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étrangers, il serait à craindre qu'il n'en fût pası ainsi, en temps de guerre, lorsque les passions nationales sont surexcitées. Une impunité scandaleuse pourrait être acquise aux plus grands coupables qui, au retour de la paix et après avoir été acquittés dans leurs pays, reviendraient, protégés par la chose jugée, braver les lois du territoire qu'ils ont outrageusement violées, braver l'Etat à la sûreté duquel ils ont attenté, tandis qu'un tel résultat n'est jamais à redouter quand c'est la juridiction personnelle qui doit s'exercer.

Entre ces deux juridictions, personnelle et territoriale, il existe, d'ailleurs, une différence essentielle qui ne permet pas que l'autorité de la chose jugée à l'étranger puisse être invoquée également devant l'une et devant l'autre.-Lorsqu'il s'agit de la juridiction personnelle qui doit juger un régnicole, à raison d'un crime ou délit par lui commis à l'étranger, de qui émane la chose jugée ? Du juge du pays dont les lois ont été violées, où l'ordre social a été troublé, auquel l'auteur de l'infraction est étranger; elle émane, par conséquent, du juge qui était le mieux en mesure de connaître l'atteinte portée à la loi et à l'ordre, et la réparation qui pouvait être due; du juge dont l'intérêt pour le coupable ne saurait être inspiré par la communauté d'origine.-Quand il s'agit de la juridiction territoriale, il n'en est plus ainsi. La chose jugée émane d'un juge étranger au pays où a été commis le crime ou le délit; ce juge ne connaît ni les lois, ni les mœurs de ce pays; il ignore jusqu'à quel point l'ordre social y a été trouble; il ne sait pas, comme le juge du territoire, quel doit être le degré de la répression. Ih n'est pas enfin à l'abri de l'intérêt que peut inspirer un compatriote, accusé ou prévenu d'une infraction pénale qui, commise à l'étranger, n'est qu'une cause secondaire de désordre dans le pays d'origine de son auteur. Dans le premier cas, on conçoit que l'autorité de la chose jugée soit admise; il y a présomption d'impartialité et de répression proportionnée à la gravité de l'atteinte portées aux lois et à l'ordre. Dans le second, on ne comprendrait plus qu'elle fût accueillie; les mêmes garanties ne se rencontrent pas. Rowent

Quelle que soit, au surplus, la solution à donner à cette première question, il existe dans la cause une circonstance importante, dont la Cour d'assises du Var n'a tenu aucun compte, et qui semble cependant devoir exercer une grande influence sur la manière dont elle devait être résoTue:Joseph Michel, né dans l'arrondissement de Saint-Jean-de-Maurienne, était sujet sarde quand insiest rendu coupable, à Toulon, du crime pour Toquel il a été condamné par la Cour d'assises du Varil l'était encore, quand il a été jugé, le 12 avril 1889, par la Cour d'appel de Turin, mais il avait cessé de l'être, et il était devenu Français, en vertu du senatus-consulte du 12 juin 1860; qui a réuni la Savoie à la France; lorsqu'il a comparu devant la Cour d'assises du Var De là la question de savoir 'sipun étranger jugé par les tribunaux de son pays d'origine pour un crime commis en France, peut invoquer la maximo, Non, bis in idem, lorsque, devenu Français, par la réunion de son paysqas la France, et rentré sur le territoire de empire;vily est poursuivi às raison du même

