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2o La disposition de l'art. 2257, C. Nap., qui suspend le cours de la prescription à l'égard d'une créance à jour fixe jusqu'à l'arrivée de ce jour, est opposable au tiers détenteur

§ 336, note 5, p. 200; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 2, § 250, in fine, p. 549; Marcadé, Prescript., sur l'art. 2263, n. 3. Un arrêt de Nancy du 14 juin 1837 (P.1839.1.431. - S. 1839.2.117), a jugé que le tiers détenteur d'un immeuble affecté à une rente ou à toute autre charge peut être contraint à fournir un titre nouvel au créancier à l'effet d'interrompre la prescription. Cette décision, repoussée dans les motifs de l'arrêt que nous rapportons, est également combattue par MM. Troplong, op. cit., n. 842, et Marcadé, loc. cit. V. aussi la note sous l'arrêt de Nancy précité.-M. Taulier, loc. cit., a enseigné précisément la doctrine consacrée par le tribunal de Reims, et déclaré l'art. 2263 applicable à une obligation née d'un contrat de prêt; mais cette opinion est victorieusement réfutée par M. Marcadé. De deux choses l'une, dit celui-ci, loc. cit., ou bien le terme est échu, et alors le créancier, toujours libre d'agir en remboursement, à la différence d'un crédi-rentier, ne peut, d'une part, s'en prendre qu'à lui d'être resté 28 ans sans former une demande qu'il pouvait faire chaque jour, et il peut encore, d'autre part, pendant les deux années qui lui restent, conjurer la prescription sans aucun besoin de demander un titre nouveau, puis qu'il n'a pour cela qu'à former sa demande en paiement; ou bien on suppose que le terme n'est pas encore échu, etalors à quoi bon un titre nouveau, puisque si long que le délai puisse être, la prescription est suspendue d'après l'art. 2257? »

En outre l'art. 2263 accorde au crédi-rentier une faculté; il pourvoit à son intérêt, et il est tout à fait illogique de l'invoquer contre lui et de regarder la prescription comme accomplie parce qu'il ne s'est pas fait délivrer un titre nouvel. Cet article suppose, sans doute, le créancier menacé de perdre son droit par prescription, et il lui fournit un moyen de se soustraire à ce dommage; mais si le créancier qui n'a pas profité de l'art. 2263 est déchu de son droit, cette déchéance est, non pas une sanction de l'art. 2262, mais une conséquence de principes qui entraîneraient ce résultat lors même que l'art. 2263 n'existerait pas. C'est donc raisonner à faux que de dire le titre du créancier n'a pas été remplacé par un titre nouvel dans les trente années de sa date, donc il est éteint par prescription. Il faut que les conditions ordinaires de la prescription soient d'ailleurs réalisées, et, si elles ne le sont pas, il importe peu que l'article 2263, qui permet et n'ordonne pas, ait été négligé. Ainsi, un créancier qui retirerait de son débiteur, au moment du paiement des arrérages, une contre-quittance, pourrait sans danger ne pas user de la faculté ouverte par l'art. 2263; car il aurait en mains la preuve d'un fait interruptif de la prescription; dans ce cas, le titre qui aurait plus de trente ans d'existence serait aussi bon, aussi valable qu'au premier jour. C'est dans ce sens qu'il a été jugé, qu'encore bien qu'un crédi-rentier n'ait pas exigé

invoquant la prescription d'une hypothèque, comme au débiteur qui prétend avoir prescrit son obligation (1). (C. Nap., 2180 et 2265.)

de titre nouvel dans les trente ans de la date du dernier titre, la prescription n'est pas acquise contre lui au profit du débiteur, s'il est établi que les arrérages de la rente ont été servis depuis moins de trente ans: Cass. 20 nov. 1839 (P.1840.1.399.S.1840.1.716), et la note. V. également MM. Marcadé, sur l'art. 2263, n. 1; Aubry et Rau, t. 2, § 215, note 46, p. 319 et 320.-On voit combien il serait peu rationnel d'étendre l'art. 2263 à l'hypothèse d'une dette d'un capital exigible à long terme. Le créancier d'un tel capital, quelque reculé que soit ce terme, n'a pas à redouter la prescription, au moins la prescription libératoire, tant que le terme n'est pas arrivé; il n'a donc pas d'intérêt à obtenir de son débiteur, avant cette époque, une reconnaissance de la dette.

