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teurs qui auraient encaissé la perception illégale; Qu'il ne pouvait entrer dans la pensée du législateur de substituer ainsi à des administrations toujours solvables des agents inférieurs dont la solvabilité pourrait se trouver insuffisante et qui d'ailleurs n'araient fait qu'obéir à leurs supérieurs, soit en opérant les perceptions illégales, soit en les versant dans les caisses publiques; D'où il suit qu'en repoussant la double fin de non-recevoir opposée par le demandeur en cassation à l'action du défendeur éventuel, l'arrêt attaqué n'a fait qu'une juste application des art. 1235 et 1376 sans aucunement violer l'art. 41 du décret du 26 sept. 1855; Rejette, etc.

Du 19 août 1867.- Ch. req.- MM. Bonjean, prés.; Nachet, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); Fournier, av.

CASS.-REQ. 17 juillet 1867.

teuses ne contiennent aucune des substances vénéneuses portées au tableau annexé au décret du 8 juill. 1850 (3).

(Burin et Legoux C. Passe.)

Les sieurs Burin et Legoux se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de la Cour de Caen du 28 août 1865 rapporté vol.1866. 1108, pour violation des art. 25, 32 et 33 de la loi du 21 germ. an 11, et fausse application de l'ordonn. du 25 avril 1777, en ce que cet arrêt a décidé qu'un vétérinaire peut détenir, composer et vendre toutes les préparations pharmaceutiques inscrites ou non au Codex, et destinées à la médication des animaux confiés à ses soins. - L'art. 25 de la loi du 21 germ. an 11, a-t-on dit, porte que << nul ne pourra obtenir de patente pour exercer la profession de pharmacien, ouvrir une officine de pharmacie, préparer, vendre et débiter aucun médicament, s'il n'a été reçu suivant les formes voulues, etc. >> Si ce texte peut présenter

VÉTÉRINAIRES, Diplôme, MédicamenTS, SUB- quelque doute dans son interprétation, ce ne

STANCES VÉNÉNEUSES.

La profession de vétérinaire est libre et peut être exercée par toute personne, sans aucune condition d'étude et de diplôme (Motif de l'arrêt) (1).

Il en est de même de la préparation et de la vente des médicaments pour les animaux : la loi du 21 germ. an 11 (art. 25, 32 et 33) qui réserve aux pharmaciens seuls la préparation et la vente des médicaments ne leur est pas applicable. Dès lors, les vétérinaires méme non brevetés ont le droit de composer et de vendre toutes préparations médicamenteuses destinées aux animaux (2)... pourvu d'ailleurs que ces préparations médicamen

(1-2-3) Le décret du 15 janv. 1813 assujettit ceux qui veulent être reçus médecins vétérinaires à l'obligation de suivre des cours, de passer des examens et d'obtenir un brevet.-Mais suit-il de là que les vétérinaires reçus aient le privilége exclusif d'exercer l'art de guérir les animaux? La jurisprudence admet généralement que le fait d'exercer cet art, sans diplôme, ne tombe sous l'application d'aucune loi pénale. V. Colmar, 11 juill. 1832 (P. chr.- S.1833.2.154); Angers, 8 avril 1845 (P.1847.1.575); Orléans, 18 juill. ou 13 août 1860 (P.1861.53.-S.1860.2.437). -La Cour de cassation, par l'arrêt que nous recueillons, décide également que la profession de vétérinaire peut être exercée librement par toute personne, sans condition d'étude ni de diplôme. -Toutefois, l'arrêt d'Angers précité admet qu'en principe, la médication des animaux appartient aux vétérinaires titrés, et de là il conclut que l'exercice de cette médication, sans diplôme, n'échappe à toute pénalité qu'autant qu'il a eu lieu sans usurpation de titre ou de qualité. V. dans le même sens, un arrêt de Paris du 3 avril 1844, cité et approuvé par MM. Briand et Chaudé, Man. de médecine légale, 4 édit., p. ANNÉE 1867.-11 LIVR.

serait que quant au sens du mot médicament, car ses termes sont absolus et ne permettent aucune distinction. Or, demander si l'on doit appliquer le mot médicament aux remèdes destinés aux animaux, c'est demander si les mots maladie et guérison peuvent s'appliquer à eux. Le mot médicament est défini par les dictionnaires : « substance employée pour ramener à un type naturel les propriétés vitales altérées dans le cours des maladies » ou, encore, «matière capable de produire dans l'animal vivant des changements utiles, en général de guérir les maladies et de conserver la santé. » Tout animal vivant, susceptible de maladie et de guérison, peut donc recevoir un médicament,

849.