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crime. S'il s'agissait d'intérêts purement civils et privés, ce jugement rendus contre un étranger par les juges de son pays d'origine ne serait pas de plein droit exécutoire en France, et n'y aurait pas l'autorité de la chose jugée, malgré la réunion de son pays au territoire français; cette réunion serait sans influence, car pour investir ce jugement en France de l'autorité qu'il n'y avait pas origi nairement, il faudrait faire rétroagir l'acte de réunion, et une pareille rétroactivité ne choquerait pas moins les règles du droit des gens que celles du droit civil.-Mais en doit-il être ainsi quand il s'agit d'un jugement qui, rendu en matièro criminelle, a condamné l'étranger pour avoir porté atteinte à l'ordre public du maintien duquel le Gouvernement est essentiellement chargé? Il est peut-être permis d'en douter, parce qu'il est de principe que la réunion d'un pays à un autre a pour effet immédiat et nécessaire, ainsi que le dit un de vos arrêts, de déplacer le droit de souveraineté pour le transporter du pays que la conquête ou les traités dépossèdent, au pays auquel s'incorpore le territoire conquis ou cédé; que les droits de la souveraineté qui n'est plus, se confondent avec les droits de la souveraineté qui la remplace en la continuant; que cette dernière doit assurer l'exécution des lois de police et de sûreté contre tous ses sujets anciens et nouveaux, et, en même temps, l'exécution des décisions qui sont intervenues pour l'application de ces mêmes lois. Dans l'espèce de cet arrêt, un Français, avant la réunion de la Savoie à la France, avait commis en Savoie un crime au préjudice d'un étranger, et il avait été poursuivi et condamné par contumace. La réunion de la Savoie étant prononcée, il s'est agi de savoir s'il pouvait être poursuivi en France, ou opposer le droit qu'il avait, comme Français, sous l'empire de l'ancien art. 7, C. instr. crim.,de n'être pas jugé en France pour un crime commis à l'étranger, au préjudice d'un étranger, et surtout sur un arrêt de mise en scaccusation rendu par une autorité étrangère. Vous avez décidé qu'il pouvait être poursuivi sur cet arrêt de mise en accusation, Cass. 17 avril 1863 (P.1864.518.-S.1864.1. 98).olmosenhe

tonIl est donc constant que, dans le cas où le pays étranger est réunis à la France, les droits des deux souverainetés se confondent; que la souveraineté française succède dans tous les droits et tous les devoirs de la souveraineté étrangère qu'elle remplace et continue. Orjica souveraineté étrangère aurait été obligée de res pecter la chose jugée émanée de ses propres juges et elle n'aurait pu, sans violer la maxime Non' bis in idem, poursuivre une seconde fois son sujet pour le mêmes fait. Donc, la souveraineté fran caise qui lui succède est également tenue dé rèspecter la chose jugée, et ne peut, au mépris de lá maxime Non bis in idem, poursuivre de nouveau L'étranger devenu son sujet pour le même crime à raison duquel il a été jugé avant la réunion,amı Mais alors, que deviennent l'arrêt de contumace et ses effets, les dommages-intérêts qui ont pu être prononcés au profit de la partie civile, les frais do l'information écrite auxquels l'accusé doit être con damné, s'il est déclaré coupable, et ceux de la con

Jumace qui doivent toujours être mis à la charge de l'accusé, lors même qu'il est acquitté ?-La procédure par contumace n'a pu être anéantie de plein droit par l'arrestation de l'étranger en son pays, avant la réunion à la France; l'indépendance des deux souverainetés s'y opposait. La réunion postérieure a-t-elle pu rétroagir et faire que ce qui n'avait pas été fait, ait eu lieu et que la condamnation soit anéantie? Il semble difficile de l'admettre, car le tribunal étranger n'a pu statuer ni sur les dommages-intérêts accordés à la partie civile, ni sur les frais de l'information faite en France, et de la procédure par contumace. Ces questions resteraient entières; et qui donc pourrait les résoudre, si ce n'est la Cour d'assises de France, devant laquelle l'accusé avait été renvoyé par l'arrêt de la chambre des mises en accusation ? Ne faut-il pas que cette accusation soit vidée ? Dans ce cas, la Cour d'assises, statuant sans l'assistance des jurés, a d'abord à examiner l'exception de la chose jugée, à rechercher, par conséquent, si le fait, objet de l'accusation, est le même que celui pour lequel l'étranger devenu Français a été jugé dans son pays. L'exception est-elle rejetée ? il sera passé outre aux débats. Est-elle accueillie? la Cour aura à statuer sur les dommages-intérêts et les frais.

