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LA COUR; Attendu que s'il est de principe, en matière de répartition héréditaire, qu'à moins d'en être valablement dispensé, tout successible doit faire compte à ses cohéritiers des sommes qui ont été employées dans son seul intérêt par leur auteur commun, notamment pour son remplacement ou son exonération du service militaire, qui est une dette toute personnelle, il n'est pas moins certain que l'obligation du rapport n'existe plus dès que l'avantage reçu par l'héritier n'a causé aucune diminution du patrimoine du défunt, puisque, dans ce cas particulier, aucune atteinte n'est portée à l'égalité naturelle qui doit exister entre les héritiers; Attendu que, dans l'espèce actuelle, le prix du remplacement de Jean Fraissines fut intégralement payé, non aux dépens du père, mais avec le produit d'une tontine organisée entre pères de famille; Qu'en versant dans cette tontine, il ne pouvait avoir l'intention d'en faire une spéculation personnelle à son profit; qu'il agissait, en bon père de famille, dans l'intérêt de son fils, comme son negotiorum gestor; que le fils seul courait les chances du contrat aléatoire; qu'exposé à perdre la mise, il doit naturellement profiter du gain ; Attendu que les premiers juges ayant méconnu l'économie et la véritable portée des dispositions de l'art. 851, C. Nap., en ordonnant un

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(1-2) La jurisprudence L'avait pas encore eu à se prononcer sur cette question qui est très-controversée en doctrine. V. conf. à la solution cidessus, MM. Toullier, t. 4, n. 517 et s.; Chabot, sur l'art. 873, n. 29; Belost-Jolimont, sur Chabot, loc. cit., observ. 4; Malpel, Successions, n. 292; Vazeille, Succ., don. et test., t. 1, sur l'art. 871, n. 6; Bayle-Mouillard, sur Grenier, t. 2, n. 314, p. 735; Demolombe, Successions, t. 5, n. 35. Ces deux derniers auteurs pensent, toutefois, que le légataire universel ou à titre universel ne peut être poursuivi directement par les créanciers de la succession qu'après la délivrance de son legs. V. aussi M. Troplong, Donations, t. 3, n. 1839 et suiv. En sens contraire, MM. Delvincourt, t. 2, p. 574, note 4; Duranton, t. 6, n. 291, et t. 7, n. 435; Marcadé sur l'art. 873, n. 2; Demante, Cours analyt., t. 3, n. 208 et s.; Colmet de Santerre, sur Demante, t. 4, n. 152 bis et suiv. ;Bugnet sur Pothier, t. 8, p. 210, note 2; Duvergier, sur Toullier,, t. 4, n. 522, note a, p. 338; Boileux, Comment. du Code Nap., sur l'art, 873; Ducaurroy, Bonnier et Roustain, id., t. 2, n. 748; Mourlon, Rép. écrit, t. 2, n. 444; Zachariæ et Massé et Vergé, t. 2, § 405, p. 428, note 10;

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BORDEAUX 12 juillet 1867. SUCCESSION, DETTES, HERITIER RÉSERVATAIRE, LEGATAIRE UNIVERSEL. L'héritier réservataire qui se trouve en concours avec un légataire universel ou à titre universel ne peut être poursuivi seul en paiement des dettes de la succession sauf son recours contre le légataire : il y a obligation pour les créanciers de diviser leur action et de réclamer séparément de l'héritier et du légataire la part afférente à chacun d'eux (1). (C. Nap., 873, 1009, 1012 et 1017.)

Peu importe, du reste, que le légataire n'ait pas encore obtenu la délivrance de son legs, alors surtout que cette délivrance ne peut souffrir de difficulté (2). (C. Nap., 1004.)

(Brassens C. Sabourin.)

Le sieur Sabourin est décédé laissant deux enfants et sa veuve qu'il avait instituée sa légataire universelle. Le sieur Brassens, créancier de la succession d'une somme de 3,200 fr., a fait assigner les deux fils Sabourin en paiement de toute cette somme.

