Images de page
PDF
ePub

comp., au lieu de s'adresser directement à Dumont, désigné bien longtemps avant la vente comme le propriétaire de la marchandise, la compagnie d'Orléans a commis une faute en ne prévenant pas Biquet et comp. immédiatement que le résultat de cette vente était insuffisant pour l'indemniser des frais de voiture et de magasinage; que cette négligence a mis Biquet et comp. dans l'impossibilité d'exercer un recours utile contre Dumont, lequel était, dans l'intervalle, tombé en faillite; Attendu que la comp. d'Orléans doit subir les conséquences de sa faute; -Par ces motifs, rejette sa demande, etc. »

[ocr errors]

POURVOI en cassation de la part de la compagnie du chemin de fer, pour violation de l'art. 101, C. comm., et fausse application des art. 1162, 1382, 1383 et 2262, C. Nap. -On a dit dit dans son intérêt: Il est intervenu entre la compagnie et Biquet un contrat que constate une lettre de voiture; cette compagnie a rempli toutes ses obligations de voiturier. Le commissionnaire doit remplir maintenant les siennes, en payant les frais de transport et de magasinage. Que dit le jugement pour le soustraire à ses obligations? La compagnie a formé son action trop tard. Qu'est-ce à dire, deux ans sont trop tard, suivant le jugement; mais dix-huit mois, un an, auraient-ils aussi été trop tard ?Ne voit-on pas l'arbitraire dans lequel on tombe, quand on s'écarte du texte de la loi? Ce texte, dans l'art. 2262, donne trente ans pour former une action; la compagnie l'a intentée au bout de deux années. Comment soutenir qu'elle est tardive? Comment soutenir encore qu'elle a par là commis une faute? Commet-on une faute quand on use de son droit? On objecte que Biquet a ainsi perdu son recours contre Dumont; mais comprendon que la compagnie du chemin de fer puisse être responsable des faits et gestes de Dumont, avec lequel elle n'a jamais contracté?

Biquet et comp. ont fait défaut. - M. l'avocat général a conclu au rejet, en se fondant sur ce que le tribunal de Nantes ne se serait décidé que par une appréciation de faits, appréciation pour laquelle il avait un pouvoir souverain, et qui, en résultat, ne violait formellement aucun texte de loi.

ARRÊT.

LA COUR; Vu l'art. 101, C. comm.;Attendu que la compagnie du chemin de fer d'Orléans a, comme voiturier, transporté pour le compte de Biquet et comp., commissionnaires de roulage à Bordeaux, une barrique de vin, d'abord de Bordeaux à Rennes, puis de Rennes à Nantes; que ce vin ayant été refusé par les divers destinataires, la compagnie s'est fait autoriser par justice à le vendre pour se couvrir de ses frais de transport et de magasinage, que les expéditeurs ne lui avaient pas encore réglés; que ceux-ci ont été avertis de la vente et sommés d'y assister pour la conservation de

[ocr errors]
[ocr errors]

leurs droits; que cette vente, qui a eu lieu en juill. 1860, n'a pas produit somme suffisante pour couvrir les sommes dues, et que la compagnie du chemin de fer est res tée créancière de Biquet d'une somme de 95 fr. 95 c. dont elle leur a demandé le paiement par un acte d'assignation du 3 janv. 1862; Attendu que Biquet n'a jamais contesté ni la légitimité ni même la quotité de la créance dont la compagnie lui demandait le paiement en exécution de la lettre de voiture intervenue entre eux le 25 nov. 1858; que, cependant, le jugement attaqué a affranchi Biquet de cette obligation, sous prétexte que l'action judiciaire avait été intentée trop tard et qu'il en résultait une faute qui engageait la responsabilité de la compagnie vis-à-vis de Biquet, qui, par l'effet de ce retard, aurait perdu tout recours utile contre Dumont, le propriétaire de la marchandise, tombé en faillite; — Mais attendu qu'une action judiciaire ne saurait être repoussée comme tardivement intentée, quand la prescription ou tout autre moyen de droit n'est pas venu l'éteindre;-Que, d'un autre côté, la loi ayant fixé le terme pendant lequel les actions judiciaires peuvent être utilement intentées, on ne peut voir une faute dans le plus ou moins de temps qu'un demandeur aurait mis à saisir la justice; nul ne pouvant être réputé en faute, quand il ne fait qu'user de son droit et quand il l'exerce conformément à la loi ; Attendu que la compagnie du chemin de fer n'avait contracté qu'avec Biquet et comp.; qu'elle ne saurait dès lors être responsable, vis-à-vis de ceux-ci, du défaut de recours utile qu'ils peuvent former contre Dumont, le propriétaire de la marchandise transportée; Que, dans de pareilles circonstances, le tribunal de commerce de Nantes, en rejetant comme mal fondée la demande de la compagnie du chemin de fer d'Orléans contre Biquet et comp., a méconnu la loi du contrat intervenu entre les parties, et a formellement violé par suite l'art. 101, C. comm.; - Casse, etc.

