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faillite ou exercées à son occasion (1).

Ainsi, ne doit pas être réputé tel, le jugement qui, rendu sur une instance introduite avant la déclaration de faillite, prononce une condamnation contre le syndic au profit d'un créancier, alors même que, comme conséquence de cette condamnation, le jugement ordonnerait l'admission de ce créancier au passif de la faillite : le délai de l'appel est donc celui ordinairc de trois mois, et non celui de quinze jours fixé par l'art. 582 (2).

2o Lorsque les qualités d'un jugement auquel il est formé opposition sont réglées, non par le président, mais par un des juges ayant concouru à la décision, il y a présomption, même dans le silence de l'ordonnance de règlement, d'empêchement légitime tant du président que desjuges plus anciens(3). (C. proc., 145.)

En tout cas, la partie qui a volontairement discuté devant ce magistrat le mérite des qualités, serait non recevable à exciper de sa prétendue incompétence (4).

3o Le cessionnaire, même de bonne foi, d'effets de commerce, par voie de transport ordinaire, est passible, aussi bien que son cédant, des exceptions tirées de l'illégalité de la cause de ces effets, alors que la cession n'en a eu lieu qu'après qu'un procès était déjà engagé sur leur valeur légale, entre le cédant et le souscripteur (5): (C. Nap., 1131 et 1690; C. comm., 136 et 140.)

(Lestienne C. Benoist et autres.) syn. Au mois d'oct. 1861, le sieur Regnault, alors négociant, porteur de trois billets, d'ensemble 5,000 fr., souscrits par le sieur

(1-2) La Cour de cassation avait déjà posé en principe que, pour qu'un jugement soit rendu en matière de faillite, la réunion de deux conditions est nécessaire: l'une, qu'il ait été rendu sur une contestation née de l'événement de la faillite; l'autre, qu'il intéresse l'administration de la faillite et la procédure spéciale instituée par la loi pour la régir. V. Cass. 27 juill. 1852 (P.1854.1. 202-S.1852.1.621); 10 mai 1853 (P.1853.2. 181.-S.1853.1.509), et les renvois sous ces arrêts. Or, dans notre espèce, l'action intentée par le créancier n'était pas née de l'événement de la faillite du débiteur, et elle n'avait pas non plus été exercée à l'occasion de cette faillite, puisqu'elle était antérieure à la déclaration. L'art. 582 ne trouvait donc pas son application. Les arrêts précités ont statué dans des espèces où il s'agissait de jugements rendus après concordat entre le failli concordataire et un de ses créanciers, et encore bien que des commissaires liquidateurs eussent été adjoints au failli concordataire. V. au reste, en ce qui touche l'application de l'art. 582, C. comm., le Rép. gén. Pal. et Supp., v° Faillite, n. 2783 et suiv.; la Table gén. Devill. et Gilb., eod. v°, n. 1109 et suiv.; le Cod. comm. annoté de Gilbert, sur l'article précité. Junge Cass. 3 mars 1863 (P. 1863.644. S. 1863.1.137), ainsi que MM.

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Ferey à l'ordre du sieur Letourneur, et de six mandats, d'ensemble 8,000 fr., fournis par Frémont et comp. sur Benoist et Letourneur, et acceptés par ceux-ci, lesquels effets n'avaient point été acquittés, mais protestés, a assigné Benoist, Letourneur et Ferey devant le tribunal de commerce du Havre pour en obtenir le paiement. Le 17 décembre suivant, Benoist et Letourneur furent déclarés en faillite, avec report de son ouverture au 5 nov. 1860. Plus tard, Ferey tomba également en faillite. Au commencement de 1863, Regnault fut poursuivi devant la Cour d'assises de la Seine-Inférieure pour complicité de crime de baraterie, et condamné, par arrêt du 11 mars, à une peine afflictive et infamante (6).- Le sieur Lecomte, nommé son tuteur, le remplaça dans l'instance. Pendant que Regnault était sous le coup de cette poursuite, les sieurs Lestienne frères, qui étaient ses créanciers, et qui avaient reçu de lui, le 20 mars 1862, les neuf effets litigieux, à titre de garantie et au moyen d'une cession régulière enregistrée et signifiée, étaient intervenus au procès afin de réclamer le paiement de ces effets à leur profit, et leur admission au passif de la faillite Benoist et Letourneur. A cette demande, le syndic (le sieur Brunet) opposa que Regnault n'était pas un tiers porteur sérieux, qu'il n'avait pas fourni là contre-valeur des billets qui n'étaient venus en sa possession que par un abus de confiance; et, en conséquence, il conclut à leur restitution dans ses mains et au paiement par Ferey des 5,000 fr. formant l'importance des effets

