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La partie lésée par la perte d'une lettre confiée à l'administration des postes, qui, devant les juges du fond, s'est bornée à soutenir que le naufrage dont excipait cette administration comme cause de la perte ne constituait pas, dans le sens de la loi du 4 juin 1859, un cas de force majeure de nature à dégager sa responsabilité, n'est pas recevable à se prévaloir pour la première fois devant la Cour de cassation de ce qu'avant de déclarer ladite administration non responsable, le tribunal aurait négligé de lui imposer la preuve que la perte résultant du naufrage n'était pas imputable à sa négligence: c'est là, en effet, un moyen nouveau (1).

(Clapier C. l'Admin. des postes.)

Le 2 déc. 1863, Mo Clapier, avocat à Marseille, déposa au bureau de poste de cette ville une lettre contenant une valeur déclarée de 500 fr., à la destination d'Alger. Le lendemain, cette lettre fut, avec celles qui devaient être expédiées en même temps, portée surle navire l'Atlas. Ce navire a quitté le port de Marseille; mais, depuis son départ, on n'a plus eu de ses nouvelles. La lettre confiée par Me Clapier à l'administration des postes s'est donc trouvée perdue. Dans cette situation, Me Clapier a réclamé de cette administration le remboursement des 500 fr. Mais l'administration s'y est refusée sur le

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Attendu que Delettrez argue vainement d'un passage du rapport présenté au Corps législatif au nom de la commission chargée de l'examen du projet de loi, et duquel il résulterait que les commissaires du Gouvernement, consultés sur l'étendue de l'exception de force majeure, auraient déclaré qu'elle était restreinte au cas de vol « à main

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armée; Attendu, en effet, qu'en admettant même (ce qui n'est nullement démontré) que les commissaires du Gouvernement n'aient pas entendu simplement reconnaître la responsabilité de l'administration des postes au cas de perte résultant, non de vols à main armée, mais de tous autres crimes ou délits commis par les agents ou même par des tiers, il est de principe que les explications fournies au cours de le discussion d'un projet de loi peuvent bien servir à l'interprétation d'une expression ambiguë, mais non se substituer à un texte précis, formel et sans restriction;-Que si le législateur avait voulu n'exclure la responsabilité de l'administration que dans le cas de vol à main armée, il ne se serait pas servi d'une expression s'appliquant non-seulement à ce cas, mais aussi à tout événement qu'on n'a pu prévoir ni prévenir, et auquel on n'a pu résister; Attendu que la perte des va

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motif que la perte ayant eu lieu par suite du naufrage du navire, c'est-à-dire d'un événement de force majeure, elle était, d'après l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859, exonérée de toute responsabilité.

30 nov. 1864, jugement du tribunal de Marseille qui repousse la demande de Me Cla-pier en ces terines:- « Attendu que M° Clapier, dans les premiers jours du mois de déc. 1863, a mis à la poste de Marseille, à la destination d'Alger, une lettre portant une valeur déclarée de 500 fr., ainsi qu'il résulte d'un bulletin à lui délivré ; Attendu que cette lettre a été portée à bord du paquebot l'Atlas, appartenant à la compagnie Touache; - Attendu que l'Atlas a péri en mer; que, depuis plus d'un an, on n'a reçu aucune nouvelle de ce navire; que la présomption légale tirée de l'art. 375 du C. de comm. doit être appliquée; qu'en outre, la notoriété de l'événement, les recherches infructueuses faites pour retrouver ce navire ou ses épaves, le règlement des droits divers intéressant l'armement et les assurances, démontrent la réalité du sinistre ; Attendu, au surplus, que la demande même de Me Clapier et les développements donnés à cette demande, qui ont pour but précisément d'établir que le naufrage est un cas fortuit ordinaire qui engage la responsabilité de l'administration des postes, indiquent que le de

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Du 30 janv. 1867.-Trib. de la Seine, 1re ch. -MM. Benoît-Champy, prés.; Chevrier, av. imp.; Audoy et Taillandier, av.