Si l'exercice de la médecine vétérinaire est libre, n'en est-il pas de même de la préparation et de la vente des médicaments dont elle comporte l'emploi ? Sur ce point encore, la jurisprudence se prononce pour l'affirmative. V. les arrêts de 1832, 1845 et 1860, précités. V. aussi M. Fumouze, de la Pharmacie, p. 106. V. cependant M. Pellault, Cod. des pharm., n. 246 et suiv.-Mais on remarquera que l'arrêt de Caen, qui était ici déféré à la Cour de cassation et celui de cette dernière Cour, tout en approuvant la doctrine qui vient d'être rappelée, y mettent comme condition que les compositions médicamentaires préparées et débitées par les vétérinaires ne contiendront aucune des substances vénéneuses portées au tableau annexé au décret du 8 juill. 1850, le droit de détenir de pareilles substances et d'en faire emploi dans leurs médicaments rentrant dans le monopole exclusif des pharmaciens.-Une circulaire du ministre du commerce du 20 mai 1853, permet cependant aux vétérinaires de tenir chez eux et de vendre des substances vénéneuses. V. aussi M. Fumouze, op. cit., p. 111 et suiv.

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et la loi, dès lors, dans ce premier texte, tranche la question en termes décisifs.L'art. 30 de la même loi n'est pas moins formel; il enjoint au jury d'inspection de faire des visites « dans tous les lieux où l'on fabriquera et débitera sans autorisation légale des préparations ou compositions médicinales », mots qui s'appliquent à toutes les branches de la médecine, y compris la médecine vétérinaire. L'ordonnance royale du 29 oct. 1846, portant règlement sur la vente des substances vénéneuses prouve encore d'une manière péremptoire que jamais on n'a voulu faire de distinction entre les diverses natures de médicaments, et soustraire les uns à l'application de la loi de germinal, alors que d'autres y seraient soumis. « La vente des substances vénéneuses, y est-il dit (art. 5), ne peut être faite, pour l'usage de la médecine, que par les pharmaciens, et sur la prescription d'un médecin, chirurgien, officier de santé, ou d'un vétérinaire breveté ».—Quoi de plus clair le vétérinaire prescrit comme le médecin, et, pour l'un comme pour l'autre, le pharmacien exécute la prescription. Cette ordonnance, pas plus que la loi de germinal, ne voit pas, relativement aux pharmaciens, deux médecines, l'une pour les hommes, l'autre pour les animaux; elle dit en termes généraux « pour l'usage de la médecine » et elle met sur la même ligne les médecins, les chirurgiens et les vétérinaires.-Ainsi, d'un côté, la loi de germinal accorde aux pharmaciens seuls le droit de vendre des médicaments, et, d'un autre côté, l'ordonn. de 1846 déclare que la vente des substances vénéneuses ne peut être faite que sur la prescription d'un vétérinaire; d'où il suit que le rôle de chacun est bien distinct, et que le vétérinaire ne saurait être confondu avec celui qui a pour mission spéciale de fabriquer et de débiter les remèdes. A ces textes si clairs, l'arrêt attaqué oppose l'ordonnance du 25 avril 1777 qui défend aux épiciers et à toutes autres personnes de fabriquer, vendre et débiter aucun sel, composition, ou préparation entrant au corps humain sous forme de médicament, et il en conclut à contrario que les médicaments qui n'entrent pas au corps humain peuvent être vendus par tous. Mais il est facile de répondre qu'à cette expression qui peut sembler limitative, la loi du 25 germinal an 11 en a substitué une beaucoup plus générale, puisqu'elle défend la vente de tous médicaments à d'autres que les pharmaciens. En vain l'arrêt attaqué objecie-t-il encore qu'il n'existe pas de loi ayant, pour la médecine des animaux, comme cela a été fait pour la médecine des hommes, organisé séparément la profession de médecin et celle de pharmacien. Il est vrai que la loi n'a pas organisé la médecine des animaux et que, au point de vue du droit pénal, cette médecine est libre même pour ceux qui ne sont pas vétérinaires brevetés; mais, de là, il ne résulte pas né