(1) La question de savoir si la suspension édictée par l'art. 2257, C. Nap., concerne non-seulement la prescription libératoire, mais encore la prescription acquisitive, est très-controversée; elle présente une de ces oppositions remarquables entre la doctrine presque unanime des auteurs et la jurisprudence persistante de la Cour de cassation. Les Cours impériales sont divisées.

Une hypothèque a été constituée pour sûreté d'une dette conditionnelle ou à terme; l'immeuble hypothéqué passe en la possession d'un tiers acquéreur avant l'arrivée du terme ou de la condition. La prescription libératoire ne peut certainement pas courir au profit du débiteur tant que la dette n'est pas exigible. Le tiers acquéreur, qui est dans le cas d'arriver par une prescription acquisitive de dix, vingt ou trente ans à l'extinction de l'hypothèque, peut-il compter le temps de cette prescription à partir de la transcription de son acte d'acquisition, sans attendre que la dette soit exigible? Tels sont les faits les plus ordinaires desquels la question se dégage. Elle se rencontre également dans tous les cas où un immeuble dont la propriété est affectée d'une condition résolutoire est aliéné purement et simplement par le propriétaire sur lequel pèse cette condition résolutoire; soit que, acheteur, il n'ait pas payé tout son prix, ou que, coéchangiste, il n'ait pas pleinement exécuté les conditions de l'échange, ou enfin que, donataire, il soit soumis à une cause de révocation ou de retour. Le tiers acquéreur peut-il, par une prescription de dix, vingt ou trente ans comptée à partir de la transcription de son contrat, acquérir la liberté de son immeuble et la plénitude de la propriété, ou bien la prescription est-elle suspendue jusqu'à l'arrivée de la condition résolutoire?

La Cour de cassation décide que l'art. 2257 concerne la prescription en général, la prescription acquisitive aussi bien que la prescription libératoire; que les droits réels sous condition sont à l'abri de la prescription, comme les droits de créance affectés d'un terme ou d'une condition; que la suspension établie par l'art. 2257 est une conséquence de la maxime contrà non valentem (Judas C. hérit. Guimbert.)

1846, au sieur Folliart, leur créancier hypothécaire, et en paiement de leur dette, une Les époux Duron ont vendu, le 1er janv. maison sise à Reims, acquise par eux, en

agere non currit præscriptio, et que celui dont le droit est conditionnel ou à terme ne peut et n'a à accomplir aucun des actes de nature à interrompre la prescription. Sic, Cass. 4 mai 1846 (P. 1846.2.25.-S.1846.1.482); 16 nov. 1857 (P. 1858.113.-S.1858.1.397); 28 janv. 1862 (P. 1862.511.-S.1862.1.235); conf. Besançon, 19 déc. 1855 (P.1856.1.33.–S.1856.2.299); Agen, 21 juill. 1862 (P.1862.1080.-S.1863.2.15). – Contrà, Grenoble, 10 mars 1827; Toulouse, 13 août 1827, et 13 fév. 1858 (rapporté avec Cass. 28 août 1860) (P.1861.479. - S.1861.1.67); Pau, 22 nov. 1856 (P. 1857.17.—S.1857.2. 286).

