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Du 6 fév. 1867.-C. Besançon, ch. réun. -MM. Loiseau, 1er prés.; Blanc, proc. gén.; Lamy et Oudet, av.

PARIS 4 août 1866

CONSEIL JUDICIAIRE, FEMME MARIÉE. Sous quelque régime qu'elle soit mariée, la femme peut, sur la demande de son mari, être pourvue d'un conseil judiciaire (1). (C. Nap., 513.)

(B... C. B...)

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Le 1 mars 1866, jugement du tribunal civil de Sens qui le décidait ainsi en ces termes: << En droit : Attendu qu'aux termes de l'art. 513, Code Napoléon, il peut être défendu au prodigue de plaider, transiger, emprunter, et ce sans l'assistance d'un conseil judiciaire; que cette disposition de la loi a pour but de prévenir, non-seulement la ruine du prodigue lui-même, mais encore et surtout, lorsqu'il est père de famille, la ruine de ses enfants;-Attendu que la loi n'a point fait d'exception en ce qui concerne les femmes mariées; Qu'en conséquence l'art. 513 leur est applicable;-Attendu, en effet, qu'en supposant que dans le cours du mariage la femme soit suffisamment protégée contre les entraînements de la prodigalité par la surveillance et le pouvoir du mari, il n'en est pas de même dès qu'elle devient veuve; qu'il peut donc être essentiel, dans son propre intérêt et dans celui de ses enfants, de prendre à cet égard, du vivant même du mari, les précautions que la loi elle-même a prescrites; Attendu en outre qu'aux termes de l'art. 499 du même Code, les tribunaux peuvent aussi nommer un conseil judiciaire au majeur qui se trouve dans un état de démence tel que l'interdiction de ce majeur ne saurait être prononcée, et assez accusé cependant pour faire craindre que ce majeur ne se laisse trop facilement entraîner à des actes qui le conduiraient à sa ruine; En fait : Attendu qu'il résulte des faits et circonstances de la cause que la dame B... est habituellement en proie à une sorte de vertige qui ne lui permet de mesurer exactement ni la moralité de ses actes, ni la portée de ses paroles, ni l'étendue et les

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(1) La jurisprudence et la doctrine se sont déjà prononcées dans le sens de la dation, pour cause de prodigalité, d'un conseil judiciaire à la femme mariée commune ou séparée de biens. V. la note jointe à un arrêt de Paris du 13 oct. 1863 (P. 1864.948. S.1864.2.193), lequel décide que la dation d'un conseil judiciaire à une femme mariée n'a pas pour effet d'enlever au mari l'administration des biens de celle-ci, ni aucun des droits qui se rattachent à cette administration. V. aussi MM. Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 1, § 248, note 5, p. 487; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 1, § 138, p. 506, texte et note, 9.

conséquences de ses engagements ;-Qu'elle se livre, par suite de cet état d'esprit, à des dépenses hors de proportion avec ses ressources et qu'il y a lieu de craindre que, si elle se trouvait un jour abandonnée à ellemême, elle ne dilapidât en peu de temps toute sa fortune;-Fait défense à la femme, B... de plaider, transiger, emprunter, recevoir un capital mobilier et en donner décharge, d'aliéner ni de grever ses biens d'hypothèques, sans assistance de B.., que le tribunal délégue pour être son conseil judiciaire. >>

Appel par la dame B...

ARRÊT.

LA COUR; Considérant que le mari, expressément autorisé par l'art. 490, C. Nap., à demander l'interdiction de sa femme, peut à plus forte raison provoquer contre elle la nomination d'un conseil judiciaire, quel que soit le régime du contrat de mariage;-Considérant que si ces mesures peuvent être le plus souvent inutiles dans les conditions ordinaires, il appartient aux tribunaux d'apprécier les dangers auxquels la femme est exposée et la protection qui lui est nécessaire indépendamment de celle du mari; que l'autorité maritale peut disparaître instantanément, et qu'il suffirait d'un intervalle de quelques jours pour compromettre ou dissiper le patrimoine de la famille; - Considérant qu'il est établi par les faits et documents de la cause que l'appelante s'est livrée à des dépenses excessives et à des actes de prodigalité; galité; Confirme, etc.

