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bles;-Qu'au même instant, en effet, arriva une dépêche télégraphique au nom de Me Dumas (identiquement conforme au modèle cidevant transcrit), dépêche qui fit évanouir tous les soupçons et détermina à passer outre; Qu'aussitôt les dernières signatures données, et avant de se rendre à la mairie, où le mariage fut célébré le même jour, l'inculpé se fit remettre par Me Dumas, ou l'un de ses clercs: 1° une inscription de rente sur l'Etat français 4 1/2 pour 100, de 3,200 fr., inscrite sous le n° 73,984; 2° quatorze obligations du chemin de fer du Midi, portant les n. 1,199,627 à 1,199,639 inclusivement, formant, à l'exception du trousseau, la totalité de l'apport de la future; - Attendu qu'il a été bientôt constaté, et reconnu par les deux frères Taponier eux-mêmes, que la constitution de dot par leurs père et mère n'avait rien de sérieux, et que les 250,000 fr. annoncés n'avaient jamais été à la disposition, soit de ceux-ci, soit de Taponier, frère aîné; Que, loin d'être en situation de constituer une dot quelconque à l'inculpé, ses père et mère lui réclament instamment, depuis plusieurs années, le remboursement d'une somme de 2,000 florins qu'ils lui ont fait prêter, sur leur garantie; - Attendu que, dans les faits ci-dessus, se rencontrent tous les éléments du délit d'escroquerie prévu et puni par l'art. 405, C. pén. : usage de faux nom en même temps que de faux titres, emploi de manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence d'un crédit imaginaire, et pour faire naître l'espérance d'un succès, d'un événement chimérique, remise de valeurs mobilières, obligations, dispositions, déterminée par ces manoeuvres ;-Que l'art. 405 ne distingue pas entre les escroqueries ordinaires et celles qui pourraient être commises, comme dans l'espèce, dans le temps qui précède la célébration d'un mariage, et que l'art. 380 ne saurait ici recevoir aucune application par cela seul que le délit a été consommé avant la célébration; (lei d'autres faits d'escroquerie relatifs à d'autres individus);-Faisant application à Taponier de l'art. 405, C. pén., le condamne en quatre années d'emprisonnement, 100 fr. d'amende, etc. >>

Appel par Taponier.

ARRÊT..

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...

LA COUR; - Adoptant sur tous les points les motifs des premiers juges; - Et considérant que les premiers considérants du jugement présentent l'énonciation exacte et précise des faits qui ont précédé et accompagné la passation, devant le notaire Dumas, du contrat de mariage de Taponier et de la demoiselle Fleury; Que ces faits ont été avec raison considérés par les premiers juges comme constituant l'usage d'un faux nom, d'une fausse qualité et l'emploi de manœuvres frauduleuses ayant pour but et ayant eu pour effet de persuader l'existence d'un crédit imaginaire et de faire naitre l'es

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pérance d'un événement chimérique; qu'il est constant et avéré pour la Cour, comme il l'a été pour les premiers juges, qu'à l'aide de ce faux nom, de ces fausses qualités et de ces manœuvres frauduleuses, Taponier a obtenu la signature du contrat contenant à son profit et à celui de sa future épouse, des dispositions et obligations s'élevant à une valeur de près de 200,000 fr.;. Qu'à l'aide des mêmes moyens, il s'est fait remettre et délivrer une inscription de rente sur l'Etat français, 4 1/2 p. 100, au nom de la demoiselle Fleury, et 14 obligations au porteur du chemin de fer du Midi; que ces faits, ainsi constatés et qualifiés, constituent essentiellement le délit d'escroquerie prévu et puni par l'art. 405, C. pén.; Qu'ils ne sauraient perdre ce caractère par cela seul que l'usage du faux nom et de la fausse qualité et l'emploi des manœuvres frauduleuses auraient eu lieu en vue d'un mariage et pour s'approprier des valeurs constituées en dot; qu'une pareille dérogation au droit commun ne se trouve nulle part écrite dans la loi pénale;Qu'elle serait contraire à la morale publique, puisque dans ce cas, l'escroquerie revêt un caractère particulier d'indélicatesse et de déloyauté; qu'enfin nulle disposition de loi n'exige, pour que l'escroquerie soit consommée, qu'il ait été fait emploi des valeurs obtenues à l'aide de ce délit ; Considérant qu'il résulte des documents du procès et des débats et notamment des aveux du prévenu consignés tant dans son interrogatoire du 20 décembre 1865, que dans les conclusions par lui prises devant la Cour, que c'est immédiatement après la signature du contrat chez le notaire Dumas, et avant la célébration du mariage civil, que l'inscription de rente et les quatorze obligations du chemin de fer du Midi ont été réellement remises aux mains de Taponier; Que c'est à ce moment que l'escroquerie a été consommée par la remise effective desdites valeurs; que dès lors cette consommation a eu lieu à une époque où Taponier et la demoiselle Fleury n'étaient point encore dans les liens du mariage et n'avaient point l'un vis-à-vis de l'autre la qualité de mari et de femme; qu'aucun lien n'existait non plus en ce moment entre_Taponier, la demoiselle Fleury et le sieur Renouil; qu'il suit de là qu'à aucun point de vue le prévenu ne peut invoquer l'immunité de l'art. 380, C. pén.; -En ce qui concerne les autres faits relevés par le jugement .......... Confirme, etc.