[ocr errors]

Du 4 fév. 1867. Ch. civ. - MM. Troplong, 1er prés.; Rieff, rapp.; Blanche, av. gen. (concl. contr.); Clément, av.

CASS.-REQ. 11 décembre 1866. DOMMAGES-INTÉRÊTS, ACQUITTEMENT, CHOSE JUGÉE, ACTION CIVILE, INDIVISIBILITÉ.

S'il est vrai qu'en thèse générale, le verdict négatif du jury sur la question de culpabilité laisse subsister le fait matériel comme base possible d'une action civile en dommages-intérêts de la part de la partie qui prétend avoir été lésée par ce fait matériel, il en est autrement dans certaines circonstances exceptionnelles où, le fait et l'intention de l'agent étant indivisibles, on ne saurait isoler le fait de la volonté qui l'a produit sans re

[graphic]

mettre en question la chose irrévocablement | visibilité appartient souverainement aux jujugée par le jury (1). (C. Nap., 1351, 1382; C. instr. crim., 358.)

Et l'appréciation des éléments de cette indi

(1-2) En matière d'action civile en dommagesintérêts contre un accusé après déclaration de nonculpabilité rendue par le jury, deux principes sont également certains et ont été mis en lumière dans le savant rapport de M. le conseiller Faustin Hélie, devant la chambre criminelle, lors de l'arrêt . de cette chambre du 7 mai 1864 qui a cassé pour défaut de motifs gelui de la Cour d'assises des Bouches-du-Rhône portant condannation contre le sieur Armand à 20,000 fr. de dommages-intérêts envers Maurice Roux. (V. le rapport joint à l'arrêt de cassation, et où sont citées toutes les autorités sur la matière, ainsi que les observations qui accompagnent cet arrêt: P.1864.982.S.1864.1.508). Ces deux principes sont ceux-ci : 1o Le juge de l'action civile intentée par la personne lésée peut, après acquittement de l'accusé par le jury, admettre cette action malgré l'acquittement, si le fait est reconnu constitutif d'un quasi-délit ayant causé préjudice au demandeur (a); 2° Le juge de l'action civile contreviendrait à l'autorité de la chose jugée résultant de la déclaration négative du jury, si, en motivant l'allocation des dommages-intérêts sur les faits qui avaient été soumis à l'appréciation du jury, il présentait ces faits de manière à impliquer une intention criminelle de la part de leur auteur. Les deux principes dont il s'agit étaient à concilier dans la cause alors soumise à la Cour régulatrice, et c'était en vue de leur exacte observation que la chambre criminelle avait exercé sa censure sur l'arrêt de la Cour d'assises précité, en ce qu'il n'avait pas déterminé, par des motifs suffisamment explicites, les bases de la condamnation aux dommages-intérêts qu'il avait prononcés. Il fallait, pensa avec raison la chambre criminelle, qu'au lieu de se borner à dire que Armand avait maladroitement porté à Roux un coup qui pouvait lui être imputé à faute, la Cour d'assises expliquât dans les motifs de son arrêt comment il était possible de concilier cette imputation avec la déclaration du jury qui avait proclamé Armand non coupable. L'arrêt de cassation le jugeait ainsi à raison de la nature des faits qui avaient été l'objet de l'accusation, et il est à croire que c'était en effet le caractère de ces faits qui lui apparaissait comme nécessitant une appréciation précise du rapport sous lequel ils avaient été envisagés par la Cour d'assises; tandis que, en général, tout ce que la Cour suprême avait jusqu'alors exigé dans les décisions portant allocation de dommages-intérêts contre un accusé acquitté, c'était que les décisions exprimassent qu'il y avait faute et préjudice.

