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CASS.-REQ. 6 mai 1867. TRANSCRIPTION, LOYERS, CESSIONS ET PAIEMENTS ANTICIPÉS, CRÉANCIERS HYPOTHĖ–

CAIRES.

Depuis la loi du 23 mars 1855 sur la transcription, les quittances ou cessions de loyers ou fermages non échus peuvent, même en l'absence de toute transcription, et alors d'ailleurs que, consenties sans fraude, elles

(1) C'était, comme on sait, avant la loi du 23 mars 1855, une question très-controversée que celle de savoir si les paiements de loyers d'immeubles faits par anticipation à un débiteur saisi, étaient ou non opposables à ses créanciers hypothécaires. Pour résoudre cette question négativement, certains auteurs s'appuyaient sur cette double idée : 1o que l'hypothèque confère au créancier un droit réel sur l'immeuble et sur les fruits; 2° que le propriétaire ne peut diminuer à son gré la valeur du gage immobilier. Dans l'opinion contraire, on répondait que l'hypothèque ne peut, par elle-même, porter aucune atteinte au droit du propriétaire sur les fruits de l'immeuble; qu'elle laisse à celui-ci, dans toute sa plénitude, le droit de jouir de sa chose et de l'administrer; d'où il suit que, tant que l'hypothèque n'est pas mise en mouvement, les actes de jouissance et d'administration sont opposables aux créanciers quels qu'ils soient. C'est en ce dernier sens, au reste, que se prononçaient le plus généralement les auteurs et la jurisprudence, alors du moins qu'il s'agissait de paiements faits sans fraude et ayant acquis date certaine antérieurement à la transcription de la saisie. V. les renvois et annotations sous les arrêts de la Cour de cassation des 22 fév. 1854 (P.1855.2.435. .S.1854.1. 692), et 23 mai 1859 (P.1859.769.-S.1860.1. 72).

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Cette controverse n'a plus maintenant qu'un intérêt historique. En effet, la loi du 23 mars 1855, sur la transcription, a déterminé, en semblable matière, la limite qui sépare les actes d'aliénation de ceux de simple administration; en soumettant à la transcription tous les actes et jugements constatant quittance ou cession d'une somme équivalente à trois années de loyers ou fermages non échus, et èn exemptant, par cela même, de l'accomplissement de cette formalité les cessions ou quittances anticipées de sommes inférieures à trois années de fermages ou loyers, l'art. 2 de cette loi a nécessairement reconnu à ces derniers actes le caractère de simples actes d'administration demeurés dans les pouvoirs du propriétaire malgré l'existence d'hypothèques, et dès lors, opposables aux créanciers inscrits, sauf, bien entendu, le cas de fraude. C'est ce qu'enseignent notamment MM. Flandin, Transcript., t. 2, n. 1279, et Pont, Priv. et hyp., n. 366 et suiv. C'est aussi ce que juge en termes formels l'arrêt que nous recueillons.

Un point, néanmoins, divise les auteurs. Supposons qu'un fermier excipe d'un acte portant quittance anticipée de quatre années de loyers, et non transcrite; si le défaut de transcription lui est reproché, pourra-t-il du moins prétendre que l'acte, ANNÉE 1867.-6° LIV.

représentent moins de trois années de ces loyers ou fermages, être opposées aux créanciers hypothécaires, sans distinction entre les créanciers inscrits antérieurement et ceux inscrits postérieurement à leur date (1). (L. 23 mars 1855, art. 2.)

(Tesseire et autres C. Jannet.)

Le sieur de Verdillon a vendu à la veuve Jannet un immeuble dont le prix, s'élevant

non opposable aux créanciers hypothécaires dans son entier, vaudra du moins vis-à-vis d'eux jusqu'à concurrence d'une somme inférieure à trois années, par exemple pour deux années? M. Troplong, Transcript., n. 209, enseigne la négative.