Du 4 août 1866. MM. C. Paris, 1re ch. Devienne, 1 prés.; de Vallée, 1er av. gén.; Desmarest et Taillandier, av.

NIMES 20 juillet 1866.

RAPPORT A SUCCESSION, REVENUS, ECONOMIES. Les libéralités faites par une mère à l'un de ses enfants sont sujettes à rapport, bien qu'elles ne soient prises que sur ses revenus, si ces revenus n'ont pas été donnés au fur et à mesure de la perception, mais après leur capitalisation (2). (C. Nap., 843, 852 et 856.) un Main Ex ha ing of saltos gained

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(2) Il est généralement admis que la faculté qui appartient au père de famille d'avantager un ou plusieurs de ses enfants au moyen de ses revenus, est restreinte au cas où ces avantages excessifs n'auraient pas, soit empêché le père de remplir ses obligations vis-à-vis des autres enfants, soit diminué son patrimoine; or, il y a évidemment diminution du patrimoine lorsque le père de famille se dessaisit de revenus économisés et transformés en capitaux. V. comme analogues, dans le sens de l'arrêt que nous recueillons, Toulouse (et non Lyon), 22 janv. 1840 (P.1840.1. 607); 5 fév. 1842 (P. 1842.2.111) et 20 nov.

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(Dalverny C. Crégut.) ARRET.estre LA COUR; Attendu qu'en admettant, par application de l'art. 856, C. Nap., que toute personne puisse de son vivant disposer de ses revenus ainsi et comme elle l'entend, même au profit de ses successibles, sans que les autres cohéritiers soient fondés à en demander le rapport, c'est à la condi. tion que ces revenus n'auront pas été capitalisés, et aussi que le patrimoine du donateur n'aura pas été amoindri ou diminué; Or, en fait, attendu que de toutes les circonstances de la cause il résulte la preuve que les revenus dont Crégut demande le rapport à Dalverny n'ont pas été donnés à cêlui-ci par sa mère au fur et à mesure de la perception qu'elle en a faite, mais qu'ils ont été, après capitalisation, l'objet d'une libéra

1863 (P.1864.220.-S.1864.2.7); Montpellier, 11 juin 1846 (P.1846.2.244.-S.1848.2.114), 31 déc. 1863 et 4 juill. 1865 (S.1866.2.186.P.1866.722); Lyon, 24 juin 1859 (P.1860.650. -S.1860.2.17), et les notes jointes à ces arrêts. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire, d'après certains auteurs, que la capitalisation ait été faite père de famille; il y a lieu au rapport

Youtes les fois que des revenus ont été abandon

nés à un enfant, non pour être annuellement consommés, mais pour former, par leur accumulation, un capital, par exemple pour compléter la dot en argent qui lui a été constituée. V. MM. Duranton, t. 7, n. 374; Marcade, sur l'art. 856, n. 2; Demolombe, Success., t. 4, n. 438.

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(1) L'individu qui se fait servir à boire et à manger sans avoir le moyen de payer ne commet une escroquerie qu'autant qu'il emploie pour obtenir la remise d'objets de consommation les manœuvres frauduleuses constitutives de ce délit. V. Rép. gén. Pal. et Supp., v° Escroquerie, n. 168 et suiv.; Table gén. Devill. et Gilb., eod. verb., n. 84 et 85-11 est certain aussi, comme l'avion déclaré aré dans l'espèce les premiers juges, que ne saurait voir dans ce même fait un abus de confiance. Enfin, on reconnait généralement qu'il ne constitue ni vol, ni même larcin ou filouterie (le larcin et la filouterie n'étant qu'une variété du vol accomplie avec adresse), alors que la chose enlevée à autrui n'a pas été soustraite, c'est-àdire appréhendée contre le gré ou à l'insu du propriétaire, V. Cass. 7 janv. 1864 (P.1864.843.S.1864.1.242), et les arrêts cités tant dans la note que dans le rapport de M. le conseiller Faustin-Hélie qui a précédé cet arrêt. C'est cette dernière règle que le tribunal correctionnel, dans notre espèce, avait appliquée à tous les faits de la cause, mais que la Cour de Paris a restreinte seulement à la consommation effectuée. 22 quo Cette restriction est-elle justifiée par ces mo tifs Que les quatre cigares placés devant le

