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C. Nap.; Attendu que les immeubles dotaux sont inaliénables pendant le mariage; qu'ils ne peuvent être saisis par les créanciers, qui n'ont action ni sur les immeubles, ni sur le prix de ceux vendus à charge de remploi en vertu d'une disposition particulière du contrat de mariage; Que si, aux termes de l'art. 1558, l'immeuble dotal peut être aliéné avec permission de justice pour le paiement de certaines dettes, et notamment pour fournir des aliments à la famille, il ne résulte pas de cette exception que le créancier puisse, même pour l'une des créances énumérées audit article, saisir directement et de plein droit l'immeuble dotal ou le prix en provenant; Attendu, en fait, qu'il n'apparaît pas que, dans la cause, aucune permission de justice autorisant l'affectation du prix des biens dotaux de la femme Dodmand au paiement de la créance de Lubin ait été présentée au tribunal civil de Lisieux; que, notamment, le jugement du 4 mai 1864, produit pour la première fois devant la Cour de cassation, ait été soumis à l'appréciation de ce tribunal,qui n'a pas été mis à même d'examiner si les dispositions de ce jugement s'appliqueraient à la créance de Lubin, et qui, pour valider ses poursuites, s'est fondé sur cet unique motif que la créance réclamée affectait certainement la dot de la femme Dodmand; - D'où il suit qu'en déclarant, dans ces circonstances, valable la saisie-arrêt de Lubin sur le prix des immeubles dotaux de la femme Dodmand, le jugement attaqué a formellement violé les articles de loi ci-dessus visés ;- Casse, etc. Du 13 mars 1867. - Ch. civ.- MM. Pascalis, prés.; Glandaz, rapp.; de Raynal, 1 er av. gén. (concl. conf.); Fosse et Mimerel, av.

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CASS.-REQ. 6 juin 1866.

ACTION POSSESSOIRE, RÉINTÉGRANDE, PosSESSION ÉQUIVOQUE, PLACE PUBLIQUE, COMPÉTENCE.

Si l'action en réintégrande n'exige pas une

possession animo domini, il faut du moins que le demandeur justifie d'une possession paisible, publique, et d'une dépossession par violence ou voie de fait (1).

Dès lors, l'établissement, par les ordres du maire, de barrières mobiles englobant dans une place publique un terrain sur lequel un riverain exerçait des actes de jouissance inhérents au voisinage, ne saurait autoriser une action en réintégrande de la part de ce riverain contre la commune, soit en ce que sa possession était équivoque et de pure tôlérance, soit en ce que les barrières mobiles ne forment pas obstacle à l'accès du terrain et n'opèrent pas conséquemment une dépossession illégale (2). (C. proc., 23; L. 25 mai 1838, art. 6.)

(1-2) Il est, comme on sait, de jurisprudence constante que l'action en réintégrande, à la différence de l'action en complainte, est recevable bien que la possession du demandeur ne réunisse pas les conditions prescrites par l'art. 23, C. proc.; et qu'il suffit d'une possession matérielle, fût-elle précaire et momentanée, et d'une dépossession par violence ou voie de fait. Et ce principe est appliqué même au cas où le terrain litigieux ferait partie du domaine public. V. Cass. 18 juin 1866 (P.1866.995.-S.1866.1.365), et la note. L'arrêt ci-dessus, en repoussant l'action en réintégrande par le motif que le terrain litigieux dépendait du domaine public communal, et que la possession du demandeur était, dès lors, équivoque et de pure tolérance, n'est pas en contradiction avec les précédents arrêts de la Cour suprême. Dans les espèces jugées par ces arrêts, l'action possessoire était, en effet, exercée contre des tiers, auteurs du trouble, qui, ne pouvant avoir de

En pareil cas, le juge du possessoire a qualité pour reconnaître et déclarer le caractère public du terrain litigieux, lorsqu'il ne le fait d'ailleurs que pour qualifier les faits de possession allégués par le demandeur, et ́en conclure que ces faits lui étaient communs avec tous les autres habitants de la commune (3).

(Goret C. comm. de Clerfayt.)

Le sieur Goret est propriétaire, dans la commune de Clerfayt, de bâtiments qui sont séparés de la place publique par un terrain sur lequel, comme riverain, il exerçait depuis longtemps des actes de jouissance. Le maire ayant cru devoir prescrire l'établissement de barrières qui englobaient dans l'enceinte de la place le terrain dont il s'agit, le sieur Goret a formé contre la commune une action tendant à sa réintégration dans la possession de ce même terrain.