Alauzet, Comment. C. comm., t. 4, n. 4, n. 1923; Bravard et Demangeat, Tr. de dr. comm., t. 5, p. 661 et 662.

(3) V. conf., Cass. 16 avril et 7 mai 1866 (P.1866.615.878.-S.1866.1.236 et 321), et

les renvois.

(4) Mais il en serait autrement si les qualités avaient été réglées par un magistrat n'ayant pas en lui (comme ici) le principe de la compétence, en ce qu'il n'aurait pas concouru au jugement. Dans ce cas, il y aurait violation d'un principe d'ordre public (art. 7, L. 20 avril 1810), et nullité radicale du jugement, alors même que les parties ou leurs avoués n'auraient pas opposé l'incompétence. V. notamment Cass. 5 janv. 1864 (P.1864.215.-S.1864.1.49); 25 juill. 1864 (P.1864.1278.-S.1864.1.424) et 6 fév. 1867 (suprà, p. 761).

(5) Jugé de même que l'exception prise de la simulation de la cause exprimée dans une obligation et de l'absence de toute cause, est opposable au cessionnaire de l'obligation, comme elle l'eût été au créancier lui-même: Cass. 20 août 1862 (P.1863.909.-S. 1863.1.303), et le renvoi.

(6) De pareilles condamnations furent prononcées aussi contre les autres signataires des effets à raison du même crime de baraterie.

souscrits par lui. En cet état de cause, intervint un jugement du tribunal de commerce du 11 oct. 1864, qui repoussa les exceptions du syndic Brunet, et prononça l'admission des sieurs Lestienne pour 13,000 fr. au passif de la faillite Benoist et Letour

neur.

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Ce jugement fut signifié le 26 déc. au sieur Brunet à la requête des sieurs Lestienne et du sieur Regnault, à qui une commutation de peine avait rendu le libre exercice de ses droits. Dès le 26 nov. précédent, le sieur Brunet en avait interjeté appel vis-à-vis du sieur Lecomte, tuteur du sieur Regnault, des sieurs Lestienne et du syndic Ferey; mais comme Lecomte n'avait plus qualité pour représenter Regnault, Brunet renouvela son appel, au regard de ce dernier, le 25 fév. 1865. A cet appel, les sieurs Lestienne et Regnault opposèrent une fin de non-recevoir prise de ce qu'il avait été tardivement formé vis-à-vis de ce dernier, puisqu'il ne l'avait été qu'après le délai de quinze jours déterminé par l'art. 582, C. comm., pour les appels de jugements rendus en matière de faillite; or, disaient-ils, si l'appel est nul à l'encontre de Regnault, il l'est aussi nécessairement, et par voie de conséquence, à l'encontre des sieurs Lestienne, placés aux droits de Regnault.