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>> Dans le cas où vous penseriez qu'il en dût être ainsi, vous auriez à vous demander, à un double point de vue, si le pourvoi du demandeur est recevable. Et d'abord, quel préjudice le demandeur a-t-il éprouvé par suite de l'arrêt de condamnation rendu par la Cour d'assises du Var? Il a été jugé par cette Cour pour le même crime à l'occasion duquel il avait été jugé une première fois par la Cour d'appel de Turin. Mais, à la Cour d'appel de Turin, il avait été déclaré coupable, comme il l'a été par la Cour d'assises du Var, et cette dernière Cour, en prononçant à tort contre lui une nouvelle peine, a, en même temps, ordonné que cette peine se confondrait avec celle de huit années de travaux forcés, à laquelle il avait été condamné par la Cour d'assises de l'Oise.- Si le demandeur eût été acquitté par la Cour de Turin, ou s'il devait subir les six années de réclusion prononcées contre lui par la Cour d'assises du Var, le préjudice serait évident. Mais quand sa culpabilité avait été déclarée par la première Cour, comme elle l'a été par le jury de la seconde, et que la peine à laquelle il a été condamné, en dernier lieu, ne doit pas être subie, qu'elle est comme si elle n'existait pas, où est le préjudice? .quel est l'intérêt du pourvoi? Or, sans intérêt, pas d'action, pas de pourvoi recevable.

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En second lieu, il est de principe que les arrêts et jugements en dernier ressort ne peuvent être déférés à la Cour de cassation que par une déclaration faite au greffe, dans le délai déterminé par la loi. Il n'y a d'exception à cette règle, d'après l'art. 416 C. instr. crim., que pour les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité ; le recours, pour ces dernières, n'est ouvert qu'aprés l'arrêt ou le jugement définitif. Il n'est même pas besoin que ces décisions soient l'objet d'un recours spécial; il suffit qu'un pourvoi ait été déclaré contre l'arrêt ou le jugement qui ter

mine le procès. Elles sont considérées comme de simples actes d'instruction ou de procédure, et comme ne formant qu'un corps avec l'arrêt ou jugement en dernier ressort définitif. Ainsi vous l'avez jugé les 11 juin 1842 et 9 sept. 1852. (Bull. crim., n. 309). Mais il n'en est plus ainsi à l'égard des arrêts ou jugements en dernier ressort, interlocutoires; ils ne sont pas compris dans l'exception formulée par l'art. 416. Le pourvoi, à leur égard, doit être déclaré au greffe, s'ils sont contradictoires, dans les trois jours de leur prononciation. Votre jurisprudence est constante sur ce point; elle est attestée par de nombreux arrêts; (Cass. 15 oct. 1819 (P. et S. chr); 9 juill. 1824 (P. et S. chr.); 3 août 1838 (P.1846.2.113.-S. 1839.1.711); 13 sept. 1845, 20 juill. 1857).— Dès lors, ces arrêts ou jugements interlocutoires doivent être l'objet d'un pourvoi spécial, et ne peuvent être compris dans le pourvoi déclaré uniquement contre l'arrêt définitif. C'est ce que vous avez jugé en matière de grand criminel par un arrêt du 31 janv. 1823. Dans l'espèce de cet arrêt, les syndics d'une faillite s'étaient présentés comme parties intervenantes en Cour d'assises, sur une accusation en banqueroute frauduleuse; malgré l'opposition des accusés, leur intervention fut admise. Après l'arrêt définitif qui les condamnait, les accusés se pourvurent contre l'arrêt de condamnation, mais ils ne formulerent point de pourvoi contre l'arrêt qui avait reçu l'intervention. Vous avez rejeté le moyen de nullité qu'ils tiraient de l'arrêt qui avait reçu les syndics parties intervenantes.