Les auteurs, avec une rare unanimité, soutiennent, au contraire, que l'art. 2257 ne parlant que de créances à terme ou sous condition, se réfère uniquement à la prescription libératoire; que les suspensions de prescription étant de droit étroit ne doivent pas être admises par analogie; que l'intérêt majeur de la stabilité de la propriété a été pour le législateur un motif sérieux de ne pas appliquer à la prescription acquisitive la règle qu'il traçait pour la prescription libératoire; que cette disposition, favorable à la propriété, n'est pas injuste, puisque le propriétaire sous condition suspensive, le créancier hypothécaire dont la créance n'est pas échue, peuvent faire déjà des actes conservatoires (art. 1180, C. Nap.), et par conséquent interrompre la prescription; que, s'ils ne peuvent pas agir contre le tiers détenteur en délaissement actuel, ils peuvent agir contre lui en reconnaissance de leur droit, pratique reçue dans notre ancien droit et que l'art. 2173, C. Nap., approuve en y faisant allusion. V. les auteurs cités en note sous les arrêts précités; adde MM. Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 2, § 213, note 14, p. 297.-Nous nous bornons à résumer brièvement les arguments et les considérations invoqués de part et d'autre, parce qu'ils ont été fort bien développés par M. Gauthier dans une note jointe à l'arrêt précité du 16 nov. 1857. En présence de ces raisons et de ces autorités qui se combattent, notre regretté collaborateur est demeuré dans le doute et n'a pas conclu.

Il nous semble qu'il y a une part de vérité dans chacune des deux opinions qui sont en lutte, et, frappé de la persistance d'un conflit entre autorités d'une valeur telle qu'elles ne peuvent se tromper complétement, nous sommes conduit à un système intermédiaire. - Les auteurs ont raison de restreindre l'art. 2257 à la prescription libératoire. La prescription libératoire repose sur ce que l'inaction du créancier ou de l'ayant droit révèle une pensée de renonciation au droit ou une impardonnable négligence. Or, si le droit est à terme ou conditionnel, l'inaction du titulaire s'explique naturellement sans renonciation et sans négligence. La base de la prescription libératoire fait défaut.-La prescription acquisitive, au contraire, repose sur la possession. Cet élément, c'est à-dire la possession, ne reçoit nulle atteinte de ce

que les droits prétendus sur l'immeuble sont purs et simples ou conditionnels. Le possesseur acquiert ce qu'il a possédé dans les limites où il l'a possédé. Le fait de la possession a, soit comme exercice présumé d'un droit, soit comme publicité, la même valeur, et, par conséquent, doit avoir la même portée à l'égard de tous les droits prétendus par des tiers, de quelque modalité qu'ils soient affectés. L'intérêt de la sécurité des possesseurs demande d'ailleurs que la prescription acquisitive ne souffre que les suspensions strictement nécessaires en justice. Or, il n'est pas injuste de faire courir cette prescription à l'égard des droits conditionnels, les titulaires de ces droits pouvant faire des actes conservatoires et, par une action en reconnaissance, interrompre la prescription qui les menace. Il y a lieu de s'étonner avec M. Marcadé, Prescript., sur l'art. 2257, n. 2, que la Cour de cassation ait si formellement nié que le titulaire d'un droit conditionnel pût pendente conditione agir en interruption de la prescription, puisque, ainsi que nous l'avons dit, l'action en reconnaissance d'un droit soumis à prescription est une manière d'agir raisonnable, qui était reçue dans notre ancien droit, que semble confirmer l'art. 2173, C. Nap., et qu'autorise l'art. 1180. Il est naturel, d'ailleurs, que le propriétaire sous condition suspensive s'inquiète de ce que devient l'objet de son droit et ne laisse pas sans protestation s'établir et se perpétuer la possession d'un tiers visant à la pleine propriété.