(1) Il est certain qu'en principe, le voiturier ou entrepreneur de transports qui, pour s'exoné rer de la perte de la chose confiée à ses soins, allègue que cette perte est le résultat de la force majeure, doit prouver, non-seulement l'existence de cette force majeure, mais encore que le cas fortuit a été impossible à prévenir et que luimême n'a à se reprocher aucun fait de négligence ou d'imprudence. V. Cass. 23 août 1858 (P.1860. 442.-S.1860.1.984) et les autorités citées Rép. gén. Pal., vis Voiturier, n. 116 et suiv., et Force majeure, n. 51 et suiv., et Table décenn., vo Voiturier, n. 4. Mais il est évident que l'obligation de faire cette preuve ne peut être mise à la charge du voiturier qu'autant que la partie intéressée le demande et que des faits d'imprudence ou de négligence lui sont imputés. Que si, au con-traire, la partie lésée par la perte de l'objet transporté se borne, sans nier le fait allégué comme cause de cette perte, à lui contester le caractère de fait de force majeure, mais sans soulever la question d'imputabilité, les juges n'ont pas à suppléer cette question, qui, dès lors, ne saurait être proposée pour la première fois devant la Cour de cassation.

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mandeur considère le naufrage de l'Atlas comme un fait certain; Que le fait du naufrage étant justifié, c'était à Me Clapier, s'il voulait détruire les conséquences de ces événements de force majeure, à prouver que la perte du navire avait eu lieu ou par la faute du capitaine, ou par le vice propre du navire; que la preuve sur ce point n'est ni rapportée ni demandée; que Me Clapier réclame le remboursement de ses 500 fr; que l'administration des postes résiste à cette demande; que la question du procès est donc de savoir si l'administration des postes peut être responsable de la perte d'une lettre à valeur déclarée, lorsque le navire à qui la lettre était confiée a péri par naufrage; Attendu que l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859 est ainsi conçu: « L'administration des posates est responsable jusqu'à concurrence de « 2,000 fr., et sauf le cas de perte par force « majeure, des valeurs insérées dans les let« tres, et déclarées conformément aux dis« positions des art. 1 et 2 de la présente << loi » ; - Attendu que ce texte est précis et formel; qu'il exonère l'administration des postes de toute responsabilité en cas de perte par force majeure; qu'aucune restriction n'est apportée par le texte de cet article au cas de perte par force majeure ; que, par le défaut d'indication d'un cas déterminé, la loi du 4 juin 1859 fait comprendre qu'il faut recourir aux principes généraux du droit pour décider s'il y a eu force majeure; que, d'après des principes universellement admis, la force majeure se rencontre dans tout événement qu'on n'a pas pu prévoir, ni prévenir, et auquel on n'a pu résister: Casus cui provideri, cui præcaveri, cui resisti non potest, dit Cujas; que le naufrage est évidemment un cas de force majeure; que si on n'a pu le prévoir au moment du contrat, il n'est pas au pouvoir de l'homme d'y résister; qu'aucun texte de la loi ne consacre d'une manière absolue la distinction qu'on a voulu établir entre la force majeure extraordinaire et imprévue et la force majeure ordinaire et prévue ; qu'il est à remarquer que la loi, dans les cas qui engagent le plus la responsabilité des contractants, comme, par exemple, dans le cas de dépôt nécessaire, déclaré que les aubergistes ne sont pas responsables des vols faits à main armée ou autre force majeure; que, dans le Code de commerce, et à la section du voiturier, l'art. 103 pose le principe que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, ou des avaries, hors le cas de force majeure; que cet exemple offre la plus grande analogie avec la cause actuelle, puisque l'administration des postes a toujours été considérée comme une entreprise de transport, et que les art. 1782 et 1784, C. Nap., assimilent les voituriers par terre et par eau aux aubergistes, au point de vue de la responsabilité et de la force majeure; - Que, dans ces cas de responsabilité étroite et rigoureuse, la loi se sert des mots force majeure, sans distinguer la force