27 novembre 1866, jugement du tribunal de Bordeaux qui les condamne à payer seulement chacun le quart, soit, à eux deux, la moitié de la dette, l'autre moitié restant à la charge de la veuve comme légataire univer selle.-«Attendu, porte ce jugement, qu'aux termes de la loi, les cohéritiers contribuent au

1852,

Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 5, § 636, p. 350, note 5; Berriat-Saint-Prix, Rev. crit., p. 469 et suiv.; de Caqueray, Revue prat., 1861, t. 12, p. 253. Du reste, la question dont il s'agit se lie intimement à une théorie également des plus controversées, celle de savoir si les successeurs à titre universel, qui tiennent leur droit de la volonté du testateur, sont, comme les héritiers institués par la loi, représentants du défunt quant à la personne, et non pas seulement quant aux biens. Selon le système que l'on adopte à cet égard, et suivant des distinctions que l'on établit entre le légataire universel qui, se trouvant en concours avec un héritier réservataire, est obligé de demander la délivrance de son legs, et celui qui, au contraire, a la saisine légale, et d'autre part entre le légataire universel et le légataire à titre universel, on décide que ces légataires sont ou ne sont pas tenus des dettes et legs particuliers, comme les héritiers, ultrà vires emolumenti. V. Cass. 13 août 1851 (P.1852.1.481.-S.1851. 1.657); Poitiers, 16 mars 1864 (P.1865.338.S.1865.2.63); Angers, 1 mai 1867 (suprà, p. 1109), et la note jointe à ce dernier arrêt.

des héritiers, puisque tous ces articles énoncents en termes identiques que ces divers successibles sont tenus des dettes et charges de la succession personnellement pour leur part et portion et hypothécairement pour le tout; qu'il n'y a donc aucune différence à établir, ainsi que l'ajustement décidé la Cour suprême, en statuant sur une question analogue, entre les successeurs à titre universel institués par la loi et ceux qui sont institués par la volonté de l'homme, ni entre les légataires universels_saisis de plein droit et ceux qui sont tenus de demander la délivrance; que, par cela même que tous ces

suc

drondistinctement soumis

successeurs oous i

cession,

à l'obligation corrélative de supporter une quotité proportionnelle des dettes et charges;

Attendu que l'obligation qui incombe ainsi au légataire universel étant une conséquence virtuelle du droit par lui acquis le jour même du décès du testateur, droit transmissible dès ce moment à ses héritiers ou ayants cause (argument de l'art. 1014 C. Nap.), l'on ne Isaurait méconnuelle existe à son encontre, alors qu'il n'a pas encore demandé la délivrance dé son legs; que le défaut de la délivrance peut avoir pour effet de suspendre momentanément l'action des créanciers (lesquels pourraient, en cas de retard ou de négligence, la provoquer de la part de leur débiteur); mais qu'il n'est pas admissible que, par une abstention purement volontaire, le légataire universel pût modifier les obligations inhérentes au droit dont il est investi, et aggraver er-même temps clics des héritiers à réserve; Attendu, d'autre

