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1° RATIFICATION, TESTAMENT, NULLITÉ.

mari pour légataire universel. Ce testament fut remis au président du tribunal de Rouen, qui, par ordonnance du 13 avril, envoya le sieur Legoubé en possession du legs à lui fait. Puis, par acte passé devant notaire, ie 9 juillet suivant, les héritiers Edeline déclarèrent, sur la communication qui leur fut donnée de l'acte testamentaire, l'avoir pour

cause

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2o TESTAMENT OLOGRAPHE, DATE, ERREUR, agréable, consentir à son exécution pure et RECTIFICATION. simple, et renoncer à l'attaquer pour quelque ce fût. Néanmoins, et après la que mort du sieur Legoubé, arrivée le 2 mars 1864, les héritiers Edeline ont demandé contre ceux du sieur Legoubé la nullité du testament qui avait mis ce dernier en possession des biens de sa femme; ils fondaient leur demande sur ce que ce testament portait une fausse date, ce qui résultait de ce que, daté du 8 janv. 1862, il avait été écrit sur une feuille marquée du timbre de 50 c., créé en vertu de la loi du 2 juill. 1862 et mis en circulation peu de temps.

1o Le consentement donné par un héritier à l'exécution pure et simple du testament de son auteur, avec renonciation à l'attaquer pour quelque cause que ce soit, ne met pas obstacle à ce que cet héritier demande ultérieurement la nullité de ce testament pour fausseté de la date y apposée, alors que, ce vice n'ayant été découvert que plus tard, il n'est réellement intervenu à cet égard ni consentement ni transaction entre les parties (1). (C. Nap., 1338.)

2° La fausseté de la date d'un testament olographe ne peut être rectifiée que par les éléments qui résultent du testament lui-même, et alors que ces éléments sont de nature à lever toute incertitude au sujet de la véritable date (2). (C. Nap., 970.)

Ainsi, doit être annulé le testament qui porte une date antérieure à celle de l'émission du papier timbré sur lequel il est écrit, en sorte qu'il y a incertitude sur le jour et le mois de la confection de l'acle, et qu'aucunc énonciation de cet acte ne vient lever cette incertitude (3).

(Legoubé C. Edeline.)

La dame Edeline, épouse Legoubé, est décédée le 23 mars 1863, laissant un testament olographe par lequel elle instituait son

(1) Il est certain que pour que le vice d'un acte puisse être couvert par une ratification expresse ou tacite, il faut que ce vice ait été connu lors de la ratification. V. Pau, 5 fév.1866 (P.1866.809.S.1866.2.194); Cass. 28 nov. 1866 (suprà, p. 24); et les notes jointes à ces arrêts.

(2-3) C'est un point constant en doctrine et on jurisprudence' que la rectification de la date erronée d'un testament ne peut se faire que par des moyens empruntés au testament luimême, et alors seulement qu'elle en résulte certainement, sans ambiguïté, et non d'une manière purement conjecturale. V. MM. Merlin, Répert., vo Testament, sect. 2, § 1, art. 6, n. 10; Toullier, t. 5, n. 362; Grenier, Donat. et test., t. 2, n. 228 bis; Bayle-Mouillard, sur Grenier, ibid., note e; Marcadé, sur l'art. 970, n. 3; Duranton, t. 9, n. 36; Troplong, Donat. et test., t. 3, n. 1484; Demolombe, id., t. 4, n. 93; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 5, § 668, p. 497; Taulier, Theor. Cod. civ., t. 4, p. 113; CoinDelisle, Donat. et test., sur l'art. 970, n. 38; Saintespès-Lescot, id., t. 4, n. 1006; Demante, Cours analyt., t. 4, n. 115 bis-2; Cass. 31