majeure extraordinaire ou ordinaire, imprévue ou prévue; que, dans la loi du 4 juin 1859, le législateur se sert des mêmes expressions << sauf le cas de perte par force « majeure,» sans distinction, et en attachant à ces mots la signification et la valeur d'usage; que si, pour le cas spécial des baux à ferme, la loi a pris soin de définir les cas fortuits ordinaires et extraordinaires, cette distinction a été nécessitée par le besoin de restreindre dans les plus étroites limites la responsabilité imposée au fermier par le bail, responsabilité qui est contraire à la nature du bail à ferme; que c'est évidemment là une exception à la règle et qui ne fait que la confirmer; Que, dès lors, lorsque la loi ne rappelle plus l'exception, c'est qu'elle a voulu laisser les principes recevoir leur application, et que, d'après ces principes du droit commun, la force majeure s'applique sans distinction à tous les cas fortuits quels qu'ils soient; Attendu que la loi du 4 juin 1859, en stipulant un droit proportionnel contre l'expéditeur d'une lettre à valeur déclarée, a eu en vue de rémunérer l'administration des postes à raison d'une responsabilité qui varie selon l'importance des sommes déclarées ; que si, dans la discussion de cette loi, ces mots droit proportionnel, qui sont dans le texte, ont été remplacés par les mots prime d'assurance, ces dernières expressions ne peuvent avoir pour effet de modifier le contrat intervenu entre l'expéditeur et l'administration; qu'en réalité, ces mots prime d'assurance, qui ne peuvent signifier autre chose que droit proportionnel, ne sauraient à eux seuls constituer le contrat d'assurance ordinaire, et faire de l'administration des postes, qui n'est qu'une entreprise de transport, une compagnie d'assurances; que le mot prime reçoit, d'ailleurs, diverses acceptions et doit s'entendre ici comme l'équivalent de l'indemnité qui peut être due en cas de perte ordinaire;- Que si l'on veut donner un sens particulier à ces mots prime d'assurance dont s'est servi le rapporteur et considérer l'administration comme assureur, il faut alors limiter l'assurance au cas prévu par l'art. 3, et dire que l'administration assure les valeurs insérées dans les lettres et déclarées; mais qu'elle n'assure pas la force majeure, puisque, dans ce cas, la loi déclare qu'elle n'est plus responsable de ces valeurs;

Que, si ces mots prime d'assurance désignaient nécessairement le contrat d'assurance, ils auraient pour résultat bizarre de faire proclamer assureurs une administration qui n'assurerait pas la force majeure, tandis que c'est précisément pour les événements de ce genre qu'a été édicté le contrat d'assurance; Que, pour saisir le vice de cette qualification, il y a lieu de rapprocher du texte de l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859 celui de l'art. 350, C. comm.; que ce dernier porte: « Sont aux risques des assureurs, toutes per«tes et dommages qui arrivent aux objets «assurés,partempête, naufrage,échouement,