Ces cessions ou quittances, dit-il (celles équivalentes à trois années), ne sont pas même réductibles à moins de trois ans, parce que, bien différentes des longs baux qui ne sont tout au plus qu'une gêne, elles sont présumées suspectes. Aussi l'art. 3 de la loi du 23 mars 1855, après avoir dit que les longs baux, non transcrits, ne pourront jamais être opposés pour une durée de plus de dix-huit ans, se garde-t-il bien de dire, pour les cessions ou remises de trois ans et plus, non transcrites, qu'on les réduira au-dessous de ce temps. Ce silence n'est pas l'effet d'un oubli; il est au contraire le résultat d'une sage prévision du législateur; l'acte, ayant un caractère suspect pour le tout, ne saurait être maintenu pour partie sans une évidente contradiction. V. aussi conf., MM. Sellier, Transcript., n. 92; Verdier, id., t. 2, n. 399; Mourlon, id., t. 2, n. 503.Mais cette opinion est repoussée par M. Flandin, loc. cit., qui en critique radicalement la base. Suivant cet auteur, qui s'autorise des termes du rapport présenté au Corps législatif par M. Debelleyme, ce n'est pas, ainsi que le prétend M. Troplong, comme frappés de suspicion que les paiements anticipés qui atteignent ou dépassent trois années de loyers, ont été assujettis à la transcription; c'est parce que l'existence de pareils actes affecte la valeur de la propriété, son utilité, son produit, de telle sorte qu'il y a, pour l'acheleur ou prêteur sur hypothèque, un légitime intérêt à les connaître. Aussi, M. Flandin dit-il que comme il n'existe, ni dans l'exposé des motifs de la loi de 1855, ni dans le rapport, ni dans la discussion, rien qui témoigne de la pensée qu'aurait eue le législateur d'annuler pour le tout, respectivement aux tiers, de pareilles quittances ou cessions anticipées non transcrites, on doit en conclure qu'elles sont simplement réductibles au taux autorisé par la loi sans nécessité de transcription. Tel paraît être aussi l'avis de M. Pont (n. 367). La transcription seule, dit cet auteur, permettra d'opposer aux tiers les quittances et cessions dont il s'agit (de trois années), et à défaut de transcription, elles ne seront opposables que pour une somme équivalente à trois années de fermages ou loyers, (L'auteur a voulu dire à moins de trois années. ») V. aussi conf. à cette dernière opinion, MM. Lesenne, Transcript., n. 80; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 2, § 286, note 21, p. 867.

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à 210,710 fr., a été stipulé payable au vendeur ou à ses créanciers inscrits. Il était déclaré dans l'acte :1° que deux des locataires de l'immeuble vendu avaient avancé sur les loyers à échoir, et à titre de garantie, ensemble une somme de 4,900 fr.; 2° que, de plus, diverses cessions de loyers à échoir avaient été faites par le vendeur; celui-ci s'engageait à rapporter la rétrocession de ces loyers, et il était stipulé que, s'il en était dont la rétrocession ne fût pas rapportée avant l'époque fixée pour le paiement du prix, le montant des cessions non rétrocédées serait déduit sur ce prix, et qu'il en serait de même des sommes avancées sur les loyers à échoir. Enfin, l'acte de vente énonçait que l'immeuble vendu était hypothéqué au Crédit foncier pour une somme de 100,000 francs, et qu'à défaut de paiement de ladite somme, déjà le Crédit foncier avait signifié un commandement, transcrit au bureau des hypothèques et valant saisie (Décr. 28 fév. 1852, art. 33).- La dame Jannet paya au Crédit foncier le montant de sa créance: ce qui fit disparaitre la saisie et rendit la vente définitive; puis, les promesses à elle faites par le vendeur n'ayant pas été remplies, elle fit offre de son prix, déduction opérée tant des loyers payés par anticipation que de ceux cédés à l'avance, ce qui composait un total de 29,800 fr. Un ordre ayant été ouvert, les sieurs Tesscire et autres contestèrent la validité de l'offre faite par la dame Jannet, et soutinrent qu'elle avait eu tort de déduire de son prix les 29,800 francs, les diverses cessions et les paiements faits par anticipation ne pouvant leur être opposés comme créanciers inscrits sur l'immeuble antérieurement à l'époque où ces cessions et paiements étaient intervenus.

