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la preuve à toutes les incertitudes des témoignages et des présomptions. Mais ce danger serait-il donc, à lui seul, une raison assez puissante pour introduire dans la loi, au moyen d'une argumentation plus ou moins subtile, une dérogation aussi grave au droit commun? N'est-il pas, d'ailleurs, bien d'autres conventions qui peuvent être tout aussi compliquées que le partage par le nombre, la diversité et l'importance des conditions auxquelles les parties, dans toute leur liberté, ont cru devoir les soumettre, et pour la preuve desquelles, cependant, on n'a pas encore songé à réclamer d'autres garanties que celles du droit commun? Pour le partage, d'ailleurs, comme pour toutes les autres conventions que la loi n'astreint pas à des formes solennelles, n'est-ce pas une garantie sérieuse que la nécessité d'un commencement de preuve par écrit pour autoriser le juge à livrer passage aux témoignages et aux présomptions, lorsque l'importance du litige est supérieure à 150 fr.? et la demanderesse est-elle bien venue à se faire un moyen des périls d'une preuve de cette nature, quand l'arrêt attaqué consent à ne voir qu'un commencement de preuve par écrit dans cette déclaration émanée d'elle que les premiers juges avaient justement considérée comme une reconnaissance formelle et complète dispensant de toute autre preuve ? Comme vous le voyez, il ne reste rien des objections du pourvoi, et nous cherchons vainement la base juridique sur laquelle pourrait s'étayer la doctrine qu'il vous demande de consacrer.

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Un mot, en terminant, sur la jurisprudence. Aux arrêts qu'invoque le pourvoi, nous pouvons en opposer d'autres non moins nombreux, et il faut tout au moins reconnaître que, sur la question, les Cours d'appel sont divisées comme les auteurs. Au milieu de cette controverse, nous n'avons à nous occuper sérieusement que de la jurisprudence de la Cour de cassation qui fait, en gé-❘ néral, notre loi, lorsqu'elle se formule nettement, et peut être considérée comme unanime et constante. Tout d'abord, il faut bien le dire, nous rencontrons, en faveur du pourvoi, un arrêt de cassation dont, à juste titre, il s'empare; c'est celui du 6 juill. 1836 (P. chr.-S. 1836.1.876), qui juge que l'acte de partage qui, aux termes de l'art. 816, C. Nap., peut seul être opposé à l'action en partage à défaut d'une possession suffisante à prescrire, est nécessairement un acte écrit; qu'en conséquence, soit qu'il s'agisse d'un partage définitif ou d'un partage provisionnel, il ne peut exister qu'en vertu d'un acte écrit, régulier et valable, et que l'acte, qualifié partage, qui manque de la signature d'une des parties, est radicalement nul comme n'ayant aucune espèce d'existence; que, dès lors, il n'est pas susceptible d'acquiescement et de ratification tacite par exécution volontaire. Rien de plus clair que cet arrêt, qui, s'il résout la question par la question, la résout au moins dans les termes les plus formels, et, malgré notre opinion contraire, nous nous inclinerions devant son autorité, si, depuis, la chambre civile elle-même ne l'avait fortement ébranlée, et si, de plusieurs arrêts, il ne résultait pour nous la preuve que la chambre des requêtes ne l'a jamais acceptée. Et d'abord, il nous est difficile d'admet

tre que la chambre civile ait entendu maintenir sa doctrine dans tout ce qu'elle a d'absolu, lorsque nous la voyons juger en 1844, par un arrêt du 12 juin (P.1844.2.613.-S. 1844.1.574), que l'action en partage d'une succession ou de partie d'une succession, formée par un héritier, peut être rejetée, s'il résulte de présomptions, appuyées d'un commencement de preuve par écrit, que l'actif de cette succession, consistant notamment en un mobilier de peu de valeur et qui n'existe plus, a été abandonné par lui à son cohéritier. Il ne s'agissait que d'un mobilier de peu de valeur, il est vrai; mais qu'importe l'intérêt du procès pour l'application des principes? Si l'acte écrit est exigé pour la validité du partage immobilier, il l'est pareillement pour la validité du partage mobilier; car, à cet égard, l'art. 816, entendu comme l'entendait l'arrêt de 1836, ne distingue pas, et s'il est exigé pour le partage du mobilier opulent, il le sera également pour celui du mobilier le plus chétif. La contradiction entre les deux décisions ne s'efface pas davantage devant cet autre motif de l'arrêt que le mobilier dont le partage était demandé n'existait plus, car celui des cohéritiers qui en avait eu la possession et qui en avait disposé, n'en était pas moins tenu d'en représenter la valeur, si un partage régulier ne lui en avait attribué la propriété. Cet arrêt de 1844, quoique moins explicite que le premier dans la doctrine qu'il pose, est donc, en réalité, inconciliable avec lui.

