Images de page
PDF
ePub

PARIS 26 janvier 1867.

Meubles, Titres AU PORTEUR, PRÉSOMPTION DE PROPRIÉTÉ, DECLARATION CONTRAIRE.

Si la note non signée attachée à un titre au porteur, écrite de la main de la personne qui détenait ce titre, et contenant déclaration qu'il appartient à un tiers, est insuffisante, après le décès de cette personne, pour dé

(1) La question résolue ici par la Cour de Paris ne semblait présenter en fait aucune difficulté sérieuse, et nous n'aurions pas relevé son arrêt s'il n'énonçait une proposition juridique que nous ne saurions laisser passer sans protestation, bien qu'en réalité cette proposition ne paraisse pas avoir eu d'influence sur la solution de l'espèce. La Cour érige en thèse de droit que la déclaration écrite, émanée d'un détenteur de valeurs mobi. lières, que ces valeurs appartiennent à un tiers, n'empêche pas, après son décès, l'application de la règle en fait de meubles possession vaut titre 'au profit de ses héritiers. Cette thèse a une grande importance pratique. De nos jours les titres au porteur sont nombreux, il en existe dans toutes les fortunes, même les plus modestes, et, trèsfréquemment, ceux qui en ont les confient, dans un but de sécurité, à un ami, à un patron, qui a une maison mieux gardée, peut-être une caisse ou un coffre-fort. Celui qui les reçoit ne songe pas à remettre une reconnaissance écrite et séparée du dépôt, ou même s'y refuse, afin de ne pas engager sa responsabilité, et se borne à inscrire le nom du propriétaire sur les titres ou sur une enveloppe qui les contient. Si un accident détruit les titres déposés, le dépositaire ne peut être inquiété; si les papiers remis se retrouvent, le nom qu'ils portent indique à qui ils appartiennent. Cette manière d'agir est très-usitée; la sécurité qu'elle semble offrir aux deux parties serait trompeuse si la doctrine de la Cour de Paris était admise, et si le déposant était dans la nécessité, malgré la déclaration du dépositaire, de prouver son droit de propriété sur les titres dont il demande la restitution.

En principe, la règle en fait de meubles possession vaut titre suppose chez celui qui l'invoque une possession à titre de propriétaire. V. Rép. gén. Pal. et Supp., v° Possession, n. 124; Table gén. Devill. et Gilb., vo Meubles, n. 21, adde MM. Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 5, § 849, note 3, p. 306; Mourlon, Rép. écrit., 3o exam., n. 1994; Demolombe, De la Propr., n. 622; Marcadé, sur l'art. 2279, n. 2.-La possession pure et simple, c'est-à-dire qui ne présente aucun caractère particulier ou distinctif, est présumée à titre de propriétaire; mais cette présomption n'est pas absolue; le tiers intéressé peut démontrer que le possesseur apparent n'est qu'un détenteur précaire, et par là il fait cesser l'application de l'art. 2279, C. Nap. Cela a été maintes fois jugé. V. Rép. gen., eod. verb., n. 120; Table gén., v. cit., n. 24. Comp. Cass. 24 avril 1866 (P.1866. 504.-S.1866.1.189) et la note. Il suit de là que l'aveu, par le possesseur d'un meuble, qu'il possède pour autrui, doit faire écarter immédia tement la règle en fait de meubles possession vaut ANNÉE 1867.-12° LIVR.

truire d'une manière absolue la conséquence légale de la possession et la présomption de propriété qui en résulte au profit du possesseur (C. Nap., 2279), elle constitue du moins un commencement de preuve par écrit et autorise l'admission, au profit du tiers désigné, des présomptions graves, précises et concordantes, pour suppléer à la preuve directe de la propriété (1). (C. Nap., 1347.!

