Images de page
PDF
ePub

2o Le legs fait par un testateur à celui | qu'il croyait être son enfant adultérin est nul

II. Pour se rendre exactement compte de l'esprit des deux dispositions citées, la Cour s'est reportée aux circonstances dans lesquelles la rédaction définitive de l'art. 331 avait été adoptée. Comment la disposition avait-elle été écrite telle qu'on la lit au Code Napoléon? La rédaction primitive était celle-ci : a Les enfants nés hors mariage d'un père et d'une mère libres pourront être légitimés. Ils seront légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère, lorsque ceux-ci les auront reconnus avant leur mariage, ou qu'ils les reconnaîtront dans l'acte même de célébration. Cette rédaction fut adoptée par le Conseil d'Etat sans qu'aucune voix s'élevât pour proposer d'excepter de la légitimation les enfants ayant reçu le jour de père et mère qui, étant au degré d'oncle et nièce, ou de tante et neveu, se marieraient ultérieurement après avoir obtenu des dispenses conformément à l'art. 164, C. Nap. Dans cet état, le sens de l'article eût indubitablement embrassé ce cas de légitimation par mariage subséquent le père et la mère étant réputés LIBRES, solutus et soluta, selon l'acception juridique du mot, quand ils ne sont pas engagés dans les liens du mariage; il suivait de là que les enfants nés d'un commerce adultérin eussent été seuls exclus par l'article, comme ils l'avaient toujours été dans l'ancienne jurisprudence, du bienfait de la légitimation, alors que, d'un autre côté, à l'égard des enfants nés dans l'inceste résultant du commerce entre parents ou alliés auxquels le mariage était absolument interdit par la loi, cette interdiction absolue, d'ailleurs fondée en général sur des empêchements de droit naturel, prohibait virtuellement la légitimation.

Communiqué au Tribunat, le projet d'article ne fut, non plus, de sa part, l'objet d'aucune observation; mais un article ultérieur était relatif à la reconnaissance des enfants naturels. On y lisait: « Cette reconnaissance (des enfants naturels) ne pourra avoir lieu qu'au profit des enfants nés d'un commerce libre. » Le Tribunat insista sur la nécessité d'exprimer que la reconnaissance était interdite aux père et mère des enfants incestueux (Locré, tome 6, p. 179, n. 16; Fenet, t. 10, p. 125). C'était là une pensée juste, car il ne fallait pas que le fait de l'inceste fût constaté par un acte de reconnaissance, même alors que le scandale eût été réparable par une union légitime, si, en fait, les dispenses nécessaires pour autoriser cette union n'étaient pas intervenues.

Chargé de modifier la rédaction de l'article sur les reconnaissances, c'est-à-dire l'art. 335, dans le sens de l'observation du Tribunal, le conseiller d'Etat Bigot-Préameneu n'avait qu'à comprendre dans cet article l'interdiction relative aux enfants incestueux, de même que celle relative aux enfants adulterins. Il fit plus, il fit de l'article 331, sur les légitimations, une disposition également prohibitive pour les uns et les autres, et c'est ainsi que, sans discussion, sans examen des différences essentielles entre la condition des enfants dont le père et la mère sont admis à contracter mariage en vertu de dispenses et la condition de ceux dont

le père et la mère restent sous le coup de l'interdiction du mariage, le texte de l'art. 331 a été conçu dans des termes tels qu'il a dû paraître au premier examen refuser indistinctement aux uns et aux autres la légitimation.

Mais les inconvénients de la disposition appliquée dans ce sens ont conduit à rechercher si la rédaction définitive, œuvre de M. Bigot-Préameneu, répondait bien à l'intention qui avait fait reconnaître l'utilité d'un changement de termes, non pas dans cette disposition elle-même, mais dans celle qui concernait les reconnaissances des enfants nés hors mariage. C'est ainsi qu'on a interrogé les travaux préparatoires du Code Napoléon et qu'on a pu se convaincre, ainsi que l'a démontré, dans une dissertation insérée au t. 8, p. 150, de la Revue de législat et de jurispr., un savant jurisconsulte, aujourd'hui membre de la Cour de cassation, M. le conseiller Pont, qu'en réalité les auteurs du Code n'avaient pas eu, selon l'expression de l'auteur, conscience de la portée qu'on pouvait donner à l'art. 331 dans l'état définitif de sa rédaction.

