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doute, le sieur de Lestrade n'était pas débi-,
teur avant la mise en circulation des blancs
seings qu'il avait eu le tort de ne pas retirer;
mais à partir de cette mise en circulation,
il est incontestablement devenu débiteur des
valeurs négociées, et s'est trouvé exposé aux
poursuites des tiers porteurs; et, comme obli-
gé envers les tiers porteurs par le fait de Du-
phot, il était devenu créancier de celui-ci.
C'était donc bien sa propre dette qu'il payait
en remettant aux tiers porteurs les 6,000 fr.
qu'il avait reçus de Duphot. Il suit de là que
l'art. 449, que l'on invoque, est compléte-
ment en dehors des faits de la cause. Il s'agit
simplement de savoir si le sieur de Lestrade,
qui a reçup une somme d'un failli, dans la
période prohibée et avec la connaissance
de la situation, a reçu cette somme comme
créancier en paiement de sa créance; ou
bien si, sans obligation personnelle envers
les tiers porteurs et, par suite, sans action
contre Duphot, il n'a agi qu'en qualité de
mandataire. On se trouve ainsi ramené au
vrai moyen du pourvoi qui n'est autre que
celui invoqué dans l'affaire de Bellussières
et qui a été repoussé par la Cour suprême.

Sur le chef relatif aux effets portant la
signature du sieur Louis de Lestrade, les
défendeurs font remarquer qu'il ne s'agit
plus ici d'un rapport à la faillite, mais du
remboursement d'une somme dont le sieur
François de Lestrade l'a dépouillée par sa
faute. Toute la question est done de savoir
si celui-ci est responsable de l'exécution du
mandat qui lui a été donné dans les circon-
stances de la cause. Or, cette question, a-
t-on dit, se trouve résolue contre le pourvoi
par l'arrêt de la Cour de cassation du 14
janv. 1862. A la vérité, il s'agissait, dans
l'espèce jugée par cet arrêt, d'un mandat
donné par un négociant déclaré en état
de faillite, tandis que, dans la cause ac-
tuelle, Duphot n'était, au moment du man-
dat
dat, qu'en état de cessation de paiements.
Mais que résulte-t-il de cette différence?
Aux termes de l'art. 0447), C. comm,, tous
paiements faits par le débiteur, même
pour dettes échues, et tous actes, même à
titre onéreux, passés par lui après la cessa-
tion de ses paiements, quoique avant le ju-
gement déclaratif de faillite, sont susceptibles
d'être annulés si, de la part de ceux qui ont
reçu du débiteur ou qui ont traité avec lui,
ils ont eu lieu avec connaissance de la cessa-
tion des paiements. Cette disposition s'appli-
que à tous les actes quels qu'ils soient passés
par le débiteur et qui peuvent nuire aux au-
tres créanciers. Les expressions de l'article
tous autres actes à titre onéreux, sont em-
ployées, non dans un sens restrictif, mais
uniquement par opposition aux actes à titre
gratuit dont parle Fart. 446, et qui, au lieu
d'être simplement annulables, sont nuls de
plein droit; elles ont donc une portée aussi
générale que possible. Le mandat s'y trouve
Certainement compris; l'annulation peut en
être prononcée par le juge toutes les fois que

le mandataire se sera fait sciemment l'intermédiaire d'une opération préjudiciable aux intérêts de la masse. Or, il est démontré que le sieur de Lestrade, en recevant le mandat dont il s'agit, savait que Duphot était dans un état de ruine complète et qu'il ne pouvait plus disposer de son actif. C'est donc avec raison qu'il a été déclaré responsable de l'exécution de ce mandat.