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Attendu, avez-vous dit, que l'arrêt qui a rejeté l'opposition des accusés n'est point un arrêt de simple instruction; qu'il statuait défitivement sur l'exercice d'une action, et que dès lors, il ne peut être soumis à l'examen de la Cour, qu'autant qu'il aurait été l'objet d'une demande en cassation régulièrement formée; que le pourvoi des réclamants ne porte que sur l'arrêt de condamnation; qu'ils ne se sont pas pourvus contre celui rendu sur leur opposition à ce que la demande des syndics fût accueillie; qu'en cet état, cet arrêt a acquis l'autorité de la chose jugée. -Donc, en droit, les arrêts incidents définitifs, rendus par les Cours d'assises, doivent être l'objet d'un pourvoi spécial; ils ne sont pas compris dans le pourvoi formé contre l'arrêt de condamnation. La seule différence entre la matière correctionnelle et la matière criminelle, c'est qu'au criminel, d'après l'art. 301, C. inst. crim., modifié par la loi du 10 juin 1853, le pourvoi contre les arrêts incidents définitifs, ne peut être soumis à la Cour de cassation qu'après l'arrêt définitif de la Cour d'assises (V. Traité de l'inst. crim., t. 9, p. 373).-Or, un arrêt qui rejette une exception de chose jugée, n'est point un arrêt simplement préparatoire ou d'instruction; il a un caractère essentiellement définitif, puisqu'il juge un moyen du fond. C'est ce que vous avez décidé, le 9 sept. 1852 (Bull. crim., n. 309), au rapport de M. Mater, et le 9 janv. 1858 (Bull. crim., n. 7), au rapport de M. Bresson. - Dans l'espèce actuelle, le pourvoi du demandeur ne porte que sur l'arrêt de condamnation; et il ne porte pas sur l'arrêt qui rejette l'exception de chose jugée. Vous aurez

donc à décider s'il peut se prévaloir de la nullité dont il prétend cet arrêt entaché...

ARRÊT.

LA COUR; Sur l'unique moyen de cassation, pris de la violation de l'autorité de la chose jugée et de la maxime non bis in idem, tant par l'arrêt incident que par l'arrêt définitif: - En ce qui touche la recevabilité de la demande en cassation dirigée contre l'arrêt incident du 28 juillet: - Attendu qu'en principe, nul arrêt ou jugement rendu en dernier ressort ne peut être l'objet de l'examen de la Cour de cassation, s'il ne lui a été déféré par une déclaration faite au greffe, conformément à l'art. 417, C. inst. crim., et dans le délai déterminé par la loi; — Attendu que si, par exception à cette règle, l'art. 416 n'ouvre le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction, ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, qu'après l'arrêt ou le jugement définitif, que si même le recours déclaré contre l'arrêt ou jugement définitif comprend les arrêts ou jugements préparatoires et d'instruction, il ne saurait en être ainsi des arrêts ou jugements interlocutoires; que l'exception de l'art. 416 est restrictive dans ses termes et ne peut être étendue d'un cas à un autre; qu'il suit de là que les arrêts ou les jugements interlocutoires doivent faire l'objet d'un recours déclaré en termes exprès, dans le délai fixé par la loi ; Attendu que l'arrêt de la Cour d'assises du Var, qui a rejeté l'exception de la chose jugée présentée par le demandeur et ordonné qu'il serait passé outre aux débats, n'est point un arrêt de simple instruction; qu'il statue définitivement sur une exception péremptoire du fond, et que, dès lors, il ne peut être soumis à l'examen de la Cour qu'autant qu'il aurait été l'objet d'un