17 avril 1866, jugement du tribunal de Marseille qui repousse cette prétention et déclare les offres valables par les motifs suivants « - Attendu que si la doctrine et la jurisprudence ont pu se diviser sur la question de savoir si les cessions ou paiements de loyers par anticipation, faits sans fraude des droits de créanciers, constituaient ou non un simple exercice de droit de propriété, cette question a été vidée par la loi du 23 mars 1855; que cette loi, en décidant, par son art. 2, que tout acte constatant quittance ou cession d'une somme équivalente à trois années de loyers ou fermages non échus, doit être soumis à la formalité de la transcription pour être opposable aux tiers qui ont des droits sur l'immeuble, et qui les ont conservés en se conformant aux lois, a décidé par cela même, implicitement, que cette publicité n'était pas nécessaire pour les actes constatant quittance ou cession de loyers de moins de trois années; que les actes de cette nature devaient être considérés comme de pure administration, et pouvaient être opposés aux créanciers, même à ceux qui ont des droits antérieurs, pourvu, bien entendu, que la question de fraude soit écartée;

Attendu, en fait, que le montant des loyers reçus par anticipation par le sieur de Verdillon, et des cessions de loyers consenties par lui aux sieurs Guibert, Lurmin et Courtil, est inférieur à trois années de location de la maison vendue à la dame Jannet; Attendu, en outre, que rien ne constate que lesdits actes aient été le résultat d'une fraude concertée entre le sieur de Verdillon et ses locataires, les sieurs Guibert, Lurmin et Curtil; que, dès lors, et à tous égards, la dame Jannet a eu raison de retenir sur son prix d'acquisition la somme de 29,800 fr., montant des cessions et anticipations précitées, etc. >>

Appel par les sieurs Tesseire et consorts; mais, le 17 août 1866, arrêt de la Cour d'Aix, qui confirme en adoptant les motifs des premiers juges.

POURVOI en cassation pour fausse application et violation des art. 2176, 2183 et suiv., C. Nap., 2114, 2166, même Code, et de l'art. 685, C. pr.; fausse application des art. 2 et 3 de la loi du 23 mars 1855 sur la transcription, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que les cessions de loyers anticipés consenties par le propriétaire d'un immeuble hypothéqué, ou les paiements que celui-ci a reçus de ses locataires par anticipation, sont opposables aux créanciers hypothécairesinscrits sur l'immeuble antérieurement à ces cessions ou paiements, quand ils sont inférieurs à la valeur de trois années du revenu de l'immeuble.

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ARRÊT.

LA COUR; Attendu que l'art. 2 de la loi du 23 mars 1855 prescrit la transcription de tout acte constatant quittance ou cession d'une somme équivalente à trois années de loyers ou fermages non échus;- Que l'art. 3 de la même loi porte que, jusqu'à la transcription, les droits énoncés dans ces actes ne peuvent être opposés aux tiers qui ont des droits sur l'immeuble et qui les ont conservés en se conformant aux lois; - Qu'il résulte de ces articles combinés que les quittances ou cessions de loyers ou fermages non échus d'une somme inférieure à trois années de ces loyers ou fermages peuvent, même en l'absence de toute publicité, être opposées aux créanciers hypothécaires, lorsqu'elles ont été consenties sans fraude; – Que la loi de 1855 a eu pour but de mettre fin à la controverse qui existait sous la législation antérieure, et de concilier les exigences du crédit immobilier avec le respect dû aux citoyens et à la liberté des conventions;