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3 août 1865, arrêt de la Cour de Rouen qui écarte la fin de non-recevoir, en déclarant que le jugement du 11 oct. 1864 n'était pas rendu en matière de faillite, et que, par suite, l'appel en avait pu être valablement formé dans le délai du droit commun. << Attendu, porte cet arrêt, que le jugement du 11 oct. 1864, signifié le 26 déc. suivant, a été frappé d'appel le 25 fév. 1865, par conséquent dans le délai de droit commun; qu'il ne peut être réputé rendu en matière de faillite, et, comme tel, soumis au délai d'appel dans la quinzaine; qu'en effet, l'instance sur laquelle il est intervenu avait été introduite par Regnault contre Benoist et Letourneur plus de deux mois avant la déclaration de leur faillite, à l'effet d'obtenir contre eux condamnation au paiement d'une somme de 13,000 fr. pour effets échus et non payés; que la reprise d'instance formée par le syndic Benoist et Letourneur en 1863 et la demande reconventionnelle qu'il y a jointe pour obtenir la remise des susdits effets, ont laissé à l'action son caractère primitif, nonobstantle changement de situation des débiteurs poursuivis; que ce n'est pas là une instance en matière de faillite, c'est-à-dire née de la faillite elle-même, et s'y rapportant essentiellement, quoique le créancier poursuivant ait réclamé et que le jugement ait ordonné son admission au passif, cette formule n'étant que la conséquence de l'état des parties au procès lors du jugement, etc.>

Puis, le 17 août suivant, autre arrêt rendu au fond qui infirme par les motifs suivants :«Attendu que la négociation des trois billets Ferey, ordre Letourneur, la création, ANNÉE 1867.-11° LIVR.

l'acceptation et la négociation des six mandats Frémont et comp. sur Benoist et Letourneur, endossés à Regnault, n'ont eu entre Letourneur, Benoist et Letourneur, Legrand, Frémont et comp., et Regnault, d'autre cause que l'organisation du crime de baraterie concerté entre eux, et à raison duquel tous ont été condamnés à une peine afflictive et infamante; Attendu que l'obligation sur une cause illicite ne pouvant avoir aucun effet, aux termes de l'art. 1131, C. Nap., et la cause des négociations et des mandats ci-dessus désignés étant essentiellement illicite, aucun droit ni aucune action ne saurait naître desdites négociations ou desdits mandats entre les complices respectivement; - Attendu que les frères Lestienne, intervenants, ne se présentent pas comme tiers porteurs en vertu d'endossements passés à leur ordre; qu'ils invoquent uniquement leur qualité de cessionnaires de ces divers effets par suite de transport, à titre de garantie, à eux fait par Regnault, et leur bonne foi; mais que leur propre signification dudit transport constate qu'ils laissent à Regnault la plénitude de l'exercice de ses droits à l'effet de poursuivre en son nom tout le litige qui peut ou pourra y être relatif; d'où il suit, par une corrélation nécessaire, que les exceptions opposables à Regnault continuent de pourvoir être opposées, puisque la plénitude des actions ne cesse pas de reposer entre ses mains; qu'au surplus, la qualité de cessionnaires de bonne foi dont se prévalent les frères Lestienne est impuissante à couvrir une nullité d'ordre public et absolue, qui, aux termes de l'art. 1131 précité, ne permet à l'obligation d'avoir aucun effet, pas plus entre les contractants respectivement qu'entre eux et les tiers; que les art. 1165 et suiv., relatifs à l'effet des conventions à l'égard des tiers et aux conditions de l'action révocatoire, sont donc sans application à l'espèce, où la convention n'est susceptible d'avoir aucun effet; qu'ainsi l'intervention doit être rejetée comme mal fondée, etc. »

Il est à remarquer que les qualités de cet arrêt ont été réglées le 9 nov. 1865 par un conseiller qui n'était, dans l'ordre du tableau, que le cinquième de ceux qui avaient participé à la décision, sans qu'aucune mention ait été faite de l'empêchement ni du président ni des quatre conseillers plus anciens.

POURVOI en cassation par les sieurs Lestienne contre les deux arrêts. 1er Moyen. Violation de l'art. 145, C. pr. civ., en ce que les qualités de l'arrêt du 17 août ont été réglées par un conseiller qui n'avait pas compétence pour procéder à ce règlement, suivant l'ordre du tableau, et sans que l'empêchement du président et des conseillers plus anciens ait été constatée.

2o Moyen. Violation de l'art. 582, C. comm., en ce que l'arrêt du 3 août a déclaré 75

recevable un appel interjeté en dehors du délai de quinzaine fixé par ledit article, bien que, dans l'espèce, le jugement eût été évidemment rendu en matière de faillite, puisque les parties condamnées et appelantes étaient sous le coup de la faillite.