titre. Or, l'inscription, de la main du possesseur, sur le meuble, du nom d'un tiers propriétaire, constitue un aveu, équivaut à une déclaration orale. Il est certain que si le débat s'élevait entre l'auteur de l'inscription et la personne dont le nom est inscrit, la solution en faveur de cette dernière ne serait pas subordonnée à de plus amples preuves, et l'art. 2279 n'interviendrait aucunement. Or, l'héritier succède à la possession de son auteur; il est placé par l'aveu littéral de celui-ci dans la situation d'un détenteur précaire; il possède pour celui dont le nom est inscrit sur le meuble et ne saurait posséder autrement. La mort n'a rien changé à la situation des parties et l'art. 2279 est toujours inapplicable. La Cour de cassation a décidé le 15 avr. 1863 (P.1863.463.-S.1863.1. 387), que la présomption de l'art. 2279 dispense le possesseur de toute preuve, et que c'est à l'adversaire de prouver le contraire. Cela est vrai, sans doute, dans les hypothèses où l'art. 2279 s'applique et lorsque le possesseur a toutes les apparences de la possession animo domini; mais telle n'est par notre espèce.-La Cour de Paris a peutêtre été touchée de cette considération que par ce moyen, par une mention sur une valeur mobilière, une libéralité à cause de mort pourrait être faite sans les formes du testament, et affranchie des règles de capacité et de disponibilité. Cela signifie qu'une fraude est à craindre, soit; faut-il dès lors présumer la fraude, présumer que les mentions et les déclarations renferment des dissimulations, sauf la preuve du contraire, ou bien ne faut-il pas accepter comme vraie l'apparence donnée aux actes, sauf la preuve de la fraude par les parties intéressées ? Cette dernière solution est commandée par le principe élémentaire que la fraude ne se présume pas. La Cour a consenti à voir dans la mention écrite par le détenteur un commencement de preuve par écrit du droit du tiers, el a autorisé ce tiers à compléter la preuve de sa propriété par des présomptions graves, précises et concordantes. Il est, suivant nous, plus juridique de réserver aux héritiers la faculté de prouver par tous les moyens possibles qu'une violation de la loi a été dissimulée sous la reconnaissance qu'ils mettent en suspicion. On aperçoit la nuance qui sépare les deux opinions. Nous regardons comme conforme aux principes de décider que l'héritier possède précairement ce que son auteur avait consenti à posséder précairement, et que le tiers reconnu comme propriétaire des valeurs mobilières par le détenteur lui-même, ne doit être soumis à aucune preuve de son droit, autre que celle résultant d'une telle reconnaissance, soit qu'il agisse contre le détenteur luimême, soit qu'il s'adresse à l'héritier de celui-ci.

79

[merged small][ocr errors]

ARRÊT.

LA COUR; Considérant qu'après le décès de Rossey, il a été trouvé à son domicile, et au cours de l'inventaire, les trois inscriptions de rente sur l'Etat et au porteur réclamées, à chacune desquelles était attachée une note de sa main contenant déclaration qu'elles appartenaient, l'une de 100 francs, une autre de 50 francs de rente, à la veuve Weinandy, et la troisième, de 100 francs de rente, à la veuve Moussard, fille de celle-ci ; Que, si ces notes non signées peuvent être insuffisantes pour détruire d'une manière absolue la conséquence légale de la possession, elles constituent au moins un commencement de preuve par écrit et autorisent l'admission des présomptions graves, précises et concordantes pour suppléer à la preuve directe de la propriété; - Qu'à l'égard des deux premières inscriptions de rente, objet de la demande formée par la veuve Weinandy, décédée depuis et représentée par sa fille et héritière, la veuve Moussard, il est justifié par une lettre émanée de Rossey qu'en 1857 il avait acheté pour la veuve Weinandy, lorsqu'elle est entrée chez lui, une rente au porteur de 100 francs sur l'Etat avec le produit de la vente d'un fonds de commerce réuni à une somme de 900 francs environ par elle retirée de la caisse d'épargne, et qu'elle lui avait en outre déposé six obligations du chemin de fer de l'Ouest; que la propriété de cette inscription, restée entre les mains de Rossey à titre de dépôt, et celle d'une autre inscription de 50 francs de rente, achetée depuis avec les économies de la veuve Weinandy, sont attestées par le livre sur lequel elle écrivait régulièrement ses recettes et ses dépenses, dont diverses mentions établissent qu'elle avait la jouissance de ces deux rentes, dont les arrérages lui étaient remis et qui représentent exactement le montant de ces deux inscriptions; que l'on y voit même figurer une somme remise à un agent de change et qui paraît être l'appoint d'un bordereau; qu'une erreur ou une confusion dans le numéro de ces titres ne peut détruire la preuve résultant à la fois de la note que Rossey y avait annexée, de la lettre émanée de lui et enfin des mentions relevées sur le livre de la veuve Weinandy; Qu'il est en outre établi par l'inventaire que Rossey acceptait souvent le dépôt de titres et valeurs de même nature, et qu'il s'en est trouvé à son décès qui ont été reconnus appartenir à d'autres personnes; que la remise à lui faite par la veuve Moussard, d'une inscription de rente de 100 franes, s'explique comme celles qui avaient eu lieu précédemment par sa mère, la veuve Weinandy; qu'elle a eu lieu dans les mêmes circonstances; qu'il résulte en effet des débats et des pièces produites que, devenue veuve peu après son mariage, la veuve Moussard a vendu son fonds d'épi