III. Le système de M. Pont, partagé par plusieurs Cours et par de nombreux auteurs, a prévalu devant la Cour de cassation, dont les trois arrêts sont ici rapportés. La Cour s'est d'abord. attachée à constater l'effet des dispenses dans l'ancien droit, « elles effaçaient, disent ces arrêts, l'empêchement pour le passé comme pour l'avenir; les parents au degré prohibé étaient considérés comme ayant toujours été libres, et, par ́ suite leurs enfants pouvaient être légitimés par le mariage subséquent. » La Cour déclare ensuite que la loi nouvelle n'est pas à cet égard plus sévère que l'ancienne. »

a

Le droit antérieur au Code Napoléon n'avait pas pour base l'ancien droit romain en vigueur sous les empereurs. Les Constitutions impériales réservaient le bénéfice de la légitimation par mariage subséquent aux enfants nés ex concubinatu, à raison de ce que le concubinatus était alors à Rome une union permise à l'homme et à la femme qui vivaient et demeuraient ensemble, et, selon l'expression de Pothier (Contr. de mariage, n. 410), un vrai mariage naturel. Les enfants nés des relations illicites n'étaient pas qualifiés liberi naturales, mais spurii ou vulgò quæsili, et n'étaient pas admis à la légitimation. L'état de concubinage que toléraient les lois romaines n'était d'ailleurs licite qu'entre personnes libres de se marier ensemble, et il suivait de là que le vice de la naissance de l'enfant dont les père et mère n'étaient pas habiles, à l'époque de cette naissance, à contracter mariage, ne pouvait être réparé par leur mariage subséquent.

Le droit des décrétales était autre; il accordait au mariage subsequent l'effet de légitimer les enfants nés d'un commerce illégitime, c'est-à-dire hors mariage (car le concubinatus avait cessé d'être permis), si, au moment de la naissance ou, pour mieux dire, de la conception, le mariage ne leur était pas interdit. Ceci résultait de la décrétale Tanta vis, du pape Alexandre III, qui forme le chap. 6 du titre

[ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors]
[ocr errors][merged small][merged small][ocr errors]

comme reposant sur une cause illicite, quand

[ocr errors]

qui filii sint legitimi de la collection de Grégoire IX. Elle porte, dans son texte primitif, inexactement transcrit dans la collection, mais restitué par Boehmer, que cite Merlin dans son réquisitoire inséré au Répertoire, vo Légitimation, sect. 2, § 2, n. 7. Tanta vis est sacramenti, ut qui anteà sunt geniti, per contractum matrimonium legitimi habeantur.» Merlin, qui analyse ce texte d'après Boehmer, s'exprime ainsi : La règle générale est que le mariage légitime les enfants qui, avant sa célébration, sont nés de l'homme et. de la femme entre lesquels il est contracté. L'exception est que les enfants adultérins ne sont pas légitimés par le mariage subséquent de leur père et de leur mère, surtout si leur mère, dans la vue d'épouser leur père, a attenté aux jours de la légitime épouse de celui-ci. Le texte de la décrétale qui établit cette exception est celui-ci : « Si vir, vivente uxore sua, ex aliâ prolem susceperit, licet post mortem uxoris eamdem duxerit, nikilominus spurius erit filius et ab hæreditate repellendus, præsertim si in mortem prioris uxoris alteruter eorum aliquid machinatus fuerit.

