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même le contrat ne se serait pas expliqué à cet égard, c'est par une conséquence des règles de la garantie en matière de vente, le vendeur, obligé à la délivrance, étant réputé avoir réservé et garanti ce droit comme un accessoire nécessaire de la propriété qu'il a transférée; mais que par cela même, la règle n'est plus applicable lorsque l'enclave n'est pas le résultat immédiat de l'aliénation, et spécialement dans le cas où un fonds étant enclavé déjà par l'effet de la vente antérieure de la portion par laquelle il accédait origi nairement à la voie publique, il vient ensuite à être vendu une autre parcelle qui est également enclavée; que le vendeur n'ayant pu, en ce cas, conférer aucun droit sur un terrain qui n'était pas sa propriété, l'acquéreur de la parcelle enclavée doit nécessairement recourir aux art. 682 et suivants, C. Náp., et n'a droit au passage que dans les termes et conformément aux dispositions de ces articles; Et attendu, dans l'espèce, que si l'arrêt attaqué constate que la parcelle acquise par Delcailleau a fait anciennement partie d'un terrain qui n'était pas enclavé, il constate en même temps que l'état d'enclave dans lequel ladite parcelle se trouve subsistait depuis longtemps lors de l'acquisition qui en a été faite par Delcailleau; que, d'un autre côté, il résulte des constatations en fait dudit arrêt que le terrain par lequel le fonds accédait anciennement à la voie publique est couvert par une maison, et qu'un autre terrain sur lequel la servitude pourrait être établie est à l'état de cour entourée de murs dont l'exercice du passage rendrait la démolition nécessaire; que, dans cette si tuation, l'arrêt attaqué, en accordant, moyennant une indemnité qu'il a fixée, un droit de passage sur les terrains des demandeurs, loin de violer les art. 682 et suiv., C. Nap., en a fait une juste application aux faits de la cause; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'Agen du 4 janv. 1865, etc.

(1) V. en ce sens, Cass. 5 mai 1863 (P.1864. 603.S.1863.1.301), et la note. Il est, au surplus, de jurisprudence que l'action en restitution d'intérêts usuraires n'est soumise qu'à la prescription de trente ans. V.Rép. gén. Pal. et Supp., v° Usure, n. 154 et suiv.; Table gén. Devill. et Gilb., eod. verb., n. 138 et suiv.; Table décenn., eod. v°, n. 57. En ce qui concerne la prescription de l'action civile résultant d'un délit, V. Nîmes, 19 déc. 1864 (P.1865. 322.-S.1865.2.46), et la note.

(2) C'est là une application du principe d'après lequel la preuve testimoniale est admissible pour établir l'existence d'une convention portant même sur une somme supérieure à 150 fr., lorsque le consentement de la partie n'a été obtenu qu'à l'aide de moyens frauduleux. V. Cass. 22 août 1840 (P. 1844.2.477. S.1841.1.255); MM. Larombière, Obligat., sur l'art. 1348, n. 16; Zachariæ, édit. Massé et Vergé, l. 3, § 599, p. 526, texte et note 8; Aubry et Kau;

Du 24 avril 1867. Ch. civ.-MM. Troplong, 1" prés.; Pont, rapp.; Blanche, av. gén. (conci. conf.); Diard et de Valroger, av.

CASS.-CIV. 29 janvier 1867.

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1° USURE, RESTITUTION, PRESCRIPTION. 2o PREUVE TESTIMONIALE, FRAUDE, INTÉRÊTS USURAIRES, MANDATAIRE. -3° MANDAT, SALAIRE, REDUCTION, INTÉRÊTS.

1° L'action en restitution d'une somme perçue pour intérêts usuraires n'est pas soumise à la prescription de trois ans, alors même que le fait usuraire articulé aurait un caractère délictueux, si la demande a sculement pour objet la restitution de l'indu, et non la réparation du préjudice résultant du délit (1). (C. inst. crim., 638; L. 19 déc. 1850, art. 3.)- 1er arrêt.

2. La perception frauduleuse d'une somme de plus de 150 fr., exigée soit à titre d'intérêts usuraires, soil à titre de rémunération excessive d'un mandat, peut être établie par témoins ou par présomptions (2). (C. Nap., 1341, 1348 et 1353.) — Id.