Les auteurs appliquent à tort, selon nous, les principes qui précèdent aux hypothèses sur lesquelles presque toujours la jurisprudence a été appelée à statuer, et les tribunaux ont été bien inspirés dans la plupart des cas en refusant aux tiers détenteurs le bénéfice de la prescription acquisitive. Est-ce parce qu'il s'agissait de droits conditionnels dont la condition était récemment accomplie et que la prescription n'avait pu courir pendente conditione? Non, d'après ce que nous venons d'exposer. Aussi les décisions des tribunaux sont à notre avis mal motivées. L'art. 2257 ne régit pas la prescription acquisitive; il ne parle que de créances à terme ou conditionnelles; or, il ne saurait être question d'un droit de créance exercé contre un tiers détenteur., itd

Mais si les motifs étaient erronés, les solutions ont été presque toujours, à notre avis, excellentes en elles-mêmes. La prescription acquisitive de dix ou vingt ans exige un juste titre, un acte de nature à faire acquérir le droit s'il était émané à domino. La prescription acquisitive de trente ans exige que le possesseur n'ait pas un titre contraire à sa prétention, que son titre ne crie pas, ne proteste pas contre lui; c'est pour cela qu'il vaut mieux n'avoir pas de titre que d'en avoir un vicieux. Ces principes ont été, nous le croyons, souvent méconnus en fait, jamais en théorie. Appliquons-les. J'achète un immeuble; pourrai-jet dans tous les cas prescrire acquisitivement contre les hypothèques qui le grèvent? Supposons que

an

1825, d'un sieur Vincent Barat, et sur laquelle
ils étaient encore débiteurs d'une somme
de 14,500 fr. qui avait été déléguée aux sieur
et dame Guimbert, mais n'était exigible
qu'au décès du sieur Vincent Barat. Il est à
remarquer que les époux Guimbert avaient
pris sur ladite maison, dès le 30 juill. 1844,
une inscription qu'ils eurent soin de renou-
veler régulièrement les 29 juill. 1854 et 26
juill. 1864. Aussi les époux Duron, en dé-
clarant dans l'acte de vente qu'ils redevaient
14,500 fr. sur la maison vendue, prirent-ils
l'engagement envers le sieur Folliart de lui
rapporter à sa première demande décharge
de cette somme, et le désistement de la
part des époux Guimbert ou leurs héritiers
de tous droits réels qu'ils pouvaient avoir sur
les biens vendus, tout en émettant des

je les ignore, que je sois de bonne foi. Non, je ne pourrai pas, dans tous les cas, acquérir par la prescription la liberté de mon immeuble, la franchise de ma propriété.

doutes sur la validité de l'inscription des époux Guimbert, qui, suivant eux, était nulle, ou, en tout cas, primée par celle du sieur Folliart. L'acquéreur a fait transcrire son acte de vente dès le 8 janv. 1846.-Quelque temps après la mort du sieur Vincent Barat, arrivée en 1863, la dame Judas, fille du sieur Folliart, et son mari, propriétaires de la maison vendue en 1846, ont demandé contre les héritiers Guimbert la radiation de l'inscription dont cette maison était frappée, en se fondant, d'une part, sur ce que le titre de créance des défendeurs, remontant à 1825, était prescrit faute d'avoir été remplacé par un titre nouvel dans les 30 années de sa date, conformément à l'art. 2263, C. Nap.; et, d'autre part, sur ce que, aux termes des art. 2180 et 2265, l'hypothè

dans l'incertitude si la propriété est franche ou non, qu'il garde le silence sur ce point, pour que le tiers détenteur puisse, par trente ans de posses. ☐sion tranquille, acquérir la franchise de sa propriété. Mais du moins toutes les fois que le contrat énonce l'existence d'une charge, d'une hypothèque, d'une cause de résolution, que cette énonciation soit dans l'établissement de propriété ou dans toute autre partie de l'acte, nous pensons que le tiers acquéreur ne peut pas prescrire acquisitivement contre cette charge, cette hypotheque, cette cause de résolution. Il ne peut pas prescrire contre son titre, il ne possède que dans les limites fixées par son titre, il possède ce qui lui a été transmis, une propriété grevée, démembrée; il ne pourrait commencer une prescription acquisitive qu'après une interversion de possession et de titre (art. 2240 et 2238, C. Nap.)