Que le législateur n'a pas distingué entre les créanciers inscrits antérieurement et ceux inscrits postérieurement aux cessions ou paiements anticipés;- Attendu, en effet, que si, dans une loi sur la transcription, le législateur a cru devoir affranchir de la publicité les cessions et quittances de moins de trois années, c'est qu'il les a considérées

en

comme n'affectant pas d'une manière assez notable la valeur de l'immeuble, et n'offrant pas pour les tiers un danger assez sérieux; que siles tiers qui acquièrent des droits sur un immeuble sont tenus de respecter, bien que rien ne leur en révèle l'existence, ces cessions et quittances, ils ne sauraient juslement se plaindre de ces mêmes cessions et paiements qui viendraient à s'accomplir dans l'avenir, puisque, pour les unes comme pour les autres, la diminution qui en résulte dans la valeur de l'immeuble a dû également entrer dans leurs prévisions; Attendu que l'arrêt attaqué reconnaît, fait 1° que le montant des loyers reçus par anticipation et des cessions de loyers non échus consenties aux défendeurs éventuels, est inférieur à trois années; 2o que rien ne constate que lesdits actes aient été le résultat d'unefraude concertée entre le propriétaire et les locataires;—Qu'en jugeant, dans ces circonstances, que ces actes pouvaient être opposés aux demandeurs en cassation, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des textes invoqués par le pourvoi, et a fait, au contraire, une juste application des art. 2 et 3 de la loi du 23 mars 1855 sur la transcription; Rejette, etc.

Du 6 mai 1867.-Ch. req.-MM. Bonjean, prés.; Dumon, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); Costa, av.

CASS.-civ. 4 juin 1867.

MANDAT, COMPTE, HÉRITIERS.

Le mandataire, actionné par un des hé ritiers du mandant, en paiement de la part héréditaire revenant à celui-ci dans un prix de vente touché en exécution du mandat, ne peut, même dans le silence des autres successibles (à l'égard desquels il se croit en droit d'opposer une compensation), se prétendre libéré vis-à-vis du réclamant en se bornant à justifier avoir versé entre les mains du mandant une somme égale à cette part héréditaire. Il ne saurait échapper à une telle action qu'en justifiant ou qu'il a remis au mandant l'intégralité des sommes reçues, ou que les sommes par lui versées ont profité exclusivement à l'héritier demandeur, jusqu'à concurrence de sa part héréditaire dans la créance résultant de l'exécution du mandat (1). (C. Nap., 870, 873, 1220, 1289, 1290, 1315, 1995.)

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moyennant un prix principal de 39,875 fr. Les acquéreurs étant dans l'intention de revendre en détail l'immeuble par eux acquis, il fut convenu que le prix de ces reventes serait payable en l'étude de M° Namur, notaire à Charleville, gendre de Provin, lequel se chargeait d'en verser le montant, jusqu'à due concurrence, entre les mains de ce dernier. Pour l'exécution de cette convention, Provin donna, le 18 janv. 1842, une procuration au sieur Mellière, alors principal clerc de M Namur. Les reventes projetées eurent lieu; et le sieur Mellière, successeur de Me Namur depuis 1843, reçut une partie des prix de ces reventes; puis il en versa le montant, soit entre les mains de Provin, soit entre celles de M Namur qui, selon lui, était mandataire de son beau-père à cet effet spécial, et qui, de plus, était son mandataire général aux termes d'une procuration authentique du 24 juill. 1846.-Le sieur Provin est décédé en 1849, laissant pour héritiers son fils Joseph Provin et sa fille la dame Namur.-En 1861, Joseph Provin demanda, tant au sieur Namur qu'au sieur Mellière, un compte des sommes produites par la vente des biens de Mazerny. Le sieur Mellière répondit ne devoir aucun compte, attendu qu'il s'était li béré entre les mains de Namur, mandataire de Provin père. -Mais un jugement du tribunal de Charleville du 11 juin 1862, confirmé par la Cour de Metz le 16 avril 1863, condamna Mellière à rendre son compte, à peine de 25,000 fr. de dommages-intérêts.— Le sieur Mellière fit alors signifier un comple qui comprenait toutes les sommes versées par lui à Namur, tant sur le prix de l'étude dû à ce dernier, que sur le montant de la vente de la ferme de Mazerny, et qui établissait, selon lui, qu'antérieurement à 1849, époque du décès de Provin père, il s'était libéré complétement, vis-à-vis de lui, du montant de la vente de Mazerny.