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ARRÊT (après délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen relatif aux 6,000 francs de billets portant la signature de François de Lestrade: - Attendu qu'aux termes de l'art. 447, C. comm., tout paiement fait après l'époque désignée par le tribunal comme étant celle de la cessation des paiements et avant le jugement déclaratif de la faillite, pour dettes échues, peut être annulé s'il a eu lieu avee connaissance, par le créancier, de la cessation de paiements du débiteur; -Qu'il en est ainsi, même alors que la créance a pour cause un délit, la loi ne faisant à cet égard aucune distinction; - Attendu que Duphot, en créant avec des blancs seings que François de Lestrade, qui ne lui devait rien, avait laissés entreses mains, des billets qu'il a mis indûment en circulation, est devenu débiteur immédiat envers ledit de Lestrade du montant de ces effets; - Qu'en lui envoyant, le 13 mars 1860, les fonds nécessaires pour payer ces billets à l'échéance, il a acquitté sa dette envers lui et ne lui a pas donné simplement un mandat; - Que cela est si vrai que, sans cet envoi, François de Lestrade aurait été poursuivi personnellement par les tiers porteurs; - Qu'il est constaté qu'au moment où il a reçu ces fonds, il connaissait la cessation de paiements de Duphot; - Que, dans ces circonstances, le rapport à la masse pouvait être ordonné, et que l'arrêt attaqué, en usant de ce droit, n'a violé ni les art. 447 et 449, C. comm., ni aucune autre loi;-Rejette.

Mais sur le moyen relatif aux 13,000 fr. de billets portant la signature de Louis de Lestrade: - Vu l'art. 447, C. comm.;-Attendu que Duphot, abusant ainsi de blancs seings à lui laissés par Louis de Lestrade, qui n'était pas son débiteur, a créé et négocié ces effets à son profit; - Que François de Lestrade, étranger à cette création et à cette négociation, n'a été qu'un simple mandataire chargé de dégager la signature de son frère en payant à l'échéance les tiers porteurs avec les fonds qui ont été envoyés à cet effet par Duphot, le 13 mars 1860;-Que ce mandat, quand il a été reçu et exécuté, n'était pas nul de plein droit, puisque Duphot n'a été déclaré en faillite que le 23 du même mois; qu'il ne pouvait être annulé par le motif que la cessation de paiements de Duphot avait été reportée au 9 de ce mois, et qu'elle était connue du mandataire, l'art. 447, C. comm., étant sans application à ce cas; Que les syndics n'ont pas agi contre Louis de Lestrade, ni fait décider contre lui que се

1

mandat constituerait un paiement qu'il a reçu de Duphot, dans la période suspecte, avec connaissance de la cessation de ses paiements; - Qu'ils n'ont pu obtenir de François de Lestrade ce qu'ils n'ont pas réclamé de Louis, ni l'obliger å rapporter à la masse une somme qui n'a fait que passer par ses mains pour exécuter le mandat qu'il avait reçu; - Qu'en le condamnant à faire cet apport, l'arrêt attaqué a faussement appliqué Î'art. 446, C. comm., et violé l'article cidessus visé;-Casse, etc.

Du 13 nov. 1866.-Ch.civ.-MM. Pascalis, prés.; Leroux de Bretagne, rapp.; Blanche, av. gen. (concl. conf.; Chambareaud et Bosviel, av.

CASS. CIV. 24 décembre 1866.
1° FAILLITE, CESSATION DE PAIEMENTS, GAGE,
HYPOTHÈQUE. -2° GAGE, GAGES SUCCESSIFS,
PRIVILEGE.

rement pour la garantie d'avances successives, s'appliqueront dans leur ensemble à l'ensemble des créances, est valable à l'égard des tiers et assure le privilége du préteur, lorsqu'elle contient l'énumération et la spécification des divers actes de nantissement, d'ailleurs réguliers, auxquels elle se réfère, et qu'elle fait ainsi connaître exactement les choses données en gage (2). (C. Nap., 2074, 2075 et 2082.)

(Guilhem et autres C. Sous-Comptoir d'escompte.)

A partir du mois de juillet 1861, le SousComptoir d'escompte, représenté par son directeur de Marseille, était entré en relations d'affaires avec les frères Deluy, fondeurs, qui lui faisaient de nombreux emprunts garantis par des nantissements de marchandises. - Dans le cours du mois de mai 1862, et alors que ses avances avaient pris d'assez grandes proportions, le SousComptoir découvrit qu'à l'aide de fausses

En l'absence de tout protét ou pour-clefs, une portion des marchandises déposées

suite, et alors qu'un commerçant est demeuré à la tête de ses affaires, a joui du crédit public, effectué de nombreux paiements et fait des négociations importantes, on ne saurait considérer comme signe indicatif de la cessation de paiements le fait, par ce commerçant, d'avoir soustrait le gage qu'il avait donné à l'un de ses créanciers, et de s'étre mis dans l'obligation de grever ses immeubles pour remplacer ce gage (1). (C. comm., 437.)