Mais la chambre civile n'a-t-elle pas porté le dernier coup à son arrêt de 1836, lorsque, par arrêt de cassation rendu au rapport de M. le conseiller Pont, le 28 nov. 1864 (P. 1865.5.— S. 1865.1.5), elle a jugé que la transaction peut être prouvée par témoins, lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, l'art. 2044, C. Nap., d'après lequel le contrat de transaction doit être rédigé par écrit, ne faisant qu'appliquer à toute transaction, quelque minime que soit l'intérêt engagé dans le litige, la règle établie par l'art. 1341 pour les conventions dont l'objet excède 150 fr., et comportant, dès lors, les mêmes exceptions? La portée de cet arrêt sur la question que vous avez à résoudre est évidente; car, dans le système que nous combattons, on s'est toujours fait une arme de l'art. 2044, et tous les efforts des partisans de ce système avaient pour but de faire ressortir une identité complète entre la disposition de cet article qu'ils supposaient faire, de l'écriture, une condition essentielle de la transaction, et celle de l'art. 816 qu'ils prétendaient consacrer, pour le partage, la même exception au droit commun.

Or, voilà qu'il est jugé par la chambre civile elle-même que, jusqu'alors, on s'était trompé en interprétant comme on le faisait l'art. 2044, et en l'interprétant si rigoureusement que l'on hésitait à reconnaître, malgré la généralité des termes de l'art. 1358, que le serment pût être déféré sur le fait de l'existence d'une transaction déniée. Admettre que, nonobstant l'art. 2044, la transaction verbale est valable, et qu'il résulte seulement de cet article que, toujours et dans tous les cas, quelque minime que puisse être l'intérêt engagé dans une transaction, la preuve de cette convention ne peut se faire que par écrit

sauf les exceptions apportées par la loi elle-même à cette règle du droit commun, c'était nécessairement, de la part de la chambre civile, reconnaître, à plus forte raison, qu'en matière de partage, l'art. 816 ne pouvait avoir la portée qu'elle lui avait donnée d'abord, et que l'acte écrit n'est pas plus exigé comme condition essentielle de la validité du partage, qu'il ne l'est comme condition de la validité de la transaction; car tout le monde est d'accord pour reconnaître que les termes de l'art. 2044 sont autrement explicites que ceux de l'art. 816, le premier portant formellement que la transaction doit être rédigée par écrít, tandis que, dans le second, la nécessité de l'écriture pour le partage ne s'induit que du mot acte qu'il faut interpréter dans le sens d'un acte écrit.

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Quant à la chambre des requêtes, il nous suffira de rappeler trois de ses arrêts pour nous convaincre qu'elle n'a jamais accepté la doctrine de l'arrêt de 1836. Bien certainement elle protestait contre elle, par avance, lorsque, le 27 avril 1836 (P. chr. S.1836.1.946) elle jugeait qu'une Cour peut, en l'absence d'un acte formel de partage, considérer comme commencement de preuve par écrit les contrats de mariage émanés de quelques-uns des copartageants, et déclarer, par suite, qu'il résulte des faits établis par ces contrats que le partage demandé a déjà eu lieu.-Postérieurement, sa protestation n'était pas moins énergique lorsqu'elle jugeait, le 21 janvier (ou juin) 1842 (P.1842.2.293.-S.1842.1.745) que l'écrit sous seing privé contenant partage d'une succession par des individus se disant experts ou arbitres amiablement choisis par tous les intéressés, doit, quoique non signé par les coparlageants, être maintenu comme acte de partage, si les dispositions de cet acte ont reçu une exécution complète et non interrompue pendant longtemps; évidemment, dans cette espèce, il n'y