3o Le salaire convenu pour l'exécution d'un mandat peut être réduit par les juges, lorsqu'il est hors de proportion avec le service rendu (3);... alors surtout qu'il n'a été consenti par le mandant que sous le poids d'une contrainte morale, exclusive d'un consentement libre. (C. Nap., 1134, 1999.) 2e arrêt.

Le mandataire qui a perçu de mauvaise foi un salaire excessif, doit les intérêts de la somme restituable à partir du jour du paiement, et non pas seulement à partir du jour de la demande. (C. Nap., 1378.) Id.

-

1er arrét.

(Poictevin C. de Seraincourt.)

Le sieur de Seraincourt avait, en 1856, emprunté du sieur Poictevin une somme de

d'après Zachariæ, t. 6, § 765, p. 465, note 20. V. aussi Cass. 12 nov. 1863 (P.1864.817.S.1864.1.244), et la note.-V. encore Rép. gén. Pal. et Supp., v° Preuve testimoniale, n. 215 et suiv.; Table gén. Devill. et Gilb., eod. v°, n. 54 et suiv., 76 bis et suiv.; Table décenn., eod. vo, n. 6 et suiv., 13 et suiv. Adde Cass. 26 sept. 1861 (P.1861.1071.-S.1862.1.223), et 12 nov. 1863 (P.1864.817.-S.1864.1.244).

(3) Cette solution est conforme à la doctrine. le plus généralement admise. Toutefois, il y a des décisions et des autorités en sens contraire. V. Cass. 12 janv. 1863 (P.1863.580,-S.1863.1. 249); 9 mai 1866 (P.1866.737. S.1866.1. 273), et les notes.-Du reste, le paiement du salaire stipulé ne fait pas obstacle à la demande en restitution de ce qui a été payé au delà de ce qui était légitimement dû ex arbitrio judicis: Paris, 20 nov. 1854 (P.1855.2.514.-S.1854.2.688). C'est aussi ce qui résulte de l'arrêt actuel.

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de 90,000 fr. à quelque titre et pour quelque cause que ce soit; Attendu que les faits de dol et de fraude peuvent être établis par tous moyens de droit, notamment par présomptions graves, précises et concordantes et par la preuve testimoniale ;-Attendu que quelque graves que soient les documents produits par la comtesse de Seraincourt à l'appui de sa demande, il y a lieu, avant de statuer, de l'admettre à la preuve des faits par elle articulés et déniés par Poictevin au cours des plaidoiries, lesdits faits étant perti

nents. >>

250,000 fr., et du sieur Gauthier pareille somme de 250,000 fr. Ce dernier prêt avait été, paraît-il, négocié par le sieur Poictevin lui-même.-Après le décès du sieur de Seraincourt, sa veuve, prétendant que le sieur Poictevin avait illégalement exigé et reçu la somme de 90,000 fr., tant comme intérêts usuraires de son prêt personnel que comme rémunération du prêt fait par le sieur Gauthier, a, en son nom et comme tutrice de ses enfants mineurs, formé contre ledit Poictevin une demande à fin de restitution de cette somme, et elle a conclu à être admise à prouver par témoins les faits qu'elle articulait. -Le sieur Poictevin a soutenu que la preuve testimoniale n'était pas admissible, s'agissant de plus de 150 fr.; subsidiairement, il a opposé la prescription de trois ans, fondée sur ce que la demande avait le caractère d'une action civile résultant d'un délit. Pour justi-pital considérable, a, suivant acte authentifier cette exception, le sieur Poictevin produisait un jugement du 30 juin 1853 qui l'avait condamné pour délit d'usure, et il en tirait cette conséquence que le fait usuraire qui lui était reproché, s'étant accompli dans les cinq ans de la condamnation, constituait, aux termes de l'art. 3 de la loi du 19 déc. 1850, un nouveau délit pour lequel toute action publique ou civile était prescrite par • trois ans, d'après l'art. 638, C. instr. crim.