en nantissement avaient été enlevées des magasins où elles étaient renfermées et remplacées par des pièces de bois dans l'intérieur des piles de lingots. Vérification faite, il fut reconnu que les soustractions ne s'élevaient pas à moins de 323,000 kil. de cuivre, représentant une valeur de 750,000 fr. - Cette soustraction, dont l'un des frères Deluy était l'auteur, autorisait le Sous-Comptoir mptoir d'escompte à exiger la restitution du gage dont elle était privée, ou d'autres garanties équivalentes: aussi ces derniers lui souscrivirentils, le 31 mai 1862, une hypothèque sur des immeubles d'une valeur de près de 300,000 francs; puis, le 20 juin suivant, ils lui cédèrent une créance d'environ 100,000 fr. sur l'administration de la guerre. En même temps, par convention du 10 juin, renouvemarchandises données en nantissement demeureraient affectées à la sûreté de toutes les obligations déjà créées, de manière à ne former dans leur ensemble qu'un seul et même gage applicable à l'ensemble de la dette. Le Sous-Comptoir, nanti de ces garanties supplémentaires, continua ses opérations avec

Le créancier gagiste, dans les magasins de qui ont été soustraites par le débiteur les marchandises formant son gage, et qui a exigé de celui-ci, comme nouveau gage, unc constitution d'hypothèque, ne peut, le débiteur étant plus tard tombé en faillite, être considéré comme s'étant créé illicitement un avantage au détriment des autres créanciers, alors surtout qu'il est constant que la stipu-lée le 20 juillet, il était stipulé que toutes les

lation de cette nouvelle garantie n'a pas eu, de sa part, pour mobile certain la crainte d'une faillite dont il ignorait l'imminence. (C. Nap., 1167 et 2073.)

2° La convention par laquelle il est stipulé, entre le prêteur et le débiteur, que des nantissements successivement constitués antérieu

(1) V. comme anal. en ce sens, un arrêt de la Cour de Colmar du 19 avril 1860 (P.1862.505. -S.1861.2.25), qui juge qu'on ne peut considérer comme indicatif de la cessation de paiements le fait, par un commerçant, de ne s'être soutenu qu'à l'aide de renouvellements d'effets, si ces renouvellements lui étaient accordés en considération d'une situation immobilière qui n'est devenue mauvaise que plus tard et par des événements de force majeure. V. au reste, sur les caractères de l'état de faillite, la note de renvoi jointe à cet arrêt. Adde MM. Bravard et Demangeat, Tr. de dr. commerc., t. 5, p. 15 et suiv.; Alauzet, Comment. C. comm., t. 4, n. 1635 et suiv. (2) Il a même été jugé (dans une situation

analogue) que, au cas de compte courant entre le commettant et le commissionnaire, le privilége de celui-ci a lieu pour toutes les avances qu'il a faites au commettant pendant tout le temps qu'il est demeuré nanti des marchandises, en telle sorte que ce privilége s'étend des avances primitivement faites et qui ont été remboursées à celles qui sont venues s'y substituer, et qu'il s'étend également aux acceptations en renouvellement d'acceptations antérieures au nantissement, s'il est reconnu que ces acceptations nouvelles ont fait novation aux précédentes. V. Douai, 5 janv. 1844 (P. 1845.1.226.-S. 1844.2.257); мм. Troplong, Gage, n. 256; Massé, Dr. commerc., t. 4, n. 2863.

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les frères Deluy, et, du 26 mai au 14 août, | tait de ce qu'au moment où ils ont été pas

il leur fournitasune nouvelle somme de
191,200 fr. en exécution de sept contrats
de gage successifs, et sur consignation de
marchandises. Le 12 nov. 1862, les frères
Deluy furent déclarés en faillite; un juge-
ment du tribunal de commerce, du 2 janv.
1863, reporta l'ouverture de la faillite au 17
août précédent (2) poranno 2920

ד

sés, le Sous-Comptoir aurait eu connaissance certaine de l'imminence de la faillite de ses débiteurs; - Attendu, à cet égard, qu'il est certain que ces actes ont été provoqués par les détournements opérés par Deluy frères sur les objets remis en nantissement au SousComptoir; qu'il est naturel et légitime que le Sous-Comptoir d'escompte, qui, d'après ses