Et déjà, en ce qui concerne la prescription de l'art. 2265, si mon vendeur ne m'a pas présenté sa propriété comme franche, comme pleine et entière, je n'ai pas de titre pour acquérir par dix ou vingt ans la plénitude de la propriété. Le juste titre est une condition positive, distincte de la bonne foi; il ne faut pas admettre l'existence d'un juste titre sur un soupçon, dans le silence des parties. Si les parties ont laissé dans le vague la liberté de l'immeuble transmis, si l'acquéreur, traitant dans les conditions ordinaires, a pu s'attendre à voir se révéler des charges, des hypothèques, il ne peut pas soutenir avoir un titre d'acquisition de la pleine propriété. Sans doute, celui qui acquiert la propriété simple a en germe | Jusque-là, son titre s'élève contre lui, et il est dans

une propriété pleine et franche par l'extinction éventuelle des charges qui la grèvent; mais cela ne constitue pas un titre d'acquisition de la pleine propriété. Un semblable titre n'existe que si l'acquéreur, voyant, le lendemain de son acquisition, apparaître une charge, une hypothèque, avait le droit de dire immédiatement à son auteur: vous ne m'avez pas procuré tout ce que vous m'avez promis.

Nous nous sommes placé dans l'hypothèse la plus délicate, celle d'un contrat muet sur la qualité de la propriété transmise. Combien la même solution n'est-elle pas plus certaine à notre sens, lorsque, comme dans l'espèce ici jugée par la Cour de Paris, le contrat d'acquisition atteste l'existence d'une charge, ou la prétention d'un tiers à un droit sur l'immeuble, ou seulement l'existence d'une inscription hypothécaire! Comment y voir un titre à la pleine propriété, une cause d'acquisition immédiate d'une propriété libre? Nous ne le concevons pas. 1

Nous avons nié pradicalement la possibilité d'une prescription acquisitive par dix ou vingt ans, en démontrant l'absence d'un juste titre. Mais que dire, dans les mêmes hypothèses, de la prescription trentenaire, laquelle n'exige pas de juste titre? Nous serons ici moins absolu: peutêtre suffit-il que le contrat d'acquisition laisse

une moins bonne position à cet égard qu'un usurpateur.

Dans les situations que nous avons décrites, la prescription acquisitive est impossible. La prescription libératoire ou extinctive seule reçoit application. Tout droit ou toute action est susceptible de s'éteindre par une inaction prolongée pendant trente ans (art. 2262, C. Nap.). Le droit d'hypothèque ou la propriété sous condition suspensive qui menace le tiers détenteur seront éteints et prescrits au bout de trente ans sans exercice. Mais ces trente ans ne compteront que du jour où ces droits auront pu être exercés, du jour de l'échéance de la dette hypothécaire ou de l'accomplissement de la condition résolutoire. L'art. 2257 trace une règle applicable à toute prescription libératoire, mais étrangère à toute prescription acquisitive. Sous ce rapport, et en transformant ainsi les motifs, nous approuvons les solutions consacrées par la jurisprudence. 16

Nous voudrions que ce système brièvement esquissé, formé d'emprunts partiels à la doctrine des auteurs et à la jurisprudence des tribunaux, fût développé et patronné par d'autres plus autorisés que nous, et conciliât sur un terrain neutre les esprits divisesta og indomalthia?

que était éteinte par le laps de dix années | duquel, après vingt-huit ans écoulés, le dé

écoulé depuis la transcription, par un tiers de bonne foi, de l'acte d'acquisition, le sieur Folliart, acquéreur, n'ayant jamais dû considérer comme sérieux, d'après les dires de ses vendeurs, l'hypothèque prétendue par les époux Guimbert.