13 oct. 1864, sentence du juge de paix de Solze-le-Château qui rejette cette action par les motifs suivants :- « Considérant que les dépendances du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles et ne peuvent par suite être l'objet d'une possession utile donnant droit à l'exercice d'une action possessoire;-Que les rues et places publiques

leur côté aucun droit sur le terrain litigieux, avaient le tort de troubler une possession que le véritable propriétaire tolérait ou ne contestait pas. Et il est évident qu'en pareil cas, les tiers ne sauraient être admis à exciper, dans leur intérêt privé, de ce que le terrain litigieux serait imprescriptible comme formant une dépendance du domaine public. V. Cass. 24 juill. 1865 (P.1865. 881.-S.1865.1.346). Dans l'espèce actuelle, au contraire, l'action possessoire était formée contre la commune elle-même : celle-ci était donc recevable et fondée à critiquer la possession invoquée par le demandeur.

(3) Cette décision rentre dans une jurisprudence bien établie. V. Cass. 21 janv. 1862, et la note (P.1863.95. S.1862.1.668). V. aussi l'arrêt du 24 juill. 1865, cité à la note précédente, et Cass. 24 avril 1866 (P.1866.1191. S.1866.1.440).

dans les villes, bourgs, villages, font partie du domaine public;-Que le terrain appelé autrefois de l'église, désigné sous le nom de place publique sur le plan cadastral de la commune, dans l'exploit d'ajournement et dans les conclusions du demandeur, revêt effectivement ce caractère par l'usage auquel il est affecté ; - Que l'espace litigieux compris entre les bâtiments du demandeur et la place fait partie de cette dernière sur le plan cadastral produit par le maire de la commune; Qu'il n'en est distingué en réalité ni par des titres positifs de propriété, ni par des signes apparents de délimitation contraire-Considérant que l'existence d'une porte et de fenêtres tant au rez-de-chaussée qu'au grenier, s'explique par le voisinage de la place;-Que les dépôts articulés d'instruments aratoires, d'un petit fumier, d'une niche à chien à un endroit ouvert au public constituent des actes temporaires de pure tolérance; Considérant que la prétendue possession du demandeur, caractérisée par les titres et toutes les circonstances du procès, ne peut donner lieu à l'action en complainte possessoire ; Que, pour admettre, avec la Cour suprême, l'action en réintégrande, il faudrait au moins qu'elle fût fondée sur des actes de violence et des voies de fait assez graves pour compromettre l'ordre et la paix publique;- Que le fait par le maire de Clerfayt, en le supposant prouvé, d'avoir enlevé momentanément les bailles sur la demande de Goret n'établirait, au profit de celui-ci, que la reconnaissance d'un droit, jure servitutis, aux avantages résultant du voisi nage de la place;-Que M. le maire de Clerfayt, en entourant le milieu de la place de bailles qu'il a prolongées dernièrement par d'autres bailles mobiles jusqu'au mur de Goret, n'a donc fait effectuer sur le domaine communal qu'un travail dans l'intérêt public à l'abri de toute action possessoire qualifiée de réintégrande et de complainte, et pouvant seulement donner droit, au profit de Goret, à une indemnité si ce travail lui cause un préjudice en le privant des avantages attachés légalement au voisinage d'une rue ou d'une place publique. »

conçu :

Appel; mais, le 31 déc. 1864, jugement confirmatif du tribunal d'Avesnes, ainsi « Attendu que, par son exploit en date du 17 septembre dernier, Goret a fait assigner le maire de la commune de Clerfayt, en sa qualité, pour faire ordonner sa réintégration dans la possession d'un terrain longeant ses bâtiments du côté de la place dite place de l'Eglise-Que cette action en réintégrande était fondée sur ce que le maire avait fait entourer ladite place de bailles qui se trouvaient juxtaposées aux bâtiments de Goret, englobant ainsi le terrain dont il s'agit dans l'enceinte entière de la place;-Attendu que les bailles ainsi placées par ordre de l'autorité municipale sont mobiles; Qu'elles ne constituent pas une voie de fait