3° Moyen. Violation des art. 1131, 1382, 2279, C. Nap., 121, 140, 164, C. comm., en ce que l'arrêt du 17 août a refusé aux sieurs Lestienne le droit de réclamer le paiement de billets dont ils étaient porteurs sérieux et de bonne foi, sinon en vertu d'endossement, du moins en vertu d'un transport régulier.

On soutenait qu'en pareille situation, la nullité desdits billets, tirée de ce qu'ils auraient eu en réalité une cause contraire à la loi, ne leur était pas opposable, et qu'elle devait être restreinte, dans ses effets, entre ceux qui avaient participé à la nullité.

ARRÊT.

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dirigée l'action viennent à tomber en faillite; Attendu qu'il importe peu que le jugement contre lequel a été formé l'appel du syndic de la faillite Benoist et Letourneur ait admis au passif de cette faillite le sieur Regnault ou ses cessionnaires, sous la réserve du débat qui pouvait s'élever sur l'affirmation de la créance; que cette admission, qui n'était, dans l'espèce, que la conséquence de l'état de faillite postérieur à la demande et la formule devenue nécessaire à cause de cet état, ne dénature pas ladite demande et ne lui confère point un caractère qui lui manquait originairement;

Sur le troisième moyen:-Attendu que les faits soumis à l'appréciation de la Cour de Rouen ne comportaient ni l'application des règles du Code de commerce sur la trausmission des billets à ordre, ni celle de l'art. 2279, C. Nap.; qu'il s'agissait, non d'endossement ou de choses volées, mais de billets protestés dont Regnault poursuivait depuis longtemps le paiement en justice et dont il avait cédé le bénéfice aux demandeurs en cassation;

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LA COUR; Sur le premier moyen: Attendu que l'art. 145, C. pr. civ., qui prévoit l'empêchement du juge président chargé de régler l'opposition aux qualités, n'exige Attendu que l'arrêt attaqué juge que ces point que cet empêchement soit mentionné billets sont nuls comme n'ayant d'autre cause dans l'ordonnance de règlement ; que la loi que le crime de baraterie concerté entre suppose avec raison que l'empêchement du tous les souscripteurs et endosseurs et pour président ou des juges plus anciens est réel, lequel tous ont été condamnés à une peine par cela seul qu'on a été obligé de recourir afflictive et infamante; que Regnault ne à un juge moins ancien dans l'ordre du ta- s'est jamais pourvu contre cet arrêt, et que, bleau; Attendu que ce moyen de cassa- dans cet état de la procédure, la Cour de tion doit être écarté avec d'autant plus de Rouen s'est conformée à la loi en appliquant raison que les demandeurs en cassation ont les effets de l'art. 1131, C. Nap., à des cesvolontairement discuté devant le magistratsionnaires qui ne pouvaient avoir plus de près duquel ils étaient appelés, le mérite des qualités auxquelles ils formaient opposition; que cette acceptation d'un juge qui avait en lui le principe de la compétence, crée une fin de non-recevoir contre la critique du pourvoi, puisque cette critique n'intéresse en rien l'ordre public;

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Sur le deuxième moyen: Attendu que a jurisprudence a défini les dispositions de l'art. 582, C. comm., et sagement expliqué que les jugements rendus en matière de faillite ne sont que ceux qui interviennent sur des questions résultant de la faillite, ou sur des actions nées de l'événement de la faillite, ou exercées à son occasion; Attendu que le jugement sur l'appel duquel est intervenu l'arrêt attaqué, n'avait aucun des caractères qui viennent d'être indiqués et ne peut être considéré comme rendu en matière de faillite, puisqu'il a été provoqué par une action formée au nom du sieur Regnault contre les sieurs Benoist et Letourneur plusieurs mois avant la faillite de ces derniers et pour des causes absolument étrangères à cette faillite ; Attendu que pour apprécier une action et le genre de procédure qu'elle comporte, il convient de se reporter au jour où cette action a été introduite; qu'un procès commencé sous l'empire des formes ordinaires ne peut perdre le bénéfice du droit commun par cela seul que, dans le cours de ce procès, les défendeurs contre lesquels est

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droits que leur cédant; Rejette, etc.
Du 9 juill, 1867.
Ch.
MM. Bon-
req.
jean, prés.; Wourhaye, rapp.; Savary, av.
gén. (concl. conf.); Mimerel, av.