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paiement des dettes de la succession chacun dans la proportion de ce qu'il y prend; que la veuve Sabourin est héritière pour moitié de la succession de Sabourin père, et les deux fils chacun pour un quart; que c'est dans ces proportions qu'ils doivent supporter la condamnation à intervenir.muroni list of Appel par le sieur Brassens. Appel incident par les fils Sabourin, qui demandent subsidiairement à n'être tenus qu'à concurrence des trois quarts de la dette, par moitié entre eux, le legs fait à leur mère devant être réduit au quart en toute propriété et au quart en usufruit.ify3 1 19 masnidol 3 teglf soy sb 2510s 36 autogarab gonel no 6 vll ARRÊT. •une colins 29 19 Jul 19 amoroser astiro asf o LA COUR-Sur l'appel principal de Brassens:-Attendu que cet appel porte exclusivement sur le chef du jugement qui a condamné les frères Sabourin à payer la demie seulement, soit un quart chacun, de la somme due par leur père; que, tout en reconnaissant que c'est une dette de communauté, Brassens se prévaut des dispositions des art. 1484 et 1491 C. Nap., aux termes desquels le mari, ainsi que ses héritiers, sont tenus pour la totalité des dettes de cette nature; que l'on a soutenu, d'autre part, que cette obligation incombe aux frères Sabourin, héritiers réservataires de leur père, nonobstant le testament olographie récemment produit devant la Cour, par lequel ce dernier a légué l'universalité de ses biens à sa femme; que l'on a, en effet, prétendu, en droit, que les créanciers ne sont pas tenus de diviser leur action, après la mort de leur débiteur, entre tous ceux qui lui succèdent à titre quel conque; qu'ils peuvent, au contraire, action-part, que rien n'autorise à croire que la veuve ner directement les héritiers qui ont la saisine légale et qui continuent seuls la personne du défunt, sauf à eux à recourir contre les autres successibles, en raison de la part pour laquelle ceux-ci doivent contribuer aux charges de la succession; que l'on ajoute enfin que ces principes devraient surtout recevoir leur application quand il advient, comme dans le procès actuel, qu'au moment où le créancier exerce son action, le légataire universel n'a a pas encore demandé et obtenu la délivrance de son legs; ang Attenda que la distinction proposée dans l'intérêt de Brassens, entre les divers s' successeurs à titre universel, relativement taup paiement des dettes et charges de la succession et au droit de poursuite des créanciers, était autorisée par les anciens principes, et que plusieurs auteurs ont, il vrai, enseigné qu'elle devrait encore 'etre observée sous l'empire de la loi moderne; mais attendu que cette distinction est repoussée par les termes précis des art. 1009, 1012, 1017 combinés Par ces motifs, sans s'arrêter à l'appel inceux de l'art. 873, C. Nap., suivant les-cident interjeté par les sieurs Sabourin fils, quels les obligations du légataire universel, appel dans lequel ils sont mal fondés, les en qu'il soit ou non en concours avec des héri déboute; faisant droit, an contraire, de l'appel one tiers à réserve, et même du légataire à titre principal interjeté par Brassens, infirme le universel, sont, par leur nature et leur jugement dans le chef qui a condamné les étendue, exactement les mêmes que celles sieurs Sabourin à payer la demie seulement de

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Sabourin entende se prévaloir du non-accomplissement de cette formalité, pour se soustraire à l'exécution de ses engagements comme légataire universelle de son mari; que ses fils déclarent, de leur côté, être disposés à lui effectuer la délivrance de son legs, et qu'en principe, la demande à former dans cet objet n'est soumise à aucune forme spéciale, qu'elle peut même être suppléée (comme cela a été plusieurs fois jugé) pár l'acquiescément de l'héritier réservataire ou l'accord intervenu entre lui et le légataire universel; - Attendu, en conséquence, que le legs universel fait à la veuve Sabourin se trouvant réduit, selon les dispositions de l'art. 1094, C. Nap., au quart en pleine propriété et au quart en usufruit, il y a lieu de décider que ses fils ne sont tenus, ainsi qu'ils y ont conclu subsidiairement, que des trois quarts de la dette dont le paiement est demandé par Brassens, l'autre quart demeurant à la charge de la légataire universelle;

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Le sieur Rouxelot, se trouvant, le 25 juin 1867, dans la chapelle évangélique d'Angers, au moment de la célébration des offices, interpella à haute voix le sieur Robineau, pasteur alors dans l'exercice de ses fonctions sacerdotales, pet de traita de lâche, d'infâme et de calomniateur. Par suite de ce scandale, les cérémonies du culte furent interrompues. Le sieur Rouxelot ja été, à raison de ces faits, traduit devant le tribunal correctionnel d'Angers, sous la prévention d'avoir commis tout à la fois le délit d'outrage à un ministre -d'unes religionic légalement reconnue den France, prévu par l'art. 6 de la loi du 25 -mars 1822, et le délit d'entrave à l'exercice d'un culte, puni par l'art. 261, C. pén.