Ce qu'il y avait de particulier dans l'accusation portée contre Armand, c'était que les faits

(a) V. ci-après, p. 260, un arrêt de la chambre civile du 10 déc. 1866, contenant une nouvelle application de ce principe.

ges de l'action civile: leur décision sur ce point ne saurait être critiquée devant la Cour de cassation (2).

à lui imputés étaient nécessairement criminels, s'ils avaient été commis; d'où il suivait que la déclaration de non-culpabilité prononcée par le jury en faveur d'Armand pouvait être considérée comme contenant la négation implicite des faits matériels en ce qui le concernait. Si tel était le sens du verdict, il ne pouvait appartenir à la Cour d'assises de prendre les mêmes faits pour base de la condamnation d'Armand à des dommagesintérêts, de considérer ces faits dans leur ensemble ou bien tel d'entre eux séparément, car la chose jugée, s'il y avait chose jugée, s'appliquait à chacun d'eux, en tant qu'on prétendrait les mettre à la charge d'Armand; et, considérés soit comme tentative d'homicide sur la personne de Maurice Roux, soit comme simples voies de fait sur la même personne, ils se rattachaient les uns aux autres par l'indivisibilité résultant de leur concomitance et de l'unité d'action dans laquelle ils auraient eu lieu.

Mais devait-on admettre que le verdict négatif du jury eût autorité de chose jugée sur l'inexistence, par rapport à Armand, des faits que lui avait imputés l'accusation ? Le tribunal civil de Grenoble, saisi de la cause par le renvoi qu'avait prononcé l'arrêt de cassation du 7 mai 1864, a jugé l'affirmative, et, sur l'appel, ce jugement a été confirmé par la Cour impériale de Grenoble, dont la décision a été maintenue par l'arrêt ici recueilli.

Le système admis par cet arrêt est nouveau en doctrine et en jurisprudence. Il comporte de sérieuses difficultés qui tiennent à la forme actuelle des déclarations du jury, lesquelles expriment simplement la culpabilité ou la non-culpabilité de l'accusé, sans rien dire sur le fait matériel, tandis que, sous le régime du Code du 3 brum. an 4, le jury était appelé à répondre distinctement sur l'existence du fait matériel et sur la culpabilité. Lorsque la réponse du jury, dans l'état de notre législation criminelle, a été: non l'accusé n'est pas coupable, elle a pu être déterminée, soit par l'opinion du jury que les faits n'ont pas été prouvés contre l'accusé, soit par l'opinion qu'il a agi sans intention méchante. Le verdict, dans sa formule légale et obligée consistant à répondre par oui ou par non, n'est donc pas de nature, s'il est négatif, à faire connaître quelle a été la raison de décider du jury et si cette raison était exclusive du fait ou bien seulement de l'intention criminelle. Il faut pourtant résoudre le problème quand l'action civile est à juger, soit par la Cour d'assises, s'il y a eu constitution de partie civile, soit par le tribunal de première instance au premier degré et la Cour impériale au deuxième, si la personne lésée a préféré saisir de son action la juridiction de droit commun. Où, dans l'un et l'autre cas, le juge de l'action civile, en présence du verdict muet sur le motif de l'acquittement, trouvera-t-il les éléments de solution? La délibération du jury est essentiellement secrète, elle est lettre

1

را

(Roux C. Armand.) Par son arrêt en date du 7 mai 1864, portant cassation de l'arrêt de la Cour d'assises des Bouches-du-Rhône du 25 mars précédent, qui avait condamné le sieur Armand à payer à Maurice Roux 20,000 fr. de dommages-intérêts (P.1864.982.-S.1864.1.508), la chambre criminelle a renvoyé la cause devant le tribunal civil de Grenoble.-Là il a été conclu, pour Maurice Roux, dans les termes qui suivent: « Condamner Armand à payer à Maurice Roux, avec intérêts légitimes, la somme de 50,000 fr., à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice souffert par Roux par la faute d'Ar

close pour tous et pour les magistrats eux-mêmes appelés à statuer sur l'action civile.