CASS.-REQ. 19 novembre 1867. PARTAGE D'ASCENDANT, PRÉCIPUT, AVANCEMENT D'HOIRIE.

Est souveraine, et échappe dès lors à la censure de la Cour de cassation, la décision qui, par interprétation de l'intention des parties, déclaré que la libéralité contenue dans un acte de donation-partage, bien que dite faite par préciput et hors part, ne constitue en réalité qu'un simple avancement d'hoirie (1). (C. Nap., 919 et 1076.)

(1) Jugé dans le même sens dans deux espèces analogues par arrêts de Besançon, 7 août 1854 (P.1855.1.551.-S.1855.2.599), et de Bourges, 5 mars 1856 (P.1856.1.242.-S.1856.2.415).V. aussi MM. Genty, Part. d'asc., p. 183 et s.; Demolombe, Donat. et test., t. 6, n. 45 et suiv. - Il résulte de l'ensemble des décisions rendues en cette matière que, de même que la disposition faite à titre de préciput et hors part n'est point soumise à des termes sacramentels (V. Rép. gén. Pal., v° Rapport à succ., n. 70 et s.; Table gén. De

(Lecoufle C. Lemoine.)

Suivant acte notarié passé le 9 juin 1852, les sieur et dame Lecoufle, père et mère, ont fait entre leurs deux enfants, Jacques Lecoufle et la dame Lemoine, le partage, sous forme de donation entre-vifs, de tous les biens immeubles qu'ils possédaient. Cette donation était faite sous diverses conditions, et avec stipulation qu'elle avait lieu par préciput et hors part en tant que de besoin. A la date du 21 juin 1860, et par autre acte notarié, la dame Lecoufle mère, devenue veuve, a légué à la dame Lemoine: 1° tous les biens meubles, argent et créances qui dépendraient de sa succession; 2° deux ruches d'abeilles qu'elle possédait, avec leur croît s'il en survenait. La veuve Lecoufle est décédée en 1864. Lecoufle fils a prétendu alors qu'il y avait lieu de procéder au partage de la succession de sa mère, sans égard au testament de 1860, lequel ne pouvait produire effet en présence de la do nation par préciput et hors part du 9 juin 1852.-La dame Lemoine a soutenu, au contraire, que cette donation-partage n'était qu'une simple donation en avancement d'hoirie imputable sur la réserve, et que, dès lors, le testament de 1860 devait recevoir son exécution jusqu'à concurrence de la quotité disponible.

5 août 1865, jugement du tribunal d'Avranches qui accueille ce dernier système par les motifs suivants : « Considérant que le contexte de l'acte de 1852 démontre que si les époux Lecoufle se sont servis de ces expressions « par préciput et hors part,› ils n'ont voulu réellement dire autre chose sinon qu'ils entendaient faire un partage en avancement d'hoirie; qu'il en ressort évidemment qu'ils ont eu l'intention de faire un partage égal de tous leurs biens entre leurs deux enfants; qu'au besoin on trouverait surabondamment dans ces mots, par préciput et hors part, l'intention, pour le cas où, par impossible, l'un des lots présenterait un léger avantage, de faire profiter le propriétaire de ce lot de cet excédant; qu'il est, par suite, évident que la veuve Lecoufle a pu légalement disposer par testament des biens meubles qu'elle laisserait à son décès.»>

Appel par le sieur Lecoufle; mais, le 11 déc. 1865, arrêt de la Cour de Caen qui confirme, en adoptant les motifs des premiers juges, et « Considérant qu'aux termes de l'art. 922, C. Nap., en matière de réserve légale, la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens exis

vill. et Gilb., v° Préciput, n. 3 et s.), de même aussi ces expressions, bien qu'employées dans un acte de donation, n'ont pas toujours et nécessairement un sens absolu et peuvent être interprétées comme ne conférant qu'une libéralité ordinaire en avancement d'hoirie.