[ocr errors]

IV. Si la décrétale qui excepte ainsi les enfants adultérins de la légitimation par mariage subséquent qu'elle autorise en faveur des enfants en général ayant une origine irrégulière mais dont l'irrégularité était réparable, n'avait pas été publiée en France comme loi, elle y avait été, dit encore Merlin, suivie et adoptée comme décision de pure doctrine. Cette doctrine s'était maintenue tout entière et quant au principe et quant à l'exception; car bien qu'une décrétale postérieure, émanée du pape Innocent III, eût permis, contrairement aux précédentes prohibitions et sauf en deux cas déterminés, qu'après la mort du conjoint de l'époux ou de l'épouse adultère, les deux coupables pussent contracter mariage, et bien que Boehmer en eût conclu que par le fait de ce mariage il y avait légitimation des enfants nés de l'union adultérine, Merlin qui rappelle cette opinion du professeur allemand constate luimême (loc. cit.), ce qu'attestent aussi tous nos anciens auteurs: que les tribunaux de l'ancien régime ont constamment regardé les bâtards adul térins comme incapables d'être légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère. »

Plusieurs arrêts du parlement de Paris, cités dans le même réquisitoire, et en date des 11 mai 1665, 17 avril 1711, 4 juin 1725 et 11 août 1738, ont déclaré légitimés des enfants nés de cousins germains avant le mariage contracté entre ces derniers avec les dispenses nécessaires autrefois pour autoriser l'union conjugale entre parents ou alliés de ce degré. C'était là une application de la décrétale sur laquelle Boehmer disait : a Il est évident que les enfants incestueux, les enfants de prêtres, les enfants de moines sont légitimés par Je mariage subséquent que leurs père et mère contractent avec dispense: Quæ cum ita sint, eridens est, etiam in casibus antea relatis, ex incestu nati sint liberi, vel ex coitu cum monacho vel clerico, legitimari per matrimonium posteà, interveniente dispensatio

[ocr errors]

ce legs n'a eu pour motif déterminant que la

[graphic]

ne, contractum.. On sait que le commerce charnel avec les personnes engagées dans les ordres sacrés était assimilé à l'inceste: les annales du parlement de Paris nous offrent l'exemple célèbre d'un cas de cet inceste entre l'abbé de Chauvelin et une abbesse dont le mariage subquent en vertu de dispenses du pape légitima les enfants, ainsi que l'a jugé un arrêt du 18 mars 1666 (Répert., loc. cit.).

Un arrêt du même parlement, en date du 16 déc. 1664, rapporté au Journal des audiences, et qu'indique également le réquisitoire de Merlin, a statué à l'égard d'un mariage contracté avec dispenses entre un oncle et une nièce; et a décidé que les enfants qu'ils avaient eus précédemment n'avaient pas été légitimés par le mariage. Mais, ainsi qu'en a fait la remarque M. le procureur général Pinard, portant la parole devant la Cour de Douai, dont l'arrêt du 1er juillet 1864 a été rendu contrairement à ses conclusions, le parlement ne jugeait pas, par l'arrêt de 1664, que des enfants issus de parents au degré prohibé n'étaient pas légitimés par l'effet des dispenses qui auraient fait cesser la prohibition, mais seulement qu'il y avait eu dispense abusivement accordée par l'autorité ecclésiastique, et que, de cette dispense abusive et du mariage qui l'avait suivie, la légitimation n'avait pu résulter. Voici, en effet, les termes de l'arrêt: La Cour, faisant droit sur l'appel comme d'abus du rescrit de la Cour de Rome, dit qu'il a été mal, nullement et abusivement impétré et exécuté en ce qui concerne la légitimation des enfants; ce faisant, les déclare incables de toutes successions, fait défense aux banquiers de la Cour de Rome d'y obtenir pareilles dispenses. On voit aussi au Répertoire de Merlin, v° Dispense, § 1er, que, par arrêt du 22 janvier 1683, le même parlement a jugé qu'il y avait abus dans la célébration du mariage d'un sieur Vaillant qui avait épousé la sœur de sa première femme, en vertu d'une dispense du pape.