En mai et juin 1864, les sieurs Guilhem et | statuts, n'avait pu prêter que sur gage, et à

autres, créanciers des sieurs Deluy, agissant
au refus du syndic de la faillite, ont intenté
contre le Sous-Comptoir une action tendant
à faire reporter la faillite au 26 mai 1862, et,
subsidiairement, à faire annuler tous les ac-
tes de nantissement ou d'hypothèque et de
cession de créances, intervenus postérieure-
ment à cette date. Ils soutenaient que ces
actes avaient placé les frères Deluy en état de
suspension de paiements; que, d'ailleurs, ils
avaient un caractère frauduleux et avaient
été exigés parole Sous-Comptoir afin de
s'assurer, au détriment de la masse, un pri-
vilége sur l'actif de la faillitein qonu al

29 juill. 1864, jugement du tribunal de

qui son gage avait été soustrait, s'efforçât de le faire réintégrer et d'en obtenir l'équivalent; qu'en agissant ainsi, le créancier ne cherchait pas à améliorer sa situation et à se créer un avantage au détriment des autres créanciers; mais qu'il voulait seulement maintenir sa condition première et ne pas laisser arriver à d'autres, par l'effet même des détournements, des avantages que son contrat lui conférait à lui seul; qu'en un mot, le Sous-Comptoir tenait de son contrat le droit d'exiger un gage en remplacement de celui qui lui avait été soustrait; que l'exercice d'un droit ne saurait être une fraude; - Attendu que fallût-il rechercher si le Sous-Comp

commerce de Marseille qui maintient l'ou-toir d'escompte, stipulant des garanties nou

verture de la faillite au 17 août 1862, et va-
lide les actes passés entre les frères Deluy et
le Sous-Comptoir du 26 mai jusqu'à cette
datestano ob id 000,898 ob aniom

Appel par les consorts Guilhem; mais, le
5 janv. 1865, arrêt confirmatif de la Cour
d'Aix ainsi conçu:<< Sur la demande en
report de faillite: - Attendu que la faillite

velles, connaissait l'imminence de la faillite deses débiteurs, cette preuve ne serait pas suffisamment acquise au procès; - Attendu, en effet, que, dans les circonstances qui viennent d'être indiquées, la stipulation de garantie n'a pas pour mobile certain la crainte d'une faillite, et qu'elle s'explique au contraire fort naturelle

Deluy frères ne peut être reportée au 26 maiment par le fait même qui a troublé les

que si, à cette date, il y avait cessation de paiements;-Attendu que s'il n'est pas nécessaire que la cessation de paiements soit notoire et absolue, il faut au moins qu'elle soit effective, c'est-à-dire qu'elle se révèle par des actes qui soient la manifestation extérieure de l'insolvabilité du débiteur et de son impuissance à satisfaire à ses obligations; Attendu, en fait, que, du 26 mai au 17 août, époque à laquelle a été fixée l'ouverture de la faillite, Deluy frères sont demeurés à la tête de leur commerce; qu'ils ont joui du crédit public; qu'ils ont effectué de nombreux paiements; qu'ils ont fait des négociations importantes; qu'ils n'ont laissé protester aucun effet, et qu'ils n'ont été l'objet d'aucune poursuite; - Attendu que l'hypothèque donnée au Sous-Comptoir le 31 mai et la cession de créance consentiele 20 juin, expliquées par les circonstances et parles causes qui les ont déterminées, ne sauraient être considéréescomme manifestant l'insolvabilité de Deluy frères et comme constituant une ces

conditions du contrat et par le désir d'en obtenir le rétablissement; - Attendu, d'ailleurs, que rien ne démontre qu'au moment où les actes ont eu lieu, le Sous-Comptoir connût la totalité des détournements opérés à son préjudice, et surtout qu'il n'ait dû les envisager que comme le signe certain de la ruine prochaine des frères Deluy; qu'il a pu n'y voir qu'un moyen employé par ceux-ci pour reprendre la disposition des matières qu'ils avaient immobilisées par les nantissements, et qui, remises dans la circulation, diminuaient sans doute le gage du SousComptoir, mais ne diminuaient pas l'avoir de son débiteur; que, par tous ces motifs, on arrive à cette conséquence que les actes du 31 mai et du 20 juin ont été légitimement demandés, valablement consentis, et qu'il n'y a pas lieu de les annuler.-Sur les actes de nantissement échelonnés du 26 mai au 20 juillet: Attendu que les livres du SousComptoir, régulièrement tenus, confirmés d'ailleurs par les reçus de Deluy frères, éta