Le 24 juill. 1865, jugement du tribunal civil de Reims qui accueille cette demande ainsi qu'il suit:-<<< Attendu que les héritiers Guimbert ont pris au bureau des hypothèques de Reims, le 26 juill, 1864, en renouvellement de deux inscriptions du 29 juill. 1854 et du 30 juill. 1844, une inscription sur une maison sise à Reims, et appartenant à la dame Judas, à qui elle est advenue par licitation dans la succession de son père, le sieur Folliart, ancien banquier à Reims, qui l'avait acquise des époux Duron, suivant acte reçu Mennesson, notaire à Reims, le 1er janv. 1846; - Attendu que le titre en vertu duquel ont été prises les inscriptions successives des héritiers Guimbert remonte à 1825, et qu'il n'apparaît pas qu'il ait été remplacé par un titre nouveau; Qu'ainsi le droit hypothécaire des héritiers Guimbert se trouve prescrit; Qu'en tout cas, la prescription serait encore acquise dans les termes de l'art. 2180, C. Nap., au profit du tiers détenteur, la dame Judas, qui continue la personne du sieur Folliart, son père, dont le titre a été transcrit dès le 8 janv. 1846, et qu'on ne prouve pas avoir eu, au moment de son acquisition, connaissance de l'inscription des héritiers Guimbert;-Attendu, dès lors, que les époux Judas demandent à bon droit mainlevée et radiation de l'inscription du 26 juill. 1864, et qu'il doit leur être donné satisfaction par lesdits sieurs Guimbert; donne que, dans la huitaine de la signification du présent jugement, les héritiers Guimbert seront tenus solidairement de rapporter, à leurs frais, aux époux Judas, mainlevée de l'inscription par eux prise au bureau des pothèques de Reims, sur la maison appartenant à la dame Judas, etc. >>> Appel par les héritiers Guimbert.

ARRÊT.

Or

LA COUR; - Considérant que les héritiers Guimbert ont, le 26 juill. 1864, en renouvellement de deux inscriptions des 29 juill. 1854 et 30 juill. 1844, pris inscription sur une maison sise à Reims, appartenant à la dame Judas; - Que les époux Judas ont demandé la mainlevée et la radiation de ladite inscription du 26 juill., et que cette radiation a été ordonnée par les premiers juges, sur le double motif: que le titre dont se prévalent les héritiers Guimbert remonte à 1825, et qu'il n'apparaît pas qu'il ait été remplacé par un titre nouveau; qu'en tout cas, la prescription décennale serait acquise au tiers détenteur, comme ayant titre et bonne foi;

En ce qui touche le titre nouvel: - Considérant que l'art. 2263, C. Nap., en vertu

biteur d'une rente peut être contraint de fournir un titre nouvel à son créancier, est spécial au genre de contrat qu'il prévoit, et que ses dispositions, déterminées par la position particulière du crédi-rentier qui, donnant quittance des arrérages, ne conserve entre ses mains aucune preuve du paiement, ne sauraient être étendues arbitrairement à d'autres cas; - Que, d'ailleurs, les héritiers Guimbert, pour obtenir la rénovation de leur titre, se seraient vainement adressés, soit à leur débiteur personnel, visà-vis duquel la prescription de leur créance à jour fixe était suspendue jusqu'à ce que се jour fût arrivé, soit au tiers détenteur qui, n'étant pas tenu des obligations contractées dans le titre originaire, n'avait pas à le renouveler;