[ocr errors]

Rappelons ici que l'appel comme d'abus étant ouvert devant les parlements lorsque les juges ecclésiastiques abusaient de leur pouvoir, soit en prenant connaissance des affaires qui n'étaient pas de leur compétence, soit en violant les canons (Répert., v° Abus), cette voie était admise en matière de mariage contracté en vertu de dispense, (Répert., v° Mariage, sect. 6, § 1o, n. 2).

V. M. le procureur général Pinard avait, après M. Pont,signalé, à cause de l'arrêt de 1664 dont on vient de lire les termes, des divergences dans la jurisprudence du parlement de Paris. On peut croire cependant que ces divergences n'étaient pas réelles et que le parlement ne refusait d'avoir égard à la légitimation que dans les cas où, à raison de la proximité du degré de parenté ou d'affinité, le pape ne tenait pas du droit canonique le pouvoir de lever par une dispense la prohibition du mariage. C'est ainsi qu'il est dit dans Furgole (des Testaments, tome 1, p. 376), à l'occasion de cet arrêt de 1664: Il déclare y avoir abus dans l'impétration et exécution de la dispense en ce qu'elle porte légitimation, et cela

a

paternité adultérine avouée par le disposant dans un acte testamentaire, complément de

D

sans doute à cause que le concile de Trente porte que le pape ne peut dispenser au second degré de consanguinité, nisi inter magnos principes et ob publicam causam. V. les Conférences de Paris sur le mariage, t. 4, liv. 2, confér., 2, § 2, p. 101. La doctrine qui était suivie hors le cas de dispense concédée par abus, est exactement rapportée par Furgole, d'après de nombreuses autorités. Après avoir rappelé que le mariage subsequent ne peut pas légitimer les enfants qui ne sont pas nés ex soluto et soluta, mais qui ont reçu le jour ex nefaria vel incesta conjunctione, l'auteur ajoute, p. 373: « Il ne faut pourtant pas penser que, si, par exemple, des parents en degré prohibé procréaient des enfants d'un mauvais commerce, qu'ensuite ils obtinssent une dispense en conséquence de laquelle ils contractassent un mariage selon les formalités prescrites, ce mariage fût incapable de produire la légitimation, sous prétexte qu'il faudrait faire concourir deux priviléges, deux choses spéciales, et deux fictions, en faisant remonter en même temps la dispense et la célébration du mariage au temps de la conception des enfants. Quoi qu'en aient pensé certains auteurs, il est plus raisonnable et plus conforme à l'équité de faire opérer la légitimation à un tel mariage, parce que la dispense met les parties en état de célébrer le mariage tout comme si elles n'étaient pas en degré prohibé. Cette opinion que nous embrassons est autorisée par des arrêts du parlement de Toulouse, rapportés par Albert, vo Mariage, art. 6; lesquels arrêts ont jugé que la dispense obtenue par l'un des mariés, quoique fulminée après sa mort, rendait légitimes les enfants de ce mariage, nonobstant l'empêchement dirimant de parenté, et que cette fulmination devait avoir un effet rétroactif. C'est encore le sentiment de Denis Lebrun, des Successions. livre 1, ch. 2, sect. 1, distinct. 1, n. 12 et 13, et de l'auteur des Lois civiles, part. 3, ch. 5, du Mariage, art. 24, n. 76 et suiv. »

[ocr errors]