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prévenu, ne lui avaient pas été vendus, qu'il n'avait que le droit de les consommer, et qu'en s'en emparant, sans en solder le prix il s'était emparé de la chose d'autrui ? Nous ne le pensons pas. Si les cigares placés devant le prévenu ne lui étaient

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pas vendus, ils restaient assurément la chose d'autrui; mais alors on peut se demander d'où procéderait le droit, ou seulement, en fait, la faculté, de les consommer que l'arrêt reconnaît au prévenu. Il ne suffit pas, pour constituer le vol, que l'objet volé soit demeuré la propriété d'autrui et que celui qui s'en est emparé n'en ait point payé le prix; il faut de plus, et c'est là le caractère essentiel du délit, que ce soit à l'insu et contre le gré du propriétaire que la possession de cet objet ait passé en d'autres mains. C'est ce que la Cour néglige d'établir; et nonseulement elle n'établit pas l'ignorance ou la résistance du propriétaire, quant à la transmission de la possession, ou, si l'on veut, de la propriété, mais elle reconnaît au prévenu le droit de consommer sur place! N'y a-t-il pas là une sorte de contradiction; et le droit de consommer se peut-il concevoir sans une sorte de convention tacite émanée du libre gré du marchand et attestée par la remise spontanée aux mains du consommateur des objets à consommer? Or, ce fait, de la part du marchand, de se dessaisir sciemment et volon

tairement d'objets qu'il livre à celui qui se présente, pour être consommés en tout ou en partie, moyennant un prix sous-entendu, mais présumé accepté, est absolument exclusif de l'appréhension de la part de ce dernier, de la contrectatio, sans laquelle il ne saurait y avoir de vol punissable. Il n'y a pas, sans doute, vente parfaite, accomplie, par le seul fait de cette offre du marchand, mais il y a plus qu'une simple exposition en vente, il y a proposition sérieuse de vente, avec livraison anticipée au consommateur, pour le cas où il lui plairait d'accepter et de se rendre ainsi définitivement acheteur.

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C'est là un contrat innomé, unilatéral, puisque, émanant de la seule volonté du marchand, il ne contient engagement que de sa part. Mais si le consommateur prend livraison, et manifeste ainsi son adhésion à la proposition qui lui est faite, que: il y accord, sur la chose et sur le prix, la à l'instant, même le contrat devient synallagmativente est parfaite; les contractants ne peuvent plus dépendre, pour le règlement des différends nés de leur convention, que de la juridiction ci

(Belfiore-Londey).

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Un jugement du tribunal correctionnel de la Seine du 29 janv. 1866 avait décidé le contraire dans les termes suivants :-«Attendu qu'il est constant que Belfiore-Londey s'est présenté, le 24 janv. 1866, dans l'établissement dit lé café de la Paix, et s'est fait servir une tasse de café et cinq cigares;-Qu'après avoir consom méla tasse de café, et avoir allumé un cigare, le prévenu s'est retiré précipitamment en emportant quatre cigares, sans payer ces différentes consommations; Mais attendu que ce fait ne constitne pas un vol, puisque ces cigares ont été remis par le restaurateur à Belfiore-Londey; Que conséquemment il n'y a pas euappréhension frauduleuse rentrant dans les termes de l'art. 401; -Mais attendu qu'il reste à apprécier si le fait visé n'est pas constitutif d'un autre délit, et notamment de l'abus de confiance ou de l'escroquerie ; Qu'il ne peut constituer un abus de confiance, puisque les cigares n'ont été l'objet ni d'un louage, ni d'un dépôt, ni d'un mandat, ainsi que le prescrit l'art. 408; Attendu qu'il ne réunit pas davantage les caractères de l'escroquerie, puisque le fait de se présenter dans un café et de se faire donner des cigares ne peut être considéré comme une manœuvre frauduleuse; Que le fait commis par Belfiore-Londey, quelque blâmable qu'il pût être, ne constitue point un délit prévu par le Code pénal; renvoie, etc. »

Appel pour le ministère public.