3 déc. 1863, jugement du tribunal de Charleville qui écarte le compte présenté par Mellière, comme n'étant pas celui ordonné par l'arrêt du 16 avril précédent, et condamne Mellière à payer à Provin fils 25,000 fr. à titre de dommages-intérêts.

Appel par le sieur Mellière; et, le 10 août 1864, arrêt infirmatif de la Cour de Metz. Après l'énoncé des circonstances de fait rappelées plus haut, l'arrêt continue en ces termes : « Attendu que, dans cette situation, Mellière est en droit de faire résulter sa libération des paiements effectués, soit par luimême, soit par les acquéreurs entre les mains de Namur; qu'il y a lieu, dans cet ordre d'idées, de porter au crédit de l'appelant les sommes qui ont figuré dans ces paiements avec indication de leur provenance et de leur application au compte spécial de Mazerny, sauf et sans préjudice aux autres sommes encaissées directement par Provin père ou payées à sa décharge; Attendu qu'en opérant sur cette triple base on est conduit à

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admettre les articles ci-après... (suit un que Mellière ne pouvait être déclaré libéré compte de douze articles de sommes remises vis-à-vis de Provin fils qu'en justifiant, soit à Provin père et Namur, et s'élevant en total, qu'il avait payé à Provin père l'intégralité au 1er janv. 1847, à 22,418 fr.; puis l'arrêt des sommes qu'il lui devait, soit que Provin continue): Attendu qu'à la même époque, fils avait reçu la part qui lui revenait sur ces Mellière était débiteur en capital et intérêts sommes-Attendu que l'arrêt attaqué, loin de 48,850 fr., dont la moitié, afférente à de constater que Mellière se soit entièrement Provin fils, était de 24,425 fr., ce qui laissait libéré vis-à-vis de Provin père, reconnaît, au au débit de l'appelant, respectivement audit contraire, qu'il ne lui a versé qu'une somme Provin, un reliquat de 2,007 fr.; - Attendu de 28,718 fr. sur 48,850 fr. qu'il lui devait; que Mellière a encore opéré (en 1847 et-Attendu qu'il ne constate pas davantage 1848) les versements ci-après... (suit le détail formant un total de 6,300 fr.); -Attendu qu'il résulte de ces derniers chiffres, sans qu'il soit besoin de faire une supputation d'intérêts, que Mellière s'est libéré et au delà de tout ce qu'il pouvait devoir à l'intimé, et que ce dernier n'a plus rien à prétendre aujourd'hui contre lui; Infirme; dit que Mellière n'est plus débiteur de Provin fils d'aucune somme provenant de la vente des biens de Mazerny, etc. »

POURVOI en cassation par le sieur Provin, notamment pour violation des art. 745, 870, 873, 1220, 1289, 1290, 1315, 1993, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué, tout en reconnaissant qu'avant le décès de Provin père, Mellière n'avait versé entre les mains de celui-ci que 28,718 fr., ce qui le constituait reliquataire de 20,132 fr., l'arrêt attaqué avait imputé sur la part héréditaire de Provin fils toutes les sommes versées par ledit Mellière entre les mains de Namur, considéré à tort comme mandataire, tandis qu'en droit, et à raison de la division des créances héréditaires, l'imputation ne pouvait avoir lieu à sa charge que jusqu'à concurrence de la moitié.

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(1) Il est reconnu en jurisprudence: 1° que les legs particuliers contenus dans un testament ne peuvent être réputés révoqués par un legs universel postérieur, qu'autant qu'il y a incompatibilité entre les dispositions: Grenoble, 22 juin 1827; Riom, 8 nov. 1830 (P. chr.-S.1833.2. 494); Paris, 18 juill. 1831 (P. chr.-S.1831. 2.306). V. aussi Cass. 19 juill. 1847 (P. 1848.1.64. - S.1847.1.731); 2o que, pour être un moyen de révocation des dispositions antérieures par les dispositions postérieures, l'incompatibilité dont parle l'art. 1036, C. Nap., n'a pas besoin d'être matérielle, et que les juges peuvent la faire résulter, par interprétation du