3 fév. 1865, jugement du tribunal de Rouen qui déclare le testament valable en ce que, bien que portant la date du 8 janv. 1862, il avait été réellement fait le 8 janv. 1863. Ce jugement, s'expliquant au sujet du consentement donné par les demandeurs,dans l'acte du 9 juill. 1863, à l'exécution du testament dont ils demandaient actuellement la nullité, contient le considérant suivant: «Attendu qu'en admettant l'inexactitude de la date et l'inefficacité du consentement approbatif du 9 juill. 1863, qui n'a pas été donné avec la connaissance eten vue du vice aujourd'hui signalé, les héritiers Legoubé soutiennent que le testament n'en est pas moins valable et doit recevoir son exécution, cette inexactitude dans la date pouvant être rectifiée sans le secours d'éléments étrangers au testament lui-même...»-Puis, le dispositifporte:

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janv. 1859 (P.1859.234. S. 1859.1.337);
20 fév. et 31 juill. 1860 (P.1860.389 et 1104.
-S.1860.1.769 et 772); 11 mai 1864 (P.1864.
828. S.1864.1.233), et le renvoi. V. aussi
Poitiers, 2 mars 1864 (P.1864.1152.-S.1864.
2.256); Orléans, 29 juill. 1865 (P.1865.1097.
-S.1865.2.272).-C'est par application de ces
principes que l'arrêt précité du 31 janv. 1859
casse un arrêt de la Cour de Rouen pour avoir
rectifié une date fausse à l'aide de simples pré-
somptions et de conjectures, d'ailleurs étrangères
autestament lui-même. Il est, au reste, également
reconnu par la jurisprudence et par la doctrine
que la preuve de la fausseté ou de l'inexactitude
de la date d'un testament olographe peut résulter
de la comparaison de cette date avec celle de l'é-
mission du papier timbré sur lequel il est écrit,
constatée par le millésime du filigrane. V. le ren-
. On
voi sous l'arrêt précité du 11 mai 1864.
sait, en outre, que la fausseté de la date ne peut
être rectifiée qu'autant qu'elle est le résultat de
l'erreur, et non lorsqu'elle est le résultat de la
volonté du testateur. V. le même arrêt du 11 mai
1864.

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« Le tribunal, sans s'arrêter à la demande en nullité du consentement à l'exécution du testament, les défendeurs (les héritiers Legoubé) déclarant ne pas voir dans ce consentement une approbation de la date aujourd'hui contestée, déclare valable le testament, etc. >>

Appel par les héritiers Edeline; et, le 29 juill. 1865, arrêt de la Cour de Rouen qui infirme et déclare le testament nul en ces termes: <<< Attendu que la rectification de la date erronée d'un testament, permise et même prescrite aux juges lorsqu'elle est possible, ne peut se faire que par des moyens empruntés au testament lui-même ex testamento, non aliundè; et que, pour satisfaire aux exigences des art. 970 et 1001, C. Nap., elle doit exclure toute ambiguïté;-Attendu que ce qui ressort clairement du testament me les c'est même attaqué par les appelants, c'est qu'il

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puisse juridiquement faire découler la vérité de sa date; que le millésime (1862) tracé par la testatrice est en concordance avec le filigrane du papier, mais que le mois (janvier) également écrit par elle est inconciliable avec ce filigrane qui n'est que de juillet suivant, aux termes de la loi rendue le 2 dudit mois; Attendu que les mots huit janvier, qui sont le jour et le mois énoncés en ce testament, pourraient servir à en préciser la date s'il était établi qu'avant l'année 1863 la testatrice eût été dans l'impossibilité de se procurer la feuille de papier timbré sur laquelle il est écrit, mais que le contraire est prouvé; qu'il résulte, en effet, d'une lettre administrative produite au procès que les bureaux d'enregistrement de Rouen ont été approvisionnés à la fin d'octobre 1862 de papier timbré à 50 cent. la demi-feuille, et que le débit de ce nouveau papier (décrété par la loi du 2 juillet de la même année) et du papier ancien a pu se faire simultanément; que la preuve contraire offerte par les intimés doit dès à présent être rejetée en présence de ce fait constant reconnu par la Cour; qu'alors il est possible que la femme Legoubé ait fait son testament en novembre ou en décembre 1862, et que même l'ayant fait le huit de l'un de ces deux mois, elle ait -commis l'erreur de faire suivre le mot huit du mot janvier; qu'assurément il se peut encore que la femme Legoubé, décédée en mars 1863, dans la plénitude de sa raison, ait fait son testament en janvier de la même année, mais qu'on ne rencontre rien dans ce testament lui-même qui puisse dissiper le doute qui enveloppe la date, et qu'ainsi cette date est fausse sans qu'il soit légalement possible de la rectifier; Attendu que la fausse date dans un testament équivaut à l'absence de date, et que, par conséquent, le testament olographe de la femme Legoubé est nul; qu'il suit de là que la Cour n'a plus à s'occuper ni de la méconnaissance de l'écriture et de la signature de ce testament, ni des preuves et expertises offertes par les