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cessairement que la vente des médicaments destinés aux animaux soit libre. Ce serait, en effet, une erreur que de penser qu'il n'y a pas plus d'inconvénient à laisser entièrement libre la pharmacie vétérinaire que la médecine vétérinaire. Il n'en serait ainsi que si les médicaments destinés aux animaux étaient d'une nature différente de ceux des-' tinés aux hommes; mais on sait que les médicaments, qu'ils soient destinés aux hommes ou aux animaux, sont composés avec les mêmes substances et qu'ils ne diffèrent que par la quantité des doses. Il était done, comme on le voit, important de soumettre les uns et les autres à la même police, à la même surveillance et aux mêmes garanties dans l'intérêt de la salubrité publique. La loi de germinal qui a voulu prévenir la fabrication et la vente clandestine de tous les médicaments n'aurait pas atteint son but si elle avait laissé une entière liberté à la fabricacation et à la vente de ceux destinés aux animaux, car ceux qui se livreraient à ce commerce auraient le droit d'avoir et de détenir toutes les substances qui entrent dans la préparation des médicaments, et il leur serait très-facile de se livrer clandestinement à la fabrication et à la vente de ceux destinés aux hommes.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que les lois et ordonnances, tant anciennes que modernes, sur l'exercice de la médecine et de la pharmacie ont eu exclusivement en vue la conservation et la santé de l'homme; -Attendu que la profession de vétérinaire pouvant être exercée librement par toute personne, sans aucune condition d'étude et de diplôme, il est naturel d'accorder la même liberté à la préparation et à la vente des médicaments destinés aux animaux;-Qu'en effet, aux termes de l'art. 22 de la loi du 21 germinal an 11, les pharmaciens ne pouvant délivrer de préparations médicamenteuses ou drogues composées que sur la prescription signée d'un docteur en médecine ou en chirurgie ou d'un officier de santé, il en résulterait, si la vente des médicaments destinés aux animaux n'était permise qu'aux seuls pharmaciens, que la médecine vétérinaire deviendrait_impossible pour tous les vétérinaires non brevetés; - Qu'il suit de là qu'en reconnaissant au défendeur éventuel, qui exerce la médecine vétérinaire, le droit de préparer et débiter des compositions médicamenteuses pour les animaux, lorsque ces préparations ne contiennent aucune des substances vénéneuses portées au tableau annexé au décret du 8 juill. 1850, et en déclarant mal fondée l'action des demandeurs en cassation, l'arrêt attaqué n'a violé aucune disposition de loi ;Rejette, etc.

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Du 17 juill. 1867. Ch. req. MM. Bonjean, prés.; de Peyramont, rapp.; P. Fabre, av. gén. (concl. conf.); Jozon, av.

CASS.-CIV. 2 juillet 1867.

LEGS UNIVERSEL, USUFRUIT, NUE PROPRIÉTÉ, SUBSTITUTION PROHIBÉE, ÉLECTION D'HERITIER, REVOCATION, ACTION.

La disposition par laquelle un testateur a déclaré léguer à une personne l'usufruit de tous ses biens, avec la faculté de disposer de la propriété des mêmes biens « au profit de qui elle jugera convenable», a pu étre interprétée comme contenant au profit du légataire un legs universel, sans condition, comprenant la nue propriété aussi bien que l'usufruit de l'hérédité ;—Et, dès lors, une telle disposition a pu être déclarée ne contenir, quant à cette nue propriété, ni une substitution prohibée, ni une faculté d'élire héritier (1). (C. Nap., 896, 1003; L. 17 niv. an 2, art. 23.)