En ce qui touche la prescription décennale: - Considérant que si, de la combinaison des art. 2180 et 2265, il résulte qu'un tiers détenteur prescrit contre l'hypothèque par une possession de dix ans entre présents, cette prescription ne lui est régulièrement acquise qu'autant que, dans le cours de ces dix années, rien n'est venu la suspendre ou l'interrompre, et qu'en outre, au juste titre se joint la bonne foi; - Considérant que, aux termes de l'art. 2257, la prescription ne court point à l'égard d'une créance à jour fixe jusqu'à ce que ce jour soit arrivé; - Qu'ici, pas plus que dans l'art. 2252 relatif au mineur et à l'interdit, il n'y a lieu d'introduire, en faveur du tiers détenteur, une exception que repoussent également le texte et l'esprit de la loi; - Que l'intention manifeste du législateur est de ne pas laisser prescrire contre une action qui n'est pas ouverte, et que la créance à jour fixe ne permet pas au créancier d'agir avant l'événement prévu; - Qu'à la vérité, l'art. 1180, C. Nap., autorise, dans ce cas, les me sures conservatoires; mais que ces mesures ne présentent pas les caractères des actes interruptifs de prescription, tels qu'ils sont spécifiés par l'art. 2244;-Qu'évidemment ni la citation en justice, ni le commandement, ni la saisie, n'étaient permis aux héritiers Guimbert vis-à-vis du tiers détenteur; - Qu'ils avaient seulement à renouveler leur inscription, ce qu'ils n'ont pas manqué de faire; - Considérant, enfin, que la faculté de faire des actes conservatoires n'est nullement inconciliable avec la suspension de la prescription; qu'en effet, ces actes sont permis visà-vis du débiteur personnel, à l'égard duquel, au cas d'une créance à jour fixe, la suspension de la prescription n'a jamais été douteuse; -Considérant, à un autre point de vue, que la prescription, n'eût-elle point cessé de courir en faveur du tiers détenteur, manquerait encore d'une condition essentielle, la bonne foi;-Que, dans l'acte reçu par Mennesson, notaire, le 1er janv. 1846, les vendeurs, les époux Duron, déclarent « qu'ils redoivent sur le prix de l'acquisition qu'ils ont faite de M. Vincent, la somme de 14,500 fr. qui, aux termes de leur acte, a été déléguée à M. et à Mme Guimbert; qu'ils réitèrent l'engagement qu'ils ont pris envers l'acquéreur de lui rapporter, à sa première demande, décharge desdits 14,500 fr., et le désistement, de la part de M. et Mme Guimbert ou de leurs héritiers, de tous droits réels qu'ils pouvaient avoir sur les biens vendus; >>>

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Que l'effet de cette déclaration ne pouvait être détruit par les doutes que les époux Duron élèvent ensuite sur la validité de l'inscription des époux Guimbert, qui serait, ou nulle, ou, en tout cas, primée par celle de Folliart; - Que l'acquéreur, tant qu'on ne lui rapportait pas la décharge et le désistement promis, devait considérer comme existants les droits des époux Guimbert; qu'il ne lui était pas possible de n'en pas faire état, et de posséder avec cette plénitude de bonne foi qui sert de base à la prescription; -Que déjà, dans un acte antérieur des 24 et 28 nov. 1844, où Folliart, auteur de la femme Judas, est intervenu, et auquel, dans l'acte de 1846, se réfèrent les parties, déclarant en avoir connaissance, la délégation consentie aux époux Guimbert avait été formellement énoncée, cette fois sans réserve ni protestation; - Infirme; déclare les époux Judas mal fondés dans leur demande, etc.

Du 12 juin 1866. - C. Paris, 1 ch. MM. Devienne, 1er prés.; Laplagne Barris, subst. (concl. conf); Guiart et Andral, av.

AGEN 27 novembre 1866.

APPEL, EFFET SUSPENSIF, FIN DE NON-RECEVOIR, EXÉCUTION, DOMMAGES-INTÉRÊTS. L'appel non recevable n'a pas d'effet suspensif, et, par conséquent, les actes d'exécution postérieurs à cet appel sont valables (1). (C. proc., 457.)