tants, à laquelle on réunit fictivement ceux précédemment donnés; que c'est sur tous ces biens qu'on doit calculer pour déterminer la quotité dont il a pu être disposé; Considérant qu'il n'est pas méconnu par Lecoufle que le partage du 9 juin 1852 lui attribuait un lot égal à celui de sa sœur ; que les immeubles, objets de ce partage, avaient une valeur telle que le legs de meubles fait par le testament du 21 juin 1860, est loin d'épuiser la quotité disponible; qu'ainsi la réduction d'un tiers demandée quant au legs du mobilier de la veuve Lecoufle, ne peut être admise, etc. >

POURVOI en cassation pour violation des art. 919, 922, 923, 925 et 1076, C. Nap., en ce que, par suite d'une fausse qualification de la donation entre-vifs faite par les époux Lecoufle à leurs enfants, l'arrêt attaqué a méconnu les principes qui régissent la fixation de la quotité disponible et les partages d'ascendants.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que pour décider que la donation partage faite par les époux Lecoufle à leurs deux enfants à la date du 9 juin 1852, était faite seulement en avancement d'hoirie et non par préciput et hors part, la Cour impériale s'est livrée à une simple interprétation de l'intention des parties, d'après les termes de l'acte et les circonstances de la cause; qu'une telle interprétation rentre dans le pouvoir souverain des juges du fond, et que, fùt-elle erronée, elle ne saurait donner ouverture à cassation;

Attendu, au surplus, que, par suite de l'addition insolite des mots en tant que de besoin à la formule par préciput et hors part, et surtout à raison des explications qui dans l'acte précédaient cette formule, la clause présentait un sens au moins équivoque, qui rendait nécessaire l'interprétation à laquelle s'est livré le juge du fond; Rejette, etc.

Du 19 nov. 1867. Ch. req.- MM. Bonjean, prés.; Boucly, rapp.; P. Fabre, av. gén. (concl. conf.); Hérold, av.

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10 Le principe du droit public de la France sur la séparation des pouvoirs et sur la défense faite aux tribunaux de l'ordre judiciaire de s'immiscer dans les affaires du domaine administratif, est devenu applicable en Savoie et dans l'arrondissement de Nice, en vertu des décrets des 22 août et 26 sept. 1860, même aux causes qui, engagées devant la justice ordinaire avant l'annexion,

n'ont été jugées que postérieurement aux décrets précités.

Au surplus, la règle de la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire existait dans la législation sarde.

2o Le plan régulateur d'une ville, dressé par l'autorité administrative, approuvé par patentes royales (en Savoie), sur l'avis du conseil d'Etat et dans la forme d'une ordonnance royale, constitue un acte administratif dont l'interprétation n'est pas de la compétence de l'autorité judiciaire.

Et il y a nécessité d'interprétation, et non pas simplement adaptation du plan aux lieux contentieux, opération qui serait dans les attributions du pouvoir judiciaire, lorsqu'il y a lieu de rechercher le sens et la portée du plan, sérieusement contestés, et de déterminer la mesure même dans laquelle il est obligatoire et susceptible d'application (1).

Lorsqu'il y a lieu, pour apprécier une demande soumise à l'autorité judiciaire, d'interpréter un acte administratif, les juges doivent, même d'office, se déclarer incompétents à cet égard, et renvoyer les parties devant l'autorité administrative pour faire fixer, avant toute décision au fond, le sens de l'acte administratif (2).