Un legs universel n'est pas révoqué par la donation à titre particulier faite ultérieurement au profit d'un tiers (2); dès lors, une donation comprenant certains immeubles déterminés et en outre les meubles et immeubles que le disposant acquerra dans l'avenir et laissera à son décès, n'affectant pas nécessairement, par elle-même, les caractères légaux d'une institution universelle, n'emporte pas révocation du legs universel contenu dans un testament antérieur. (C. Nap., 1038.)

Par suite, le légataire universel a, dans ce cas, seul qualité, à l'exclusion des héritiers naturels, pour recueillir les biens dont le testateur n'a pas disposé ou dont il n'a pas disposé valablement, et, par conséquent, pour exercer toute action ayant pour but ou devant avoir pour résultat de faire rentrer ces biens dans la succession (3).

(Donati et consorts C. Tommasi.)

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Par testament authentique du 9 avr. 1840, le sieur Tommasi a légué l'usufruit de tous ses biens meubles et immeubles à JulieCornélie Viterbi, sa femme. A la suite de ce legs, le testateur a ajouté la disposition suivante : <«< Quant à la propriété de mon hérédité et biens de toute nature, desquels je laisse l'usufruit à madite femme, je donne faculté à la même d'en disposer, en son âme et conscience, au bénéfice de la personne qu'elle jugera à propos. Le 25 nov. 1845, le sieur Tommasi a fait donation par contrat de mariage, à son neveu Louis Tommasi, de l'universalité des biens immeubles qu'il possédait dans le canton de Vescovato, et de tous les biens meubles et immeubles qu'il pourrait acquérir à l'avenir, à quelque titre que ce fût, et qu'il laisserait à son décès. Après le décès du sieur Tommasi, sa veuve, usant de la faculté qui lui avait été conférée à cet effet par le testament de son mari, a fait, par acte du 31 juill. 1859, donation au sieur Louis Tommasi de la nue propriété des biens composant la succession du défunt. Puis elle a, de concert avec le donataire, formé contre les sieurs Donati et autres, héritiers naturels du sieur Tommasi, une demande en délaissement des biens composant la succession et en restitution des fruits par eux perçus. Ces derniers ont soutenu 1 que la donation du 25 nov. 1845 était nulle pour vice de forme, à raison de l'incapacité d'un des témoins instrumentaires; 2° que le testament du 9 avril 1840 était également nul, quant à la nue propriété, comme contenant une substitution prohibée, ou, tout au moins, comme conférant à la légataire, en ce qui touche cette nue pro

(1) C'est un point constant en jurisprudence qu'il n'y a pas substitution prohibée, même dans le cas où le testateur aurait indiqué la personne qu'il désire voir succéder au légataire, si, d'ailleurs, il n'a nullement imposé à ce dernier l'obligation de conserver et de rendre, et s'est borné à exprimer le vœu que le légataire disposât en faveur de cette personne. V. Cass. 5 déc. 1865 (P. 1866.165.-S.1866.1.72), et le renvoi. A plus forte raison en est-il ainsi lorsque le testateur a laissé au légataire, comme dans l'espèce, une latitude absolue quant au choix de la personne à qui son héritage sera transmis. On ne peut pas dire davantage qu'il y ait dans une pareille disposition une faculté conférée au légataire d'élire l'héritier du testateur, ou, en d'autres termes, une obligation imposée au légataire de remettre les biens à un tiers au nom du teslateur. V. au surplus, sur la faculté d'élire héritier, Rép. gén. Pal. et Supp., v° Substitutions, n. 353 et suiv.; Table gén. Devill. et Gilb., eod. verb., n. 188 et suiv.; Table décenn., eod. vo, n. 35 et suiv. Adde Agen, 25 nov. 1861 (P.1863.64.-S.1862.2. 17), et la note; Cass. 12 août 1863 (P.1864.

70.-S.1863.1.446).