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parties respectivement; Attendu que l'ordonnance du 13 avril et l'acte du 9 juill. 1863 ne semblent pas avoir été obtenus à l'aide de fraude et de dol, mais qu'ils sont intervenus naturellement sur la représentation d'un testament qui paraissait, aux yeux de tous, régulier en la forme et dont l'erreur de date n'a été découverte que plus d'une année après; mais que ces actes ne peuvent avoir aucune valeur aujourd'hui, puisque le testament auquel ils se réfèrent doit disparaître pour cause de nullité; que, pour qu'il en fût autrement, il faudrait qu'à la date du 13 avril ou du 9 juill. 1863 la validité de la date du testament de la dame Legoubé eût été mise en question et qu'il fût intervenu sur cet objet spécial un consentement ou une transaction entre les parties, mais que rien de semiblable n'a eu lieu; Par ces motifs, etc. >>

POURVOI en cassation par les héritiers Legoubé.-1er Moyen. Fausse application de l'art. 1338, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la fin de non-recevoir tirée contre les défendeurs éventuels de leur consentement volontaire à l'exécution du testament de la dame Legoubé, consentement résultant expressément de l'acte du 9 juill. 1863.

2e Moyen. 1° Fausse interprétation de l'art. 970, C. Nap., et violation de la règle que la foi due à la date donnée par le testateur à ses dispositions testamentaires faites en la forme olographe, ne peut être infirmée que par des preuves contraires résultant du testament lui-même, et non aliundè, en ce que l'arrêt attaqué a considéré comme fausse l'indication du jour et du mois (8 janvier) dont la sincérité n'était infirmée par aucune preuve contraire résultant du testament luimême; 2° fausse interprétation 'et violation, sous un autre rapport, des art. 970 et suiv. C. Nap., en ce que ledit arrêt a considéré comme une preuve de la fausseté de la date du testament dans toutes ses parties, l'empreinte du timbre du papier sur lequel il était écrit, alors que l'erreur sur l'indication de l'année à laquelle appartenait le jour du 8 janvier indiqué dans le testament comme étant celui de sa confection, se trouvait forcément rectifiée par l'époque de la mort de la testatrice arrivée au mois de mars 1863, et démontrant irréfragablement que le jour indiqué par le testament appartenait à l'année 1863.

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dans ces circonstances, ia Cour de Rouen a pu ne pas s'arrêter à la fin de non-recevoir que les héritiers Legoubé auraient voulu tirer d'une déclaration et d'une renonciation qui n'avaient pas été faites par les héritiers Edeline en connaissance de cause ;-Qu'elle l'a écartée avec d'autant plus de raison que les consorts Legoubé avaient commencé par déclarer, comme le constate le jugement de première instance, qu'ils ne voyaient pas dans l'acte du 9 juill. 1863 une approbation par les consorts Edeline de la date du testament dont il s'agit;