(Leblanc de Castillon, C. Ville de Nice.) En 1857, le sieur Leblanc de Castillon fit élever, dans la ville de Nice, des constructions sur un terrain qu'il avait acheté des sieurs Tiranty, le long d'une avenue que l'administration municipale se proposait d'ouvrir dans la direction du pont Saint-Charles. Le maire de Nice, prétendant que les constructions dont il s'agit étaient établies en contravention au plan régulateur de la ville, approuvé par patentes royales du 2 avril 1844, obtint du président du tribunal civil, conformément à la législation sarde, des inhibitions et défenses à la continuation des travaux, et fit assigner le sieur de Castillon devant le tribunal pour entendre ordonner la démolition des constructions. Dans le système de la ville, le plan régulateur comprenait, outre l'avenue principale d'une largeur de 14 mètres, deux allées latérales de 8 mètres chacune, dont l'une était atteinte par les constructions. Le sieur de Castillon soutenait, de son côté, que le projet de l'avenue principale avait seul été définitivement arrêté, et que les allées latérales étaient toujours

(1) Il est de principe bien constant que, si l'autorité judiciaire excède ses pouvoirs lorsqu'elle interprète les actes administratifs, elle a le droit, quand de tels actes sont clairs, d'en faire l'application, et le devoir d'en assurer l'exécution. V. Cass. 9 janv. 1866 (P.1866.387.-S.1866.1. 148), et le renvoi. Mais la déclaration contenue dans une décision judiciaire qu'il y est seulement fait application d'un acte administratif, n'est pas souveraine, et il appartient à la Cour de cassation, lorsque cette décision lui est déférée pour excès de

restées à l'état d'étude, l'administration municipale hésitant entre ces allées et des constructions sur arcades.

Le 15 avril 1858, jugement qui, après expertise, déboute la ville de sa demande.

Appel.- Par un arrêt à la date du 24 mai 1858, la Cour de Nice a ordonné une nouvelle expertise. Il n'avait encore été donné aucune exécution à cet arrêt, lorsqu'est survenue, en 1860, l'annexion de l'arrondissement de Nice à la France.

L'administration française voulant mettre à exécution le plan régulateur de 1844, modifié et agrandi, il fut procédé, dans les formes de la loi de 1841, à l'expropriation des terrains nécessaires, notamment de celui du sieur de Castillon.-Quand il s'est agi de régler l'indemnité qui lui était due, il s'est élevé la question de savoir si l'expropriation devait être considérée comme portant sur un terrain nu ou sur un terrain bâti. Pour faire juger cette question, l'instance pendante devant la Cour d'appel de Nice fut reprise avec assignation devant la Cour impériale d'Aix, qui nomma de nouveaux experts pour procéder à l'expertise ordonnée par l'arrêt du 24 mai 1858. Les avis de ces experts furent partagés: deux d'entre eux pensèrent que le plan de 1844 comprenait tout à la fois l'avenue principale et les contreallées, et qu'ainsi les constructions du sieur Castillon étaient en opposition avec ce plan; le troisième expert fut d'un avis contraire.

Le 7 fév. 1866, arrêt de la Cour d'Aix qui, adoptant l'avis des deux premiers experts, décide que c'est sans droit que le sieur de Castillon a bâti sur la portion de son terrain devant être occupé par la contre-allée, et ordonne la démolition de la construction, sans indemnité. Cet arrêt est ainsi motivé :—« Attendu que la question unique du procès est celle de savoir si, d'après le plan régulateur de la ville de Nice dressé en 1843 et approuvé en 1844, l'avenue qui relie aujourd'hui la gare du chemin de fer à la place Masséna a une largeur de 14 ou de 30 mètres; - Attendu que la simple inspection du plan démontre que si la voie du milieu, destinée au charroi, n'a qu'une largeur de 14 mètres, cette voie est bordée de deux allées latérales plantées d'arbres et devant avoir chacune une largeur de 8 mètres; Attendu que cette indication du plan était aussi réfléchie, aussi étu diée et aussi définitivement résolue que

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pouvoir, de reconnaitre si elle constitue soit une interprétation prohibée, soit une application per. mise de l'acte dont il s'agit. V. l'arrêt précité.

(2) En pareil cas, les juges ne doivent se déclarer incompétents qu'à l'égard de l'interprétation de l'acte administratif; ils doivent retenir la cause au fond et se borner à surseoir jusqu'à ce que l'interprétation de l'acte administratif ait été faite par qui de droit. V. Cass. 22 août 1864 (P. 1865.281.-S.1865.1.129), et le renvoi; Metz, 16 mars 1865 (P.1865.1024.-S.1865.2.265).

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