(2) V. en ce sens, Cass. 15 mai 1860 (P,1860. 1118.-S.1860.1.625). Il est même admis qu'une donation de tous les biens présents ne révoque pas un legs universel antérieur. V. les autorités indiquées en note sous l'arrêt précité. Adde M. Demolombe, Donat. et test., t. 5, n. 235.-Mais une solution contraire devrait être adoptée s'il y avait donation de biens à venir. V. Cass. 16 nov. 1813; MM. Maleville, Anal. du Cod. civ., t. 2, sur l'art. 1035; Delvincourt, t. 2, p. 605, note 3; Duranton, t. 9, n. 449; Coin-Delisle, Donat. et test., sur l'art. 1038, n. 7; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 6, § 725, p. 191; Demolombe, loc. cit., n. 236.

(3) Cette conséquence va de soi. Il est en effet certain que la caducité ou la nullité d'un legs particulier profite au légataire universel et non à l'héritier du sang. V. Cass. 3 mars 1857, et les indications de la note (P.1857.550.-S.1857.1. 182); MM. Troplong, Donat. et test., t. 3, n. 2160; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, loc. cit., § 726, p. 200; Demolombe, loc. cit., n. 356 et suiv.

priété, une faculté d'élire interdite par la loi; 3° qu'en tous cas, la donation du 25 nov. 1845, encore bien qu'elle fût nulle pour vice de forme, avait suffi pour opérer la révocation de ce testament.

ment:

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11 août 1860, jugement du tribunal de Bastia, qui, quant à la donation faite au profit de Louis Tommasi, en prononce la nullité. Quant au testament, décide que ce testament ne renferme pas de substitution, mais seulement une faculté d'élire, laquelle, ne portant que sur la nue propriété, laisse intacte et valable la disposition testamentaire relative à l'usufruit des biens; maintient en conséquence cette disposition, et déclare qu'après l'expiration de l'usufruit, les biens reviendront aux héritiers du sang. Ce jugement est ainsi motivé: « Sur la nullité de la donation... (Motifs inutiles à reproduire ); Sur la nullité du testaAttendu qu'en l'état des conclusions, il s'agit d'examiner si une telle disposition contient une substitution fidéicommissaire Attendu que le Code Napoléon, art. 896, caractérise les substitutions prohibées par la charge de conserver et de rendre à un tiers; qu'il est de principe qu'elle ne se présume jamais: or les termes de l'institution dont il s'agit n'imposent à Julie-Cornélie Viterbi aucune obligation de rendre; ils l'autorisent seulement à disposer selon les inspirations de sa conscience, faculté dont elle est libre d'user ou de ne pas user, ce qui diffère essentiellement du devoir absolu imposé à l'institué de rendre à l'appelé, ainsi que cela avait lieu en matière de substitutions; Sur le droit d'élire héritier: Attendu que Julie-Cornélie Viterbi, croyant pouvoir user du droit d'élire à elle conféré par le testament susvisé, a fait donation à Louis Tommasi de la nue propriété de tous les biens meubles et immeubles appartenant à l'hoirie du capitaine Tommasi, par acte public du 31 juill. 1859; Attendu que la faculté d'élire, admise, avec certaines restrictions, dans l'ancien droit, a été formellement abrogée par le décret du 17 niv. an 2, art. 23;

que point de vue qu'on se place, il y a lieu
de dire qu'une telle délégation est contraire
à la loi, et qu'elle doit être considérée comme
non écrite; que, partant, la nue propriété de
la succession tant mobilière qu'immobilière
du capitaine Tommasi est acquise à ses héri-
tiers naturels, et qu'elle se consolidera à
l'usufruit au décès de la dame Viterbi ;
Sur la révocation du testament susvisé,
résultant de la donation: Attendu que si
la révocation d'un testament peut être ex-
presse, et même tacite, dans l'un commie
dans l'autre cas, elle n'a d'effet qu'autant
que l'acte duquel on entend la faire résulter
est valable; Attendu que la donation du
25 nov. étant déclarée nulle dans toutes ses
parties pour vice de forme, il s'ensuit qu'elle
doit être considérée comme si elle n'avait
jamais existé. »>