ni un acte de violence arbitraire de nature

à troubler l'ordre et la paix publique; Qu'elles ne font pas obstacle au libre passage du demandeur, et qu'en conséquence l'acte dénoncé dans l'exploit n'est pas de nature à ouvrir au profit de Goret l'action en réintégrande; - Attendu, au surplus, que la condition essentielle de la recevabilité de cette action est que la personne dépossédée soit en possession actuelle et paisible; - A ce point de vue: Attendu que la possession actuelle, telle qu'elle est revendiquée par le demandeur, et en supposant vrais les faits articulés, ne constituerait pas une possession paisible et non précaire pouvant mener à prescription et servir de base à une action en complainte;-Qu'en effet, le terrain dont s'agit doit être considéré, jusqu'à preuve contraire, comme faisant partie du domaine public communal, en vertu de la présomption légale qui classe dans ce domaine les places et rues situées dans l'intérieur des villes et villages; Que les faits articulés révèlent des actes de jouissance de la nature de ceux qui appartiennent à tous les riverains desdites rues et places, sans que de tels actes aient de signification sérieuse au point de vue de la propriété ou de la possession utile; -Attendu, dès lors, que Goret n'était point en possession paisible et non précaire du terrain dont il s'agit, et que, d'autre part, on ne peut considérer comme un acte de violence pouvant donner ouverture à la réintégrande le fait par le maire d'avoir ordonné de poser sur ce terrain des bailles mobiles qui ne portaient même pas atteinte au droit d'usage commun, qui appartient à Goret comme à tout autre habitant sur la place située en face de sa demeure. »

POURVOI en cassation par le sicur Goret. -1° Violation des art. 23, C. proc., et de la loi du 25 mai 1838, en ce que le jugement attaqué a décidé, d'une part, que la possession du demandeur, étant précaire et de pure tolérance, comme s'appliquant à un terrain dépendant du domaine public, ne pouvait autoriser une action en réintégrande, et d'autre part, que le fait de l'établissement de barrières par l'ordre du maire, ne constituait pas une dépossession par violence ou voie de fait.

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sont que des actes de jouissance inhérents au voisinage d'une place publique, et auxquels il n'avait été apporté aucun obstacle par la barrière établie, d'après les ordres du maire, pour protéger les danses et les jeux publics;

Attendu que le tribunal d'Avesnes a pu, sans excéder les limites de ses pouvoirs souverains et sans violer l'art. 23, C. proc. civ., induire des faits ainsi constatés que la possession du sieur Goret était équivoque, de pure tolérance, et que l'établissement de la barrière ne constituait pas une voie de fait autorisant la réintégrande, puisque le sieur Goret n'avait pas été dépossédé d'un terrain dont il aurait eu la possession paisible et publique;

le euxième moyen: Attendu que vainement le pourvoi soutient que le jugement attaqué ne pouvait repousser l'action en réintégrande en se fondant sur le caractère public du terrain dont le sieur Goret prétendait être exclusivement propriétaire; -Attendu, en droit, que le juge du possessoire a incontestablement qualité pour déterminer, au point de vue purement posses. soire, la nature du terrain objet de la contestation;-Attendu que le jugement, en déclarant que la parcelle réclamée par le sieur Goret faisait partie de la place publique de la commune, n'a pas opposé cette affectation spéciale du terrain litigieux comme une fin de non-recevoir contre l'action en réintégrande; qu'il ne l'a invoquée que pour conslater que les faits de possession allégués par le demandeur lui étaient communs avec tous les autres habitants de Clerfayt, et qu'ils ne présentaient pas les conditions requises pour autoriser l'action par lui intentée; Rejelte, etc.

Du 6 juin 1866.-Ch. req.- MM. le cons. Taillandier, prés.; Calmètes, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); Fournier, av.

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CASS.-REQ. 28 mai 1867.

REGLEMENT DE JUGES, VENTE JUDICIAIRE, COMPÉTENCE.

Il y a lieu à règlement de juges lorsque la vente judiciaire d'un immeuble se trouve poursuivie par des créanciers différents devant deux tribunaux à la fois, alors même

(1) V. conf., Cass. 29 mai 1838 (P.1838.2. 68.-S.1838.1.539).- Il faut reconnaître que, dans le cas dont il s'agit, c'est la force des choses qui nécessite un règlement de juges. Mais décidé, en principe, que, pour qu'il y ait lieu à règlement de juges, il ne suffit pas que les demandes portées devant deux tribunaux différents aient le même objet, et que les parties soient les mêmes; qu'il faut encore que les demandes soient fondées sur les mêmes causes, et que les parties aient agi dans les mêmes qualités : Cass. 29 janv. 1867 (suprà, p. 165). V. la note qui accompagne cet arrêt.

qu'un arrêt aurait statué définitivement sur l'une des poursuites (1). (C. proc., 363.)