Pothier, à son tour, enseigne ce qui suit (des Success., chap. 1er, sect. 2, art. 3, § 5, question 1re): Quelles sont les conjonctions illégitimes dont le vice peut être purgé par le mariage subséquent?... S'il y avait une parenté collatérale entre le garçon et la fille qui ont habitude ensemble, le mariage célébré par suite, entre ces personnes, légitimera-t-il les enfants nés de cette habitude? La raison de douter est que cette conjonction est entachée d'un vice d'inceste qui la rend plus criminelle; néanmoins il faut décider que les enfants sont légitimés; la dispense obtenue depuis a un effet rétroactif qui purge ce vice d'inceste. Le vice d'une conjonction adultérine ne peut être purgé; les enfants qui en sont nés ne peuvent être légitimés par un mariage subséquent. Au Traité du contrat de mariage, n. 414, le même auteur avait dit : « Les parties sont censées avoir été capables de contracter mariage ensemble lors du commerce charnel qu'elles ont eu avant leur mariage, lorsqu'elles é aient capables de le contracter au moins

D

[ocr errors]

à l'aide d'une dispense facile à obtenir, quoiqu'elle ne fût pas encore obtenue... »

Au Répertoire, vo Légitimation, sect. 2, § 2, n. 9, la distinction qu'avait indiquée Pothier par ces mots à l'aide d'une dispense facile à obtenir, distinction dont il n'a tenu nul compte dans le passage ci-dessus transcrit du Traité des successions, a été attribuée par M. Merlin à la plupart des anteurs. Ces derniers nous semblent s'être mépris sur la jurisprudence du Parlement en matière de dispenses, en voyant des décisions arbitraires, c'est-à-dire tenant à une certaine appréciation de circonstances, là où au contraire la légitimation était rejetée par la raison fondamentale que les lois canoniques n'autorisaient pas la dispense pourtant obtenue du souverain pontife. Merlin lui-même réfute, d'ailleurs, d'un mot le système des mêmes auteurs, lorsque, dans le réquisitoire que nous avons plusieurs fois cité et où il soutient la thèse de la légitimation par mariage subséquent des enfants d'un prêtre relevé de ses vœux, il s'écrie: « Comme si le plus ou le moins de difficultés qu'il pouvait y avoir à obtenir une dispense eût pu changer quelque chose à ses effets lorsqu'elle était accordée. »

D

A l'occasion d'un mariage contracté par un prêtre, en l'an 2, époque où la loi permettait un tel mariage, la Cour de Bourges, en jugeant, le 14 mars 1809, que, par ce mariage, un enfant issu, en 1778, de ce prêtre et de celle qui est devenue sa femme, avait pu être reconnu et légitimé, s'était, entre autres motifs, fondée sur ceux qui rappellent les principes généralement admis dans l'ancienne jurisprudence et exposés particulièrement par Furgole et Pothier. Sans doute la question de légitimation jugée par cet arrêt avait ses nuances particulières; néanmoins elle dépendait en grande partie de l'influence d'un mariage régulier sur l'état des enfants antérieurement issus de ceux-là qui, au temps de la conception, étaient inhabiles à contracter mariage: aussi Merlin, on l'a vu par les citations que nous avons faites de certaines parties de son savant réquisitoire, n'a-t-il pas manqué, tout en insistant sur cette idée que, dans tous les cas, l'arrêt de Bourges ne pouvait avoir violé aucun texte de loi, ce qui a été, en effet, le motif de l'arrêt de rejet du 22 janvier 1812, de s'expliquer sur les rapports que la difficulté de la cause avait, à certains égards, avec les règles admises par l'ancienne jurisprudence en matière de légitimation par mariage subséquent.

Les trois arrêts de la Cour suprême qui sont ici recueillis ont constaté ces règles comme l'avait fait l'arrêt de Bourges, et, par conséquent, dans le sens de la légitimation quand les enfants étaient nés de père et mère aptes à être habilités au mariage par des dispenses qui leur seraient accors dées, et ayant, par leur effet rétroactif, purgé le vice de la naissance, lequel, au contraire, demeurait irréparable dans le cas de prohibition absolue de mariage, comme aussi dans le cas où la dispense n'était pas obtenue.