ARRÊT.

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café et mis cinq cigares devant lui, sur la table; Que Belfiore-Londey, après avoir consommé le café et un cigare, s'est retiré de l'établissement en mettant dans sa poche les quatre cigares qui restaient sans les payer; Qu'arrêté aussitôt, il a été trouvé nanti desdits cigares et qu'il n'était détenteur d'aucune somme d'argent pour payer sa consommation et les cigares; Que ce fait constitue le délit de vol prévu par les art, 379 et 401, C. pén.; Qu'en effet ces cigares placés devant lui ne lui avaient pas été vendus; Qu'il n'avait que le droit de les consommer, mais qu'en s'en emparant sans en solder le prix il s'est emparé de la propriété d'autrui ;-Considérant que l'intention frauduleuse ressort de tous les faits de la cause, notamment de sa fuite et de son manque absolu d'argent; Que Belfiore-Londey s'est ainsi rendu coupable du délit prévu et puni par l'art. 401, C. pén.; — Infirme, etc. Du 1er mars 1866.-C. Paris, ch. corr.MM. Saillard, prés.; Dupré-Lasale, av. gén.

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RIOM 12 mars 1866.

EAUX MINÉRALES, MÉDECIN INSPECTEUR,
TRAITEMENT, COMPÉTENCE.

Les rétributions imposées aux propriétaires d'eaux minérales pour le traitement du médecin inspecteur nommé par l'administraLetion, ont le caractère d'un impôt direct re

LA COUR; Considérant qu'il résulte de l'instruction et des débats que, le 24 janvier 1866, à Paris, Belfiore-Londey s'est présenté au café de la Paix et qu'on lui a servi du

vile.- Vainement dirait-on que la vente était subordonnée au paiement du prix, et qu'à défaut de paiement la convention est restée imparfaite. Le non-paiement pourra donner au vendeur trop confiant une action contre son acheteur, mais ne saurait constituer à lui seul un élément de vol, la livraison ne cessant pas pour cela d'être volontaire. Et quant à la circonstance que cette livraison n'était faite qu'en vue d'une consommation immédiate et sur place, elle aurait encore, ce nous semble, moins d'influence sur la solution de la question, en ce que, simple accessoire de la livraison volontaire, elle est moins évidemment sous entendue entre les parties, et est volontiers négligée, d'ailleurs, par l'acheteur, qui emporte assez souvent quelques-uns des objets de consommation qui lui sont présentés.-Nous ne pouvons donc accepter la doctrine consacrée dans notre espèce par la Cour de Paris; celle à laquelle s'était rattaché le tribunal correctionnel est, à nos yeux, la seule juridique.

(1) L'art. 18 de la loi du 14 juill. 1856 (V. P. Lois, décrets, etc., de 1856, p. 158.-S. Lois annotées de 1856, p. 92), dit formellement que le recouvrement de la somme nécessaire pour

couvrable par la voie des rôles administratifs, En conséquence, c'est à l'autorité administrative et non à l'autorité judiciaire qu'il appartient d'assurer l'exécution d'un arrêté préfectoral qui alloue à un médecin inspecteur d'eaux thermales un traitement à la charge du propriétaire de l'établissement (1). (L. 14 juill. 1856; décret 28 janv. 1860.)