cerie et chargé Rossey d'employer les fonds ainsi réalisés à l'achat d'une inscription de rente sur l'Etat de 100 francs, inscription au porteur, et dont, pour plus de sûreté, elle lui a confié la conservation et la garde; que la note émanée de ce dernier et annexée à ce titre n'est donc pas moins sincère que les deux notes jointes aux deux inscriptions appartenant à la veuve Weinandy; que, la preuve que ces trois inscriptions étaient sa propriété et que Rossey n'en était détenteur qu'à titre de dépositaire étant ainsi complétée, il y a lieu d'ordonner la remise demandée; Infirme; dit que, dans la huitaine de la signification du présent arrêt, du Rousset ès noms sera tenu de remettre à la veuve Moussard les titres de rente sur l'Etat, etc.

[ocr errors]

Du 26 janv. 1867. C. Paris, 40 ch. MM. Tardif, prés.; Chenal et Lefèvre, av.

PARIS 9 octobre 1867.

PÊCHE FLUVIALE, CANAL DE L'OURCQ,
LIGNE FLOTTANTE.

On ne peut pêcher à la ligne flottante dans le canal de l'Ourcq, sans l'autorisation de la compagnie concessionnaire: la ville de Paris ayant toujours eu la propriété exclusive de ce canal, creusé et payé de ses deniers, ne saurait être considérée comme l'ayant cause de l'Etat, dans le sens de l'art. 1er de la loi du 15 avril 1829, qui permet ce mode de pêche dans les canaux dont l'entretien est à (L. 15 avril 1829, art. 1 et 5.) la charge de l'Etat ou de ses ayants cause.

(Hainguerlot C. Charlier.)

Le tribunal correctionnel de Pontoise avait décidé le contraire par les motifs suivants:

Attendu que si le prévenu reconnaît avoir pêché, dans le courant du mois de juin, dans le canal de l'Ourcq à l'aide d'une ligne flottante tenue à la main, ce mode de pêche est autorisé par l'art. 5 de la loi du 15 avril 1829 dans les canaux dont l'entretien est à la charge de l'Etat ou de ses ayants cause, et ce, même sans la permission de celui à qui le droit de pêche appartient; Attendu qu'aux termes de l'art. 1er de cette loi les cours d'eau dans lesquels le droit de pêche cesse d'être exercé au profit de l'Etat et auxquels ne peut s'appliquer la règle ci-dessus rappelée, sont les canaux ou fossés existant ou qui seraient creusés dans des propriétés particulières; Que le canal de l'Ourcq, créé en vertu de la loi du 29 flor. an 10, n'a pas perdu le caractère que lui attribuait cette loi et ne saurait être assimilé à un canal creusé dans une propriété particulière, quels que soient d'ailleurs les droits qui aient pu être concédés au duc d'Orléans et la cession faite par celui-ci à la ville de Paris. »

[ocr errors]

Appel par le sieur Hainguerlot, concessionnaire du canal de l'Ourcq.

ARRÊT.