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avait aucun acte écrit constatant une convention de partage, car on ne pouvait considérer comme tel un projet de partage dressé par des tiers, et, bien plus, il était impossible d'y voir, dans la rigueur des principes, un commencement de preuve par écrit autorisant l'admission de présomptions.Enfin, la pensée de la chambre des requêtes sur la portée de l'art. 816 se révèle tout entière dans le premier considérant d'un arrêt du 20 fév. 1860 (P.1860.1151. - S.1860.1.458), rejetant un pourvoi dirigé contre un arrêt de la Cour d'Agen qui posait en principe que le partage n'est pas assujéti à la rédaction d'un acte écrit et peut être prouvé par témoins quant il existe un commencement de preuve par écrit : « Attendu, disiez-vous dans cet arrêt de 1860, qu'en admettant, par une interprétation rigoureuse de l'art. 816, C. Nap., que le partage d'une succession doive être constaté par écrit, il faut reconnaître qu'aux termes de l'art. 819, le partage, quand tous les héritiers sont présents et majeurs, peut être fait dans la forme et par tel acte que les parties jugent convenable. » Puis, vous déclarez que, dans la

cause, du rapprochement de trois actes dont aucun n'était suffisant pour constituer par lui-même un acte de partage, résulte un ensemble présentant ce caractère et qui satisferait, au besoin, aux exigences de l'art. 816.

Les précédents de la Cour de cassation, bien compris et sérieusement étudiés, sont donc plutôt favorables que contraires à l'opinion vers laquelle nous inclinons, et vous penserez peut-être que les observations que nous venons d'avoir l'honneur de vous soumettre sont de nature à déterminer le rejet du pourvoi.

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ARRÊT.

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LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi tiré de la violation des art. 816 et 819, C. Nap., par fausse application del'art. 1347, même Code, en ce que l'arrêt attaqué aurait reconnu et déclaré valable un prétendu partage, quoiqu'il ne fût constaté par aucun acte, en le jugeant légalement établi par des présomptions corroborées par un commencement de preuve par écrit: Attendu que, de droit commun, les conventions se forment légalemeut par le seul consentement des parties entre lesquelles elles interviennent, et qu'à l'exception de certains contrats qu'à raison de leur importance la loi, par des dispositions expresses et spéciales, soumet à des formes solennelles, l'écriture n'est exigée que pour la preuve et non pour la validité de la convention; Attendu que l'exception au droit commun ne se présume pas, et qu'elle ne peut résulter que d'un texte clair et formel que, en ce qui concerne le partage, on ne rencontre nulle part; -Que vainement le pourvoi prétend faire sortir une exception de cette nature de l'art. 816, C. Nap.; que le mot acte que cet article emploie n'est point par lui-même assez significatif pour que l'on doive nécessairement en induire que, dans la pensée de la loi, l'écriture est de l'essence du partage; qu'il résulte du rapprochement de diverses dispositions du Code qu'employé seul et sans addition du mot écrit, il n'exprime le plus souvent que la convention et non l'instrument destiné à la constater; Que la vérité de cette interprétation restreinte devient plus évidente encore, lorsqu'on voit l'art. 816, dans sa disposition finale, placer la prescription sur la même ligne que l'acte dont il a parlé d'abord, et en faire, comme de l'acte, une fin de non-recevoir contre la demandé en partage; Attendu que l'esprit qui a inspiré l'art. 816 ne proteste pas moins énergiquement que sa lettre bien comprise contre la portée que le pourvoi prétend lui donner; que le législateur, en y introduisant le mot acte, n'a manifestement voulu que trancher, dans le sens de la nécessité d'une convention pour opérer et parfaire le partage, la controverse qui, sous l'ancien droit, s'était élevée sur la validité du partage de fait, résultant uniquement d'une jouissance divise sans convention préalable;

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qu'alors il n'était contesté par personne que la convention de partage pût avoir lieu verbalement, sauf à en faire la preuve par les voies ordinaires, et qu'il n'est pas admissible que le Code Napoléon, se montrant plus exigeant que ceux dont il consacrait l'opinion, ait entendu ajouter à la nécessité d'une convention la nécessité d'un acte écrit la constatant; Attendu que l'art. 819, loin de justifier l'interprétation du pourvoi qui l'invoque, fournirait plutôt un argument contre elle; qu'en effet, en déclarant, comme il le fait, que lorsque les héritiers sont tous présents et majeurs, le partage peut s'effectuer dans la forme et par tel acte que les parties jugent convenables, il dispose d'une manière trop absolue, et laisse aux parties une latitude trop entière, pour qu'il soit possible, sans créer arbitrairement une exception, de ne pas comprendre la convention verbale dans la généralité de sa disposition; Qu'il suit de là que le partage verbal est valable; que la preuve en reste soumise au droit commun, et que, dès lors, l'arrêt attaqué, en se fondant sur des présomptions graves, précises et concordantes qu'il déclare étayées d'un commencement de preuve par écrit, pour reconnaître et valider le partage de 1840, n'a pu ni violer les art. 816 et 819, ni faussement appliquer les art. 1353 et 1347, C. Nap.; Rejette, etc.