couvrir les frais d'inspection médicale et de surveillance des établissements d'eaux minérales, a lieu, comme en matière de contributions directes, sur les propriétaires, régisseurs ou fermiers des établissements.-L'art. 32 du décret du 28 janv. 1860 (P. id., 1860, p. 16.-S. id., 1860, p. 10), dit également que l'arrêté du ministre du commerce qui détermine la part de chaque établissement dans les frais d'inspection et de surveillance est transmis au ministre des finances, qui est chargé de poursuivre le recouvrement des sommes pour lesquelles chaque établissement est imposé. De ces dispositions il résulte, non-seule ment que l'autorité judiciaire est sans compétence pour apprécier le débat qui s'élèverait, quant an paiement du traitement alloué par l'administration, entre le médecin inspecteur ou le propriétaire de l'établissement soumis à sa surveillance, mais même que ce médecin n'a aucune action directe contre ce propriétaire : c'est à l'administration qu'il doit s'adresser; et l'administration qui, seule, est sa débitrice, est elle-même seule créancière du propriétaire de l'établissement, et a seule le droit, en cas de refus de paiement, de le poursuivre par les voies administratives.

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(Brosson C. Aguilhon.) Un jugement du tribunal de Riom, du 11 mai 1865, avait résolu la question en sens contraire par les motifs suivants : «<< Attendu que, par arrêté du 24 juin 1841, le docteur Aguilhon: a été nommé médecininspecteur des eaux minérales de Châtelguyon; qu'en cette qualité, il a, depuis 1852, à plusieurs reprises, demandé au sieur Brosson, propriétaire d'un établissement thermal assez important à Châtelguyon, qu'il exploite par lui-même, le paiement du traitement auquel il a droit comme médecininspecteur d'esdites eaux minérales; que le sieur Brosson s'étant constamment refusé à effectuer ce paiement, le docteur Aguilhon l'a assigné devant le tribunal pour s'entendre condamner à lui payer une somme de 2,500 fr., pour son traitement d'inspecteur, pendant cinq années, à raison de 500 fr. par an; Attendu que Brosson décline d'abord la compétence du tribunal, et très-subsidiairement demande que le docteur Aguilhom soit déclaré non recevable en ses prétentions; En ce qui a trait à la compétence: Attendu qu'aux termes des arrêtés des 3 for. an 8 et 6 niv. au 11, l'inspecteur des établissements thermaux a droit à un traitement qui est à la charge des propriétaires desdits établissements;- Attendu qu'aux termes de la loi du 18 juin 1823, le traitement de l'inspecteur doit être dans certains cas fixé par le préfet; Attendu que, jusqu'en 1856, aucune loi, aucune décision même administrative n'a indiqué un mode spécial de recouvrement des traitements dont s'agit; que, par suite, ceux à qui ils étaient dus ne pouvaient faire autre chose que de recourir au droit commun, que de s'adresser aux tribunaux civils ayant seuls qualité, en matière ordinaire, pour contraindre à un paiement, à l'exécution d'une obligation;-Attendu qu'en dehors des tribunaux, les médecins-inspecteurs n'avaient évidemment aucun moyen de se faire payer; qu'une loi créant un droit à leur profit et indiquant celui sur qui devait peser l'obligation corrélative de ce droit, on ne saurait prétendre que les tribunaux civils seraient incompétents; que leur mission est, au contraire, de forcer à l'exécution des obligations imposées par la loi, et que leur compétence ne peut être repoussée que dans les cas où, dérogeant au droit commun, le législateur a donné mission à une autre autorité de faire exécuter telle ou telle loi; que, dans l'espèce, au moins jusqu'en 1856, on ne saurait soutenir qu'aucune autre autorité ait été chargée de faire exécuter les lois dont il s'agit; que, par conséquent, cette exécution appartient à la juridiction ordinaire; Attendu que la loi du 14 juillet 1856 et le décret du 28 janv. 1860 sont, il est vrai, de la part du législateur, une manifestation du désir de faire cesser les inconvénients qui peuvent résulter du paiement direct des inspecteurs par

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les propriétaires ou fermiers des établissements auxquels ils sont attachés ; mais qu'on ne saurait voir dans cette loi ou dans cet arrêté autre chose qu'une manifestation d'intention, puisque, au moins en tout ce qui a trait aux établissements privés, les lois de finances, indispensables à leur mise en pratique, à leur exécution, n'ont pas été votées;