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<«< abordage fortuit, changements forcés de <«< route, de voyage ou de vaisseau, par jet, << feu, prise, pillage, arrêt par ordre de puis<«<sance, déclaration de guerre, représailles, « et généralement par toutes les autres for<< tunes de mer; »> Que I art. 3 porte: « L'administration des postes est responsable << jusqu'à concurrence de 2,000 fr., et sauf le «< cas de perte par force majeure, des valeurs «< insérées dans les lettres et déclarées con<<< formément aux art. 1 et 2 de la présente << loi ; »>> Qu'il paraît impossible, après ce rapprochement, de considérer comme assureurs une administration qui est précisément exonérée de sa responsabilité dans tous les cas qui constituent le contrat d'assurance; Attendu qu'on ne peut sérieusement objecter que cette loi du 4 juin 1859 était inutile, si elle n'avait pour objet que de consacrer la responsabilité de l'administration pour faits délictueux de ses agents, puisque cette responsabilité découlait du droit commun; qu'il ne faut pas oublier que la jurisprudence du Conseil d'Etat tendait à affranchir l'administration de sa responsabilité, même en cas de crime et délit de ses agents, en la limitant dans tous les cas au paiement d'une indemnité de 50 fr.; que c'était là une dérogation aux principes du droit commun, et que la loi de 1859 a été promulguée précisément dans le but principal de ramener l'administration sous l'empire de ce droit commun; · Attendu que l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859, en se servant de ces mots : « Sauf « le cas de perte par force majeure, » n'a pas entendu limiter la force majeure au cas de << vol à main armée; » qu'il est vrai que les commissaires du gouvernement, ayant à s'expliquer sur l'étendue de l'exception, ont déclaré qu'elle était restreinte au cas de vol à main armée; Attendu que la pensée du législateur peut être recherchée dans les motifs développés par les commissaires du gouvernement, lorsque le texte de la loi peut être obscur, ambigu, incomplet; mais qu'en vérité, il n'y a pas matière à interprétation dans un texte aussi formel; que la loi, évidemment, ne se serait pas servie d'une expression générique, si elle avait eu à ne désigner que le cas de force majeure résultant du vol à main armée; que la longueur de la rédaction de l'article n'eût pas été augmentée; qu'en outre, lorsque la loi a voulu mentionner un cas spécial de force majeure, elle l'a fait en termes précis et par un texte formel; qu'ainsi l'art. 1964, C. Nap., relatif aux aubergistes et hôteliers, et applicable aux voituriers, dispose << qu'ils ne sont pas responsables des vols << faits avec force armée ou autre force majeure ;» que la loi a cru devoir, dans cet article, désigner spécialement le vol à main armée, quoique le texte portât les mots génériques « force majeure, » ce qui semble une superfétation, puisque la force majeure comprend le vol à main armée; que, dès lors, il serait déraisonnable d'admettre que lorsque la loi de 1859 a voulu, au contraire, limiter

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POURVOI en cassation par Me Clapier. 1" Moyen. Violation de l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859, en ce que le jugement attaqué, admettant que la perte du navire l'Atlas était survenue par suite d'un naufrage, a considéré ce naufrage comme un cas de force majeure de nature à dégager la responsabilité de l'administration des postes.L'art. 1er de la loi précitée, a dit le deman-. deur, autorise l'insertion, dans les lettres missives, de billets de banque, coupons de dividendes et d'intérêts payables au porteur, jusqu'à concurrence de 2,000 fr., sous condition d'en faire la déclaration. L'art. 4 de la même loi soumet l'expéditeur au paiement:1° d'un droit fixe de 20 c.; 2o du port de la lettre selon son poids; 3° d'un droit proportionnel de 10 c. par chaque cent fr. ou fraction de 100 fr. Le rapport de la commission du Corps législatif expliquait trèsnettement le caractère de ce droit proportionnel en disant : « quant à la prime d'assurance, qui correspond à une responsabilité d'autant plus onéreuse que la somme expédiée est plus considérable, il est naturel qu'elle subisse une augmentation proportionnelle.>> Ainsi, dans l'expédition d'une lettre contenant des valeurs déclarées, la poste agit en une triple qualité : agent de tranport; agent de distribution; assureur. Quant à la responsabilité en cas de perte d'une lettre contenant des valeurs déclarées, elle est réglée par l'art. 3, qui en décharge l'administration << en cas de perte par force majeure ». Ceci posé, la question soulevée par le pourvoi est celle-ci : « la perte d'une lettre par suite d'un naufrage constitue-t-elle le cas de force majeure prévu par l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859? Tous les auteurs définissent le cas fortuit ou de force majeure, celui que la prudence humaine ne peut ni prévoir ni empêcher. Les art. 1772 et 1773, C. Nap., distinguent deux espèces de cas fortuit ou de force majeure : 1° ceux qui résultent des accidents atmosphériques habituels et qui rentrent dans la prévision de tout homme raisonnable: ce sont les cas fortuits ordinaires; 2o ceux qui résultent d'une violence inaccoutumée et anormale qui échappe à la prévoyance humaine: ce sont les cas fortuits extraordinaires. Puis ces articles ne mettent à la charge du fermier qui a pris la responsabilité des cas fortuits et de force majeure, que ceux qui ont pu être prévus. L'art. 3 de la loi de 1859 est la reproduction implicite de ces dispositions; et il en résulte que l'administration des postes, chargée, comme le preneur, des cas fortuits, autres que ceux de force majeure, doit, comme le preneur, voir limiter l'exception aux cas extraordinaires. Or, la perte par suite de naufrage n'est-elle pas un cas fortuit