-

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Sur le deuxième moyen: Attendu que le testament olographe doit être daté, à peine de nullité; que cette date comprend l'indication des jour, mois et an où il a été fait; que, si elle est erronée, elle ne peut être rectifiée que par les éléments qui résultent du testament lui-même et qui sont de nature à lever toute incertitude; Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt: 1° que Marie Edeline, femme Legoubé, est décédée le 23 mars 1863, laissant un testament portant la date du 8 janv. 1862; 2o que le papier timbré sur lequel ce testament a été rédigé ayant été mis en circulation à la fin d'octobre 1862, la fausseté de la date n'est point établie quant au millésime; 3° qu'il en est autrement quant au jour et au mois, le testament ne pouvant avoir été écrit le 8 janv. 1862 sur un papier qui n'existait pas encore à cette époque; 4° enfin, qu'il résulte de ces circonstances, sur la date prise dans son ensemble, une incertitude qui ne peut être levée par les énonciations du testament;

(1) Il est généralement admis que la compétence exceptionnelle déterminée par l'art. 420, C. proc., est applicable en matière d'entreprises de transport, et par conséquent au cas de transport par les compagnies de chemins de fer, comme à toutes autres entreprises commerciales. V. Paris, 31 juill. 1850 (P.1850.2.630.-S.1852.2. 351); Rouen, 21 juin 1855; Cass. 29 avril 1856 (P.1856.2.445.-S.1856.2.19 et 1.579), et 13 mai 1857 (P.1858.702.-S.1857.1.669), ainsi que les notes qui accompagnent ces arrêts.

Dans l'espèce actuelle, la compagnie demanderesse, invoquant cette doctrine, prétendait que le dépôt des marchandises à la gare d'expédition de Nantes, constituait la livraison de ces marchandises dans le sens de l'art. 420 précité.-Mais c'était évidemment là une interprétation erronée de la disposition de cet article et de la jurisprudence que nous venons de rappeler. Comme le dit fort bien le jugement de première instance dont l'arrêt attaqué s'est approprié les motifs, le lieu de la livraison est celui où la convention a reçu exécution de la part de celle des parties contractantes qui s'est engagée à livrer. Par conséquent, lorsque le débat s'agite entre la compagnie du chemin de fer et le destinataire, le lieu de la livraison ne doit s'entendre que du lieu où les marchandises ont été transportées et remises à la disposition du destinataire.—Il en est autrement lors

Qu'en refusant de la fixer au 8 janv. 1863, comme le demandaient les héritiers Legoubé, et en se fondant, pour annuler le testament, sur ce que sa date, évidemment erronée dans l'un ou dans l'autre de ses éléments essentiels, ne pouvait être légalement rectifiée, l'arrêt attaqué s'est conformé aux principes de la matière ;-Rejette, etc.

Du 14 mai 1867.-Cb. civ.-MM. Troplong, 1er prés.; Leroux de Bretagne, rapp.; de Raynal, 1er av. gén. (concl. conf.); Groualle et Fosse, av.

CASS.-REQ. 18 juin 1867.

COMPETENCE, CHEMIN DE fer, Lieu de la

LIVRAISON.

En matière de transport de marchandises par une compagnie de chemin de fer, la livraison ne saurait être réputée faite, dans le sens de l'art. 420, C. proc., entre la compa. gnie et le destinataire, par la remise des marchandises à la gare d'expédition : cette livraison n'est accomplie que par la remise des objets transportés, au lieu de destination. Dès lors, le destinataire ne peut être assigné en paiement du prix de transport devant le tribunal du lieu d'expédition (1).

(Chem. de fer d'Orléans C. Breuillac.)