Attendu que, par suite, il importe peu que la loi de 1856 et plus tard le décret de 1860, aient dit que les traitements des inspecteurs seraient payés au moyen d'un rôle comprenant d'une manière générale l'ensemble de ces établissements, et dont le recouvrement aurait lieu comme en matière d'e contributions directes, en vertu d'une loi de finances; qu'il est constant, en fait, que l'impôt destiné à assurer le paiement des inspecteurs n'a pas été voté, au moins en ce qui a trait aux établissements privés, de la nature de celui de Châtelguyon; qu'aucun rôle n'a jamais été créé et que Brosson n'a jamais rien eu à payer à ce titre; que, par suite, on ne saurait soutenir que les lois antérieures ont été abrogées; qu'elles ne le seront qu'au moment où les lois et mesures administratives, devant compléter la loi de 1856, auront été promulguées, et pour l'avenir seulement; que, comme conséquence forcée, jusque-là l'ancienne législation doit conserver tous ses effets, sous peine de priver les inspecteurs de toute espèce d'action, ce qui serait un véritable déni de justice; que c'est ainsi que l'a entendu S. Exc. M. le ministre de l'agriculture et du commerce, ainsi qu'il résulte des documents produits, et que c'est ainsi que les choses se sont pratiquées et se pratiquent encore dans les établissements privés; Par ces motifs, etc. » Appel par le sieur Brosson.

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LA COUR; Sur le déclinatoire rationemateria, opposé par l'appelant à la demande de l'intimé: Attendu que le régime des eaux thermales a toujours été, à juste titre, considéré en France comme un des plus importants objets de la sollicitude administrative, et qu'une inspection périodique ou permanente a toujours été aussi tenue pour une des conditions essentielles de ce régime; Attendu, d'autre part, que les hommes de l'art chargés de cette inspection devaient être nécessairement revêtus d'une délégation de la puissance publique, qui assurât leur propre autorité; qu'en effet, l'arrêté du gouvernement du 29 flor. an 7, attribuait leur nomination au directoire exécutif; que l'ordonnance royale du 7 juill. 1823, régulatrice de cette matière avant la législation actuelle, remettait cette nomination au ministre de l'intérieur, et que le décret du 28 janv. 1860 l'a confiée au ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics;

Attendu que ce caractère officiel des médecins-inspecteurs imprimait, par la nature des choses, celui de traitement ou d'appoin

tement à la rétribution de leurs soins; que telles sont, en effet, les expressions employées par l'arrêté directorial du 3 flor. an 8 (art. 10), l'ordonnance précitée de 1823 (art. 7), le décret de 1860 (art. 7) et les lois de finances; que, par suite, la fixation de ces traitements a toujours appartenu à l'administration publique, comme on le voit dans les règlements visés ci-dessus;; Attendu, toutefois, que ces rémunérations ont été mises à la charge des établissements inspectés, el proportionnées à leurs produits; mais que celle mesure, qui exonérait le trésor public en plaçant la charge là où était le service rendu, n'a pas changé la nature de ces rémunérations; que, du reste, les plus impérieux motifs de prudence et de dignité ne permettaient pas de faire payer directement les traitements aux mains des inspecteurs, par les propriétaires des eaux minérales soumises à l'inspection; Attendu, en effet, que, depuis nombre d'années, les lois dé finances ont classé parmi les perceptions spécialement autorisées par elles celles des retributions imposées en vertu des arrétés du gouvernement du 3 flor. an 8, et du 6 niv. an 11, sur les établissements d'eaux minérales naturelles, pour le traitement des médecins chargés par le gouvernement de les inspecter; que l'ordonnance de 1823 rappelle même les lois de finances des 17 août 1822 et 10 mai 1823; qu'en 1829, la même autorisation législative fut étendue à ce qui regarde l'inspection des eaux minérales artificielles, et que les deux objets furent compris dans une même énonciation; que des lois de finances subséquentes, notamment celles de 1832 et 1841, ont assimilé le recouvrement de ces rétributions à celui des contributions directes; que, plus tard, les taxes de ce genre ont été et sont aujourd'hui classées parmi les perceptions au profit du département, des communes, des établissements publics, etc.; que cette énonciation ne peut être restreinte aux établissements d'eaux minérales non privés, comme le prouvent la généralité des termes rapportés cidessus et les précédents résumés plus haut;