LA COUR; Considérant, en fait, qu'il résulte d'un procès-verbal régulier, aussi bien que des dépositions des témoins entendus en première instance, que, le 27 juin 1867, le prévenu Charlier a été trouvé pêchant à la ligne flottante dans le canal de l'Ourcq, à l'endroit appelé le Barrage, faisant partie de deux lots de pêche affermés à Noise, suivant bail reçu par Ragot, notaire à la Villette, le 14 mai 1866; Considérant que les constatations et énonciations dudit procès-verbal n'ont été, par Charlier, contestées ni devant les premiers juges ni devant la Cour, et que le prévenu s'est toujours borné à soutenir qu'il avait usé d'un mode de pêche autorisé dans le canal de l'Ourcq, lequel appartiendrait à l'Etat, ou à ses ayants cause: la ville de Paris et la compagnie Hainguerlot; - Considérant, en droit, qu'il résulte des articles 1 et 5 de la loi du 15 avril 1829, qu'il est permis à tout individu de pêcher à la ligne flottante, tenue à la main, dans les fleuves, rivières et canaux, contre-fossés navigables ou flottables avec bateaux, trains ou radeaux et dont l'entretien est à la charge de l'Etat ; Considérant que si la loi du 29 flor. an 10 a décrété l'ouverture d'un canal de dérivation de la rivière d'Ourcq devant être amenée, à Paris, à un bassin près de la Villette (art. 1er), ce canal n'a jamais, ainsi qu'il résulte de tous les documents produits, appartenu à l'Etat, n'a pas été créé par lui, mais qu'il a été, est et sera toujours la propriété de la ville de Paris, pour le service de laquelle il a été principalement creusé; Qu'en effet, dès le 2 pluv. an 12, un arrêté du préfet de la Seine portait nomination de gardes champêtres spéciaux chargés de veiller à la conservation du canal de l'Ourcq, ouvert pendant le cours de l'an 11, depuis la redoute de la Villette jusqu'à Sevran; Que le 12 mars 1810, la ville de Paris était, par une loi, autorisée à faire un emprunt de 7 millions destinés au paiement des indemnités de terrains et maisons nécessaires au canal de l'Ourcq et à la distribution des eaux dans Paris; Que le 20 mai 1818, la ville de Paris était, par une autre loi, autorisée à contracter un nouvel emprunt de 7 millions devant être amortis par un droit d'entrée de 1 fr. 25 c. par hectolitre de vin;

Que le 24 avril 1824, la ville de Paris acquérait de M. le duc d'Orléans, à ce autorisée par ordonnance royale du 10 décembre 1823, tous droits et actions de ce prince sur le lit de la rivière de l'Ourcq, sur ses eaux, son littoral et droit de halage, sa navigation et ses dépendances, et que ladite cession était faite à titre de forfait moyennant une rente annuelle et perpétuelle de 30,000 fr. que le préfet de la Seine créait et constituait au profit du prince sur la ville de Paris; que les arrérages de ladite rente devaient être servis par la caisse municipale de la ville de Paris; Considérant que, par traité passé!

[ocr errors]

le 19 avril 1818 entre le préfet de la Seine, au nom de la ville de Paris, et la compagnie des canaux de Paris, ledit traité approuvé par ordonnance royale en date du 10 juin 1818, il a été fait concession à ladite compagnie de la jouissance et des produits des canaux de l'Ourcq et de Saint-Denis pour quatre-vingt-dix-neuf ans, à la condition que toutes les propriétés nécessaires à l'exécution desdits canaux seraient acquises aux frais de ladite ville par l'administration_municipale et livrées à ladite compagnie; - Considérant que des conventions additionnelles au traité de concession susénoncé portent (art. 10 et 12) qu'au moyen d'un paiement de 540,500 fr. à la compagnie des canaux, la villé de Paris, à l'expiration de la concession, demeurerait propriétaire des travaux, ouvrages, bâtiments établis aux abords des canaux de l'Ourcq et Saint-Denis, sur les terrains appartenant à la ville de Paris; - Considérant que la compagnie des canaux ayant acquis de la ville de Paris, qui en était bien réellement alors propriétaire comme les ayant effectués et payés de ses deniers, la jouissance de tous les produits du canal de l'Ourcq, a droit et qualité pour poursuivre une contravention de pêche commise à son préjudice, puisque c'est sur la propriété même du fond que repose le droit de pêche;

[ocr errors]