[ocr errors]
[graphic]
[merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

VI. Ce point établi, il restait à savoir si les auteurs du Code Napoléon avaient répudié cette ancienne doctrine. Comment le supposer, quand le tribun Duveyrier s'exprimait ainsi devant le Corps législatif, dans la séance du 2 germinal an 11: a L'inceste religieux étant désormais étranger à la loi civile, ce dernier genre devient presque insensible, si l'on observe surtout qu'il n'y aura point inceste civil, même dans les degrés prohibés, auxquels le gouvernement peut appliquer la dispense.» (Locré, t. 6, n. 37, p. 317; Fenet, t. 10, p. 237.)

D

M. Malleville, l'un des conseillers d'Etat qui ont concouru à la rédaction du Code, a dit, Anal. du C. civ., t. 1, sur l'art. 331, et après avoir rapporté l'ancienne jurisprudence: Cette même faveur est encore le principe de la décision communément suivie par les auteurs, et selon laquelle les enfants ne sont pas incestueux, lorsque leurs père et mère n'étaient parents qu'à un degré auquel on pouvait obtenir des dispenses qui ont en effet été accordées pour les marier ensuite. »

Si nous ne savions déjà que la rédaction modifiée de l'art. 331 est allée bien au delà de la pensée du législateur, nous en trouverions ici la preuve incontestable. M. Duveyrier parlant au Corps législatif au nom du Tribunat qui avait indiqué la modification étendue par une erreur de M. Bigot de Préameneu à l'art. 331, M. Malleville analysant le même article, eussent-ils prononcé ou écrit les paroles que l'on vient de lire si la disposition qu'il porte avait eu pour but l'assimilation des enfants dont les père et mère étaient admissibles au bénéfice des dispenses et l'avaient obtenu, aux enfants nés de parents à qui la loi interdisait absolument ce bénéfice, ou que le gouvernement ne jugerait pas dignes d'y prétendre?

MM. Toullier, t. 2, n. 932, et Pont, ont fait cette très-juste observation que le Code n'a pas défini l'inceste. Or, sans cette définition, comment savoir ce que l'art. 331 a entendu par commerce incestueux, et où prendra-t-on les éléments de la définition, si ce n'est dans le discours officiel où il était ainsi déclaré, conformément à la décrétale d'Alexandre III, au sentiment des plus savants docteurs et à la jurisprudence des parlements, que l'application de la dispense excluait l'inceste quand il appartenait à l'autorité compétente de la délivrer.

Le Code n'a pas non plus expressément déterminé les effets de la dispense en ce qui touche la légitimation. Dans le silence de la loi actuelle, les dispenses ne peuvent pas être, quant à leur influence sur l'état des enfants nés avant le mariage, autre chose que ce qu'elles étaient sous la jurisprudence ancienne, nous voulons dire rétroactives, afin d'effacer le vice de la naissance de ces enfants, de telle sorte que ce vice soit, au moyen des dispenses, censé n'avoir jamais existé. Cela importe à la dignité même du mariage, et en est la conséquence nécessaire: Tanta est vis sacra-menti..., a dit la décrétale. Et pourquoi la fiction qui fait, en ce cas, remonter l'effet de la dispense au moment de la conception de l'enfant? Parce que le scandale que le mariage a pour objet de

faire cesser, ne s'effacera qu'à ce prix: il en resterait des témoignages vivants au sein même de l'union conjugale, si le sort des enfants nés du même père et de la même mère pouvait être différent, si les uns étaient flétris de la dénomination d'enfants incestueux et rejetés de la famille, quand les autres auraient les honneurs et les avantages de la légitimité.

a

Il y a là de puissantes considérations qui ont frappé l'esprit de l'un des plus éminents contradicteurs du système que la Cour de cassation vient de consacrer. Tout en considérant comme inflexible le texte des art. 331 et 335, M. Demolombe, t. 5, n. 355, n'a pu s'empêcher de dire qu'il en souhaitait la réforme. A ce sujet, le savant doyen s'exprime ainsi : Si, malgré l'existence des enfants, les dispenses sont accordées, ne vaudrait-il pas mieux jeter le voile sur tout le passé et l'amnistier complétement? Je crois que la morale et la société ne pourraient alors qu'y gagner, et je conviens que l'opinion contraire est bien forte, lorsqu'elle nous représente cette famille en partie incestueuse, en partie légitime, et ce scandale perpétué indéfiniment par la loi elle-même. On ne peut nier que, sous ce rapport, il n'y ait une différence réelle entre cette sorte d'inceste qui, après tout, peut être effacé, et l'adultère dont aucune indulgence ne saurait faire remise. »