Et, dans ce cas, c'est au tribunal de la situation de l'immeuble que la compétence doit être attribuée.

(Société des ports de Brest C. d'Almazan.)

ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 363, C. proc. civ., il y a lieu à règlement de juges par la Cour de cassation lorsque le même différend est porté devant deux tribunaux ne ressortissant pas à la même Cour impériale; Attendu qu'en vertu d'un arrêt contradictoirement rendu par la Cour impériale de Paris entre le liquidateur de la société générale des ports de Brest et un certain nombre de créanciers de la société, la vente judiciaire des 400,000 mètres de terrains qui constituent l'actif immobilier de ladite société est maintenant poursuivie devant le tribunal civil du département de la Seine;

Attendu que des créanciers hypothécaires ou privilégiés sur les immeubles de la société, qui n'étaient point parties et qui n'avaient pas été représentés, en leurs qualités, dans l'instance sur laquelle est intervenu l'arrêt de la Cour impériale de Paris, ont pratiqué, à Brest, des saisies immobilières sur diverses parcelles de terrains comprises dans les 400,000 mètres dont l'adjudication devait avoir lieu à Paris, et que la procédure suivie à Brest a pour objet et doit avoir pour résultat l'adjudication devant le tribunal de cette ville des parcelles saisies; -Attendu qu'il suit de là que la vente judiciaire desdites parcelles est, en même temps, poursuivie devant le tribunal civil du département de la Seine et devant le tribunal civil de Brest; que de quelque manière que l'un ou l'autre de ces tribunaux ait été saisi de l'instance pendante devant lui, il existe un conflit positif de juridiction donnant lieu à règlement de juges, par cela seul que la vente judiciaire des mêmes immeubles poursuivie de part et d'autre contre la société et son liquidateur se trouve simultanément portée devant deux tribunaux différents;-Qu'il n'est pas admissible que les parties intéressées ne puissent pas juridiquement prévenir, par cette voie de règlement de juges, la double adjudication des mêmes biens dont elles sont menacées; qu'il n'y a donc lieu de s'arrêter ni à la

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Sur le point de savoir si l'on peut se pourvoir en règlement de juges lorsque, sur l'une des deux demandes, il est intervenu une décision qui n'est plus susceptible que du recours en cassation, V. dans le sens de l'affirmative, Cass. 14 fév. 1828, 6 fév. 1849 (P.1849.2.357.-S.1849.1.430), et 16 juin 1856 (P.1857.606.-S.1856.1.597); MM. Merlin, Rép., vo Chose jugée, § 14; Chauveau, sur Carré, et Suppl., quest. 1324. V. aussi MM. Bourbeau, t. 5, p. 366, et Rodière, 1. 2, p. 99.

question de savoir si l'arrêt qui ordonne la vente à Paris doit être considéré comme ayant acquis l'autorité de la chose irrévocablement jugée, ni à la circonstance que, dans les deux instances, les parties poursuivantes ne sont pas les mêmes; que la coexistence de ces instances, l'identité des immeubles et l'identité de la partie poursuivie suffisent pour constituer le conflit;- Attendu que, par conséquent, la demande en règlement de juges est recevable, mais en tant seulement que cette double identité est constatée, c'est-à-dire, relativement aux parcelles dont la vente est en même temps poursuivie devant les deux tribunaux qui ne ressortissent pas à la même Cour impériale;-Qu'il n'existe aucun conflit en ce qui concerne les terrains beaucoup plus importants qui n'ont été frappés d'aucune saisie et dont la vente n'est poursuivie par personne devant aucune autre juridiction que le tribunal civil du département de la Seine; -Que,sous le prétexte d'une opportunité contestée et qui n'a pas été, en fait, jusqu'à présent démontrée, on ne peut considérer comme connexes, par cela seul que le débiteur poursuivi est le même, deux instances par lesquelles des créanciers différents poursuivent, dans des formes qui sont elles-mêmes essentiellement différentes, le mode de réalisation qui leur paraît le plus avantageux pour les immeubles divers qui sont le gage de leurs créances; Attendu, au fond, que quant aux parcelles dont la vente est en même temps poursuivie à Paris et à Brest, il ne saurait y avoir lieu de dépouiller le tribunal civil de Brest de la juridiction spéciale que la loi lui attribue pour prononcer l'adjudication d'immeubles dont la saisie a été pratiquée, transcrite et poursuivie dans son ressort; Déclare la demande en règlement de juges recevable, mais seulement en ce qui concerne les parcelles dont la vente était pour suivie devant le tribunal civil de la Seine et qui sont simultanément les objets des saisies pratiquées à Brest; maintient ces saisies et tous les actes et procédures qui en ont été et en doivent être ultérieurement la suite; annule, au contraire, en tant qu'elle porte sur les parcelles saisies à Brest, la procédure de vente judiciaire suivie devant le tribunal civil du département de la Seine; la maintient quant au surplus, etc.