5 juill. 1865, jugement du tribunal de commerce de Nantes qui statue en ces termes : <«< Vu l'exploit introductif d'instance, en date du 10 mars 1865, par lequel la compa

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que la contestation existe entre l'expéditeur et la compagnie. Dans ce cas, la marchandise, au point de vue de l'application de l'art. 420, consistant dans l'exercice de l'industrie de l'entrepreneur du transport et dans la location des choses qui doivent servir à l'opérer, l'action peut être portée devant le tribunal du lieu où le louage a été convenu et où l'entrepreneur a mis à la disposition de l'expéditeur ses moyens de transport. V. en ce sens, Bourges, 26 avril 1854 (P.1855.1.73. S. 1854.2.340),et Caen, 15 juin 1860, rapporté avec Cass. 7 mai 1862 (P.1862.1162.- S.1862.1. 744). V. aussi M. Duverdy, Tr. du contr. de transp., n. 145. - Ainsi encore, dans un autre ordre d'idées, le lieu d'expédition de la marchandise doit ou peut être considéré comme le lieu de la livraison selon les circonstances, en sorte que s'il s'agit d'un débat entre le vendeur et l'acheteur, l'acheteur est compétemment assigné devant le tribunal du lieu où l'expédition a été faite, si c'est aussi celui de la promesse. V. Cass. 12 déc. 1864 (P.1865.278.-S.1865.1.127), et la note. Nous rappelons ici qu'il est d'ailleurs constant que, pour l'application de l'art. 420, C. proc., les deux circonstances de promesse et de livraison doivent concourir. V. Cass. 12 déc. 1864 (P.1865.279. - S.1865.1.128), et le renvoi.

gnie du chemin de fer d'Orléans assigne Breuillac, négociant à Niort, devant ce tribunal, pour le faire condamner à lui payer la somme de 107 fr. 50 c., montant des frais de transport de Nantes à Niort de 500 pains de sucré expédiés le 24 nov. dernier par Massion, Rozier et comp., raffineurs sa Nantes, audit Breuillac;-Attendu Breuillac de cline la compétence du tribunal de commerce de Nantes, se fondant sur ce qu'il est domicilié à Niort; Attendu que la compagnie du chemin de fer d'Orléans soutient que la convention de transport desdits sucres, intervenué entre MM. Massion, Rozier et comp., mandataires de Breuillac, ayant été faite à Nantes, et les sucres lui ayant été livrés en gare de Nantes pour être transportés à Niort, elle a pu, aux termes de l'art. 420, C. proc., assigner Breuillac devant le tribunal de commerce de Nantes;-Attendu qu'à supposer que les dispositions exceptionnelles de l'art. 420, C. proc., s'appliquent à toutes conventions intervenues entre commerçants et relatives des marchandises, qu'il s'agisse d'une vente ou d'un transport, il convient encore de rechercher si les deux conditions exigées par le deuxième paragraphe de cet article, la promesse faite et la marchandise livrée, se rencontrent dans l'espèce; Attendu que si le lieu où la promesse a été faite est celui où la convention a été passée, le lieu de la livraison est celui où cette convention a reçu son exécution de la part de celle des parties contractantes qui s'est engagée à livrer; que s'il est vrai que la convention ayant pour objet le transport des sucres expédiés par Massion, Rozier et comp. à Breuillac se soit faite à Nantes au moyen de la lettre de voiture, elle n'a reçu son exécution qu'à Niort par le fait de la remise desdits sucres par la compagnie d'Orléans à Breuillac ;-Que vainement la compagnie d'Orléans maintient que le dépôt des sucres à la gare de Nantes par MM. Massion, Rozier et comp., considérés comme les mandataires de Breuillac, constitue la livraison de la marchandise dans le sens de l'art. 420, C. proc.; que cette prétention, qui pourrait être admise si la contestation soumise au tribunal s'était élevée entre Massion, Rozier et comp. et Breuillac, et était relative à la vente desdits sucres, livrables à l'acheteur en gare de Nantes, est de tout point inadmissible de la part de la compagnie d'Orléans, alors qu'il s'agit d'une contestation relative au transport de ces sucres;-Qu'en effet, il n'est pas possible d'admettre qu'une convention par laquelle la compagnie d'Orléans s'obligeait à transporter des sucres de Nantes à Niort, ait reçu son exécution par le fait de la livraison de la marchandise aux mains de cette compagnie dans la gare de Nantes et avant que le transport en ait été effectué;-Attendu que la dérogation au droit commun édictée par l'art. 420, C. proc., s'explique et se justifie en matière de vente par ce motif que, lorsque la marchandise a été livrée par le ven