(1) La question est très-controversée. La doctrine contraire à celle que consacre ici la Cour de cassation, est adoptée par un grand nombre d'auteurs. V. MM. Legraverend, Législ. crim., t. 2, p. 609; Mangin, Act. publ., t. 2, n. 458; Morin, Rep. de dr. crim., v° Cumul des peines, n. 20; Ortolan, Elém. de dr. pén., n. 1657, note; Duverger, Man. des jug. d'instr., t. 1, n. 69, p. 234; Thierret, Rev. de législ., t. 13, p. 483.- Mais la solution de l'arrêt ci-dessus a prévalu dans la jurisprudence (V. les arrêts indiqués dans la lettre de M. le garde des sceaux reproduite plus loin), et elle a pour elle l'autorité de MM. Faustin Hélie, Instr. crim., t. 3, § 198, p. 756 et suiv.; Trébutien, Dr. crim., t. 2, p. 144 els.; Bertauld, Cours de C. pén., p. 290. V. aussi la note de M. Devilleneuve sous Cass. 18 juin 1841 (S.1841.1. 883). Notre arrêt se fonde sur ce motif que la poursuite n'a pas seulement pour but l'application matérielle de la peine, mais aussi la déclaration de culpabilité, l'effet moral du châtiment encouru, et, enfin, les condamnations à prononcer soit dans l'intérêt des parties civiles, soit dans celui du trésor. A ces raisons, on pourrait en ajou.

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recours en cassation régulièrement formé ; que le pourvoi du demandeur ne porte que sur l'arrêt de condamnation; qu'il ne s'est pas pourvu contre celui qui a statué sur l'exception qu'il avait invoquée; qu'en cet état, cet arrêt a acquis l'autorité de la chose jugée, et que le demandeur n'est pas recevable à se plaindre d'un arrêt contre lequel il n'a pas formé une demande en cassation;

En ce qui touche le pourvoi formé contre l'arrêt définitif du 28 juillet: - Attendu que l'arrêt définitif n'a été que la conséquence de l'arrêt incident; que, dès lors, celui-ci ayant l'autorité de la chose jugée, le moyen de nullité dont il pourrait être entaché, ne saurait être invoqué contre celui-là, qui, en refusant d'appliquer la maxime non bis in idem, n'a fait que se conformer à ce qui avait été décidé ; Rejette, etc. Du 23 nov. 1866. Ch. crim. MM. Vaïsse, prés.; Salneuve, rapp.; Charrins, av. gén.

CASS.-CRIM. 3 janvier 1867.

ACTION PUBLIQUE, EXTINCTION, CONDAMNATION ANTÉRIEURE, PEINES (CUMUL DE).

L'action publique à raison d'un délit n'est pas éteinte par l'épuisement de ia pénalité résultant de la condamnation précédemment prononcée pour un autre delit. Dès lors, et bien qu'en vertu du principe du non-cumu! des peines, aucune peine nouvelle ne puisse étre infligée à un accusé déjà condamné au maximum de la peine par lui encourue, nouvelle poursuite dirigée contre lui à raison d'un fait non compris dans celle sur laquelle est intervenue la première condamnation, n'en est pas moins recevable (1). (C. inst. crim., 2, 365 et 379.)

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ter d'autres non moins décisives. Et d'abord, la première condamnation ne peut-elle pas disparaître, soit par l'effet de l'appel ou du pourvoi en cassation du condamné, soit par l'effet d'une amnistie? On ne peut dire, dès lors, qu'il soit inutile de statuer sur la seconde poursuite. Sans doute la condamnation se confondra avec la première, si celle-ci reçoit son exécution, mais elle revivra dans le cas contraire. D'un autre côté, dans certaines matières spéciales, une aggravation de peine est édictée pour le cas de perpétration d'un second délit de même nature: par exemple, en matière de presse (L. 17 mai 1819, art. 25), ou de chasse (L. 3 mai 1844, art. 14). L'abandon de la poursuite intentée à raison d'un délit de l'une ou l'autre catégorie, motivé sur l'existence d'une condamnation antérieure pour un délit du droit commun, aurait pour conséquence de soustraire le prévenu, en cas d'un nouveau délit de presse ou de chasse, à l'application des dispositions qui punissent la récidive en ces matières. Enfin, la loi attache à certains délits des incapacités, qui ne peuvent résulter que de la condamnation. Ainsi, l'art. 26

026 39_Aff. Im(Proc. gén. à la Cour de cass.

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bert).