sation de paiements;-Surla demande en nul-blissent que la somme de 191,200 fr. leur a

lité de l'hypothèque et de la cession: -Attendu
que ces actes, faits antérieurement à l'ouver-
ture de la faillite et rentrant, dès lors, sous
l'application des principes du droit commun,
ne peuvent être annulés que si, aux termes
de l'art. 1167, C. Nap., ils ont été faits en
fraude des tiers; -Attendu que la seule fraude
alléguée contre ces actes est celle qui résul-

été réellement comptée; qu'il importe peu que ces livres ne concordent pas avec ceux de Deluy frères, qui, faillis banqueroutiers simples, condamnés comme tels par la Cour, ne peuvent inspirer aucune confiance; qu'il n'importe pas davantage que les sommes remises par le Sous-Comptoir aient été employées à dégager des marchandises déjà resemble des créances du Sous-Comptoir l'en-toir a fait aux frères Deluy divers prêts, s'éle

mises en nantissement, et soient ainsi entrées dans sa caisse immédiatement; que, dès lors, ces nantissements, faits avant l'ouverture de la faillite. sont valables et doivent être maintenus avec tous les effets que les parties y ont elles-mêmes attachés; qu'un de ces effets doit être que le produit total de la vente demeure au SousComptoir, puisque celui-ci n'est pas intégralement payé, et puisque par l'acte du 20 juin, renouvelé par celui du 20 juillet, il avait été convenu que l'ensemble des nantissements s'appliquerait à l'ensemble des créances, sans tenir compte des affectations spéciales résultant des divers contrats; - Parces motifs, etc. >>>

POURVOI en cassation des sieurs Guilhem et autres.-1er Moyen. Violation des art. 437, C. comm., et 1167, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a refusé: 1o de reporter la faillite au 26 mai 1862; 2o d'annuler les actes intervenus entre le Sous-Comptoir et les frères Deluy postérieurement à cette date.

2a Moyen. Violation des art. 1134, 2074, 2075, 2082, 2093, C. Nap., en ce que le même arrêt, se fondant sur ce que les actes des 20 juin et 20 juill. 1862 avaient étendu à l'en

constate que la constitution d'hypothèque et la cession de créance consenties par les frères Deluy, au profit du Sous-Comptoir, par les actes du 31 mai et du 20 juin 1862, ont été provoquées par les détournements opérés par les frères Deluy sur les objets par eux remis en nantissement au Sous-Comptoir; que par ces actes, le Sous-Comptoir n'a pas cherché à améliorer sa situation et à se créer un avantage au détriment des autres créanciers, mais qu'il n'a fait qu'exercer le droit qu'il tenait de son contrat d'exiger un nouveau gage en remplacement de celui qui lui avait été soustrait; que, d'ailleurs, la stipulation de ces nouvelles garanties n'a pas eu pour mobile certain la crainte d'une faillite dont l'imminence n'était pas connue du SousComptoir; -Attendu qu'en refusant, dans ces circonstances, d'annuler les actes dont il s'agit comme faits en fraude des droits des autres créanciers, la Cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation des faits de la cause et n'a pu violer aucune loi;

Sur le deuxième moyen: - Attendu que l'arrêt attaqué constate que, par sept acies sous seings privés, dûment enregistrés et portant la date des 26 mai, 2 et 30 juin, 9 et 21 juillet, 5 et 14 août 1862, le Sous-Comp

semble des gages constitués à son profit, et considérant que le produit total de la vente de ces gages n'avait pas suffi à le désintéresser intégralement, a refusé de le condamner au paiement de la somme dont les marchandises données en nantissement des sept prêts faits entre le 26 mai et le 14 août 1862, excédaient l'importance de ces prêts.