11 juin 1863, jugement du tribunal de la Seine qui rejette l'exception de prescription et ordonne l'enquête réclamée par la demanderesse. Ce jugement est ainsi motivé: << Attendu que l'action civile pour crime ou délit se prescrit par le même laps de temps que l'action publique, malgré qu'elle soit exercée devant la juridiction civile;-Attendu qu'il ne s'agit pas au débat de dommagesintérêts réclamés à raison du préjudice occasionné par un délit; Attendu l'acque tion soumise au tribunal a pour but la restitution d'une somme d'argent indûment et dolosivement exigée et reçue sans cause licite et en escomptant les bénéfices futurs de l'affaire de Graissessac qui depuis s'est soldée par une perte de plus de 1 million de francs, pour le compte de Seraincourt; Attendu qu'aux termes des art. 1131, 1133 et 1135, Č. Nap., cette somme peut être restituable; -Attendu que l'action ainsi spécifiée ne peut être éteinte que par la prescription civile; -Attendu que cette circonstance invoquée par Poictevin que, déjà condamné pour usure, il aurait pu être traduit de nouveau devant la justice correctionnelle à raison du fait unique de la perception usuraire des 90,000 fr., objet du débat, ne peut écarter l'application des articles précités par celle de la prescription de trois ans spéciale à l'action ne pouvant résulter que d'un délit;

-Qu'en effet le délit d'usure n'est pas, dans l'espèce, la base de l'action de la comtesse de Seraincourt, mais une circonstance accessoire aggravante de l'indue rétention reprochée à Poictevin :-. Attendu que Poictevin dénie formellement avoir reçu ladite somme

Appel par le sieur Poictevin; mais, le 21 juin 1864, arrêt de la Cour impériale de Paris qui confirme en ces termes :-«Considérant que, par suite d'une opération concernant les mines de Graissessac, de Seraincourt, obligé de se procurer immédiatement un ca

que reçu par Dufour, notaire à Paris, le 4 déc. 1856, stipulé une ouverture de crédit avec Poictevin et Gauthier qui ont mis à sa disposition une somme de 500,000 fr.; Considérant qu'il est affirmé par les intimés que le même jour, Poictevin a exigé et obtenu frauduleusement, à titre de prime et de rémunération, une somme de 90,000 fr. qui lui a été effectivement comptée; - Que pour établir ce versement dénié par Poictevin, les intimés invoquent des documents et des présomptions dont la valeur devra être ultérieurement appréciée, et en outre articulent certains faits qu'ils offrent de prouver par enquête; Considérant qu'en matière de dol et de fraude, les tribunaux peuvent recourir à tous les genres de preuve admis par la loi'; - Que les faits articulés sont pertinents puisque, si la preuve en était rapportée, ils se raient de nature à fortifier les autres éléments de conviction présentés par les intimés;-Considérant que l'action de la veuve de Seraincourt a pour objet la restitution d'une somme indiment exigée et perçue, et non pas la réparation du préjudice résultant d'un fait délictueux imputé à l'appelant; Que les faits pris en eux-mêmes et tels qu'ils sont présentés par les intimés dans leur assignation du 4 juin 1862, ne constitueraient pas un délit vis-à-vis de Seraincourt;-Considérant que les premiers juges n'ont pas changé arbitrairement la cause de la demande ni accepté une demande nouvelle; -Que c'est l'appelant seul qui, subsidiairement, et pour créer à son profit une exception de prescription, a prétendu attribuer à la demande le caractère d'une action civile dérivant d'un délit. »

POURVOI en cassation: 1° pour violation des art. 633, 637 et 638, C. instr. crim., et 3 de la loi du 19 déc. 1850, en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription, bien qu'il soit de principe constant que l'action civile résultant d'un délit se prescrit par trois ans, comme l'action publique.

2° et 3° Pour violation des art. 1315 et

1341, C. Nap., en ce que le même arrêt a admis la preuve testimoniale pour établir, non-seulement le dol et la fraude qui auraient vicié la convention, mais cette convention elle-même qui était reconnue n'avoir aucun caractère délictueux.; et aussi pour défaut de motifs à ce sujet.