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Du 19 mai 1866. C. Paris, ch. corr. MM. le cons. Saillard, prés.; Dupré-Lasale, av. gén.; Laya et Hébert, av.

RENNES 2 janvier 1867. SERVITUDE, TOUR D'ÉCHELLE, AGGRAVATION. Le propriétaire qui a une servitude de tour d'échelle sur un fonds voisin, ne peut exiger du propriétaire du fonds servant qui

y a fait construire un bâtiment la remise d une clef de ce bâtiment (1). (C. Nap., 702.) (Véren C. de Saint-Do.) ARRÊT.

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LA COUR; Considérant que la remise à l'intimé d'une clef de la porte à pratiquer dans le mur de la grange de l'appelant serait une aggravation de la servitude de tour d'échelle qu'il est tenu de souffrir, puisqu'elle permettrait de passer à toute occurrence sur son terrain, même à son insu et contre sa volonté; Considérant que ce serait, en outre, une innovation à l'exercice ancien de ladite servitude, qui avait lieu jusqu'ici en demandant chaque fois le passage accidentel auquel les réparations du toit de l'intimé pouvaient donner lieu; que celui-ci n'a pas un intérêt sérieux à obtenir ce qu'il demande aujourd'hui pour éviter une légère incommodité qui ne peut être comparée à l'assujettisment qui en résulterait pour l'appelant, lequel est bien fondé à opposer une résistance énergique à de pareilles prétentions; - Infirme, elc.

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BESANÇON 22 janvier 1867.

ASSURANCE TERRESTRE, VALEUR DES OBJETS ASSURÉS, INDEMNITÉ, EVALUATION, COMPENSATION, USAGE FORESTIER.

Le contrat d'assurance terrestre ne pouvant, pas plus que le contrat d'assurance maritime, être jamais une cause de bénéfice pour l'assuré, il s'ensuit que l'estimation donnée aux objets assurés, dans la police d'assurance, ne doit pas servir de base fixe et invariable pour la détermination de l'indemnité à accorder à l'assuré, sauf à l'assureur à prouver l'inexactitude de l'évaluation (2). (C. comm., 357 et 358.)

(1) Tous les auteurs reconnaissent que la servitude de tour d'échelle n'implique pas, pour le propriétaire du fonds dominant, le droit de passer toutes les fois que cela pourra lui convenir sur le fonds servant; à moins de convention contraire, il ne peut exiger le passage qu'en cas de nécessité et lorsqu'il s'agit de vérifier l'état de ses constructions, ou d'y faire des réparations; s'il en était autrement, le droit de tour d'échelle équivaudrait à une servitude de passage. V. MM. Merlin, Répert., v° Tour d'échelle, § 3, n. 2; Solon, Servit., n. 344; Frémy-Ligneville, Législ. des bálim., t. 2, n. 698; Marcadé, sur l'art. 681, n. 2; Demolombe, Servit., t. 1, n. 423; Perrin et Rendu, Dictionn. des construct., n. 4008; Sauger, Louage et servitudes, etc., n. 346.