Considérant que si l'Etat, dont la ville de Paris serait seulement l'ayant cause, ainsi que le prétend l'intimé, eût eu réellement un droit de pêche sur le canal de l'Ourcq, une ordonnance royale insérée au Bulletin des lois serait nécessairement intervenue, en conformité de l'art. 3 de la loi du 15 avril 1829; Qu'on ne peut attribuer l'absence de cette ordonnance à une omission qui, depuis 1829, eût été facilement réparée, alors que l'Etat s'est à plusieurs reprises occupé de divers canaux pour en opérer la réglementation, et que ce silence même de la législation doit profiter à la ville de Paris; Qu'il faut donc reconnaître que le législateur de 1829, se trouvant en présence de la ville de Paris, créatrice et seule propriétaire du canal de l'Ourcq depuis l'an 10, s'est abstenu, et que d'ailleurs il n'aurait pu, sans violer le principe de la non-rétroactivité des lois, comprendre ce canal parmi ceux dont l'entretien est à la charge de l'Etat ; Considérant que le droit de pêche, en l'absence de toute ordonnance, demeure entier au profit de la ville de Paris et que c'est par suite à bon droit que Hainguerlot, ès noms qu'il agit, a, aux termes du cahier des charges du 23 avril 1866 (art. 15), exercé la poursuite dont la Cour est actuellement saisie; -Emendant, déclare Charlier coupable d'avoir, le 27 juin 1867, pêché sur le canal de l'Ourcq, lieu dit le Barrage, avec ligne flottante, sans permission de la compagnie concessionnaire Hainguerlot, ou de son fermier, le sieur Noise, ce qui constitue le délit prévu par les art. 1 et 5 de la loi du 15 avril 1829, etc.

[ocr errors]
[blocks in formation]

SAISIE IMMOBILIÈRE, NULLITÉ, Appel. La règle que les jugements statuant sur des nullités postérieures à la publication du cahier des charges ne peuvent être attaqués par la voie d'appel, n'est pas limitée au cas où il s'agit de simples nullités de procédure; elle est applicable à toutes les nullités, même à celles concernant le fond du droit (i). (C. proc., 730.)

Cette règle ne doit pas, d'ailleurs, s'entendre rigoureusement des seules nullités qui sont nées après la publication du cahier des charges, mais aussi de celles qui ont été proposées après cette publication, bien que la cause en soit antérieure (2).

(Pathiaux C. Mercier.)

que le législateur a voulu dans ces deux | articles statuer sur les mêmes nullités se présentant à des périodes différentes de la procédure; Que si le législateur a négligé de s'expliquer dans l'art. 729 sur les résultats de l'admission des nullités du fond, c'est qu'ayant frappé de déchéance celles antérieures à la publication du cahier des charges, il a dû penser qu'il ne s'en présenterait de nouvelles que très-exceptionnellement dans le court intervalle qui sépare cette publication de l'adjudication; - Que le législateur, dans le système qu'il établissait, a dû exiger que les moyens du fond survenus entre la publication du cahier des charges et l'adjudication fussent soumis au tribunal avant l'adjudication; qu'autrement il aurait autorisé la partie saisie à se réserver un moyen pour faire tomber après coup la procédure, au lieu de la forcer à le produire d'avance et avant les frais du jugement d'adjudication, ce qui serait contraire au but que l'on voulait atteindre par les nouvelles dispositions de la loi; que si les moyens de nullité du fond survenus entre la publication et l'adjudication et non proposés avant l'adjudication, n'étaient pas frappés de la déchéance prononcée par l'art. 729, l'adjudication devenait dès lors révocable et frustratoire, et que l'on retombait ainsi dans les inconvénients que l'on avait voulu prévenir;

[ocr errors]

Considérant que s'il est établi par là que l'art. 729 a statué, par l'expression de nullités, sur celles du fond comme sur celles de la forme, la même expression doit avoir le même sens dans le troisième § de l'art. 730; Qu'en effet, s'il en était autrement et que le saisi pùt appeler des jugements intervenus entre la publication du cahier de s charges et l'adjudication, lorsque ces jugcments portent sur des nullités du fond, il trouverait toujours dans cette faculté un moyen facile de retarder indéfiniment l'adju