-mo bessonɛ zuob dorob sb atil Réquisitoire. « Le procureur général impérial près la Cour de cassation expose qu'il est chargé par M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de requérir, en vertu de l'art. 441 du C. d'inst. crim., l'annulation d'un arrêt rendu le 5 déc. 1865, par la Cour impériale de la Martinique. La lettre du ministre est ainsi conçue: Monsieur le procureur général, le nommé Imbert, ancien secrétaire de la mairie et marguillier au Prêcheur (Martinique), poursuivi devant la Cour d'assises de Saint-Pierre pour divers crimes et délits, fut déclaré coupable d'avoir commis des détournements de deniers publics qui étaient entre ses mains en qualité de comptable, et de détournements simples commis au préjudice de la fabrique. Les deniers publics détournés s'élevant à moins de 3,000 fr., il fut condamné à deux ans d'emprisonnement et 200 fr. d'amende, par application des art, 171 et 172, C. pén. D'autres détournements simples ayant été relevés au cours des débats, le ministère public intenta une nouvelle poursuite à la suite de laquelle le tribunal correctionnel de Saint-Pierre condamna Imbert au maximum de la peine d'emprisonnement (deux ans) et à 200 fr. d'amende, et déclara que ces deux peines se confondraient avec celles résultant de l'arrêt de la Cour d'assises. - Sur le double appel du ministère public et d'Imbert, la Cour de la Martinique, sans examiner la culpabilité, a décidé qu'il y avait lieu de déclarer l'action publique éteinte; elle a, en conséquence, annulé les poursuites et déchargé Imbert des condamnations prononcées contre lui. -La Cour a donné pour motifs de cette décision que les poursuites intentées par le ministère public étaient contraires, à la fois, au texte et à l'esprit des art. 365 et 379, C. d'inst. crim. Suivant elle, dans la pensée du législateur, la peine prononcée contre un accusé reconnu coupable de crime constituerait une expiation suffisante pour tous les délits commis antérieurement; les faits nouveaux ne pourraient être poursuivis qu'autant qu'ils seraient de nature à motiver une pénalité plus grave que celle encourue pour les faits servant de base à l'accusation primitive. Enfin il n'appartenait pas au ministère public de requérir des poursuites que la Cour n'avait pas

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de la loi du 15 mars 1850 déclare incapables de tenir une école publique ou libre, les individus qui ont subi une condamnation pour un délit contraire à la probité et aux moeurs; les art. 15 et 27 du décr. du 2 fév. 1852 frappent les mêmes individus de l'incapacité d'élire ou d'être élus. Il suit de là que, dans le cas où un individu condamné pour coups et blessures, ou pour tout autre délit n'entraînant pas les mêmes incapacités, serait ensuite poursuivi pour vol, pour attentat à la pudeur, en un mot, pour un délit contre la probité ou les mœurs, le jugement qui le relaxerait des poursuites en s'étayant de l'existence de la condamnation antérieurement prononcée contre lui, le relèverait des incapacités attachées à ce nou

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non plus le droit d'ordonner, d'après les termes exprès de l'art. 379.5 La Cour, dans cette circonstance, s'est évidemment écartée des vrais principes. Elle a faussement interprété les art. 365 et 379 du C. d'inst. crim., et limité arbitrairement l'action du ministère public. - En effet, il est de jurisprudence constante que, lorsque les peines prononcées successivement contre le même individu convaincu de plusieurs crimes ou délits poursuivis séparément sont de même nature et ne diffèrent que relativement à leur durée, elles doivent toutes être subies successivement, à moins que, par leur réunion, elles n'excèdent le maximum de la peine la plus forte (Cass. 8 oct.1824, P. et S. chr.; 27 avril 1832, P. chr.-S.1832.1. 861; 23 juin 1832, P. chr. S. 1832.1.861; 2 août 1833, P. chr. S.1833.1.529; 4 juin 1836, P. chr.-S.1837.1.39). Or Imbert avait d'abord été condamné par la Cour d'assises à deux ans d'emprisonnement et 200 fr. d'amende,wen vertu des art. 171 et 172, C. pén., qui le rendaient passible du maximum de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende s'élevant au quart des restitutions pour des détournements atteignant à près de 2,800 fr.- Dès lors, le tribunal correctionnel statuant sur les nouvelles poursuites aurait pu prononcer un excédant de peine de deux ans d'emprisonnement et 200 fr. d'amende sans que le maximum de la peine la plus forte fûtencore atteint et sans que la confusion fût obligatoire. Mais, en admettant même que la pénalité eût été épuisée par suite de la condamnation en Cour d'assises, et que le tribunal correctionnel, en procédant à un nouveau débat, eût été légalement dans la nécessité, après avoir déterminé la répression, d'ordonner ensuite la confusion pour obéir aux prescriptions de l'art. 365, il ne serait pas vrai d'en conclure que l'action publique n'a plus d'objet, et que, par conséquent, son exercice est illégal.- La défense d'ajouter une peine à une peine déjà appliquée n'enlève point aux faits leur caractère délictueux, et la société, pour la protection de laquelle est instituée l'action publique, a le plus grand intérêt à ce qu'un fait que la loi a rangé au nombre des crimes ou délits soit soumis à des poursuites qui en démontrent l'existence, en déterminent le véritable caractère et ne permettent pas au prévenu de se faire d'une condamnation antérieure un bouclier contre l'action publique elle-même. C'est l'exagération et l'ac