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ordinaire et prévu? Cela paraît hors de doute. En effet, dans une expédition maritime, rien de plus ordinaire, rien de plus facile à prévoir qu'un naufrage; ce cas for -tuit fait même l'objet d'un contrat très-fréquemment appliqué, le contrat d'assurance. En vain l'administration des postes prétendrait elle n'être reponsable que soit comme voiturier et en vertu de l'art. 103, C. comm., qui fait cesser la responsabilité de ce dernier dans tous les cas de force majeure, sans distinction; soit comme dépositaire nécessaire et en vertu de l'art. 1954, C. Nap., qui exemple l'aubergiste de toute responsabilité en cas de vol avec force armée ou autre cas de force majeure. Une telle objection n'est que spécieuse; en effet, d'une part, il ne faut pas perdre de vue que le voiturier n'est que voiturier, qu'il ne perçoit pas de prime, qu'il n'est pas assureur; d'où il suit qu'il ne doit pas répondre des cas fortuits. Au contraire, la poste est à la fois voiturier et assureur; d'où résulte pour elle une double responsabilité, celle de la perte ordinaire et celle de la perte par accident ordinaire; elle n'est exonérée que d'une chose, de la perte par accident extraordinaire et imprévu. De même, toute assimilation est impossible entre l'administration des postes et l'aubergiste, qui ne perçoit aucun droit de dépôt de la part des voyageurs, et qui n'est soumis à la responsabilité de leurs effets qu'en vertu d'une présomption de négligence. L'interprétation qui prend son analogie dans les art. 1772 et 1773, C. Nap., doit être d'autant plus facilement admise que le bulletin délivré à l'expéditeur, et qui forme le contrat entre les parties, ne fait aucune réserve pour le cas de force majeure. Elle ne saurait d'ailleurs être douteuse en présence de la déclaration formelle faite par le commissaire du Gouvernement lors de la présentation de la loi de 1859, que l'étendue de l'exception apportée au principe de responsabilité « était restreinte au cas de vol à main armée qui pourrait devenir fréquent dans les camgnes si la transmission des valeurs par la poste prenait une extension considérable... >>

cas

En résumé donc, l'administration des postes ne pouvait, dans l'espèce, exciper de la Torce majeure pour échapper à la responsabilité que la loi de 1859 lui impose: 1° parce que, d'après le droit commun, cette exception de force majeure ne s'applique qu'aux cas de force majeure extraordinaire et imprévue, et qu'un naufrage en mer est un cas ordinaire qu'il est facile de prévoir et possible d'éviter; 2° parce que, percevant la prime, elle doit payer la perte, comme dans le cas plus spécial de contrat d'assurance; 3° parce que la déclaration faite au Corps législatif, au nom du Gouvernement, lors de la discussion de la loi de 1859, que l'exception de force majeure doit être restreinte au cas de vol à main armée, ne permet pas d'étendre cette exception à d'autres cas. Ajoutons, en terminant, que le système de l'administration des

postes conduirait au résultat le plus singulier; en effet, si la lettre perdue eût été simplement chargée au lieu d'être à valeur déclarée, comme le cas de force majeure n'est pas excepté par la loi pour la lettre chargée, la poste serait tenue d'une indemnité de 50 fr., tandis que, s'agissant d'une lettre à valeur déclarée, elle prétendrait ne rien devoir n'est-ce pas là la plus fragrante des contradictions? En outre, avec un tel système, il faudrait donc, lorsqu'une lettre doit traverser les mers, payer deux primes, l'une à la poste, l'autre à des assureurs. Mais alors où serait l'avantage de la loi de 1859?