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presque tous les documents administratifs, soit généraux, soit particuliers, produits dans la cause, notaniment des circulaires ministérielles des 29 janvier 1840, 2 déc. 1862, 17 août 1863, et préfectorales des 7 sept 1860, 15 juill. 1861, 16 sept. 1862, 4 mai 1864, toutes pièces officielles desquelles il résulte uniformément que, jusqu'à la mise à exécution de la loi de 1856, l'administration aurait à suivre les règlements et le mode observés jusque-là, en pourvoyant, provisoirement, par voie d'autorité, à ce que les traitements des médecins leur fussent payés au moyen d'un recouvrement intermédiaire sur les propriétaires d'eaux minérales; que Bros son justifie même de l'application de ce pro cédé administratif à son établissement d'Hau terive, par des arrêtés du préfet de l'Allier, en 1845, et par l'émission d'un rôle d'impo sition spéciale; Attendu, par suite. que la loi du 14 juill.1856 et le décret du 28 janv. 1860 n'ont point innové à cet égard, mais ont eu seulement pour objet d'imprimer plus de régularité à cette branche de l'adminis tration en la transportant des préfets au gouvernement lui-même, et de faire cesser ainsi les inconvénients signalés par de rapport ministériel à l'Empereur, sur le décret précité de 1860, «d'un paiement direct, dans un grand nombre de cas, des traitements aux ayants droit par les propriétaires ou fermiers; » qu'il suit de cette énonciation même, que le paiement direct était un abus dès avant la réglementation nouvelle ; que, du reste, l'intimé lui-même s'est plusieurs fois adressé à l'administration pour se faire payer ce qu'il réclamait de l'appelant, et que c'est en dernier lieu seulement qu'il a intro duit une action judiciaire; Attendu, en résumé, que la rétribution imposée aux propriétaires d'établissements d'eaux minerales naturelles ou artificielles a toujours eu, en principe, et dans la saine pratique, le caractère d'un impòt direct recouvrable par la voie de rôles administratifs; qu'il n'y a jamais eu entre le régime abrogé par l'art. 20 de la loi du 14 juill. 1856, et la mise en activité de cette loi, un interrègne rendant Attendu, d'ailleurs, que la pratique fi- le droit commun applicable; que, du reste nancière était en ce sens, même avant le et au besoin, l'art. 18 de la loi de 1856 régime nouveau créé par la loi de 1856 et le pourrait être appliqué, cette loi étant exé décret de 1860; que le recouvrement des cutoire depuis sa promulgation; que, par rétributions était effectué par les receveurs suite, ce n'est point aux tribunaux ordinaires municipaux sur le rôle desquels elles étaient qu'il peut appartenir d'assurer, dans l'espèce, portées, et que le produit en était remis aux l'exécution de l'arrêté du préfet du Puy-demédecins-inspecteurs sur mandats du préfet Dôme, en date du 17 mai 1864, qui alloue au de police à Paris, et des maires dans les docteur Aguilhon une somme de deux mille départements; que tout contact fâcheux était cinq cent francs de traitement à la charge ainsi prévenu entre l'inspecteur et l'inspecté, de Brosson; que, décider autrement, ce seet que, s'il se produisait des faits contraires, rait entreprendre sur les fonctions adminisc'était par un relâchement des règles éta-tratives, et qu'ainsi le déclinatoire proposé blies; - Attendu, en effet, que la circulaire doit être accueilli ; Par ces motifs, etc. ministérielle du 5 mars 1829 énonce formel- Du 12 mars 1866. C. Riom, ch. corr. lement ces mêmes règles comme devant être MM. Ancelot, prés.; Caresme, 1er av suivies ; que les traités spéciaux sur cette gén.; Nony et Goutay fils, av. Coll up moitin matière les indiquent aussi comme existantes; qu'elles ressortent également, de tous tourg am 90-ansh

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