Du 24 janv. 1867. — Ch. req. MM. Bonjean, prés.; Renault d'Ubexi, rapp.; P. Fabre, av. gén. (concl. conf.); de Valroger,

av.

CASS.-REQ. 26 décembre 1866. COMMUNAUX, CAISSE D'AMORTISSEMENT, JOUISSANCE COMMUNE, VENTE.

La disposition de l'art. 2 de la loi du 20 mars 1813, qui exceptait de la cession à la caisse d'amortissement les biens communaux dont les habitants jouissaient en commun, n'est pas applicable au cas où il s'agit d'une propriété communale (par exemple, d'un four à chaux et de carrières de pierre calcaire) dont les étrangers pouvaient également jouir en payant une redevance à la commune.

Par suite, la vente de cette propriété communale, faite dans l'intérêt de la caisse d'amortissement, ne peut être querellée par la commune, alors surtout que celle-ci a, dans le principe, subi sans réclamation l'application de la loi de 1813 et reçu le prix de la dépossession prononcée contre elle (1).

(1) Jugé, en ce sens, que la commune qui n'a pas réclame, conformément à l'art. 2 de la loi du 20 mars 1813, contre la cession de ses biens à la caisse d'amortissement, n'est plus recevable à demander la nullité de la vente qui en a été faite, même en se fondant sur ce qu'ils étaient du nombre de ceux déclarés incessibles par la loi précitée

Cons. d'Etat, 9 janv. 1828 et 30 sept.

(Comm. de Baudéan C. Tarrissan.) — ARRÊT.

LA COUR-Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la prétendue violation des art. 1 et 2 de la loi du 20 mars 1813 :

Attendu que les habitants de Baudéan ne se trouvaient pas dans les cas d'exception de l'art. 2 de la loi du 20 mars 1813, puisqu'ils ne jouissaient pas en commun du four à chaux litigieux; qu'il y avait si peu jouissance commune, que le droit d'extraire la pierre à chaux appartenait aux personnes étrangères à la commune, pourvu que les étrangers payassent à la caisse communale la redevance de 100 fr. par cuite; Attendu que les demandeurs en cassation étaient d'autant plus mal fondés à décliner devant la Cour de Pau l'application à la cause de la loi de 1813, que la commune de Baudéan avait toujours subi sans plainte l'effet de cette loi, avait reçu le prix de la dépossession prononcée contre elle, et n'avait jamais porté devant le conseil de préfecture aucune réclamation propre à se faire affranchir de la prise de possession opérée dès l'année 1814; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour de Pau, du 14 mars 1865, etc. Ch. req.

Du 26 déc. 1866. MM. Bonjean, prés.; Woirhaye, rapp.; P. Fabre, av. gén. (concl. conf.); Brugnon, av.

CASS.-CIV. 1er août 1866.

COMPTE DE TUTELLE, PRESCRIPTION, REDRESSEMENT, INTÉRÊTS.

La prescription édictée par l'art. 475, C. Nap., ne s'applique qu'aux faits résultant de la tutelle, et non à ceux qui lui sont antérieurs, et qui engendrent des droits en dehors de la tutelle elle-même (2).—Spécialement, le mineur devenu majeur est recevable, même après l'expiration du délai de dix ans écoulé depuis sa majorité, à demander à son père-tuleur compte d'une valeur de la communauté ayant existe entre celui-ci et sa femme prédécédéc. Rés. par la Cour imp. L'action en redressement d'un compte de tutelle en opère-t-elle la prorogation, de telle sorte que les sommes qui auraient été omises produisent des intérêts de plein droit à partir de la date de ce compte, comme en étant le reliquat ? (3) (C. Nap., 474.)—Non rés.