(2) La question a été diversement résolue. Jugé, dans le sens de la solution ci-dessus, que donnée aux objets assurés, dans la l'estimation police d'assurance, doit, à défaut d'autres renseignements plus certains, servir de base pour la détermination de l'indemnité à accorder à l'assuré : Paris, 15 fév. v. 1834 (P. chr.- S.1834.2.145).

Il s'ensuit encore que si l'assuré a, par suite d'un droit d'usage dans une forêt, le droit de recevoir, après l'incendie de sa maison, le bois nécessaire pour la reconstruire, il ne peut exiger de l'assureur l'indemnité des pertes qu'il a faites que sous la déduction de la valeur des bois auxquels il a droit (3), et ce, nonobstant toute stipu-lation contraire dans la police d'assurance, une pareille stipulation étant nulle comme contraire à l'ordre public et aux bonnes mours. (C. Nap., 6.)

(Comp. la Confiance C. Rousseau.)-ARRÊT.

LA COUR ;-Considérant que la maison de Rousseau, située à Levier, et incendiée le 18 mars 1866, avait été assurée à la compagnie la Confiance pour une somme de 3,000 fr.; que les premiers juges ont considéré à tort cette somme comme une évaluation invariable, fixant le prix de la maison; qu'un principe supérieur et d'ordre public domine le contrat d'assurance, c'est que ce contrat ne doit pas être pour l'assuré une cause de bénéfice en dehors des pertes qu'il a subies; que ce principe, écrit pour les assurances maritimes dans les art. 357 et 358, C. comm., l'est également dans la police, dont l'art. 3 porte L'assurance ne peut jamais être une cause de bénéfices pour l'assuré; elle ne lui garantit que l'indemnité des pertes réelles qu'il a éprouvées ; » que telle est encore la conséquence de l'acte de nomination amiable des experts faite entre les parties, puisque la mission dont ils étaient chargés comprenait notamment l'estimation de la valeur vénale de la maison avant l'incendie;-Que sans doute, après sa destruction, la valeur de l'édifice est beaucoup plus difficile à déterminer, mais que cette difficulté est tout entière à la charge de la compagnie; qu'en effet, le contrat ayant fixé la valeur de la maison assurée, c'est à la com

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Sic, M. Alauzet, Tr. des assur., t. 2, n. 414. -Toutefois, l'arrêt précité décide, contrairement à celui que nous rapportons, que l'assureur a le droit, nonobstant l'estimation faite dans la police d'assurance, d'obliger l'assuré à justifier de la valeur réelle des objets assurés, au moment de l'incendie.-Jugé, au contraire, que l'estimation faite dans la police d'assurance est irrévocable et doit servir de base pour la détermination de l'indemnité Paris, 10 mars 1836, et Cass. 12 juill. 1837 (P.1838.1.126.-S.1838.1.129). V. aussi, dans le même sens, Douai, 16 mars 1850 (P. 1850.2.397.-S.1850.2.323).

(3) Cette question s'est présentée plusieurs fois devant la Cour de Besançon, où elle a reçu des solutions diverses. V. la note jointe à un arrêt de cette Cour du 7 mai 1853 (P.1853.1.645.-S. 1854.2.17), lequel a jugé dans le sens de l'arrêt que nous rapportons. Adde en sens contraire, un arrêt de la même Cour du 3 mai 1856 (aff. Courtois C. comp. le Phénix), et une consultation donnée dans cette affaire par MM. Bugnet, Valette, Marie et Bethmont.

pagnie qu'incombe la preuve de l'inexactitude de l'évaluation, et le doute, s'il existe, doit tourner contre elle, soit par ce qu'elle a stipulé, soit en raison de la prime perçue par elle sur cette évaluation; que les premiers juges ont donc à tort omis dans les bases de l'expertise la recherche de la valeur réelle de la maison avant l'incendie ;-Considérant que le même principe doit s'appliquer au point de savoir si, dans l'indemnité, sera ou non déduite la valeur des bois dus à la maison comme droit d'usage dans la forêt de l'Etat; qu'à la vérité, l'une des clauses manuscrites de la police énonce qu'en cas de remise de bois, pour la reconstruction, par l'Etat, la valeur n'en sera pas diminuée sur la somme de 3,000 fr.;-Mais qu'aux termes de l'art. 6, C. Nap., on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs;-Que telle est la nature de la convention qui, ne déduisant pas de l'indemnité la valeur des droits d'usage, offrirait à l'assuré un bénéfice dans l'incendie volontaire de sa propre maison; que, contraire aux bonnes mœurs, puisqu'elle peut donner lieu aux plus coupables calculs, elle l'est aussi à l'ordre public, en exposant chaque jour la sécurité des habitations et même la vie des