ARRET (après délib. en ch. du cons.). LA COUR; Sur le premier moyen: Attendu que, par son exploit introductif d'instance du 4 juin 1862, la dame veuve de Seraincourt a demandé que Poictevin fût condamné à restituer à la succession de feu de Seraincourt la somme de 90,000 fr. que Poictevin avait exigée pour lui seul dudit de Seraincourt 1° comme intérêts usuraires d'une ouverture de crédit faite par ledit Poictevin personnellement pour trois mois; 2o comme rémunération pour avoir procuré semblable ouverture de crédit faite par Gauthier; qu'à l'appui de cette demande, la dame de Seraincourt a articulé des faits dont elle

a offert la preuve ; Attendu que Poictevin a opposé à cette action l'exception de prescription triennale fondée sur ce que, une condamnation correctionnelle ayant été prononcée le 30 juin 1853 contre lui, Poictevin, pour délit d'habitude d'usure, le prétendu fait usuraire qui lui est aujourd'hui reproché par la dame de Seraincourt constituerait, aux termes de la loi du 19 déc. 1850, un nouveau délit d'usure pour lequel toute action publique ou civile se prescrit par trois ans;-Attendu qu'interprétant sainement les conclusions des parties, l'arrêt attaqué a déclaré que l'action de la dame de Seraincourt avait pour objet la restitution d'une somme indûment exigée et perçue, et non pas la réparation du préjudice résultant d'un fait délictueux; qu'il a également déclaré que les faits pris en eux-mêmes tels qu'ils étaient présentés par la dame de Seraincourt, ne constitueraient pas un délit vis-à-vis de feu de Seraincourt, et que c'était Poictevin seul qui, subsidiairement et pour créer à son profit une exception de prescription, avait prétendu attribuer à la demande le caractère d'une action civile dérivant d'un délit; Attendu qu'en repoussant, dans ces circonstances, l'exception de prescription trienna le, l'arrêt attaqué n'a point violé les articles invoqués, ni aucune autre disposition légale;

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Sur les deuxième et troisième moyens :Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, pour établir la perception, frauduleuse reprochée à Poictevin, ainsi qu'il vient d'être dit sur le premier moyen, la dame de Seraincourt a invoqué des documents et des présomptions, et a en outre articulé des faits qu'elle a offert de prouver tant par titres que par témoins-Attendu qu'après avoir rappelé qu'en matière de dol et de fraude les tribunaux peuvent recourir à tous les moyens de preuve admis par la loi, ledit arrêt à déclaré que les faits articulés étaient pertinents, ct a autorisé la preuve sollicitée; qu'en sta

tuant ainsi, il s'est conformé aux prescriptions de l'art. 1353, C.. Nap., a suffisamment motivé sa décision, et n'a violé ni les art. 1315 et 1341, même Code, ni l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810; Rejette, etc.

Du 29 janv. 1867.-Ch.. civ.- MM. Troplong, for prés.; Gastambide, rapp.; De Baynal, 1er av. gén. (concl. conf.); Groualle et Guyot, av..

2 Arrêt. (Poictevin C. de Seraincourt.)

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L'affaire étant revenue devant le tribunal, après l'arrêt confirmatif de la Cour de Paris du 21 juin 1864 ci-dessus rapporté, le tribunal de la Seine a rendu, au fond, le 22 déc. 1864, un jugement qui ordonnait la restitution de la somme de 90,000 fr. par les motifs suivants : «Attendu qu'il résulte des documents de la cause et notamment de l'enquête à laquelle il été procédé, en exécution du jugement interlocutoire, en date du 14 juin 1863, confirmé par arrêt du 24 juin 1864, que le 4 déc. 1856, et peu d'instants après la réalisation du prêt de 500,000 fr. fait conjointement par Gauthier et Poictevin à de Seraincourt, ce dernier a remis à Poictevin une somme de 90,000 fr. ; —Que Poictevin, à deux reprises différentes et par l'interpellation précise qui lui était adressée, a reconnu qu'en effet il avait bien reçu de Seraincourt, ladite somme de 90,000 fr., mais pour règlement des autres affaires qu'il avait eues avec lui;- Attendu que dans l'interrogatoire sur faits et articles qu'il a subi, Poictevin, tout en niant avoir reçu cette somme, affirme qu'il ne s'est jamais occupé d'affaires pour de Seraincourt; Autendu que cette somme ayant été reçue par Poietevin sans cause aucune et de mauvaise foi, doit être restituée avec les intérêts suivant la loi depuis le jour du versement, 4 déc. 1856;— Condamne, etc. »

Appel par le sieur Poietevin, qui reproduit devant la Cour l'exception de prescription opposée lors du jugement interlocutoire du 11 juin 1863. Au fond, et subsidiairement, il conclut à ce que les intérêts de la somme réclamée ne soient alloués qu'à partir du jour de la demande.