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29 juin 1867, jugement qui déclare l'art 6 de la loi du 25 mars 1822 ainsi que les art 261 et 262, C. pén, inapplicables au fait poursuivi, par ce motif qu'il s'agissait d'un culte qui, bien qu'autorisé, n'était point lé galement reconnu en France, et décide que le fait incriminé présente seulement le caractère d'injures publiques envers un simple particulier. imp

Appel par le ministère public. Deyant la Cour, M. le conseiller rapporteur Poitou a présenté les observations suivantes: J16 Il faut dire ici à la Cour ce que sont au point de vue légal M. Robineau et l'Eglise évangélique. Il y a en France deux catégories de cultes il y a les cultes reconnus par l'État et les cultes simplement autorisés. Les Eglises protestantes reconnues ont été réglementées par les articles organiques; on les appelle Eglise réformée et Eglise de la Confession d'Augsbourg. Leurs ministres sont salariés par l'Etat; elles sont l'objet d'une protection spéciale; en revanche elles sont soumises, sous le rapport de la discipline et même du dogme, à la surveillance de l'Etat. tres, simplement autorisées, portent le nom d'E glises évangéliques ou Eglises libres. Leurs ministres nereçoivent aucun salaire, et elles ne sont liées à l'Etat par aucune convention organique. got -L'Eglise de M. Robineau est de cotte dernière sorte of natedonOUT

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rey Cela dit, la Cour comprendra que les termes de l'ordonnance du juge d'instruction aient paru prêter à la critique, et à une critique sérieuse lorsqu'elle parlait de culte légalement reconnu en France. Cette qualification semble, en effet, en désaccord avec les faits, au moins pour le premier chef de prévention. Quant au second, la question est plus douteuse. L'art. 261 parle de l'exercice des cultes, sans restriction. Mais il est évident que son sens véritable et sa portée doivent se déterminer par l'article précédent, qui parle des cultes autorisés. Reste à savoir si, comme l'a

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19(1) li est généralement admis qué les art. 261 set 262) C.pen., bien que conçus dans les termes eles plus généraux, se réfèrent implicitement à Part. 260, et ne s'appliquent, comme ce dernier article, qu'aux cultes autorisés. V. MM. de Gråtstier, Comm. des lois sur la presse, t. 2, p. 71;| Grellet-Dumazeau, Tr. de la diffam., etc., t. 1, on 449; Chassan, Dél. et contrav. de la parole, st. dum 394; Gaudry, Lég. des cultes, t., n. -208; Chauveau et Hélie. Theor. du C.pen., t. 3, 9.1944 V. cependant M. Carnot, C.pen., t. 1 elsur l'arti 262, n. 8. La difficulté, dans l'espèce a soumise à la Cour d'Angers, consistait -savoir si, par cultes autorisés, il ne fallait pas - entendre seulement les cultes reconnus, les seuls : qui, à l'époque de la confection du Code pénal, -fussent autorisés. La solution contenue dans l'arrêt que nous recueillons (nous paraît la plus conforme à Fesprit comme au texte de la loi. Si les epltes dissidents étaient seulement tolérés à cette lépoque, aucune loi n'empêchait le gouvernement d'en autoriser l'exercice. En fait, des ayant le décret de 1859, un grand nombre d'Eglises libres

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avaient obtenu l'autorisation des administrations locales. Il en était spécialement ainsi, de de l'Eglise dont il s'agissait dans l'espèce. Il est donc raisonnable de supposer qu'en employant, au lieu des expressions restrictives, cultes légalement reconnus, insérées plus tard dans la loi de 18 €1822, l'expression plus largo de cultes autorisés, le législateur a entendu tenir compte de la faculté reservée au gouvernement d'autoriser des cultes autres que les cultes reconnus. Aussi, la plupart des auteurs ont-ils mis, à cet égard, les cultes autorisés et les cultes reconnus sur la même ligne, V, M., Chassan, ubi supra; Gaudry, P. cit. 168; Chauveau et Hélie, ubi supri, V. aussi M, Morin, Journ. de dr. crim., 1867, n. 306. Il faut du reste observer que les mo cultes autorisés, de l'art. 260, y ayant été maintenus lors de la révision opérée en 1863, alors que la situation des Eglises libres avait été régularisée par la loi, l'objection qui était, opposée dan dans l'espèce à la poursuite, a incontestablement perdu beaucoup de sa valeur. ag Juge denszim Sup 29m9m 291 wom9196z3 Subro19

mots

décidé le jugement, ces mots ont la même signification que les mots cultes reconnus.-Voilà la question qui vous est soumise. Cette question, messieurs, est délicate. Elle est grave, car elle touche aux premiers intérêts de la société, à la liberté des cultes. Elle est neuve, car les auteurs sont à peu près muets sur ce point, et je ne crois pas qu'il y ait un seul arrêt qui s'y réfère. -Il faut chercher l'esprit de la loi.

