constitutions qui se sont succédé en France depuis 1791.-Avant la loi des finances de 1818, celle du 25 mars 1817 rappelait, dans son art. 135, l'interdiction d'enfreindre ce principe sous peine de concussion.-Le pourvoi ne méconnaît pas que, sous l'empire de cette législation, qui n'ouvrait aucune voie spéciale à l'action des citoyens pour obtenir la restitution des sommes qu'ils avaient indûment payées par l'acquittement de taxes illégales, cette répétition pouvait être exercée contre l'administration elle-même ; mais il prétend que la loi des finances de 1818 ayant ajouté, dans son art. 94, à la disposition relative à la répression pénale, • sans préjudice

Ce sont les demandeurs qui, lors du premier procès, ont engagé l'instance et se sont constitué les adversaires des défendeurs éventuels, qui ont agi comme représentant les droits de l'administration. Comment prétendre aujourd'hui qu'ils n'avaient pas qualité pour défendre à l'action de même nature agitée entre le défendeur éventuel et l'administration?... Peut-être penserez-vous donc, messieurs, que l'arrêt attaqué n'a pas violé l'art. 41 du décret du 26 sept. 1855, en décidant qu'en dehors de l'action spéciale autorisée par cet article contre les simples agents de la perception illégale, et limitée dans la durée de trois ans seulement, les défendeurs avaient pu trouver dans les principes du droit commun l'action en répétition des sommes indûment versées dans la caisse du directeur des douanes, action qui pouvait s'adresser à tous ceux qui détenaient ces sommes, et n'était pas circonscrite dans la limite de trois années.... ARRÊT.

-At

⚫ de l'action en répétition, pendant trois années,
⚫ contre tous receveurs, percepteurs ou indivi-
dus qui auront fait la perception a dérogé
au droit antérieur, et n'a plus permis aux ci-
toyens d'assigner en répétition que ces derniers
agents, affranchissant, du même coup, les auto-
rités dont ces agents n'avaient été que les instru-
ments.-Peut-être penserez-vous que telle n'a pas
été la volonté du législateur. Par cette addition,
la loi a manifestement voulu donner aux contri-
buables une garantie de plus, et non restreindre
celle qu'ils trouvaient déjà dans le droit commun.
Personnellement responsable de la perception non
autorisée par la loi, le receveur qui n'est qu'un ins.
trument dans les mains de l'administration trou-
vera, dans cette responsabilité, une force de résis-
tance que le sentiment de sa dépendance lui au-
rait peut-être refusée sans cet appui; et, dans tous
les cas, complice de l'illégalité, il était naturel qu'il
fût tenu de réparer le dommage qu'elle avait pu
causer; réparation plus facile d'ailleurs pour les
contribuables que celle qui devrait être demandée
au ministre ou même à son agent immédiat.—Mais
si cette garantie nouvelle, introduite limitativement
par la loi de finances, est précieuse pour les con-
tribuables, il est difficile d'admettre qu'elle ab-
sorbe en elle-même les garanties fournies par le
droit commun et qu'elle les efface. S'il en était
ainsi, à la solvabilité de l'administration, la loi sub-
stituerait la solvabilité douteuse d'un simple agent
de perception, et, tandis que l'administration con-
serverait les deniers illégalement perçus, sans pou-
voir être atteinte par l'action en répétition, cette
action ne pourrait dépasser la personne du simple
receveur qui ne les aurait plus et ne pourrait peut-
être pas les fournir.-Mais si, sur la poursuite
du contribuable, l'agent de perception paie, est-ce
qu'il n'aura pas le droit de répéter à son tour
contre l'administration les sommes qu'il a reçues
et qu'il lui a versées pour obéir à ses ordres ? et
si cette action en sous-répétition existe à son pro-
fit dès l'instant qu'il a remboursé le contribuable,
si l'administration n'est pas absolument et défini-
tivement affranchie de toute répétition, dans
quelle pensée, pour sauvegarder quel intérêt, dé-
tournerait-on d'elle l'action directe du contribua-
ble? Que les lois de finances n'ouvrent que deux
modes aux contribuables, ainsi que le décide le
Conseil d'Etat dans les ordonnances citées par le
pourvoi, savoir: 1° l'action en concussion contre
tous les auteurs et complices de la perception illégales n'eussent aussi action, par voie civile,
gale; 2°l'action en répétition contre les percepteurs:
nous le voulons bien; mais l'autorité de l'inter-
diction écrite dans notre droit constitutionnel do-
mine les lois de finances qui, d'ailleurs, la con-
sacrent chaque année, et le droit commun garantit
aux citoyens soumis à un acte de concussion, ou,
comme dans l'espèce, à un excès de pouvoir et à
une illégalité, l'action de l'indu contre ceux qui
ont recueilli et qui gardent les sommes indûment
payées. Vous penserez donc, peut-être, que
l'art. 41 de l'ordonn. du 26 sept. 1855, comme
l'art. 94 de la loi des finances du 15 mai 1818,
ne formait pas une fin de non-recevoir à l'action
dirigée contre les demandeurs en cassation, alors
même que cette action aurait dû être appréciée
en dehors des circonstances relevées par l'arrêt.—

LA COUR;-Sur les deux moyens:tendu que l'art. 41 du décret du 26 sept. 1855 n'a fait qu'étendre aux colonies la disposition de l'art. 94 de la loi des finances du 15 mai 1818, disposition reproduite depuis, chaque année, comme disposition générale, à la suite de tous les budgets des recettes; que ledit art. 41 du décret a donc exactement le même sens et la même portée que l'art. 94 de la loi de 1818;-Attendu que la loi du 25 mars 1817, formulant seulement, à nouveau, un principe fondamental de notre droit public, incontesté depuis 1789 (L. 22 déc. 1789, sect. 3, art. 6; Constitution du 3 sept. 1791, tit. 5, art. 1 et 4; C. pén. du 25 sept.1791, art. 11 et 12), avait disposé, art. 135: Toutes contributions directes oui ndirectes, autres que celles autorisées ou maintenues par la présente loi, à quelque titre ou sous quelque dénomination que ce soit, sont formellement interdites, à peine contre les autorités qui les ordonneraient, contre les employés qui confectionneraient les rôles et tarifs, et ceux qui en feraient le recouvrement d'être poursuivis comme concussionnaires ; Attendu que, si cette loi ne s'occupait que de l'action pénale en concussion, il n'est pas douteux que les citoyens qui auraient eu à subir des perceptions illé

pour répéter les deniers indûment perçus contre les administrations qui les auraient encaissés conformément aux art. 1235 et 1376, C. Nap.; Attendu qu'en ajoutant à l'art. 135 la disposition additionnelle : << Sans préjudice de l'action en répétition, pendant les trois années, contre tous receveurs, per cepteurs ou individus qui auraient fait la perception, et sans que pour exercer celle action devant les. tribunaux, il soit besoin d'une autorisation préalable », l'art. 94 de la loi du 15 mai 1818 a évidemment voulu étendre et non pas restreindre les garanties que les citoyens tenaient déjà du droit commun, et notamment supprimer l'action en répétition de l'indû contre les administra

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