LA COUR; Considérant qu'en rapprochant et combinant les dispositions des art. 728, 729 et 730, C. proc., on arrive à reconnaître que le législateur a voulu, dans un but d'intérêt général, circonscrire dans des délais limités les empêchements que les débiteurs expropriés cherchent le plus souvent à opposer à leur dépossession, et encore mettre obstacle à des frais et des procédures frustratoires qui écartaient les adjudicataires sérieux; Que c'est par ces motifs que l'art. 728 impose au saisi l'obligation de présenter, à peine de décléance, tous ses moyens de nullité contre la procédure, soit en la forme, soit au fond, trois jours au plus tard avant la publication du cahier des charges; et qu'après cette publication l'art. 729 exige que les moyens de nullité qui peuvent survenir soient présentés, sous la même peine de déchéance, trois jours avant l'adjudication, et qu'il a été préférable, pour dication; et qu'enfin le § 3 de l'art. 730 décide que les jugements intervenus sur ces dernières nullités ne sont pas susceptibles d'appel ; — Qu'à la vérité les art. 729 et 730, en statuant sur les nullités contre la procédure intervenues ou proposées depuis la publication du cahier des charges, n'ont pas répété les expressions de l'art. 728 tant en la forme qu'au fond, mais que l'expression générale de nullités, venant après l'extension qui lui avait été donnée par l'art. 728, s'y réfère naturellement et qu'il paraît évident

(1-2) La Cour de Dijon, qui avait jugé le contraire par un arrêt du 10 fév. 1857 (P.1857. 378.-S.1857.2.545), se range ici à la doctrine consacrée par un arrêt de la Cour de Grenoble, du 12 mars 1852 (P.1854.1.585.—S.1853.2.261) et par un arrêt de la Cour de cass. du 27 fév. 1856 (P.1856.2.486.-S.1856.1.674). V. aussi M. Chauveau, Lois de la proc., quest. 2423 ter, et les notes sous les arrêts précités.

détruire cet abus, de donner, dans ce cas restreint, aux tribunaux de première instance une attribution exceptionnelle ; · Considérant, en fait, que les moyens sur lesquels la dame Pathiaux Louvet se fonde pour demander la nullité de la saisie, sont des moyens du fond qui existaient antérieurement à la publication du cahier des charges et se trouvaient ainsi frappés de la déchéance prononeée par l'art. 728; que dans tous les cas, proposés entre cette publication et l'adjudication, ils tombent sous l'empire du § 3 de l'art. 730, qui déclare non susceptibles d'appel les jugements intervenus sur les moyens de nullité proposés par le saisi dans cette période de la procédure; Par ces motifs, déclare non recevable l'appel interjeté par la dame Pathiaux du jugement rendu par le tribunal de Châlons le 21 fév. 1867, etc.

[ocr errors][merged small]

Du 16 août 1867. - C. Dijon, 1re ch. MM. Neveu-Lemaire, 1er prés; Bernard, av.gén.

CHAMBÉRY 28 février 1867.

Violation de domicile, Violence, Destruc

TION DE CLOTURE.

Le fait de s'introduire dans le domicile d'un citoyen sans user de menaces ni de violences envers les personnes, ne constitue pas le délit de violation de domicile puni par la seconde disposition de l'art. 184, C. pén., encore bien que l'introduction ait eu lieu au moyen de la destruction d'une clôture; le mot violences, employé dans l'art. 184, devant s'entendre seulement des violences dirigées contre les personnes et non de toute voie de fait qui peut avoir pour objet une chose aussi bien qu'une personne (1).

(1) La jurisprudence a reconnu jusqu'ici un sens beaucoup plus étendu à la disposition finale de l'art. 184, C. pén. Ainsi, un arrêt de la Cour d'Angers du 24 oct. 1856 (a) a jugé que la violence dont il est question dans cet article doit s'entendre de tout moyen violent à l'aide duquel un individu s'introduit dans le domicile d'un citoyen malgré lui, et non pas seulement des actes matériels de violence envers les personnes. Un autre arrêt de la Cour de Paris, du 22 juin 1819 (P.1850.2.143.-S.1850.2.87), a même décidé qu'il y a violation de domicile, aux termes du même article, dans le fait d'individus qui, admis librement dans la chambre de leur coassocié, ont fait ouvrir son secrétaire par un serrurier à l'effet de compulser sa correspondance. Et cette interprétation nous paraît la plus conforme à l'intention du législateur. La disposition dont il s'agit a pour objet la défense du domicile, bien plus que celle des personnes déjà protégée par les art. 309 et suiv., quand elle a été introduite dans le Code, contre les violences d'une certaine gravité. C'est par là que la seconde partie de l'art. 184 se rattache à la première, où il n'est évidemment pas question des violences contre les personnes, que l'art. 198 punit de peines bien plus sévères que la simple violation de domicile, lorsqu'elles ont été commises par des fonctionnaires publics.-Quant à l'argument tiré de ce que ces deux dispositions sont réunies sous la rubrique des abus d'autorité contre les particuliers, il ne faut pas s'en exagérer l'im