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deur, la convention a reçu de sa part exécution complète ; que cependant, dans le système de la compagnie d'Orléans, cette compétence exceptionnelle pourrait être déterminée par une convention qui n'aurait reçu exécution complète de la part d'aucune des parties et en faveur de celle-là même qui n'aurait encore rempli aucun de ces engagements; Attendu qu'après le dépôt des sucres à la gare de Nantes et avant leur transport à Niort, la compagnie d'Orléans n'avait aucun principe d'action contre Breuillac; que c'est la livraison de ces sucres aux mains de ce dernier qui a fait naître son droit au paiement qu'elle réclame; qu'il s'ensuit logiquement que si la remise des sucres à la gare de Nantes par Massion, Rozier et comp. n'a pas donné naissance au droit dont la compagnie d'Orléans se prévaut aujourd'hui, elle ne saurait être attributive de juridiction, lorsqu'il s'agit d'exercer ce droit ; Par ces motifs, se déclare incompétent, etc. >>

Appel par la compagnie; mais, le 29 nov. 1865, arrêt de la Cour de Rennes qui confirme en adoptant les motifs dés premiers juges.

POURVOI en cassation pour violation de l'art. 420, C. proc., en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le tribunal de commerce de Nantes était incompétent, alors qu'il était le tribunal du lieu où la convention était intervenue et où la livraison des marchandises transporter avait été faite.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi:-Attendu, en droit, qu'en matière de transport de marchandises par une compagnie de chemin de fer, la livraison ne saurait être censée faite, dans le sens de l'art. 420, § 2, C. proc., par la remise desdites marchandises à la gare d'expédition; que cette livraison n'est accomplie entre la compagnie et le destinataire que par la remise des objets transportés, au lieu de destination Attendu, en fait, qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que Massion, Rozier et comp., de Nantes, ont remis à la gare de cette ville 500 pains de sucre pour être expédiés à Niort, à destination du défendeur éventuel, par le chemin de fer d'Orléans, et que celui-ci a refusé d'acquitter le prix du transport, pour cause de retard dans l'arrivée de la marchandise à Niort où il devait la recevoir;-Attendu qu'en jugeant, dans ces circonstances, que l'action en paiement dudit transport, portée par la compagnie d'Orléans devant le tribunal de commerce de Nantes, n'était pas de la compétence de ce tribunal, par le motif que si la convention de transport avait eu lieu à Nantes, ce n'était pas dans cette ville, mais à Niort, que cette convention avait reçu son exécution par la livraison effective de la marchandise, l'arrêt attaqué, loin de violer les art. 59 et 420, C.

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CASS.-CIV. 17 juin 1867.

NOTAIRE, DISCipline, Peine.

La justice disciplinaire, quelle que soit l'étendue de son action, ne peut rechercher et punir des actes qui n'ayant, en eux-mêmes, ni par les circonstances dont ils sont accompagnés, rien de contraire à la probité, à la délicatesse ou à l'honneur, ne seraient que l'exercice d'un droit ou d'une faculté légitime (1).

Telest le simple fait, de la part d'un notaire, d'avoir communiqué directement à un vendeur qui venait de tenter vainement une adjudication dans l'étude d'un autre notaire, les offres d'un de ses clients, et d'avoir, en suite de l'acceptation de ces offres, réçu le contrat de vente (2).

(L... C. notaires d'Arras.)