Dans cette situation, s'il a paru ici à la chambre des requêtes, dont l'arrêt confirme la doctrine de la Cour de Grenoble, que les magistrats avaient eu le pouvoir de rechercher dans les documents de la cause portée devant eux, les éléments de leurs appréciations au point de vue de la recevabilité de l'action contre laquelle l'exception de chose jugée par la déclaration du jury était soulevée, c'est seulement, il importe de ne pas s'y méprendre, à cause des circonstances du procès et comme cas d'exception au système général qui ne reconnaît point aux déclarations négatives du jury autorité de chose jugée à l'égard des faits matériels compris dans l'accusation qui lui était soumise. Notre arrêt a pris soin de le dire, l'exception tient à l'indivisibilité des faits dans leur matérialité et dans l'intention d'Armand. Celui-ci, s'il eût commis ces faits, c'est-à-dire s'il eût porté avec une bûche un coup sur la nuque à Roux, si, après l'avoir blessé en lui portant ce coup, il lui eût lié les mains et les jambes avec une corde qu'il lui eût également serrée autour du cou, aurait agi dans une pensée nécessairement criminelle et aurait dû être déclaré coupable sur la question de tentative d'homicide volontaire ou au moins sur celle de coups et blessures. Là, aussi bien que dans la défense d'Armand au débat criminel où, sans contester en quoi que ce soit la criminalité des faits s'ils eussent été prouvés contre lui, il s'était borné à en nier la matérialité, étaient les éléments de l'indivisibilité, qui, nonobstant la lettre sèche du verdict exprimant uniquement négation de la culpabilité, donnait à cette déclaration une portée plus grande et lui faisait exclure à la fois et le fait matériel et l'intention coupable. Mais en dehors de l'indivisibilité, le principe général reprend son empire, et il n'est pas au pouvoir de la juridiction saisie de la connaissance de l'action civile, d'écarter cette action sous prétexte de chose jugée par la déclaration du jury, puisque, sauf le cas exceptionnel où l'on ne saurait concevoir, à raison des faits incriminés et des circonstances du débat, la négation de l'intention criminelle sans la négation du fait lui-même, la déclaration favorable à l'accusé est réputée porter sur la criminalité et non sur la matérialité du fait.

mand, résultant de ce que, dans un moment de vivacité qu'il n'a pas su maîtriser et sans mauvaise intention, il a donné à Maurice Roux un coup dont les conséquences ont été très-graves par suite de la lésion qui a été accidentellement produite et qu'il ne pouvait pas prévoir. » A l'appui de ces conclusions, on a offert la preuve de divers faits propres à justifier la demande.

Mais cette demande a été rejetée par jugement du 28 janv. 1865, principalement fondé sur les motifs qui suivent :-«Attendu que la décision du jury a eu pour effet d'écarter, en faveur d'Armand, le fait de coups et blessures qui lui était imputé, non-seulement quant à l'intention coupable, à la cri

Il faut cependant observer que l'indivisibilité suppose un acquittement n'ayant pas eu pour cause l'état mental de l'agent, car si celui-ci a été acquitté quoique ayant commis le fait, mais l'ayant commis dans des conditions d'inintelligence telles qu'il ait été considéré par le jury comme n'ayant pas agi sciemment et méchamment, le fait matériel n'aura pas été l'objet de la déclaration de non-culpabilité et tombera par cela même sous la libre appréciation des juges de la question civile, auxquels il appartiendra de décider si la noncriminalité du fait suffit pour exclure la responsabilité civile de l'agent. Il est tel procès où les circonstances de la cause prêteraient à la supposition d'un verdict d'acquittement amené par la conviction du jury sur l'état intellectuel de l'accusé; mais dans l'affaire Armand rien de pareil n'était à croire, et les débats avaient montré qu'il ne s'agissait que de savoir si les faits articulés par l'accusation existaient réellement ou avaient été au contraire mensongèrement allégués par Maurice Roux. Il n'y aurait donc pas eu à tenir compte de la supposition, qui n'a pas même été hasardée au procès, que le jury eût admis l'hypothèse, tout étrangère à la réalité des faits, d'une insanité d'esprit même accidentelle chez l'accusé. Pour en être convaincu, il aurait fallu, il est vrai, se reporter à l'interrogatoire de l'accusé, aux débats qui avaient suivi cet interrogatoire, au système de la défense devant le jury, en un mot, il eût été nécessaire d'interroger les documents de la cause. L'arrêt que nous rapportons ayant reconnu le droit aux juges de l'action civile de se guider par ces documents dans l'appréciation de l'indivisibilité, qu'il leur appartient, suivant l'arrêt, de nier ou d'affirmer souverainement, selon leur conviction et sans que leur décision sur ce point puisse encourir la censure de la Cour de cassation, ils auraient eu par cela même, d'après le système de l'arrêt, à puiser dans ces documents les raisons d'écarter l'objection qui eût été prise, contre la thèse d'indivisibilité, de l'hypothèse inadmissible d'un acquittement fondé non sur ce que l'accusé n'aurait pas commis les faits qui lui étaient imputés, mais sur ce qu'il les aurait commis dans un état mental exclusif de la criminalité.