1830. V. aussi M. Dufour, Droit admin., t. 3, n. 426.

(2) V. conf., Caen, 10 déc. 1859 (P. 1861. 861.-S.1860.2.615), et la note; MM. Duranton, t. 3, n. 645; Marcadé, sur l'art. 475; Taulier, Theor. du Cod. civ., t. 2, p. 81; Demolombe, Minor. et tulelle, t. 2, n. 155 et 170; Zachariæ, édit. Massé et Vergé, t. 1, § 230, p. 461, note 19; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 1, § 121, P. 446.

(3) La Cour de Douai a jugé, par arrêt du 19 juin 1835 (P. chr. S. 1835.2.369), qu'en pa

La disposition de l'art. 474, C. Nap., qui fait courir de plein droit les intérêts du reliquat du par le tuteur, ne s'applique qu'aux créances résultant de la tutelle elle-même, et qui, à ce titre, sont prescriptibles par dix ans (art. 475); elle ne s'applique pas aux créances dont l'origine est antérieure à l'ouverture de la tutelle et qui sont soumises à la prescription ordinaire de trente ans (1).

reil cas, si le tuteur était de bonne foi, les intérêts de la somme ajoutée à son reliquat ne sont par lui dus que du jour de la demande en redressement, et non du jour du compte à redresser. Sic, MM. Demolombe, Minor. et tut., t. 2, n. 141 et suiv.; Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 1, § 230, note 12, p. 460. Mais ces auteurs enseignent qu'il en serait autrement si le tuteur était de mauvaise foi.

(1) La question de savoir si les créances du pupille contre le tuteur, qui ne sont pas nées de la gestion du tuteur, conservent leur caractère originaire et échappent, dès lors, aux règles spéciales aux créances pupillaires, est délicate et controversée. Cette question a été soulevée à propos de l'application soit de l'art. 475, C. Nap., qui déclare prescrite par l'expiration du délai de dix ans à partir de la majorité, toute action du mineur contre le tuteur à raison des faits de la tutelle, soit de l'art. 2135, même Code, qui accorde au mineur hypothèque légale sur les biens du tuteur à raison de sa gestion.-Les avis sont assez partagés en ce qui concerne les créances du mineur contre le tuteur qui n'arrivent à échéance que postérieurement à la cessation de la tutelle. M. Pont, Priv. et hyp., n. 501, estime que ces créances ne sont pas conservées par l'hypothèque légale, et il en donne pour raison que, en ce cas, la dette n'ayant jamais été une dette de tuteur, la cause constitutive de l'hypothèque légale fait défaut; mais il estime également que cette hypothèque garantit la dette du tuteur envers le minear devenue exigible au cours de la tutelle: car, dit-il, le tuteur a seipso exigere debuit;

il a dû se payer lui-même, pour le compte de son pupille, la somme qu'il devait à ce dernier; il est donc réellement comptable comme tuteur; la cause de l'hypothèque se produit donc là dans toute sa réalité. V. aussi MM. Delvincourt, t. 3, p. 547, note 5; Magnin, Tr. des minor., t. 2, n. 1279; Persil, Rég. hypoth., t. 1, sur l'art. 2135, § 1, n. 5, p. 477; Zachariæ et ses annotateurs Massé et Vergé, t. 5, § 794, n. 3, p. 156; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 2, § 264 bis. p. 672. Mais, certains arrêts, en reconnaissant au profit du mineur le droit à l'hypothèque légale, même pour les créances qui ne puisent pas leur principe dans les faits mêmes de la tutelle, semblent ne pas distinguer entre le cas où ces créances arrivent ou non à exigibilité pendant l'administration tutélaire. V. Cass. 12 mars 1811; Turin, 25 janv. 1811.

D'autre part, il a été jugé par plusieurs arrêts que l'art. 475 est inapplicable aux faits antérieurs à la tutelle et qui engendrent des droits

(Marteau-Lejeune C. Marteau-Gudin.)