VII. La réforme désirée par M. Demolombe pour porter remède à la situation déplorable infligée selon lui par la loi aux enfants nés avant le mariage autorisé par la dispense, a paru superflue, en 1832 (séance de la Chambre des députés du 29 janv., Mon. du 30) et, plus tard, en 1838 (séance du 3 mars, Mon. du 4), elle a paru aussi telle à M. le procureur général Dupin, qui, dans son discours à l'occasion d'une pétition demandant une solution législative de la question, résumait énergiquement son opinion en disant au garde des sceaux de l'époque (M. Barthe): « Ou vous accorderez l'autorisation, ou vous la refuserez; mais si vous l'accordez, je vous déclare qu'une fois cette autorisation accordée, la légitimation suivra le mariage, par la force même du mariage et des effets comme des grâces qui y sont attachés.... » Ces paroles furent vivement applaudies par la Chambre, dont la commission avait aussi, par l'organe de son rapporteur, exprimé son avis dans le sens de la légitimation. La refuser, avait dit le rapporteur (M. Perignon), ce serait déshériter la loi du 16 avril 1832 de sa plus belle prérogative, manquer son but, méconnaître son esprit. La Chambre pensa que la question était du ressort des tribunaux et l'ordre du jour fut voté en conséquence. La Cour régulatrice, dans les trois espèces ici rapportées, a donné une pleine adhésion aux principes soutenus devant la Chambre des députés dans les deux circonstances que nous venons de rappeler.

[ocr errors]
[ocr errors]

VIII. Dans les deuxième et troisième espèces, les enfants dont la légitimation était contestée étaient nés avant la loi du 16 avril 1832 qui a autorisé le mariage, moyennant dispenses, entre beau-frère et belle-sœur, assimilés à cet égard

celui qui contient la libéralité (1). (C. Nap., 335, 342, 762, 1131 et 1133.) 3° espèce.

Are Espèce.-(Braun C. créanciers Braun.) La dame veuve Braun s'est pourvue en cassation en son nom et au nom de Blaise Braun, son fils mineur, contre l'arrêt rendu par la Cour de Colmar le 13 mars 1866, et rapporté vol. de 1866, p. 730.- Le pourvoi était fondé sur la violation des art. 331, 335, 2 et 164, C. Nap., et de la loi du 16 avril 1832, en ce que l'arrêt attaqué a refusé de déclarer que Blaise Braun, né des époux Braun, a été légitimé par le mariage subséquent de ses père et mère, contracté en vertu de dispenses du Gouvernement. La question soulevée par ce moyen de cassation se présentait, nonseulement dans cette première espèce, mais encore dans les deux suivantes. Elle a été savamment discutée devant la Cour. Contre les arguments développés dans les motifs de l'arrêt de Colmar ainsi que dans ceux de l'arrêt de Douai (2o espèce), et en même temps à l'appui de l'arrêt de la Cour d'Amiens (3o espèce), rendu en sens contraire aux deux autres, on a invoqué la distinction toujours admise dans la jurisprudence des parlements et par la doctrine des auteurs anciens, en vertu de la décrétale Tanta vis, appliquée en France comme raison écrite, entre les enfants dont les père et mère devenaient, après la naissance ou la conception de ces enfants, habiles, par des dispenses que nécessitait leur degré de parenté ou d'affinité. à se marier ensemble, et les enfants dont la naissance était entachée d'un vice irréparable, parce que le mariage entre les père et mère était interdit par une prohibition absolue, à raison d'un degré plus rapproché de consanguinité ou d'affinité. Le mariage subséquent opérait, dans le premier cas, la légitimation des enfants, à cause des dispenses dont l'effet était rétroactif et effacait l'inceste relatif, tandis que, dans le second cas, l'inceste était absolu et excluait les dispenses, parce que l'empêchement tenait au