que ce versement de 28,718 fr. ait exclusivement profité à Provin fils à concurrence de sa part héréditaire ; Attendu, néanmoins, que ledit arrêt déclare qu'il résulte des chiffres qui viennent d'ètre posés que Mellière s'est libéré, et au delà, de tout ce qu'il pouvait devoir à Provin fils, et que ce dernier n'a plus rien à répéter aujourd'hui ; — Attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a méconnu tant les droits héréditaires de Provin fils, que le principe de la division des dettes et créances entre héritiers, et les règles de la compensation, et qu'il a violé les articles ci-dessus visés ;-Casse, etc.

Du 4 juin 1867.-Ch. civ. - MM. Pascalis, prés.; Gastambide, rapp. ; de Raynal, 1er av. gén. (concl. conf.); Hallays-Dabot et Mimerel, av.

CASS.-REQ. 4 juin 1867.

TESTAMENT, REVOCATION, LEGS PARTICULIER,
APPRECIATION.

Le legs particulier contenu dans un premier testament instituant un légataire universel peut, à défaut de révocation expresse ou d'incompatibilité, être considéré comme non révoqué par le testament postérieur dans lequel ce legs n'est pas reproduit, bien que ce second testament renferme la même institution universelle. Et l'arrêt qui, par interprétation de l'intention du tateur, le décide ainsi, échappe à la censure de la Cour de cassation (1). (C. Nap., 1035 et 1036.)

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(Galangau C. Miquel.)

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Le sieur Maler est décédé en 1865, à l'âge de 94 ans, laissant deux testaments: l'un

second testament, de l'intention présumée du testateur Cass. 10 mars 1851 (P.1851.2.25.-S. 1851.1.361); Toulouse, 13 nov. 1863 (P.1864. 593.-S.1864.2.48), et les renvois;-3° qu'enfin la question de savoir s'il existe ou non une incompatibilité entre deux dispositions, est une question de fait dont l'appréciation échappe à la censure de la Cour de cassation: V. l'arrêt précité du 10 mars 1851 et les annotations. - V. au reste, sur ces diverses questions, les observations détaillées de M. Devilleneuve jointes à un arrêt d'Agen du 7 mai 1850 (S. 1850.2.241). Adde M. Domolombe, Donat. et test., t. 5, n. 168 et suiv.

olographe, daté du 22 oct. 1858; l'autre mystique, portant la date du 9 mai 1864.Le premier de ces testaments instituait la dame Julia Galangau pour légataire universelle, à la charge d'acquitter quatre legs particuliers, dont un de 12,000 fr. au profit du mineur Miquel de Riu, neveu du testateur.Le second contenait la même institution universelle, à la charge de quatorze legs particuliers, au nombre desquels se trouvaient mentionnés trois de ceux renfermés dans le testament de 1858. Le legs fait par ce teslament au profit du mineur Miquel de Riu, élait seul omis dans celui de 1864, qui ne rappelait d'ailleurs, ni pour le confirmer ni pour le révoquer, l'acte testamentaire précédent. C'est dans cette situation que s'est élevée entre la légataire universelle et la tutrice du mineur de Riu la question de savoir si le legs particulier dont il s'agit avait ou non été révoqué par le second testament.

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11 juin 1866, jugement du tribunal de Perpignan qui déclare ledit legs révoqué.