(1) Cette question est neuve, et donne à interpréter un article du Code Napoléon sur lequel les commentateurs passent rapidement; elle est grave, car une solution autre que celle consacrée par la Cour d'Aix pourrait mettre, en certains cas, un père dans une sorte d'impossibilité de reconnaître son enfant naturel avant sa naissance. L'art. 36, C. Nap., veut que la procuration donnée pour représenter une partie intéressée dans un acte de l'état civil soit spéciale et authentique. Comment faut-il entendre ces dernières expressions? Comment s'appliquent-elles à la reconnaissance d'un enfant naturel?

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La spécialité, dans un acte, dans une mission, peut être plus ou moins parfaite, plus ou moins étroite. Le pouvoir de concourir au nom d'autrui à la confection d'un acte unique et précis de l'état civil, d'un acte de reconnaissance par exemplc, est spécial; mais la spécialité de ce pouvoir n'est parfaite que si la personne à reconnaître au nom du mandant est individuellement dési-, gnée. Quelle est sous ce rapport l'exigence de la loi ? Si nous considérons l'intention du législateur, son but, si nous faisons abstraction des circonstances particulières à telle ou telle cause, nous arriverons, il nous semble, à l'interprétation suivante la reconnaissance de filiation naturelle doit émaner de celui qui est l'auteur de cette filiation; si elle se fait par mandataire, celui-ci doit reproduire uniquement la déclaration précise émanée du mandant; le mandataire doit avoir reçu la mission de reconnaître tel enfant individuellement déterminé; ce pouvoir doit avoir été donné, tel quel, avec toute la spécialité qu'il comporte, authentiquement, devant notaire. Si le mandataire recevait par acte notarié le pouvoir

citoyens;-Que les arrêts de la justice témoignent trop souvent de ces spéculations criminelles, plus fréquentes dans les maisons assurées; que plus les assurances sont multipliées aujourd'hui, plus il importe de faire prévaloir ce principe que l'assurance établie pour réparer les pertes ne doit jamais, si un sinistre se produit, être convertie en bénéfices;-Réforme, etc.

Du 22 janv. 1867.-C. Besançon, 1re ch. -MM. Loiseau, 1er prés.; Estignard, subst.; Lamy el Choffardet, av.

AIX 30 mai 1866.

ENFANT NATUREL, RECONNAISSANCE, PROCURATION, POSSESSION D'ÉTAT, MÈRE INCONNUE, FILIATION ADULTERINE.

La reconnaissance d'un enfant naturel faite devant l'officier de l'état civil par un mandataire, en vertu d'une procuration authentique expresse, est valable quoique la désignation de l'enfant ait été confidentielle entre le mandant et le mandataire, au lieu d'être consignée dans la procuration ellemême, qui ne cesse pas pour cela d'être spéciale dans le sens de la loi (1). (C. Nap., 36 et 334.)

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de reconnaître un enfant que le mandant lui a confidentiellement désigné, une partie fort importante de la mission du mandataire, la déclaration du mandant qui confère au pouvoir le caractère d'une spécialité parfaite, ne serait pas authentique. La loi veut que la procuration soit spéciale et authentique, authentique en son entier, dans tout ce qu'elle embrasse, authentique dans sa spécialité. C'est la pensée de M. Demolombe, Actes de l'état civil, n. 284, qui exige que la déclaration faite par le mandataire à l'officier public soit constatée dans l'acte authentique de sa procuration.-Une doctrine qui se contenterait d'une désignation confidentielle, et en dehors du notaire, de l'enfant à reconnaître, ouvrirait la porte aux inconvénients que le législateur a voulu éviter par l'art. 36. Le mandataire a reconnu au nom de son mandant telle personne. Le mandant soutient après coup qu'il avait donné pouvoir de reconnaître une autre personne. Que décider dans ce conflit? Evidemment la reconnaissance tombe; la déclaration confidentielle n'est pas susceptible de vérification. Done la reconnaissance faite en vertu d'une procuration ne contenant pas de désignation individuelle serait révocable pendant toute la vie du mandant. La reconnaissance ainsi faite n'aurait pas l'authenticité, et par suite l'irrévocabilité qu'elle doit avoir.