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En 1810, au lendemain du concordat et des articles organiques, il n'y avait en France de culles autorisés que les cultes légalement reconnus ; c'est-à-dire le culte catholique, les deux communions protestantes appelées Eglises réformées et Confession d'Augsbourg, et le culte israélite. Pour le législateur du Code pénal, on pourrait donc soutenir que, en fait sinon en théorie, culle autorisé était synonyme de culte reconnu. La liberté des cultes n'existait pas le principe de la législation, en cette matière, ce n'était pas la liberté, c'était l'organisation. Avec la Charte de 1814 apparaît le principe de la liberté des cultes. Il y a toujours, en France, des cultes légalement reconnus, c'est-à-dire privilégiés, salariés, couverts d'une protection particulière. Il y a même une religion d'Etat. Mais néanmoins l'art. 5 de la Charte proclame ce grand principe, répété par toutes nos constitutions, que : « Chacun professe « sa religion avec une égale liberté et obtient pour << son culte la même protection. » Dans la pratique, sans doute, ce principe reçoit de fortes restrictions. Et l'art. 291, C. pén., qui soumet à l'autorisation les associations et réunions de plus de vingt personnes, cet article, toujours appliqué sous tous les gouvernements, soumet en réalité l'exercice du droit au bon plaisir de l'administration. Mais il n'en est pas moins vrai que le principe est posé, et que, dès ce moment, on voit apparaître en France, à côté des anciens cultes légalement reconnus, une nouvelle catégorie de sociétés religieuses qui seront les cultes autorisés. Dès lors, la question pouvait se poser de savoir si ces cultes autorisés n'avaient pas droit à la protection des art. 260 et suiv., C. pén.; car dès lors ils avaient une existence légale en France. Sans doute, ils n'étaient pas sur le même pied que les cultes reconnus. N'étant point liés à l'Etat par une convention organique, ne recevant de lui ni salaire ni faveur privilégiée, et ne lui reconnaissant non plus aucun droit d'ingérence dans leurs affaires de dogme ou de discipline, vivant, en un mot, sous la loi commune, d'une vie indépendante, ces cultes, simplement autorisés, n'avaient point à réclamer de lui une protection spéciale. Mais du moment que l'Etat les avait autorisés, n'avaient-ils pas droit à la protection commune promise aux cultes autorisés ? Du moment qu'il les reconnaissait comme cultes, ne pouvaient-ils pas invoquer la loi de police générale qui garantit le libre exercice des cultes? Prétendre les traiter comme de simples associations privées, comme toutes les réunions particulières de plus de vingt personnes, pour lesquelles l'art. 291, C. pén., exige l'autorisation préalable, n'eûtce point été tomber dans une exagération et méconnaître le vrai caractère des faits? Quand le gouvernement autorise un culte, il l'autorise ap

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paremment comme culte. Il sait bien qu'il n'autorise pas une académie ou une société coopérative, mais une Eglise, c'est-à-dire une société religieuse ayant ses prières, ses rites, ses conditions propres et nécessaires d'existence. La loi pénale, comprenant que la manifestation du sentiment religieux est un des actes qui méritent le plus sa protection, a voulu la garantir par une disposition spéciale. Comment donc refuser le bénéfice de cette garantie aux cultes (même non privilégiés). dont l'Etat a reconnu, consacré l'existence par une autorisation formelle? Ce qu'ils demandent, ce n'est pas un privilége, c'est le droit commun des cultes.

« Ce sont là, messieurs, de fortes considérations. A elles seules elles auraient peut-être suffi pour faire regarder comme douteuse la solution que le tribunal d'Angers a donnée à la question.