La Cour qui déclare un appel non recevable ne peut connaître de l'exécution du jugement attaqué. Spécialement, elle ne peut statuer sur la demande en dommagesintérêts portée de plano devant elle par l'appelant, et fondée sur ce que l'exécution du jugement gement aurait été poursuivie malgré l'effet suspensif de l' l'appel (2). (C. proc., 464.)

(Tachousain C. Castay.)

La demoiselle Tachousain avait été assignée par le sieur Castay devant le tribunal de Condom, en paiement de 600 fr., et un juge

(1) V. en ce sens, MM. Chauveau, sur Carré, Lois de la proc., quest. 1655; Rodière, Compét. et proc. civ., t. 2, p. 356; de Fréminville, Compét. des Cours d'appel, t. 1, n. 553; Mourlon, Répét. écr. sur le Cod. de proc., n. 766; Boitard, Leç. de proc., t. 2, n. 698. Mais la jurisprudence et quelques auteurs se sont prononcés en sens contraire. V. Rép. gén. Pal., vo Appel, n. 1540 et suiv.: Table gen. Devill. et Gilb., v° Appel

ment du 15 juin 1866l'avait déclarée débitrice de 548 fr. 44 c. - Elle interjeta appel; mais le sieur Castay crut pouvoir poursuivre l'exécution du jugement, nonobstant cet appel. attendu qu'il s'agissait d'un jugement en dernier ressort. La demoiselle Tachousain saisit alors la Cour, accessoirement à son appel, d'une demande en dommagesintérêts contre le sieur Castay à raison du préjudice qu'il lui avait causé par ses poursuites illégales.

La Cour a d'abord déclaré l'appel non recevable, par le motif que la demande était inférieure à 1500 fr. Elle a ensuite statué sur la demande en dommages-intérêts de la manière suivante :

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que l'appel est suspensif, d'après l'art. 457, C. proc. civ.; d'où il suit que tous les actes d'exécution auxquels il a été procédé depuis l'appel interjeté, sont des actes nuls; mais que cet effet suspensif ne doit s'entendre que d'un véritable appel; que si l'acte d'appel n'est pas valable dans la forme, ou s'il n'est pas interjeté dans les délais légaux, ou si le jugement est en dernier ressort, en un mot si l'appel est repoussé parce qu'il est non recevable, alors on n'est plus dans les ter-. mes de l'art. 457, et les poursuites commencées depuis le jugement, et continuées depuis l'appel, restent valables, si, bien entendu, la non-recevabilité ou l'irrégularité de l'appel ont été plus tard reconnues et consacrées par arrêt; - Attendu qu'en appliquant ces principes à l'espèce, il en résulte que l'appel de la demoiselle Marie Tachousain n'étant pas recevable, n'a eu aucun effet suspensif; -En tout cas, la Cour ne peut connaître de l'exécution d'un jugement qui échappe à son examen et à sa critique, et la demoiselle Marie Tachousain ne saurait être admise à porter de plano devant la Cour une contestation qui se rattache entièrement à l'exécution du jugement du 15 juin 1866, et qui est une suite même de cette décision; -Attendu que si elle pense avoir le droit d'obtenir la réparation du préjudice dont elle se plaint, qu'elle agisse par action principale et par les voies ordinaires, mais qu'elle ne demande pas à la Cour de juger aujourd'hui une affaire qui n'a pas subi le premier degré de juridiction; que si, d'après l'art. 564, C. proc. civ., la Cour peut statuer sur les dommagesintérêts résultant du préjudice souffert de

en mat. civ., n. 484 et suiv.

(2) Conf., Paris, 5 (ou 6) juin 1840 (P.1840. 2.121.-S.1840.2.446); Aix, 3 mars 1843 (P. 1844.2.156); Paris, 5 fév. 1848 (P.1848.1. 404). V. aussi Rennes, 18 juill. 1820 (P. chr.); M. Chauveau, sur Carré, quest. 1677 novies. V. toutefois Cass. 24 mai 1842 (P.1842.2.616. -S.1842.1.920).

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