veau délit. Comme on le voit, une des conséquences de la doctrine qui considère l'action publique comme éteinte par l'épuisement de la pénalité, serait de rendre, à certains égards, la situation de l'individu qui s'est rendu successivement coupable de plusieurs délits, meilleure que celle de l'individu qui n'aurait qu'une seule infraction à se reprocher. Dans l'espèce de notre arrêt, la poursuite était d'autant plus recevable qu'en fait, le maximum de la peine applicable à l'accusé n'était pas épuisé au moins en ce qui concerne l'amende. Le tribunal correctionnel ne pouvait, dès lors, s'abstenir de statuer sans se mettre en désaccord avec l'opinion même qui interprète l'art. 365, C. inst. crim., dans le sens le plus favorable aux accusés.

cumulation des peines que la loio a voulu prohi❤ ber, et non la multiplicité des jugements. Alors même qu'elles n'aboutissent pas à l'application d'une peine distincte, les décisions judiciaires font cesser des doutes, rassurent les victimes des délits et peuvent être nécessaires, par exemple, au point de vue de la révision.. - Le condamné lui-même peut avoir intérêt à ce que sa situation morale soit bien établie, et, s'il a des complices, comment la justice serait-elle obligée de le laisser en dehors des poursuites, alors qu'il est à sa disposition?

L'art. 379, C. d'inst. crim., sur lequel la Cour impériale de la Martinique s'est fondée, n'a pas eu pour but assurément, dans la pensée du législateur, de restreindre les pouvoirs généraux conférés au ministère public par l'art. 22 du même code et de faire brèche au grand principe de l'indépendance de son action. D'ailleurs cet art. ne s'applique qu'aux crimes, et la décision de la Cour qui ordonne des poursuites pour des faits pouvant entraîner l'application d'une peine plus forte, n'a d'autre effet que d'obliger le procureur générale à surseoir à l'exécution de son arrêt sur le crime précédemment poursuivi. L'art. 379 n'a pas empêché, en effet, la Cour de cassation de décider, tout en respectant le principe du noncumul des peines, qu'un crime ou délit antérieur à une première condamnation avait pu être l'objet d'une poursuite nouvelle, bien qu'emportant une moindre peine (26 prairial an 9, 6 mai 1826 (P. et S. chr.) et 18 juin 1841 (P.1842.2.634.S.1841.1.883). La légitimité de l'action du ministère public a été également reconnue par les arrêts de la Cour qui, pour le cas où une nouvelle peine ne doit pas être prononcée, maintiennent cependant la condamnation du prévenu aux frais de la poursuite. (Cass. 18 juin 1829 (P. et S. chr.), 119 mars 1818 (P. et S. chr.) - Cette jurisprudence a été formellement méconnue par l'arrêt de la Cour de la Martinique, qui a laissé les frais à la charge de l'Etat. Par tous ces motifs, cet arrêt ne saurait être maintenu, et je me conforme au vou exprimé par Son Excellence M. le ministre de la marine, en vous chargeant, ten exécution de l'art. 441, C. d'inst. crim., de déférer à la Cour de cassation, dans l'intérêt de la loi, l'arrêt rendu le 5 déc. 1865 par la Cour impériale de la Martinique. 505Dans ces circonstances,... nous requérons, etc. « Signé : DELANGLE.» ARRÊT.