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Mais il y a aujourd'hui un motif de plus d'en douter. C'est que, depuis le décret du 19 mars 1859, la situation légale des Eglises libres en France a été profondément modifiée. On peut dire qu'elle a été à la fois, par ce décret, réglementée et affermie. Le décret de 1859 a un double objet. Il s'occupe d'abord de l'établissement de nouveaux temples ou oratoires appartenant aux communions protestantes reconnues, et décide qu'il ne pourra avoir lieu qu'après autorisation spéciale résultant d'un décret de l'Empereur en Conseil d'Etat. Cela n'a point trait à la question actuelle. Mais ensuite le décret s'oc cupe des Eglises libres; et le rapport qui le précède explique très-clairement sa pensée. Cette pensée la voici : Les Eglises libres n'ont été régies jusqu'ici que par les prescriptions générales de l'art. 291, C. pén., c'est-à-dire n'ont eu pour condition d'existence et pour garantie qu'une simple autorisation administrative: elles ont été soumises à la surveillance et, on peut le dire, la volonté arbitraire du ministre de l'intérieur et des préfets. On veut leur accorder une garantie plus haute, une sécurité plus grande (ce sont les termes du rapport), et on décide que désormais l'autorisation résultera aussi pour elles d'un décret impérial rendu en Conseil d'Etat. J'ajoute tout de suite que les Eglises antérieurement autorisées sont dispensées de cette formalité et que leurs droits acquis sont respectés et sanctionnés.

Mais, en accordant aux Eglises libres ce surcroît de garantie et de sécurité, on stipule, comme par compensation et pour prix de cette concession, qu'elles seront assujetties aux obligations générales qui incombent aux cultes reconnus, et on leur déclare applicables les dispositions de plusieurs des articles organiques de l'an 10, notamment ceux qui concernent la nationalité des pasteurs, les relations des Eglises avec les puissances étrangères, les abus ou excès de pouvoir..., etc. Voilà l'économie du décret. Que résulte-t-il de là? Il en sort cette solution incontestable: c'est que pour le législateur de 1859 les Eglises autorisées ne sont point, ou du moins ne sont plus de simples associations privées qu'il faille confondre avec celles que régit l'art. 291, C pén. . Comme il s'agit

toujours (dit le rapport) de ce qu'il y a de plus ⚫ intime et de plus respectable dans la conscience humaine, c'est-à-dire des besoins et des senti

⚫ments religieux, ⚫ on leur assure des garanties particulières, plus hautes, plus solennelles, et ainsi on leur donne plus de sécurité; mais en même temps, comme il y a ici un intérêt social et politique, on les astreint à de certains devoirs particuliers. A bien dire, ce décret de 1859 est une sorte de décret organique des Eglises libres. Il leur fait une situation mixte, entre les cultes reconnus, qui sont étroitement alliés avec l'Etat, et les associations purement privées, qui restent dans le droit commun. Il leur donne des garanties, mais il leur impose des devoirs. Il leur assure plus de sécurité, mais il se réserve sur elles une certaine surveillance.

• Devant un tel état de choses, vous vous demanderez, messieurs, si la question qui nous est soumise aujourd'hui ne trouve pas plus facilement sa solution. L'Eglise évangélique d'Angers existait depuis longtemps déjà, avec l'autorisation de l'administration, quand le décret de 1859 a paru. Sa situation légale est donc claire elle doit être assimilée aux Eglises indépendantes qui, depuis lors, ont été autorisées par décret de l'Empereur rendu en Conseil d'Etat. Penserez-vous que les Eglises libres autorisées en France par décrets impériaux ne sont pas protégées par des dispositions des art. 260 et suiv., C. pén.? Penserez-vous que les cultes existant en France en vertu de tels actes de l'autorité, dans de telles conditions de garantie promise et d'obligations réciproques, ne sont pas des cultes autorisés ? »

ARRÊT.