On a soutenu que sila convention des 20 juin et 20 juillet pouvait créer au Sous-Comptoir un droit au regard des débiteurs, elle était impuissante à lui assurer aucun privilége vis-à-vis des tiers, et, conséquemment, des créanciers de la faillite, ce privilége ne pouvant prendre naissance que sous les conditions rigoureusement déterminées par la loi et qui sont écrites dans l'art. 2074, conditions qui, ici, n'étaient pas remplies.

ARRÊT.

LA COUR; -Sur le premier moyen du pourvoi:-Attendu, en ce qui concerne la violation de l'art. 437, C. comm., qu'il est établi, en fait, par l'arrêt attaqué, que, du 26 mai au 17 août, époque à laquelle a été fixée l'ouverture de la faillite, Deluy frères sont demeurés à la tête de leur commerce, qu'ils ont joui du crédit public, qu'ils ont effectué de nombreux paiements, qu'ils ont fait des négociations importantes, qu'ils n'ont laissé protester aucun effet, et qu'ils n'ont été l'objet d'aucune poursuite; -Qu'en décidant, en cet état des faits, qu'il n'y avait lieu de reporter au 26 mai l'ouverture de la faillite, l'arrêt attaqué, loin de violer le susdit article, en a fait une juste application;

Attendu, en ce qui concerne la violation de l'art. 1167, C. Nap., que l'arrêt attaqué

vant ensemble à la somme de 191,200 fr., dont chacun a été garanti par des nantissements de marchandises qui y sont spécifiées;-Que, par des conventions des 20 juin et 20 juill. 1862, également enregistrées, il a été convenu entre les parties que, pour parer, soit à la confusion qui pouvait naître entre les divers actes de nantissement, soit aux déficit qui pourraient exister, l'ensemble des nantissements ou les quantités existantes de chaque nantissement formeraient un seul et même gage affecté au remboursement de toutes les obligations souscrites par les frères Deluy ou qui seraient souscrites en renouvellement;

Attendu que ces conventions se référant aux actes spéciaux de nantissement qui contiennent la spécification des sommes dues et des marchandises remises en gage, se sont par là même approprié les indications que ces actes renferment à cet égard, et qu'ainsi elles satisfont aux prescriptions de l'art. 2074, C. Nap.;-D'où il suit qu'en décidant que, même à l'égard des tiers, le Sous-Comptoir avait un privilége sur l'ensemble des marchandises remises en gage pour la totalité de sa créance, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi; jette, etc.

Re

Du 24 déc. 1866. -Ch. civ. - MM. Troplong, prés.; Mercier, rapp.; Blanche, av. gén. (concl. conf.); Bosviel et Mimerel, av.

CASS.REQ. 17 décembre 1866.

PROPRIÉTÉ, LIMITES, PREUVE, POSSESSION, TOUR D'ÉCHELLE.

Lorsqu'il s'agit de déterminer entre deuх propriétaire voisins la limite exacte de leurs

1

propriétés que les titres respectifs seuls ne suffisent pas à fixer avec précision, et que, notamment, l'un de ces propriétaires prétend avoir droit à un tour d'échelle, les juges peuvent, pour reconnaître à celui-ci la propriété de la bande litigieuse, prendre en considération les signes extérieurs et les faits de possession, en tant que venant expliquer et corroborer son titre, et cela alors méme que ces signes n'auraient pas tous été maintenus d'une manière assez constante et que les faits de possession n'auraient pas été assez exclusifs pour lui faire acquérir la propriété sans titre et par la seule prescription (1). (C. Nap., 544, 1315, 1353.)

(Dubois C. de Luynes.)

Le duc de Luynes, se prétendant propriétaire d'un terrain servant de tour d'échelle, sis à Dampierre, lieu dit des Fontenelles, de un mètre de large sur environ 50 mètres de long, joignant la propriété des époux Dubois, et prétendant, en outre, que, depuis un certain temps, ceux-ci s'étaient permis de s'emparer, sans aucun droit, de ce terrain, de le cultiver et d'en récolter les fruits, les actionna devant le tribunal de Rambouillet pour voir ordonner qu'il serait maintenu dans la propriété dudit terrain. -Les défendeurs répondirent qu'ils étaient en possession du terrain dont le duc de Luynes revendiquait la propriété; que cette possession était confirmée par leurs titres indiquant que leur pièce de terre tient murs du parc de Dampierre et que le duc de Luynes devait justifier par ses titres de la propriété du terrain par lui revendiqué, justification qu'il ne faisait en aucune sorte.