Les faits de la cause se trouvent déjà retracés dans notre recueil, vol. de 1863, p. 248, à propos d'un arrêt de la Cour suprême du 3 déc. 1861, portant cassation d'une décision de la Cour d'Orléans du 2 avril 1859: ces arrêts statuaient sur une question qui n'a plus été soulevée entre les parties.

en dehors de la tutelle elle-même. V. Cass. 16 avril 1851 (P.1851.2.513. S.1851.1.526); Angers, 10 déc. 1851 (P.1854.1.36.-S.1851. 2.678); Caen, 10 déc. 1859 (P.1861.861.-S. 1860.2.615), ainsi que l'arrêt de Bourges du 31 déc. 1862, objet du pourvoi dans notre espèce, mais qui n'était point attaqué dans cette disposition devant la Cour suprême. V. encore en ce sens, MM. Taulier, Th. C. civ., t. 2, p. 81 et 82; Marcadé, sur l'art. 475; Demolombe, op. cit., n. 172 et suiy.; Zachariæ, édit. Massé et Vergé, op. cit., p. 461; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 1, § 121, p. 446; Duranton, t. 3, n. 645. -Ce dernier auteur, s'attachant à réfuter la distinction proposée entre les créances devenues ou non exigibles pendant la tutelle, soutient que c'est rétorquer contre le mineur ce qui a été introduit en sa faveur, et changer le principe de sa créance qui n'est pas dans le fait que le tuteur l'a ou non portée en compte, mais dans le contrat.. Or, dit-il, ce contrat est étranger à la tutelle, au lieu que l'action de la tutelle a son principe et sa cause dans des faits d'administration, faits fugitifs de leur nature, ce qui a motivé à leur égard une prescription particulière. C'est de cette dernière doctrine que fait application l'arrêt que nous recueillons en décidant que les dettes du tuteur envers le mineur qui n'ont pas pour cause un fait de tutelle, et dont le compte de tutelle ne porte pas mention, ne sont pas non plus régies par l'art. 474, même Code, concernant le point de départ des intérêts de ce compte. On remarquera, au surplus, que, dans l'espèce, le mineur, qui n'avait actionné son tuteur que postérieurement au délai de dix ans imparti par l'art. 475, repoussait précisément comme inapplicable à la cause la disposition de cet article, et que, sous ce rapport, l'arrêt attaqué lui avait donné gain de cause; or, les art. 474 et 475 reposant sur le même principe, il semblait naturel que l'inapplicabilité de l'un, motivée sur ce que l'action ne portait pas sur un fait de tutelle, entraînât l'inapplicabilité de l'autre.-On sait, toutefois, que c'est une question controversée que celle de savoir si l'action en redressement de compte n'échappe pas à la prescription décennale édictée par l'art. 475, alors même que le redressement demandé porte sur un fait de tutelle. V. à cet égard les arrêts cités Rép. gén. Pal. et Supp., v Tutelle, n. 835 et suiv.; Table décenn., v° Compte de tutelle, n. 23 et suiv., et le Suppl. au C. Nap. annoté de Gilbert sur Part. 475, n. 5 et suiv. V. aussi Cass, 23 déc. 1856 (P.1858.336.-S. 1857.1.845); Paris, 10 août 1864 (P.1864.1247. -S.1864.2.286), et les renvois.

Devant la Cour de Bourges, saisie par suite du renvoi, les enfants du premier mariage du sieur Marteau (les consorts Marteau-Lejeune) ont demandé que la succession de leur père leur tînt compte des bénéfices résultant des conventions de bail dont il s'agissait au procès, et ce avec intérêts à partir du 20 janv. 1843, date du compte tutélaire que leur avait rendu leur père. Les enfants du second mariage (les consorts Marteau-Gudin) ont opposé que la prétention élevée par les consorts Marteau-Lejeune se rattachait nécessairement à la tutelle que Marteau père avait eue de leurs personnes, et que dix ans s'étant écoulés depuis la cessation de la tutelle, cette action se trouvait prescrite. Subsidiairement, ils ont soutenu que les intérêts de la somme qui pourrait être due aux consorts Marteau-Lejeune ne devaient leur être adjugés qu'à partir de la demande, conformément à l'art. 1153, C. Nap.