LA COUR;-Attendu qu'il résulte de l'instruction et des débats que, le 2 juin dernier, à Angers, dans la chapelle de l'Eglise évangélique, alors que le pasteur Robineau était en chaire et donnait la bénédiction, Rouxelot, l'interpellant à haute voix, lui dit qu'il était un misérable, un infâme et un calomniateur; que, par suite de ce trouble, les assistants s'étaient retirés; Attendu que Robineau, pasteur de l'Eglise réformée, révoqué le 11 janv. 1859, a été immédiate

ment

maintenu par ses coreligionnaires comme ministre d'une Eglise libre, et qu'en cette qualité il a été autorisé verbalement par le préfet à continuer les exercices publics du culte dissident, et à édifier la chapelle actuellement existante; Que ces faits étaient connus de Rouxelot, ancien concierge de ladite chapelle et ancien colporteur autorisé du culte évangélique ; Attendu que le principe de la liberté et de la protection due aux cultes est inscrit dans toutes les constitutions depuis 1789; mais que, dans un intérêt général d'ordre et de police, l'exercice public de cette liberté est nécessairement soumis à l'autorisation du gou vernement; Que la reconnaissance des cultes catholique et protestant par la loi de germ. an 10, n'est pas exclusive de la protection des autres cultes qui pourraient être autorisés, et que c'est sous l'empire de ces principes que, dans l'art. 260, C. pén., le législateur n'a pas employé l'expression de

cultes reconnus, mais celle plus large de cultes autorisés ; Que le décret de 1859, art. 3, en accordant aux cultes non reconnus la garantie nouvelle d'une autorisation d'exercice public donnée par décret en Conseil d'Etat, sous les conditions de se conformer aux règles spéciales de police écrites dans la loi de germ. an 10, les assimile dans une certaine mesure aux cultes reconnus par l'Etat, et leur reconnaît implicitement le même droit à la protection de la loi; Qu'ainsi, il les distingue des simples associations ou réunions prévues par les art. 291 et suiv., G. pén., et par la loi du 10 avr. 1834; 1834;-Qu'il résulte d'ailleurs de l'exposé des motifs de ce décret que les faits religieux préexistants sont maintenus et qu'une nouvelle autorisation n'est pas nécessaire pour les cultes exercés publiquement avec l'autorisation tacite de l'autorité départementale; - Que, dès lors, les faits dont le prévenu s'est rendu coupahle tombent sous l'application des art. 261 et 262, C. pén.; Infirme, ete. Du 27 août 1867. C. Angers, ch. corr. -MM. Maillard, prés.; Merveilleux Duvigneaux, av. gén.; Cubain, av.

COLMAR 26 février 1867. PRESCRIPTION, ACTION CIVILE, DÉLIT, INTERRUPTION, RECONNAISSANCE DE DETTE. L'action civile résultant d'un délit se prescrit par trois ans, comme l'action publique, alors même qu'elle est exercée séparément devant la juridiction civile (1). (C. Inst. crim., 637 et 638.)

Cette prescription peut être interrompue par une reconnaissance de sa responsabilité émanant de la personne contre laquelle l'action est dirigée (2). (C. Nap., 2248.)

Mais les faits dont on prétend faire résulter la preuve d'une telle reconnaissance doivent être tels qu'ils ne laissent subsister aucune équivoque sur la véritable intention de celui contre lequel on les invoque; ainsi cette preuve ne saurait résulter, contre une compagnie de chemin de fer, uniquement de ce qu'elle a conservé dans ses fonctions un employé mutilé à son service, sa conduite, en pareil cas, pouvant s'expliquer par un sentiment d'humanité (3).

(1) Cette solution rentre dans une jurisprudence constante. V. Nîmes, 19 déc. 1864 (P.1865.322. -S.1865.2.46) et la note.

(2) C'est une question controversée que celle de savoir si les parties peuvent renoncer directement ou indirectement à la prescription de l'action civile. V., pour la négative, Paris, 24 fév., 1855 (P.1855.2.326.-S. 1855.2.409) et le renvoi; pour l'affirmative, Cass. 28 fév. 1860 (P. 1860.1006.-S.1860.1.206).

(3) Mais le fait par une Compagnie de chemin de fer d'avoir donné des secours à un employé

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