Telle est l'explication qui s'offre à l'esprit d'après le seul examen du texte de la loi ? La Cour a présenté contre cette doctrine des objections spécieuses empruntées aux circonstances particulières de la cause. Voici en résumé le raisonnement de la Cour : tout enfant naturel doit pouvoir être reconnu; la reconnaissance de la part du

On ne peut contester l'état d'un enfant naturel reconnu dans son acte de naissance, lorsqu'il a une possession conforme: l'art. 322, C. Nap., qui le décide ainsi à l'égard des enfants légitimes, est également applicable aux enfants naturels (1).

Lorsqu'un enfant naturel a été reconnu par le père dans son acte de naissance, mais sans désignation de la mère, il n'est point permis de prétendre, pour faire annuler

père doit être possible sans désignation de la mère, car la mère est libre de ne pas se déclarer (art. 336, C. Nap.). Supposons un enfant simplement conçu; la mère ne veut pas être connue. Le père qui va s'exposer à un grand danger, qui est menacé de mort plus ou moins immédiate, veut, avant la naissance de l'enfant, donner pouvoir à un ami de le reconnaître; peut-il dans la procuration désigner l'enfant individuellement ? Non; l'enfant n'a pas encore reçu de prénoms; il ne saurait être désigné que par l'indication de la femme de laquelle il naîtra. Or, le législateur veut que tout enfant naturel puisse être reconnu par son père sans que le nom de la mère soit publié. Donc la procuration peut être valable sans contenir le nom de la mère. La procuration, d'ailleurs, n'étant donnée que pour un objet déterminé, n'en est pas moins spéciale.-Cette dernière proposition a été présentée même comme la raison déterminante, et corroborée par l'art. 1987, C. Nap., suivant lequel le mandat qui n'embrasse pas toutes les affaires du mandant est, non pas général, mais spécial. Cette définition doit, a-t-on dit, servir à interpréter l'art. 36 du même Code. Cette corrélation purement de mots entre les art. 36 et 1987, C. Nap., ne nous semble pas décisive. Il faut à notre avis distinguer le man. dat qui a pour objet des actes juridiques et celui qui a pour objet un aveu. Un aveu puisant toute sa force dans la connaissance et la conscience de celui qui le fait, doit, quand il est fait par mandataire, être transmis au mandataire d'une façon précise. Cela a bien été observé dans l'espèce, où le mandant a avait donné au mandataire, d'après la déclaration de celui-ci, les renseignements les plus précis. Seulement il l'avait fait en secret, hors la présence du notaire qui n'avait pu conférer l'authenticité à cette partie du mandat. Sous ce rapport, la loi ne nous paraît pas avoir été obéie. L'argumentation de la Cour est spécieuse, mais elle ne nous convainc pas; il ne nous est pas démontré que tout enfant naturel doive pouvoir en toute circonstance être reconnu, et que la reconnaissance n'est possible que si les conditions prescrites par la loi sont réalisables. Il n'est pas non plus très-exact que

la loi laisse à la mère une liberté exacte

son nom et sa maternité, puisqu'elle autorise la recherche de la maternité naturelle sous la simple condition d'un commencement de preuve par écrit, qui, quoique é émanant de la mère, ne suppose pas toujours de la part de celle-ci la volonté de se faire connaître. L'art. 336, C. Nap., porte que l'homme qui reconnaît un enfant naturel n'a pas besoin de déclarer la mère; il porte ANNÉE 1867.-3

la reconnaissance comme établissant une filiation adultérine, que cet enfant a pour mère une femme mariée. (2). (C. Nap., 335 et 342.)

(Hérit. Aguillon C. Durand.)