aux

28 août 1863, jugement qui, après visite de lieux et enquête, accueille l'action du duc de Luynes en ces termes: - <<<Attendu qu'il résulte d'un procès-verbal de visite de lieux dressé par le président du tribunal le 10 août 1863, 1o que le plan cadastral de la commune de Dampierre, levé en 1819, indique entre le mur du parc du duc de Luynes et les prés voisins, au nombre desquels se trouvent ceux de la dame Dubois, un tour d'échelle qui porte les numéros 148 et 149, et que ces deux parcelles sont imposées à la matrice cadastrale sous le nom du duc de Luynes; 2° que le plan cadastral de la commune de Senlisse indique un tour d'échelle qui porte le numéro 298, et qui avoisine la porte dite de la Ferté; 3o que le plan et la matrice de la com

(1) Il a déjà été jugé que lorsque deux parties sont reconnues avoir eu chacune la possession d'un terrain litigieux, mais d'une manière insuffisante pour servir de base à la prescription, les juges peuvent, pour accueillir l'action en revendication formée par l'une des parties, se fonder sur de simples présomptions caractérisant mieux la possession de cette partie. V. Cass. 16 avril 1860 (P.1861.291.—S. 1860.1.801), et les ar

mune de Saint-Georges indiquent, sous le numéro 298, un tour d'échelle pour lequel le duc de Luynes est imposé; - Attendu, en outre, qu'il résulte des documents de la cause que la plupart des propriétaires voisins de ces bandes de terrain reconnaissent formellement qu'elles appartiennent au demandeur comme tour d'échelle; - Attendu que le procès-verbal du 10 août 1863 constate, en outre, sur la commune de Senlisse, au droit des héritages des sieurs Momenceau, Lamy, Bordeaux et Leroux, un tour d'échelle apparent d'un mètre de largeur; - Attendu qu'il résulte du plan fourni par le demandeur, et dressé d'après le cadastre, qu'en dehors des bandes de terrain susindiquées, le parc est borné: 1o sur la commune de Dampierre, par plusieurs jardins sur lesquels il n'existe pas de tour d'échelle apparent, et par des voies publiques; 2o sur la commune de Senlisse, par des terres appartenant au duc de Luynes; 3o sur la commune de Choisel, par des chemins publics, par des terres appartenant au duc de Luynes, et par le domaine de Mourière dont le propriétaire reconnaît le droit du demandeur à un tour d'échelle;-Attendu quede l'ensemble de ces faits, il ressort qu'un tour d'échelle existe en dehors et comme dépendance du parc de Dampierre; - Attendu que d'autres circonstances viennent corroborer ce droit à un tour d'échelle; qu'ainsi partout les murs ont deux égouts; que des arbres séculaires sont plantés à un mètre desdits murs; que, notamment, une longue avenue, reconnue dans le procès-verbal de visite des lieux exister le long des prés, au nombre desquels se trouvent ceux de la dame Dubois, est plantée à cette distance; que les branches des arbres s'étendent à plus de deux mètres au dehors des murs; que les bornes, plantées contradictoirement avec différents propriétaires de prés, l'ont été à un mètre des murs du parc; - Attendu que s'il existe, ainsi que le procès-verbal du 10 août le constate, sur les héritages des sieurs Thibault, Lamontagne, Verdillon et de la dame Dubois, des arbres anciens plantés le long des murs du parc à une distance moindre que la distance légale, la conservation de ces arbres, peu nombreux et irrégulièrement plantés, doit être attribuée à une tolérance qui résulte, en ce qui concerne les arbres du sieur Verdillon, de la déposition de ce témoin, lequel a déclaré dans l'enquête que le régisseur du duc de Luynes lui avait indiqué lui-mème la place où il a planté des

rêts cités en note. V. aussi Cass. 11 nov. 1861 (P.1862.628.-S.1862.141). - Mais lorsqu'une partie a la possession exclusive d'un terrain litigieux, cette possession et la présomption de propriété qui en résulte ne peuvent, quelque modique que soit la valeur du terrain, céder qu'à un titre de propriété ou à la prescription: V. Cass. 10 janv. 1860 (P.1860.847.-S.1860.1.340), et les indications jointes à cet arrêt.

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