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LA COUR; Sur le moyen unique pris d'une fausse application des art. 365 et 379 C. inst. crim., en ce que la Cour impériale de la Martinique a déclaré éteinte l'action intentée par le ministère public à raison de délits antérieurs à une condamnation correctionnelle prononcée contre AristideCharles Imbert: Vu lesdits articles, ensemble l'art. 444, C. instr. crim. ;- Attendu qu'Aristide-Charles Imbert, ancien secrétaire de la mairie et marguillier de la fabrique du Prêcheur (Martinique), traduit devant la Cour d'assises de l'arrondissement de Saint-Pierre, sous l'accusation de faux et de détournements au préjudice de ladite fabri

avait été

qui lui délits de détournements, à deux années d'emprisonnement et à une amende de 200 fr.;

étaient imputés et cond crimes a

Que, poursuivi par le procureur impérial de Saint-Pierre à raison de détournements antérieurs révélés au cours des débats devant la Cour d'assises, le tribunal correctionnel de Saint-Pierre l'a condamné à deux années d'emprisonnement et à 200 fr. d'amende, en ordonnant que ces peines se confondraient avec celles prononcées contre ledit Imbert par la Cour d'assises de SaintPierre ; - Que, sur les appels du ministère public et du condamné, la Cour impériale de la Martinique a, par arrêt du 5 déc. 1865, déclaré éteinte l'action exercée par le procureur impérial de Saint-Pierre et relaxé le prévenu; Attendu que le droit de poursuivre tous les délits, conféré au ministère public par l'art. 22, C. inst. crim., ne souffre d'exceptions que dans les cas prévus par des dispositions expresses de la loi; qu'aucune limitation à l'exercice de ce droit général ne résulte du texte ni de l'esprit des art. 365 et 379 susvisés ;-Qu'il est de principe que, lorsque les peines prononcées successivement contre le même individu, convaincu de plusieurs crimes ou délits poursuivis séparément, sont de même nature et ne different que par leur durée, elle doivent toutes être subies, à moins que par leur réunion elles n'excèdent le maximum de la peine la plus forte; que le cumul des peines autorisé dans ces limites légitime le cumul des poursuites; Qu'on ne saurait d'ailleurs prétendre que l'action publique est éteinte par l'épuisement de la pénalité, puisqu'elle a pour objet nonseulement l'application matérielle de la peine, mais la recherche de toutes les infractions, la poursuite de leurs auteurs, la déclaration de leur culpabilité, l'effet moral des châtiments encourus, les condamnations à prononcer dans l'intérêt des parties civiles et du trésor; Attendu, en outre, que les faits nouveaux révélés à la charge d'Imbert auraient pu déterminer contre lui une peine pécuniaire supérieure à celle prononcée par la Cour d'assises de l'arrondissement de Saint-Pierre pour des faits de même nature; - Casse dans l'intérêt de la loi, etc. Du 3 janv. 1867. Ch. crim. MM. Vaisse, prés.; du Bodan, rapp.; Charrins, av. gén. nu mooq uontais.

JOHTO CACASS.-CRIM. 1er juin 1865. VOL, OUVRIER, CIRCONSTANCE AGGRAVANTE, JURY (DECLAR. DU)..

La circonstance que le vol a été commis par un ouvrier, compagnon ou apprenti, n'est aggravante qu'autant que ce vol a eu lieu dans la maison, l'atelier ou le magasin du maître. (C. pén., 386.) — Par suite, cette circonstance doit ressortir nettement de la

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