23 juin 1865, arrêt de la Cour de Paris qui confirme, en allouant toutefois au sieur Poictevin la somme de 4,000 fr., à titre de rémunération de la négociation de l'emprunt.. Cet arrêt est ainsi conçu: «Considérant que la somme de 90,000 fr. rapprochée de celle de 160,000 fr.. réellement comptée par Poictevin pour trois mois, eût constitué un intérêt de plus de 200 p. 100;-Que quelles que fussent et la situation de de Seraincourt et l'exigence de Poictevin, l'emprunteur n'eût point consenti un pareil sacrifice; que c'était évidemment pour la réalisation de l'emprunt de 500,000 fr. qu'il était par lui supparté ;-Considérant que la commission attribuée au négociateur d'un emprunt constitue le salaire d'un mandat, lequel salaire peut être apprécié et déterminé par les tribunaux,

alors même qu'il a été convenu entre les parties et réglé entre elles;-Que, dans la cause, Poictevin a montré lui-même comment il fallait apprécier sa perception; qu'il en a soigneusement dérobé la connaissance au notaire rédacteur de l'acte et à son coprêteur; qu'il a soutenu et soutient encore, en présence de la preuve contraire, qu'il n'a rien reçu, reconnaissant ainsi qu'il pu recevoir légitimement; Qu'il n'y a pas lieu en cet état de maintenir le versement à lui fait par de Seraincourt, lequel, de l'aveu même de celui qui l'a reçu, a manqué de cause; considérant d'ailleurs que le paiement dont il s'agit a été opéré sous le poids d'une contrainte

de la nature de celle qui préside aux engagements usuraires; que si ce fait ne constitue pas un délit, il n'en est pas moins, au point de vue civil, une cause d'absence du consentement libre, ce qui annule la convention;

Considérant, dès lors, qu'il y a lieu d'ordonner la restitution de la somme de 90,000 fr. comptée à Poictevin sous la déduction du prix légitime de la négociation par lui faite, lequel doit être arbitré dans les circonstances de la cause à 1 p. 100 de la somme fournie ;

Considérant, quant aux intérêts, que Poi tevin a évidemment reçu de mauvaise foi et doit restitution conformément aux disposi tions de l'art. 1378 C. Nap.; Considérant surabondamment qu'en admettant même, suivant le système soutenu par l'appelant, que la somme par lui perçue eût constitué un intérêt usuraire, il n'en résulterait pas que la restitution n'en dût pas être ordonnée par suite de la prescription de trois années invoquée par Poictevin;-Que l'exception réduisant à trois années la durée de l'action civile naissant d'un délit ne peut être admise qu'autant que le fait avertit par lui-même celui qu'il lèse de la situation exceptionnelle qui lui est donnée;

-Que celui qui se trouve victime d'un délit doit savoir, au jour où naît son droit à des réparations, qu'il peut exercer à son choix une action civile ou une action criminelle, mais qu'à côté de cet avantage se trouve pour lui, et comme compensation, la nécessité d'agir dans un délai de trois années; · Considérant que le fait isolé d'usure ne donne point cet avertissement parce qu'il ne constiîue pas en lui-même un délit ; qu'il ne fait naître qu'une action civile exclusivement réglée par la loi civile; que sans doute il peut devenir délit par ses circonstances extérieures, mais que ces circonstances, étrangères à l'emprunteur, légalement et en fait de lui ignorées, placées en dehors de l'acte qui lui est particulier, ne peuvent changer à son insu la nature de son droit et les conditions de son action ;-Que dans la cause, de Seraincourt n'a pu être tenu de savoir que Poictevin avait été antérieurement condamné comme usurier et placé ainsi dans une situation exceptionnelle au point de vue de la loi pénale; Considérant qu'ainsi le moyen tiré par l'appelant de ce que la perception par lui opérée l'aurait été à titre d'usure, n'est

pas fondée en fait, et qu'en droit il ne pourrait le protéger contre la demande en restitution; Adoptant au surplus les motifs donnés par les premiers juges, etc. »> domsserungs