Me P..., notaire à Arras, avait tenté, mais vainement, de vendre par adjudication, le 8 déc. 1864, un immeuble appartenant au sieur Rolly.-Quelques jours après, cet immeuble fut vendu par le sieur Rolly à un sieur Houziaux, l'un des enchérisseurs lors de la tentative d'adjudication, et ce suivant contrat passé devant Me L..., notaire au même lieu.-Me P... a, en cet état, porté à la chambre des notaires de cette ville, contre Me L..., une plainte fondée sur ce que ce dernier n'était devenu notaire du sieur Rolly qu'au moyen de manœuvres déloyales et contraires aux règles de la bonne confraternité. La plainte, après avoir constaté les faits signalés comme constituant des manœuvres blâmables, ajoutait ce qui suit: «1° pendant mon absence, mon principal clerc, à tort ou à raison, mais aussi pour éviter de déplaire à M. Rolly, confia au clerc de Me L... le procès-verbal; en échange de cette complaisance, le clerc de Mc L... voulut bien lui promettre que je serais en second; 2° pendant mon absence, le clerc de M L... vint à l'étude pour me faire signer l'acte en second; l'un de mes clercs, d'après mes ordres,

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lui répondit que je refusais de signer. Une demi-heure après, je rencontrai le même clerc dans la rue; il revenait à mon étude dans l'espoir de me trouver moi-même; à une nouvelle demande de signature, je répondis: c'est trop fort; il y a trop longtemps que cela dure, je refuse de signer. >

Sur cette plainte, intervint, le 8 fév. 1865, une décision de la chambre de discipline qui, par application de l'art. 14 de l'ordonn. du 4 janv. 1843, prononça contre le notaire L... la peine de la privation de voix délibérative aux assemblées générales pendant un an; cette décision est ainsi conçue: -«Attendu que s'il est de jurisprudence constante que la justice disciplinaire, quelle que soit l'étendue de son action, ne peut rechercher et punir des faits qui n'ont, en eux-mêmes, ni par les circonstances qui les ont accompagnées, rien de contraire à la dignité, à la discipline et à l'honneur, il est incontestable que la chambre peut et doit rechercher et punir tous les faits contraires à la dignité, à la délicatesse et aux égards que les notaires se doivent entre eux;-Attendu que, le jeudi 8 déc. 1864, le sieur Rolly a exposé en vente une maison sise à Arras, en l'étude de Me P..., et que le sieur Houziaux a porté des enchères sur ladite maison ainsi qu'il résuite de sa déclaration;-Que cette maison n'ayant pas été adjugée, M L... écrivit au sieur Rolly, le samedi 10 déc., une lettre ainsi concue: «Vendriez-vous votre maison pour 25,000 fr., j'ai amateur; je vous attends cet après-midi; »Attendu que, le 12 déc. 1864, le contrat de vente de la maison dont s'agit était reçu par M° L... sans la participation de son confrère Me P..., et sans qu'il eût fait aucune démarche auprès de ce dernier; Attendu que cette vente était consentie au profit du sieur Houziaux, et qu'il résulte des déclarations du sieur Rolly, vendeur, qu'il avait prévenu Me L... de la présence du sieur Houziaux à la tentative d'adjudication chez Me P...; que ce fait est reconnu par L...;-Attendu que c'est vainement que ledit M. L... invoque pour sa défense les pourparlers qui auraient eu lieu entre le sieur Rolly et lui avant la mise en adjudication de sa maison, et le mandat qui lui a été donné par ledit Rolly postérieurement à la mise en adjudication; Attendu que si Rolly avait demandé à Me L..., malgré et après l'adjudication précitée, de se ebarger d'une affaire commencée dans une autre étude, il n'y aurait pas lieu dès lors de faire exception à la règle posée par l'art. 2004, C. Nap;Mais attendu que, s'il est vrai, ainsi que cela résulte des déclarations écrites et verbales, que Me L... a eu des pourparlers avec le sieur Rolly au sujet de la vente du même immeuble, antérieurement au 8 déc. 1864, la tentative d'adjudication dans l'étude de Me P..., notaire ordinaire du sieur Rolly, sur la mise à prix de 30,000 fr., conseillée par Me L..., révoquait tout mandat verbal qui au

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