25 juill. 1865, jugement du tribunal civil de Toulon, conçu ainsi qu'il suit :-<< Attendu que l'intérêt, de la part des demandeurs, à contester l'état civil du défendeur est certain,

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également que si le nom de la mère est inséré dans la reconnaissance émanée du père, la paternité seule est prouvée; mais, assurément, il n'en résulte pas que la désignation de la mère soit défendue et doive être écartée par l'officier public. Elle n'est pas plus défendue dans l'acte de reconnaissance émané du père que dans l'acte de naissance.Mais, dit-on, si la mère reste inconnue et que le père meure avant la naissance, la reconnaissance sera donc impossible? Cette solution est rigoureuse, assurément; mais elle nous paraît préférable à la violation de l'art. 36; et cela, d'autant plus que presque toujours la circonstance qui empêchera une constatation légale de la maternité sera le caractère adultérin ou incestueux de la filiation; or, il en aurait été ainsi dans l'espèce actuelle, si l'on en croit les allégations des défendeurs.

(1) C'est une question très-controversée que celle de savoir si l'art. 322, C. Nap., est applicable en matière de filiation naturelle. V. à cet égard, Rép. gén. Pal., v° Enfant naturel, n. 262, et Suppl., eod. v°, n. 302; Table gén. Devill. et Gilb., vo Filiation, n. 12, 162 et suiv.; Table décenn., eod. v°, n. 17. - Adde, dans le même sens que l'arrêt que nous rapportons, MM. Loiseau, des Enfants naturels, p. 528; Valette sur Proudhon, Tr. de l'état des pers., t. 2, p. 153. -En sens contraire, MM. Duranton, t. 3, n.. 133; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 4, § 568 ter, note 33, p. 688; Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 1, § 170, note 2, p. 332; Cadrès, des Enfants naturels, n. 13; Demolombe, Patern. et filiat., n. 481.-Au surplus, lors même que la Cour aurait justement décidé que l'art. 322 concerne la filiation naturelle, il n'y avait pas lieu de l'appliquer à l'espèce. En effet, cet article suppose un titre régulier et une possession d'état conforme. Or, ici, la régularité de l'acte de reconnaissance était précisément contestée. S'il est vrai que le législateur exige, dans la procuration à l'effet de reconnaître un enfant naturel, la désignation individuelle de cet enfant, il s'ensuivait que la reconnaissance dressée en vertu d'une procuration muette sur ce point était nulle et comme non avenue. Dès lors, l'hypothèse de l'art. 322 ne se rencontrait pas.

(2) V. dans le même sens, Pau, 27 juill. 1822; Rouen, 26 juill. 1838 (P.1838.2.564.-S.1838. 2.401); Cass. 22 janv. 1840 (P.1840.1.86. S.1840.1.118); MM. Demolombe, ubi supr., n. 567; Du Caurroy, Bonnier et Roustain, Comm. C. civ., t. 1, n. 503, note; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 4, § 572, p. 716 et 717.

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d'après les circonstances du litige engagé devant le tribunal de commerce de Toulon ;... -Attendu qu'aux termes de l'art. 339, C. Nap., « toute reconnaissance de la part du père ou de la mère... peut être contestée << par tous ceux qui y auront intérêt ; »Attendu que ces termes sont généraux et absolus; qu'en conséquence, les hoirs Aguillon sont recevables dans leur action;

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<«< Sur le fond :-Attendu, en fait, que le sieur François Durand, capitaine marin, de la Seyne, sur le point de faire un voyage maritime de long cours à bord du navire l'Heureux-Retour, a, le 27 mai 1816, constitué, par acte passé devant Me Chaudon, notaire à Marseille, pour son procureur fondé, le sieur André Sénès, receveur des droits indirects, désigné comme son ami intime, « auquel il a donné pouvoir exprès et « spécial de reconnaître l'enfant qui naî«trait, pendant son absence, de la personne « par lui désignée et indiquée audit sieur « Sénès, dont ladite personne était, à cette époque, enceinte des œuvres dudit sieur a Durand, qui le déclarait; que l'acte ajoute que le sieur Sénès fera à cet effet toutes déclarations et actes publics par-devant tous officiers de l'état civil, etc.; Attendu qu'à la suite de la passation de cet acte, le sieur François Durand paruit de Marseille, à bord dudit navire l'Heureux-Retour, pour Cayenne; Attendu que, le 17 juin 1816, peu de jours après le départ de ce dernier, il a été dressé à la Seyne, sur la déclaration du sieur Sénès, agissant en vertu de la procuration précitée, l'acte de naissance du sieur François-Antonin Durand, désigné comme fils naturel dudit capitaine François Durand et d'une mère inconnue ;