POURVOI en cassation: 1° (même moyen que ci-dessus)uolimp dominas

52° Violation des art. 1986, C. Nap., 6 et 1174, même Code, en ce que l'arrêt attaqué a réduit un salaire stipulé d'un commun accord, alors que la convention devait seule faire la loi des parties.

3° Violation des art. 1111, 1108 et 1134, C. Nap., en ce que, pour ordonner la réduction dont il s'agit, l'arrêt s'est fondé sur une prétendue contrainte morale, insuffisante pour vicier le consentement.

40 Violation des art. 1153, 1378 et 1986, C. Nap., en ce que le même arrêt a décidé que les intérêts de la somme à restituer étaient dus à partir du jour du paiement, et non pas seulement à partir du jour de la demande.

ODVARRET (après délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le premier moyen :Attendu qu'il est déclaré, en fait, par l'arrêt attaqué, « que le jour même et à la suite du prêt de 500,000 fr. consenti à de Seraincourt par Gauthier et Poictevin, ce dernier a reçu de de Seraincourt une somme de 90,000 fr.; que les versement de ladite somme de 90,000 fr. dont la restitution est demandée par la dame de Seraincourt n'a pas constitué dans la pensée des parties un intérêt des sommes prêtées; qu'en effet Gauthier, qui fournissait la plus grande partie de la somme prêtée, n'a rien reçu des 90,000 fr.; que cette somme rapprochée de celle de 160,000 f. réellement comptée par Poictevin pour trois mois, eût constitué un intérêt de plus de 200 p. 100; que quelles que fussent et la situation de de Seraincourt et l'exigence de Poictevin, l'emprunteur n'eût pas consenti un pareil sacrifice; » - Attendu que l'arrêt conclut des faits par lui constatés que c'est, non le prêteur, mais le négociateur de l'eniprunt, qui a été rémunéré par la prime de 90,000 fr., et que cette commission, pour être exorbitante, n'a point changé de nature;

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Attendu que, dans ces circonstances, l'arrêt attaqué a décidé à bon droit que la demande en restitution de la prime dont il s'agit ne pouvait être écartée par la prescription triennale;

-

Sur les deuxième et troisième moyens : Attendu, en droit, que le mandat est un contrat gratuit de sa nature, et que, dans le cas de convention contraire, il appartient aux tribunaux, à la différence du contrat de louage, de réduire le salaire convenu lorsqu'il est hors de proportion avec le service rendu ; Attendu qu'il résulte des déclarations de l'arrêt attaqué et du jugement confirmé par ledit arrêt « que de Seraincourt ayant donné mandat à Poictevin de négocier pour lui un emprunt de 500,000 fr., ce dernier se fit remettre par de Seraincourt, à

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titre de rémunération, une somme de 90,000 fr., et ce le jour même et à la suite du prêt; que Poictevin a montré comment il fallait apprécier cette perception; qu'il en a soigneusement dérobé la connaissance au notaire rédacteur de l'acte et à son coprêteur, le sieur Gauthier, qui fournissait cepen, dant la plus grande partie de la somme prêtée; qu'après avoir, à deux reprises, reconnu qu'il avait reçu cette somme, mais, disait-il, pour règlement d'autres affaires qu'il aurait eues avec de Seraincourt, il a nié dans son interrogatoire sur faits et articles qu'il eût reçu ladite somme, et a affirmé qu'il ne s'était jamais occupé d'affaires pour de Seraincourt, qu'il le soutient encore, en présence de la preuve contraire, reconnais sant ainsi qu'il a reçu illégitimement et sans cause une commission aussi exorbitante; que le paiement dont il s'agit a été opéré sous le poids d'une contrainte morale de la nature de celle qui préside aux engagements usuraires; que si le fait ne constitue pas un délit, il n'en est pas moins, au point de vue civil, une cause d'absence de consentement libre; » Attendu que, dans ces circonstances, l'arrêt a pu ordonner, comme il l'a fait, sous la déduction du prix légitime de la négociation, la restitution de la somme de 90,000 fr. versée par do Seraincourt à Poictevin au moment même où venait de se consommer l'opération; que l'arrêt n'a donc violé aucun des articles invoqués