ÉM. MOREAU,

Conseiller à la Cour imp. de Paris.

[ocr errors]

minalité, mais encore quant à la matérialité ; -Attendu, en effet, que l'objet de l'accusation consistait dans un fait complexe et indivisible, puisque, d'une part, il se composait d'un coup porté sur la nuque, de la ligature des mains et des pieds, et de celle du cou ayant produit un commencement de strangulation Que, d'autre part, le jury n'aurait pas pu diviser ces éléments du fait et répondre affirmativement sur l'un, négativement sur les autres ;-Que le jury a donc répondu d'une manière indivisible: non, l'accuse n'est pas coupable;-Que cette réponse, appliquée à la ligature, implique que ce fait est étranger à Armand, tout à la fois quant à la criminalité et quant à la matérialité, puisque n'ayant pu être commis sans intention criminelle, dire que l'accusé n'en est pas coupable, c'est dire nécessairement qu'il u'en est pas l'auteur;-Que si cette réponse écarte aussi la criminalité quant au coup sur la nuque, on ne peut pas dire qu'elle en laisse subsister contre l'accusé la matérialité, alors que la réponse du jury: l'accusé n'est pas coupable, signifiant qu'il n'est pas l'auteur de la ligature, et cette réponse ne pouvant pas être divisée, et s'appliquant à l'élément du coup, aussi bien qu'à celui de la ligature, signifie aussi qu'il n'est pas l'auteur du coup; Que les circonstances telles qu'elles résultent du témoignage unique sur lequel était basée l'accusation, ne font que confirmer cette appré ciation; qu'Armand, en effet, serait venu volontairement à la cave pour y suivre son domestique; que, volontairement, il se serait armé d'une buche, qu'il lui en aurait porté un coup volontairement; qu'en un mot, dans le fait du coup à la nuque, l'intention se serait trouvée unie au fait matériel d'une manière aussi inséparable que dans le fait de la ligature; d'où fone doit conclure que, par sa déclaration, les jury a écarté dans l'un comme dans l'autre fait, la matérialité aussi bien que l'intention coupable;-Attendu que décider le contraire, etisoler dans le verdict du jury cle fait de coup à la nuque de celui de la ligature, pour arriver à dire que si, pour ce dernier fait, la matérialité et la criminalité ont été effacées, la matérialité reste dans le premier, qui peut, dès lors, servir d'élément à une demande en dommages, ce serait créer une distinction que le jury n'a ni faite nispus faire, interpréter son verdict pour dui donners un sens contraire à celui quien ressort, net méconnaître ou s'exposera méconnaître l'autorité de la chose jugée; Attendu, en effet, que si la Cour d'assises, en vertu de l'art. 358, G. instr. crim., et les tribunaux civils saisis par action principale, peuvent condamner à des dommages envers da partie civile l'individu acquitté par le jury, ce n'est que dans le cas où le verdict du jury laisse subsister un fait matériel dont l'accusé serait l'auteur, et qui| pourrait lui être imputé à faute; en d'autres termes, lorsque la déclaration de non-culpaANNÉE 1867.-3° Livr.