Mais sur l'appel, et le 21 août 1866, arrêt infirmatif de la Cour de Montpellier ainsi conçu: « Attendu que la révocation d'un legs particulier ne peut dériver que d'une déclaration expresse, ou de certains faits caractéristiques qui ne permettent pas de confondre avec un changement de volonté du testateur une simple défaillance de sa mémoire ;-Qu'il s'agit, dans l'espèce, d'un legs contenu dans un testament olographe reconnu valable qui n'a pas été l'objet d'une révocation expresse et qui a été conservé par le testateur dans son intégrité; —Que si les principales dispositions de ce testament, à l'exception de celles qui se réfèrent au legs dont s'agit, ont été reproduites dans un testament mystique postérieur qui en contient de plus nombreuses, aucune d'elles n'est incompatible avec le legs qui donne lieu au litige;-Que si le juge peut, en pareille matière, rechercher par de simples indices les intentions du testateur, ce n'est qu'au tant que ces indices graves et multipliés ne peuvent laisser aucun doute dans son esprit, car, dans le doute, le testateur est censé avoir voulu conserver tout ce qu'il n'a pas révoqué expressément;-Que les indices relevés par le premier juge ne répondent pas à cette donnée ;-En effet, si le testateur n'a pas reproduit le legs fait à l'appelant quand il reproduisait les autres dispositions principales de son testament olographe, ce silence peut s'expliquer par cette circonstance que les changements d'état de certains légataires, ou l'insuffisance des désignations qui leur étaient appliquées dans le testament olographe, nécessitaient des modifications dans les autres dispositions et ne se rencontraient pas dans le legs fait à l'appelant, dont la situation n'était pas changée;- Que si l'adoption de la forme mystique indique de la part du testateur l'intention de donner à ses dispositions une existence moins précaire, elle se prête plus facilement à la supposition d'un

oubli dont le testateur se serait d'autant moins aperçu que l'affaiblissement de sa vue ne lui permettait pas de lire bien distinctement l'œuvre d'autrui qu'il s'appropriait ;Que la forme extérieure du testament olographe ne préjuge rien sur l'importance que le testateur attachait à sa conservation, car il a vécu plusieurs années sur la foi de ce testament, à un âge où il n'espérait pas avoir le temps de donner à ses dispositions une forme nouvelle;-Qu'aucune altération dans les rapports du testateur et du légataire n'explique un changement de volonté qui aurait le caractère d'une exhérédation; Attendu, enfin, que la disposition par laquelle le testateur charge le légataire universel de payer ou supporter les legs particuliers portés au testament mystique et les charges de la succession, ne peut être qu'une clause de style, car elle n'ajoute rien aux obligations du légataire universel et ne porte aucune atteinte aux droits d'un légataire partiel dont le legs est une charge de la succession;Qu'il n'est donc pas certain que le testateur ait entendu révoquer le legs dont s'agit, etc. >>

POURVOI en cassation par la dame Julia Galangau, pour violation des art. 1035, 1036, 1157 et 1353, C. Nap., excès de pouvoirs et défaut de motifs, en ce que l'arrêt attaqué a refusé, et cela sans donner des motifs suffisants de sa décision, d'assurer son plein et entier effet à un testament qui, soit expressément, soit tacitement, et par la force même de ses dispositions, révoquait d'une manière absolue et nécessaire celles renfermées dans un testament antérieur.

ARRÊT.

LA COUR ;-Sur le moyen unique, tiré de la violation des art. 1035 et 1036, C. Nap., d'un excès de pouvoir et d'un défaut de motifs:-Attendu que l'arrêt attaqué est, sur tous les points qu'il avait à juger, explicite ment motivé;-Attendu que le testament de 1864 ne contient aucune clause qui révoque expressément le testament de 1858, et que l'exécution de celui de ces deux actes de dernière volonté dont la date est la plus ancienne ne présente rien qui soit incompatible avec l'exécution des nouvelles dispositions ou qui leur soit contraire ;—Attendu qu'en décidant qu'il ne résultait d'aucune des clauses du testament mystique de 1864 que le sieur de Maler ait manifesté la volonté de révoquer le legs fait au mineur Miquel de Riu par le testament olographe de 1858, et que spécialement celle de ces clauses qui renferme le legs universel n'avait pas, en ce qui concerne les charges imposées à la légataire, le sens restrictif que lui prête le pourvoi, les juges du fond n'ont point excédé les limites du pouvoir souverain qui leur appartient d'interpréter, d'après l'intention du testateur, les termes du testament, et qu'en ce faisant, ils n'ont pu violer ni les art. 1035 et 1036, C. Nap., ni aucune autre loi ;-Kejete, etc.

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