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

(a) Voici le texte de cet arrêt (Fourrage): LA COUR; Considérant que de la disposition même des termes de l'art. 184, C. pen., il ressort que la circonstance de violence, placée après celle concernant les menaces, ne peut avoir le sens restreint d'actes matériels de violence envers les personnes, et s'applique nécessairement à logt moyen violent à l'aide duquel tout individu s'introduit dans le domicile d'un citoyen malgré ce dernier;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Fourrage a été expulsé, 6 sept. dernier, par un huissier porteur d'une ordonnance du président, de la maison qui lui avait servi de domicile, mais qui était exclusivement assignée comme lieu de retraite à sa femme demanderesse en séparation de corps; - Que néanmoins, pendant la nuit du 7 au 8 du même mois, cet individu a pénétré dans la maison assignée pour domicile à sa femme, à l'aide d'escalade par

[blocks in formation]

LA COUR; Sur le chef relatif à la violation de domicile :-Attendu, en fait, que Rivet avait habité précédemment en pension chez les époux Duchêne, et y avait été occupé comme ouvrier, pendant trois ou quatre jours, sans avoir reçu son salaire ; Que, le 23 nov. 1866, il s'est introduit dans leur domicile en leur absence, « sans commettre, dit-il, aucune effraction, puisque la porte d'entrée ne se trouvait point fermée à clef...»; Qu'en réalité il n'a adressé de menaces à personne, et n'a usé de violence vis-à-vis de qui que ce soit, pour entrer et rester à l'intérieur, où le témoin Toinet l'a trouvé assis auprès du feu qu'il venait d'al

portance: le Code pénal de 1810 ne contenait aucune pénalité qui fût applicable à la violation du domicile par les particuliers, et l'on a saisi l'occasion de la révision de 1832 pour combler cette lacune. Or, on sait que, dans cette révision, on n'a pas toujours tenu compte de la division originaire des matières. C'est ce qui est arrivé pour l'addition faite à l'art. 184; et cela s'explique d'autant plus facilement que cette addition a été faite au cours de la discussion et par voie d'amendement.

a

D

Il est visible, disent MM. Chauveau et Hélie, Theor. C.pen., t. 3, n. 756, que cette disposition n'est point à sa place. Ce n'est que par la connexité de la matière qu'elle se trouve liée à l'art. 184 et placée sous la rubrique « des abus de pouvoir. » Le mode adopté pour la révision du Code explique cette irrégularité sans la justifier. L'argument tiré par notre arrêt de la signification juridique du mot violence est plus spécieux, car on a souvent établi une distinction entre la violence et la voie de fait. V. MM. Merlin, Rép., v° Voie de fait, § 2, et Morin, Dict. de dr. crim., v° Violence, voie de fait, n. 4. Mais les rédacteurs du Code pénal ne semblent pas avoir tenu compte de cette distinction. Les mots violence et voie de fait sont employés presque partout comme synonymes, el quand le mot violence est employé seul, c'est dans son acception la plus large. V., par exemple, l'art. 441. Quand la loi a voulu punir les violences contre les personnes seulement, elle a pris soin de s'en expliquer. (C. pén., 186, 256,279,etc.)

la fenêtre du grenier, en renversant les obstacles qui fermaient cetle ouverture; que la femme Fourrage, effrayér, s'étant enfuie de sa maison, Fourrage s'y est renfermé et y est resté pendant toute la nuit, malgré les observations et les injonctions de l'adjoint au maire de la commune ; Que deux jours après, dans la matinée du 10 septembre, Fourrage, furieux, s'est de nouveau introduit dans le domicile de sa femme et y est resté malgré elle; Consi dérant que ces scènes répétées sont pour la femme Fourrage un sujet d'effroi et que la conduite passée de son mari justifie d'ailleurs ses craintes; Que les faits ci-dessus rentrent dans les termes et dans l'esprit de l'art. 184, C. pén.;-Infirme; condamne Fourrage à trois mois de prison et 16 fr. d'amende.

Du 24 oct. 1850-C. Angers.-M. Legentil, pr.

« PrécédentContinuer »