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qu'en effet, les consorts Frédéric Marteau se prévaudraient inutilement des effets de leur tutelle, puisque du chef de la convention de 1813 leur tuteur n'a perçu aucun denier dont il pût être tenu en cette qualité ;—Qu'ils ne seraient pas mieux fondés si, conformément à l'art. 1473, C. Nap., ils qualifiaient de récompense due à la communauté le bénéfice que Marteau père s'est attribué exclusivement, puisque, en effet, il est certain que, durant ladite communauté, la convention du 20 janv. 1813 est demeurée improductive;Que s'agit-il, comme primitivement, d'une demande en réduction de donation, la restitution des intérêts ne devrait avoir lieu qu'à compter du jour de la demande, à défaut d'une action intentée dans l'année du décès du donateur (art. 928, C. Nap.);...-Par ces motifs, déclare les consorts Frédéric Marteau mal fondés à réclamer les intérêts de l'indemnité à eux allouée en principe par le présent arrêt, si ce n'est à partir de leur demande formée devant le tribunal civil de Pithiviers, etc. »

31 déc. 1862, arrêt de la Cour de Bourges qui statue en ces termes : « Considérant qu'il ne paraît plus méconnu par les parties que la clause du contrat de mariage de 1807 relative aux baux existants au jour de sa dissolution, constituait en faveur de l'époux survivant, ayant droit à ladite communauté, un avantage excédant la quotité disponible; qu'il est donc incontestable que, par l'événement du décès de leur mère, les consorts Frédéric Marteau (les enfants Marteau - Lejeune) ont été saisis, de son chef, de leur part contingente dans les avantages ci-dessus définis; Considérant que c'est sans fondement que les consorts Marteau-Gudin soutiennent que ces avantages seraient entrés dans la tutelle que Marteau père a eue de la personne et des biens des consorts Frédéric Marteau; que le tuteur leur ayant rendu compte le 20 janv. 1843, et l'action de ceux-ci ne s'étant produite que plus de dix ans après, elle serait éteinte, au vœu de l'art. 475, C. Nap.;- Mais considérant que l'action des consorts Marteau procède non d'un fait de leur tutelle, mais d'un droit acquis à la communauté de leurs père et mère, puisque, en effet, cette action tend au partage d'une valeur qui y est tombée en 1813, et qui s'y est retrouvée en 1815 lors de la dissolution du mariage; Qu'il suit de là que la durée de leur action est réglée par le droit commun, et n'a pu être limitée par la prescription spéciale invoquée par les consorts Marteau-Gudin ;...-En ce qui touche les intérêts: — Considérant qu'aux termes du droit, les dommages-intérêts, et les seuls que puissent prétendre les héritiers Marteau-Lejeune, résultant du retard dans l'exécution de payer une somme d'argent, ne peuvent être que les intérêts du capital, et qu'ils ne sont dus qu'à partir de la demande, sauf les cas où la loi les fait courir de plein droit (C. Nap., 1153); -Considérant que, sous quelque aspect que se pré-à sente la cause, il ne s'y trouve le cas d'une dérogation à la règle commune et générale;

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POURVOI en cassation par les consorts Marteau-Lejeune, pour violation de l'art. 474, C. Nap., et fausse application de l'art. 1153, même Code, en ce que l'arrêt attaqué a refusé de faire courir de plein droit les intérêts de sommes dues comme reliquat de compte de tutelle.—Aux termes de l'art. 474, a-t-on dit, la somme à laquelle s'élève le reliquat dù par le tuteur porte intérêt sans demande, à compter de la clôture du compte. Cette règle, qui fait exception au principe posé dans l'art. 1153, est applicable non pas seulement aux sommes dont le tuteur se reconnaît volontairement débiteur, mais aussi à celles dont il est déclaré débiteur ultérieurement, par suite d'un redressement de compte. L'effet de ce redressement remonte au compte lui-même; les sommes qui sont allouées par la justice au mineur sont, de plein droit, censées comprises dans le compte même. En un mot, l'action en redressement n'est, comme l'a dit la Cour de cassation, qu'une prorogation donnée au compte ; l'effet en remonte, pour toutes ses conséquences, pour la garantie hypothécaire, le cours des intérêts, etc., au jour même de la clôture du compte de tutelle (V. Cass. 21 fév. 1838, P.1838.1.259.-S.1838.1.193).—L'arrêt atta qué, sans essayer de contester ce principe qui est, en effet, certain, en rejette l'appli cation en se contentant de dire que, du chef de la convention de 1813, le tuteur n'a perçu aucuns deniers dont il pût être tenu en cette qualité. Mais cette considération ne peut justifier la décision de l'arrêt. Sans doute, Marteau père n'a, pendant la tutelle, perçu au cuns deniers par l'effet de la convention de 1813, ni même des autres baux successifs au bénéfice desquels les mineurs ont été appelés participer; et cela par une raison trèssimple: c'est que le bénéfice de cette convention, comme celui des autres baux, ne

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