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- Si

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Pour l'administration des postes, on a répondu Il est de principe que toute obligation disparaît en cas de force majeure; c'est ce qui résulte des art. 1148 et 1302, C. Nap.; c'est ce que disent spécialement pour le voiturier et pour le dépositaire nécessaire les art. 103, Č. comm., et 1954, C. Nap. les art. 1772 et 1773, C. Nap., renferment quelques dispositions particulières à ce sujet, en ce qui concerne le contrat de bail, ces articles sont évidemment inapplicables à l'espèce, où l'administration des postes ne peut être considérée que, soit comme voiturier, soit comme dépositaire. En vain, pour placer cette administration dans une situation autre que celle qui lui appartient réellement, prétend-on qu'elle est tenue comme assureur, à raison de la prime qu'elle perçoit, dit-on, en cette qualité. En effet, le droit de 10 centimes par cent fr. que reçoit l'administration sur les valeurs transportées, est pour elle une légère compensation du risque qu'elle court pour le cas de perte possible des valeurs déclarées résultant d'accidents dans ses bureaux, pour fait d'indélicatesse de la part de ses agents ou autres. Si l'administration des postes eût dû assurer les dépêches qui lui sont confiées contre les risques de mer, il lui eût été alloué un droit autre que celui de 10 centimes, et qui eût été en rapport avec la somme exigée par les Messageries. Au surplus, les termes de la loi de 1859 ne laissent place à aucune équivoque; et s'il est vrai que, dans le cours de la discussion, un commissaire du Gouvernement ait exprimé que les mots force majeure devaient s'entendre du cas de vol à main armée, il n'en résulte pas que l'administration ait été chargée par là des autres cas de force majeure. Le sens de la loi est celui-ci : l'administration est responsable de tous les cas de vol, sauf le vol à main armée; mais pour toutes les autres pertes résultant dé naufrage, incendie, etc., la poste rentre dans le droit commun, qui ne la rend responsable qu'autant qu'il y a eu faute de sa part.

2e Moyen. Violation des art. 1302 et 1315, C. Nap., 97 et 98, C. comm., en ce que le jugement attaqué a déchargé l'administration des postes de toute responsabilité par cela scul que la perte du navire l'Atlas était le résultat d'un cas de force majeure, c'est-à-dire d'un naufrage, et cela sans examiner si la

perte était survenue ou non par suite d'une faute imputable à l'administration, et en considérant même que c'était au demandeur qui invoquait la responsabilité qu'incombait l'obligation de prouver que l'administration était en faute.

ARRÊT.

gées à bord du navire l'Atlas, laquelle n'était
pas parvenue à sa destination dans le délai
déterminé; que l'exception de force majeure
a été opposée par l'administration et n'a pas
été contestée par le demandeur, lequel re-
connaissait que la perte de sa lettre prove-
nait, en effet, de ce que le navire l'Atlas
avait péri en mer par un événement de force
majeure,et soutenait que l'administration n'en
était pas moins responsable; que, d'après cet
état des faits et des conclusions, desquels
il résulte que le débat devant les juges du
fond n'a porté ni sur la question d'imputa-
bilité, ni sur la question de preuve, le moyen
pris de ce que le jugement attaqué a déclaré
l'administration des postes non responsable,
sans l'obliger à prouver que la perte ne lui
était pas imputable, constitue un moyen nou-
veau non recevable devant la Cour de cassa-
tion;
Rejette, etc.