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Appel principal par la veuve Tommasi et le sieur Louis Tommasi. Appel incident par les sieurs Donati et consorts. Le 18 mars 1862, arrêt de la Cour de Bastia, qui décide que le testament att ibue à la veuve Tommasi, non-seulement l'usufruit, mais encore la nue propriété de tous les biens du testateur, et déclare que ce testament ne contenant ni une substitution prohibée ni une faculté d'élire, les héritiers du sang étaient sans intérêt et sans droit pour attaquer l'institution contractuelle faite au profit du sieur Louis Tommasi, son annulation ne pouvant leur profiter. Cet arrêt est ainsi conçu: - En ce qui touche la donation contractuelle: Considérant que la nullité invoquée est formellement écrite dans la loi ; mais qu'il y a lieu d'examiner, avant de prononcer l'annulation de l'acte, si Donati et consorts sont recevables à l'attaquer; Considérant que le testament du capitaine Tommasi, du 9 avr. 1840, renferme une clause qui lègue la propriété de tous les biens du testateur à la veuve Toinmasi; que, par conséquent, elle seule aurait qualité et droit pour se plaindre de la donation postérieure; Considérant mal à propos on soutient que ce testament n'accorde qu'un Attendu que le Code Nap. garde un droit d'usufruit à la veuve Tommasi, ou du silence absolu sur cette matière; d'où l'on moins que la clause qui concerne la propriété doit conclure que l'abrogation du décret du doit être annulée comme renfermant ou une 17 niv. a été maintenue; Attendu que substitution fideicommissaire ou une faculté cette opinion a prévalu en doctrine et en d'élire, toutes deux prohibées sous la noujurisprudence, et qu'elle a pour elle l'autorité velle législation; Considérant que s'il du tribun Jaubert, qui, dans son rapport sur règne quelque doute sur le sens de cette le projet de loi relatif aux donations et tes- clause relativement à l'étendue des droits taments, s'exprime ainsi : « Le projet de loi légués à la veuve Tommasi, on n'y rencontre « ne s'expliquant pas sur l'ancienne faculté aucun vice radical susceptible de la faire << d'élire, le silence de la loi suffit pour avertir annuler; Qu'en effet, d'une part, on pré<< que cette faculté ne peut plus être confé- tend que cette clause contient une substitu« rée ; »Attendu que si un illustre juriscon- tion prohibée; mais, pour qu'il y ait substisulte contemporain, justement vénéré à tant tution, il faut que le grevé n'ait pas le droit de titres, admet la légalité du pouvoir d'élire, de disposer librement de la chose, ni pendant ce n'est qu'autant que le choix en serait res- sa vie ni après sa mort; il faut qu'il soit treint dans une certaine classe de personnes tenu de conserver et de rendre à un tiers désignées collectivement, ce qui ne se ren- institué d'avance, lequel n'hérite cependant contre pas dans la disposition testamentaire qu'après le grevé, de sorte qu'il y a, en réadu capitaine Tommasi; — Qu'ainsi, à quel-lité, deux héritiers successifs, au lieu d'un

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que

teur; - D'autre part, enfin, pourquoi, dans
le doute, réduire au néant une clause qui,
interprétée d'après toutes les vraisemblances,
peut sortir à effet?
En ce qui touche la
révocation du testament par la donation de
1845: Considérant que l'art. 1038, C.
Nap, qui prononce cette révocation en cas
d'aliénation de tout ou partie de la chose
léguée, ne s'applique point à une institution
générale, et que cette institution continue à
subsister, bien que le testateur ait disposé
ultérieurement d'une partie de son héri-
tage; etc. >>

POURVOI en cassation par les sieurs Donati et consorts.

1er Moyen. Violation de l'art. 23 de la loi du 17 niv. an 2, et des art. 896, 899, 1002 et 1003, C. Nap., et fausse application des art. 1156 et 1157, même code, en ce que l'arrêt attaqué a validé, comme renfermant un legs pur et simple de toute propriété, une disposition qui ne portait en réalité que sur un usufruit, et qui, en supposant qu'elle eût compris, dans l'intention du testateur, la nue propriété, aurait dû être annulée, quant à ce, soit comme entachée de substitution prohibée, soit comme contenant une faculté d'élire au profit du légataire.