à l'oncle et à la nièce ou à la tante et au neveu. La Cour a pensé que cette différence de fait entre ces deux espèces et la première ne devait pas en amener dans la décision. L'effet de la dispense étant dé remonter au jour de la naissance, l'empêchement est réputé n'avoir jamais existé. Telle est la fiction qui a toujours été lé fondement principal et essentiel de la légitimation par mariage subsequent. Il ne se peut pas que le père et la mêre soient habilités par des dispenses à se marier, sans que l'union ainsi autorisée ait pour conséquence la légitimation des enfants issus d'eux antérieurement et reconnus par eux en vue de cette légitimation. Nous avons vu quelle a été la pensée du législateur de 1832 en autorisant les dispenses en faveur des beaux-frères et belles-sœurs. Il'a certainement voulu qu'au mariage qu'il leur serait permis de contracter fussent attachés tous les effets des mariages réguliers:

droit naturel et divin et était de nature dirimante. On a soutenu, après cette démonstration appuyée sur les citations nombreuses et importantes que nous reproduisons dans le cours de nos observations (n° 1 et 2), que les auteurs du Code Napoléon n'avaient pas répudié la doctrine des anciens tribunaux, avec laquelle la première rédaction de l'arti 331 était parfaitement conciliable; que si cette rédaction avait été modifiée, le changement de rédaction n'avait pas eu pour but d'ajouter à la sévérité de la loi en interdisant la légitimation là où elle était admise autrefois; qu'aussi, en présence de la rédaction définilive, le tribun Duveyrier avait, devant le Corps législatif, exposé que la prohibition du ma riage entre parents ou alliés à certain degré, étant susceptible d'être levée par des dispenses, celles-ci, suivies du mariage, effaçaient, au profit des enfants du père et de la mère nés avant le mariage, le vice de leur naissance, qui n'était plus censée alors entachée d'inceste; que la mêmeopinion a été professée par le conseiller d'Etat Malleville, dans son analyse du Code civil; qu'ainsi le texte trop absolu de l'art. 331, dont les termes avaient été changés par suite d'une erreur commise par M. Bigot-Préameneu, qui avait appliqué à l'art. 331 une observation uniquement rela tive à l'art. 335, ce que prouvent les proces verbaux des travaux préparatoires du Code, se corrige par l'esprit même de l'ensemble des dispositions du Code sur les empêchre ments de mariage, les dispenses et les légiti mations par mariage subséquent; qu'enfin le système des deux arrêts de Colmar et de Douai aurait cet immense inconvénient, assurément bien éloigné de l'intention du lé gislateur, de continuer le scandale après le mariage destiné à le réparer, puisqu'on verrait la famille partagée en enfants dont les uns seraient incestueux et les autres légi times, bien que nés tous du même père et de la même mère.

ARRET (après délib, en ch. du cons.). LA COUR; Vu la loi du 16 avr. 1832 et l'art.

Entendre ainsi la loi de 1832, ce n'est pas lai donner une portée rétroactive, c'est seulement ad. mettre qu'une union contractée sous son empire opérera la légitimation de la même manière que les autres mariages contractés dans le même temps entre époux ayant des enfants nés de leur liaison antérieure. C'est d'ailleurs assurer un sort pareil aux enfants nés d'un même père et d'une même mère, et épargner à la famille et à la société le scandale que, dans le système opposé, on rendrait permanent, malgré le mariage subsequent qui, dans la saine entente de la loi, a pour burdly mettre fin.

[merged small][merged small][ocr errors]
« PrécédentContinuer »