Sur le quatrièmes moyen: Allendu qu'aux termes de l'art. 1378 C. Nap., s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer tant le capital que les intérêts ou les fruits du jour du paiement;

Attendu que l'arrêt attaqué ayant déclaré que Poictevin avait reçu de mauvaise foi, n'a fait qu'une juste application_dudit article en ordonnant la restitution des intérêts du jour du paiement; Rejette, etc.

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Du 29 janv. 1867. Ch. civ. MM. Troplong, 1 prés.; Gastambide, rapp.; De Raynal, 1er av. gén. (concl. conf.); Groualle et Guyot, av.

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CASS.-CIV. 19 mars 1867. FAILLITE, PAIEMENT, VIREMENT DE COMPTE, COMPENSATION.

Peut être annulé comme constituant en réalité un paiement fait autrement qu'en es pèces ou effets de commerce, le virement de compte opéré dans les dix jours de la faillite sur les livres du failli, et résultant de l'accord de celui-ci avec l'un de ses créanciers pour transporter, par cette opération fictive, tout ou partie de la créance au crédit de l'un des débiteurs de ce failli, et compenser ainsi jusqu'à due concurrence la dette avec cette créance (1). (C. comm., 446.)

(1) V. anal. en ce sens, Paris, 18 janv. 1865 et les observations en note (P.1865.1098.-S. 1865.2.281).

(Brouillet et Plombat C. synd. Vernhette.)

Au 25 avril 1865, moins de dix jours avant la cessation de paiements de la maison de banque Vernhette de Montjaux et comp., dite Comptoir commercial, les sieurs Lucien Brouillet et Plombat étaient créanciers de cette maison, par compte courant, d'une somme de 21,285 fr. 13 cent. De son côté, le sieur Louis Brouillet était débiteur de la même maison de 4,000 fr. environ. Ledit jour, un virement de compte fut inscrit sur les livres de la maison à l'effet de réduire le crédit des sieurs Lucien Brouillet et Plombat de 10,000 fr. qui furent portés au crédit de Louis Brouillet. Celui-ci, par le résultat du virement, paraissait, non plus débiteur de 4,000 fr., mais créancier de 6,000 fr.- Ces nouvelles écritures du Comptoir commercial apportaient aux situations respectives un changement contre lequel réclama le sieur Rodon, syndic de la faillite du Comptoir commercial, déclarée par jugement du 9 mai 1865, avec fixation au 1er du même mois de la date de la cessation de paiements. L'effet du virement de compte eût été de compenser partie des sommes que la faillite avait à recouvrer avec d'autres sommes dépendant de son passif et pour lesquelles elle n'avait à payer qu'un dividende. Le syndic a donc soutenu qu'effectué dans les dix jours précédant l'époque de la cessation des paiements, le virement de comptes était nul comme ne résultant pas d'un paiement en espèces ou effets de commerce, et que les parties devaient être remises dans l'état où elles se trouvaient avant ledit virement. Il

assigna à ces fins les sieurs Lucien Brouillet et Plombat, et en même temps le sieur Louis Brouillet, devant le tribunal de commerce de Millau.

29 nov. 1865, jugement de ce tribunal qui repousse la demande.

Appel; et, le 16 mars 1866, arrêt infirmatif de la Cour de Montpellier ainsi conçu :<< Considérant que la faillite Henri Vernhette et comp. a été reportée au 1er mai 1865; -Qu'il est de principe que les paiements faits autrement qu'en espèces ou effets de commerce pour dettes même échues, sont nuls, lorsqu'ils ont été faits après la cessation de paiements ou dans les dix jours qui out précédé cette époque; Considérant que le

virement de la créance de Brouillet et Plombat sur Louis Brouillet est un véritable paiement par transport, effectué pendant la période suspecte;- Qu'il y a donc lieu de l'annuler ;... Par ces motifs, etc. »>

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