seul que la loi autorise à instituer. Or, ici, nul héritier n'est nommé pour succéder à la femme Tommasi, et celle-ci a le droit de disposer en son propre nom de l'héritage du testateur et de le léguer à qui elle voudra; il n'existe donc ni héritier grevé chargé de conserver et de rendre, ni héritier substitué au grevé et destiné à recevoir la succession après lui; - D'autre part, on prétend que la clause dont il s'agit n'est qu'une faculté d'élire héritier. Cependant le testateur laisse à sa femme la libre disposition de ses biens, sans lui prescrire de désigner un héritier après elle; il s'en rapporte à sa conscience pour disposer de son héritage comme elle l'entendra et au profit de qui elle jugera à propos. Est-ce là une faculté d'élire héritier? Dans le cas auquel s'applique la prohibition de la loi de nivôse an 2, les biens ne s'arrêtent pas un instant sur la tête de la personne qui est chargée de faire le choix; ils passent immédiatement sur la tête de l'élu; on peut donc dire que le droit conféré à lá veuve Tommasi de disposer elle-même de tous les biens légués, selon sa conscience, exclut la simple faculté d'élire et signifie seulement que le testateur a investi sa femme de la propriété de tout ce qu'il laissera à son décès, en la plaçant sous l'empire du droit commun, c'est-à-dire en lui donnant la fa- 2o Moyen. Violation de l'art. 1038, C. culté de disposer de ses biens au profit de Nap., en ce que l'arrêt attaqué a refusé de qui bon lui semblera. Cette faculté de dis- déclarer une disposition testamentaire révoposer elle-même est incompatible avec laquée par une donation contractuelle postéfaculté d'élire héritier, qui n'est autre chose que la désignation de l'héritier qui sera censé tenir directement du testateur lui-même la succession; Considérant que sans doute il est étrange que le testateur donne d'abord à sa femme l'usufruit de ses biens, et, quand il dispose ensuite de la propriété, emploie | des expressions aussi équivoques; Mais lorsqu'il s'agit d'annuler un acte de volonté suprême, il est indispensable que le fait d'où résulterait la nullité soit certain et évident; or le vague des expressions, l'obscurité des idées, ne peuvent jamais produire l'évidence ni la certitude; Que, d'ailleurs, lorsqu'il y a ambiguïté, le juge, pour se conformer aux principes du droit et de la raison, est tenu de rechercher l'intention de la partie plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes, de même qu'il doit plutôt entendre une clause dans le sens avec lequel elle peut produire quelque effet que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun (1156 et 1157, C. Nap.); Or, d'une part, il est incontestable que le testateur n'a pas voulu donner sa succession à ses héritiers naturels, et que la clause qu'il s'agit d'interpréter n'a pour but que d'indiquer à la légataire l'usage que le testateur espère qu'elle en fera, indication qui n'a rien d'illicite tant que la personne instituée conserve toute sa liberté, comme dans le cas actuel; - D'autre part, si la clause était annulée, il arriverait que la succession passerait aux héritiers naturels, contrairement aux désirs du testa

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rieure, aliénant au profit d'un autre donataire les biens qui avaient fait l'objet du legs.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen : Attendu que, par testament authentique du 9 avr. 1840, Tommasi lègue à sa femme l'usufruit de tous ses biens et lui donne, quant à la propriété de ces mêmes biens, la faculté de disposer au profit de qui elle jugera convenable; qu'une telle disposition n'impliquant nécessairement dans ses termes l'obligation pour la légataire ni de conserver les biens dont il s'agit ni de les rendre à son décès, ou de les remettre, au nom du testateur, à un tiers, a pu être interprétée comme attribuant, dans l'intention du testateur, à la légataire, tout à la fois l'usufruit et la propriété de son hérédité,avec le droit absolu de disposer à son gré de la propriété, c'est-à-dire comme contenant un legs universel sans condition en faveur de ladite légataire ; D'où il suit qu'en le décidant ainsi, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi;

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Sur le second moyen: Attendu que la disposition testamentaire, caractérisée ainsi qu'il vient d'être énoncé ci-dessus, n'a point été révoquée d'une manière absolue par le seul effet d'une donation que le testateur aurait faite ultérieurement d'une partie de son héritage en faveur de Louis Tommasi, son neveu, dans le contrat de mariage de celui-ci; que cette donation comprenant, non l'universalité des biens du testateur en

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