Que le sieur François Durand, parti de Cayenne pour l'Europe le 3 déc. 1816, a péri dans un accident de mer, pendant la traversée ; Qu'un jugement à la date du 21 juill. 1863, rendu par le tribunal de céans, a constaté ce décès, et qu'un autre jugement à la date du 31 déc. 1863 a envoyé les hoirs Durand en la possession de la succession de François Durand;-Attendu qu'il s'agit d'apprécier si, dans les conditions de cette reconnaissance, François-Antonin Durand peut être considéré comme se rattachant juridiquement au capitaine Durand par les liens de la filiation naturelle; Que l'on objecte qu'il ne saurait y avoir de rue connaissance valable sans une désignation spéciale et nominative, établissant une relation certaine entre l'enfant et celui qui s'en déclare le père; que, dans l'espèce, le capitaine Durand n'aurait pas satisfait au voeu de la loi, puisque la procuration donnée au sieur Sénès à fin de reconnaissance ne contient pas la désignation de la mère de laquelle devait naître l'enfant dont François Durand voulait s'attribuer la paternité; Que, dans cette opinion, la reconnaissance par le mandataire, dans l'acte de naissance précité, ne pourrait tenir lieu de la désigna

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tion par le père, et qu'elle devrait être regardée comme nulle et non avenue; que cette nullité serait à ce point absolue que des faits postérieurs, et notamment la possession d'état, ne seraient d'aucune efficacité pour éclairer la pensée du mandant et permettre d'en consacrer les effets; Que, dans ce système, il faudrait arriver jusqu'à contester toute valeur à cet acte, même dans la supposition du retour du capitaine Durand en France, et de soins à titre de père donnés par lui pendant de longues années et jusqu'à sa mort à François-Antonin Durand, puisque, d'une part, l'acte serait absolument nul, et que, d'autre part, la possession d'état serait impuissante à fonder une filiation naturelle;-Qu'une pareille conséquence, dans ces conditions de fait, ne satisfait pas la raison; qu'en rapprochant toutes les circonstances de la cause, on est conduit à une solution plus conforme à l'inspiration de la conscience et à la pensée de la loi ; tendu qu'il est de doctrine que la reconnaissance, par le père, de son enfant naturel ne doit pas comprendre la désignation de la mère; cette désignation, suivant l'expression de M. Demolombe, t. 5, no 382, est absolument défendue ;-Que si, contre le vœu de la loi, elle était faite par le père dans l'acte de naissance, elle n'établirait aucun lien de droit entre la prétendue mère et l'enfant, et serait non avenue;-Que le capitaine Durand obéissait donc à la volonté de la loi en ne désignant pas, dans la procuration précitée, la prétendue mère de l'enfant à naître, qu'une pareille désignation, à laquelle la loi n'attache aucun effet, n'aurait même ajouté aucune détermination juridique au pouvoir donné au mandataire ; - Attendu qu'il faut bien admettre que le capitaine Durand, sur le point d'accomplir son voyage au long cours à travers les mers, et qui ne devait pas revoir son pays, eût la possibilité d'accomplir ce qu'il considérait comme un devoir, de donner son nom à l'enfant conçu de ses œuvres ; - Que, s'il s'est conformé à la réserve que le législateur lui commandait luimême en ne désignant pas la mère, il ne lui restait ouverte que la voie qu'il a suivie avec les formes de l'acte authentique, c'est-à-dire de confier son secret à une personne investie de sa confiance et de lui donner mandat

de reconnaître pour lui l'enfant à naître, -Que la procuration donnée par lui au sieur Sénès témoigne des précautions prises pour assurer l'exacte exécution du mandat;-Que ce dernier est désigné par le sieur Durand comme son ami intime, connaissant par sa confidence la mère de l'enfant et devant se conformer certainement à ses instructions; -Que, dans ces conditions, lorsque, à la suite de ces pouvoirs aussi solennellement donnés, le mandataire remplit son mandat et procède, dans l'acte même de naissance de l'enfant, à sa reconnaissance, il y a lieu, jusqu'à preuve contraire, d'admettre que le mandataire s'est conformé à son mandat, et

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