1

[ocr errors]

bilité n'exclut pas nécessairement l'idée d'un fait dont l'accusé aurait à répondre envers la partie civile, en telle sorte que la recherche ou la preuve de ce fait ne puisse pas aboutir à une contradiction entre ce qui a été jugé au criminel et ce qui serait jugé au civil; que c'est là un principe certain, incontestable, établi par la jurisprudence de la Cour de cassation; qu'on ne saurait admettre, en effet, que, dans toutes les espèces soumises au jury, le fait matériel survive à la déclaration de non-culpabilité, et puisse devenir le fondement d'une condamnation à des dommages; qu'il est facile de concevoir, au contraire, des espèces d'une nature telle, que le jury ne puisse écarter la criminalité sans reconnaitre par là que le fait matériel n'est pas imputable à l'accusé; que celle qui a été soumise au jury des Bouches-du-Rhône appartient à cette catégorie, puisqu'il est évident que le prétendu coup et les violences qui l'ont suivi ne pouvaient pas exister sans intention coupable, et que, dès lors, le verdict du jury a écarté le fait tout entier et, par conséquent, tous les éléments qui le constituaient; qu'on doit du moins présumer qu'il les a écartés tous, alors que la réponse du jury, étant indivisible, s'appliquait à tous, avec le sens qu'elle a, unique, nécessaire, incontestable; d'où il suit qu'admettre que le fait matériel du coup a survécu à la déclaration de non-culpabilité, serait admettre une chose en contradiction avec cette déclaration, ce qui ne peut pas être ; d'où la conséquence aussi que la demande de Maurice Roux doit être rejetée.-Sans s'arrêter à la demande en dommages de Maurice Roux, en laquelle il est déclaré non recevable et dont il est débouté, met sur icelle Armand hors d'instance, etc. »

Appel; mais, le 1er juin 1865, arrêt de la Cour de Grenoble qui confirme en ces termes :- « Attendu que si, dans l'intérêt d'une prompte justice, les Cours d'assises, éclairées par les débats qui se sont produits devant elles, ont été exceptionnellement investies par l'art. 358, C. instr. crim., du droit de statuer sur les dommages-intérêts civils en réparation des faits soumis au jury, c'est aux conditions reconnues et proclamées par une juriprudence constante, que ces Cours ne rechercheront les éléments des dommages réclamés que dans les inculpations qui font l'objet de l'accusation; que leur décision ne remettra pas en question les faits affirmés ou niés par la déclaration souveraine du jury, et que, en dehors de cette déclaration, les faits d'où l'on prétendra induire une responsabilité civile offriront la preuve d'une faute, d'un quasidélit, base el fondement de cette responsabilité Attendu que si la première de ces conditions est justifiée dans la cause, les deux dernières y font entièrement défaut ;Attendu que s'il est des cas où, malgré la déclaration négative du jury, les Cours d'assises peuvent connaître d'une action en domma

17

ges-intérêts, lorsque la matérialité du fait, |
reconnue par l'accusé et dégagée de toute
intention coupable, peut, d'après les circon-
stances de la cause, survivre au verdict et
contenir les éléments d'un quasi-délit, la
cause actuelle se refuse à ce qu'il en soit
ainsi ;—Attendu, en effet, que le coup porté
et les blessures faites à Maurice Roux, le 7
juill. 1863, dans la cave de la maison habitée
par Armand, sur lesquels l'appelant fonde sa
demande, et dont Armand a toujours et éner-
giquement nié être l'auteur, se lient d'une
manière intime aux excès commis immédia-
tement après sur le corps de Roux, savoir:
la ligature des pieds et des mains et la li-
gature du cou ayant produit un commence-
ment d'asphyxie; qu'ils forment un tout in-
divisible, une série de violences concomi-
tantes, bien que successives, dont l'ensemble
et la gravité révèlent chez leur auteur une
intention coupable et persévérante; que des
déclarations de Maurice Roux, témoin uni-
que et objet de ces violences, qu'il impute à
Armand, il résulte que ce dernier aurait
cherché à attenter à la vie de Maurice Roux,
et qu'une volonté perverse l'aurait dirigé
dans l'exécution de chacun de ces actes;
Attendu que le jury des Bouches-du-Rhône
ayant répondu négativement à la question
principale de tentative d'homicide volontaire
et à la question, résultant des débats, de
coups et blessures volontaires sur la per-
sonne de Maurice Roux, ce verdict, portant
sur l'ensemble des inculpations qui pesaient
sur Armand, a virtuellement fait disparaître
toute participation, tant morale qué maté-
rielle, d'Armand à chacun des actes dont il
était accusé; qu'ainsi admettre Maurice Roux
à asseoir sa demande en dommages-intérêts
sur la première des violences ci-dessus rap-
pelées, c'est-à-dire, le coup sur la nuque et la
blessure que ce coup a déterminée, coup et
blessure qui, rapprochés des excès qui ont
suivi, ne peuvent se concevoir sans l'inten-
tion de nuire, ce serait revenir sur des faits
écartés par le jury, contredire sa décision ou
en discuter la portée, et violer ainsi l'autorité
de la chose jugée définitivement, souverai-
nement par son verdict ;-Attendu que pour
trouver une base juridique, légale, à la res-
ponsabilité civile qu'il prétend faire peser sur
Armand, Maurice Roux essaie vainement de
réduire aux proportions d'un quasi-délit,
d'une faute, le fait du coup sur la nuque et
de la blessure qui en a été la suite, en l'iso-
lant des autres éléments d'inculpation, aux-
quels ils se lient indissolublement, en pré-
tendant que ce coup, porté par mégarde par
Armand, n'a été que le résultat d'un moment
de vivacité que celui-ci n'a pu maîtriser, la
cause accidentelle d'une lésion qu'il ne pou-
vait prévoir;-Attendu que ces conclusions
prises devant la Cour, n'excluant pas de la
part d'Armand la volonté de donner le coup
ou de faire des blessures, la demande de
Maurice Roux doit, à ce premier point de
vue, être rejetée comme reproduisant le fait