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Du 26 déc. 1866. Ch. civ. MM. Troplong, 1 prés.; Pont, rapp.; Blanche, av. gén. (concl. conf.); Bozérian et Fournier,

LA COUR ; Sur le premier moyen: Attendu que la responsabilité de l'administration des postes en cas de déclaration de valeurs a été nettement déterminée par l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859; qu'aux termes de cet article, l'administration est responsable jusqu'à concurrence de 2,000 fr. et sauf le cas de perte, par force majeure, des valeurs insérées dans les lettres et déclarées conformément aux dispositions des art. 1 et 2; qu'il résulte de là qu'en cas de perte par force majeure, l'administration est exonérée de toute responsabilité ; et qu'en l'absence d'expressions limitatives, les mots force majeure ne peuvent être pris que dans leur acception ordinaire et s'entendent, dès lors, de tout événement qu'on n'a pu prévoir ni prévenir et auquel on n'a pu résister; d'où il suit qu'en refusant de considérer les mots force majeure, dans l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859, comme synonymes de vol à main armée, et en déclarant l'administration des postes affranchie de toute responsabilité à raison de la perte survenue par suite de naufrage, le jugement attaqué, loin d'avoir violé ledit article, en a fait, au contraire, une application pleinement justifiée par la généra-meuble, est un droit absolu, dont les tribulité de ses termes;

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Sur le second moyen: - Attendu qu'il résulte des conclusions des parties, relatées dans les qualités du jugement attaqué, que Clapier, poursuivant la réparation du dommage par lui allégué, s'est borné à demander que l'administration des postes fût condamnée à lui rembourser la somme de 500 fr. pour le montant de la valeur contenue dans une lettre comprise parmi les dépêches char

le par

(1) Les termes si nets dans lesquels l'art. 815, C. Nap., dispose que « nul ne peut être contraint de demeurer dans l'indivision » et que α tage peut toujours être provoqué nonobstant prohibitions et conventions contraires », démontrent qu'il s'agit bien là d'un principe qui tient à l'ordre public. L'indivision, en effet, a toujours été considérée comme un état plein d'inconvénients et de dangers pour les communistes, et de nature à nuire au développement du crédit public et privé. V. MM. Toullier, t. 4, n. 405; Demante, Cours analyt., t. 3, n. 139, et Demolombe, Success., t. 3, n. 486 et suiv. L'arrêt que nous recueillons reconnaît de la manière la plus formelle que la règle écrite dans l'art. 815 est d'ordre public, et que, dès lors, il ne peut y être arbitrairement dérogé.-Pour repousser, dans l'espèce, la demande en licitation dont elle était saisie, la Cour de Paris avait été mue par des consi dérations de fait qui pouvaient ne pas re dé

av.

CASS.-CIV. 26 décembre 1866. INDIVISION, LICITATION, POUVOIR DES TRIBU

NAUX.

Le droit qui, en vertu de l'art. 815, C. Nap., appartient au propriétaire d'un immeuble indivis (non d'ailleurs partageable en nature) de demander la licitation de cet im

naux ne peuvent entraver l'exercice sans contrevenir à un principe d'ordre public, alors que celui qui en use cst maître de ses actions: les juges ne sauraient donc repousser une telle demande en licitation par le seul motif qu'elle ne serait basée sur aucun motif sérieux et légitime (1). (C. Nap., 815.)

(Soupé C. Dourlen et autres.),

Les sieur et dame Dourlen ont cédé à la

nuées d'importance; la plus grave de toutes était
assurément l'affaiblissement des facultés intellec-
tuelles de la partie demanderesse, affaiblissement
qui pouvait faire craindre qu'elle n'eût pas en
conscience du plus ou moins d'intérêt qui pouvait
s'attacher pour elle à la demande en licitation.
Mais, enfin, comme le fait remarquer notre ar-
rêt, cette demanderesse n'était ni interditę, ni
pourvue d'un conseil judiciaire; elle était mai-
tresse de ses droits; le consentement par elle don-
né à ce que la demande fût formée en son nom
était donc valable, tant qu'il n'était pas établi
que ce consentement se trouvât entaché
des vices dont les art 1109 et suiv., C. Nap., font
une cause de nullité. Et, dès lors, les tribunaux
étaient sans pouvoir pour substituer leur ap-
préciation à celle qu'elle avait pu faire elle-
même, et pour repousser sa demande sur le sim-
ple motif que cette demande était dénuée de mo-
tif légitime.

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d'un

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