compris dans la question résultant des débats sur laquelle avait prononcé le jury, à lá décharge d'Armand ;-Mais attendu que cette interprétation ne saurait prévaloir contre la réalité des faits acquis et constatés dans les débats; qu'elle est contraire aux documents de la cause et démentie par le propre témoignage de Maurice Roux, recueilli dans l'instruction écrite et reproduit oralement devant le jury; que Maurice Roux ne peut, aujourd'hui, dans l'intérêt d'une réparation civile, dépouiller ce fait de coup et blessure de la gravité qu'il lui a imprimée dès l'origine et du caractère criminel ou délictueus qu'il comporte nécessairement, et venir ainsi, par une voie indirecte et à l'aide de qualifications inexactes, soumettre à la juridiction civile l'appréciation des faits sur lesquels la justice criminelle a irrévocablement statué, et dont elle a innocenté Armand ;-Attendu qu'il n'y a lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires de Maurice Roux, tendant à la preuve de certains faits, de certaines articu. lations; que de ces faits, les uns sont déjà acquis aux débats, les autres tendraient, s'ils étaient prouvés, à imprimer aux actes sur lesquels s'appuie la demande de Roux, le caractère délictueux dont a déjà connu le jury; que, manquant ainsi de pertinence aux points de vue du quasi-délit et de la faute qui seuls peuvent constituer la responsabilité civile d'Armand, ces conclusions ne sauraient être accueillies par la Cour; que les solutions qui précèdent lui font un devoir de déclarer Maurice Roux non recevable dans sa demande, et de reconnaître la mutuelle indépendance et les prérogatives réciproques des juridictions civile et criminelle, en maintenant dans son intégrité le verdict du jury des Bouches-du-Rhône; - Par tous ces motifs, et en adoptant ceux qui ont déterminé les premiers juges et qui complètent les précédents, confirme, etc. »

POURVOI en cassation par Maurice Roux, pour violation de l'art. 358, C. inst. crim., et fausse application de l'art. 1351, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action en dommages-intérêts intentée contre Armand, sous le prétexte que cette action provoquait un jugement qui serait nécessairement contraire au verdict du jury.On a dit à l'appui du pourvoi: Dans la cause soumise au tribunal et à la Cour de Grenoble, Maurice Roux avait réduit le fait dommageable, le coup sur la nuque, à une faute; il l'avait présenté comme porté par mégarde, comme le résultat d'un mouvement de vivacité et comme la cause accidentelle d'une lésion que son auteur ne pouvait prévoir. Il ne s'agissait plus ainsi que d'un fait dépouillé de toute intention coupable, et, dès lors, en articulant ce fait comme base des dommages-intérêts à raison du préjudice qu'il lui avait causé, le demandeur ne contredisait pas la déclaration du jury.-L'arrêt attaqué suppose, au contraire, que la de

« PrécédentContinuer »