Du 28 mai 1867. Ch. req. MM. Bonjean, prés.; Boucly, rapp.; Paul Fabre, av. gén. (concl. conf.); Gigot, Moutard-Martin et Bosviel, av.

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CASS.-CIV. 4 décembre 1866.

EXPROPRIATION POUR UTIL. PUBL., CASSATION (POURVOI EN), CRÉANCIER.

Le créancier de la partie expropriée pour cause d'utilité publique a, en principe et comme exerçant les droits de son débiteur, qualité pour se pourvoir en cassation contre

le jugement d'expropriation (1).—Mais en est-il ainsi même alors que son titre de créance est postérieur à ce jugement? Non rés. (L. 3 mai 1841, art. 20; C. Nap., 1166.)

Dans tous les cas, le pourvoi du créancier n'est recevable qu'autant que la partie expropriée a été appelée en cause dans le délai de huitaine fixé par l'art. 20 de la loi du 3 mai 1841. (Robbino C. Préfet de la Savoie.) ARRÊT.

LA COUR;-Attendu que le titre de créance de Robbino contre Pérone, pour une somme de 270 francs, est un acte notarié du 26 mai 1866, postérieur au jugement d'expropriation pour cause d'utilité publique, rendu contre Pérone le 11 du même mois; Attendu que le résultat immédiat du jugement d'expropriation est de transférer de l'exproprié à l'expropriant la propriété de l'immeuble, et qu'ainsi, tant que le jugement subsiste, le créancier ne peut exercer ses droits que sur l'indemnité formant le prix de l'immeuble, et non sur l'immeuble lui-même ; Qu'ainsi le créancier qui prétend exercer les droits de son débiteur exproprié a intérêt et qualité pour attaquer le jugement d'expropriation; mais qu'en supposant qu'il puisse le faire alors même que ce jugement est antérieur à son titre de créance, il ne serait, dans tous les cas, recevable que sous la condition d'appeler en cause l'exproprié, directement intéressé au sort du jugement, et qui peut, ainsi que Pérone le fait dans la cause, conclure à son maintien ; Qu'aux termes de l'art. 20 de la loi du 3 mai 1841, le pourvoi en cassation doit, à peine de déchéance, être notifié dans la huitaine à la partie, désignation dans laquelle l'exproprié se trouve nécessairement compris ; Attendu que le demandeur en cassation s'est borné à appeler en cause la partie expropriante, en laissant en dehors l'exproprié, auquel il n'a adressé aucune signification de son pourvoi; — D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable ;—Rejette, etc.

Du 4 déc. 1866.- Ch. civ. - MM. Pascalis, prés.; Renouard, rapp.; de Raynal, 1er av. gén.; Bozérian et Labordère, av.

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CASS. CIV. 27 mars 1867. EXPROPRIATION POUR UTIL. PUBL., JUGEMENT, NOTIFICATION, CASSATION (POURVOI EN), CHEMIN VICINAL, CHEMIN DE fer.

Une notification incomplète du jugement

(1) V. en ce sens, MM. de Peyronny et Delamarre, n. 265. V. aussi MM. Dufour, n. 54, et Herson, n. 93. Sur le point de savoir si, en thèse générale, les créanciers d'un débiteur condamné par un arrêt peuvent, dans le silence de celui-ci, former un pourvoi en cassation, en vertu de l'art. 1166, C. Nap., V. pour l'affirmative, Cass.du 24 nov. 1840 (P.1840.2.729.-S.1841. 1.45) et 1er juin 1858 (P.1859.137.-S.1859. 1.417). V. toutefois les observations jointes à ce dernier arrêt.

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d'expropriation, en ce qu'elle ne mentionne l'accomplissement d'aucune des formalités administratives et judiciaires prescrites par la loi, ne fait pas courir le délai du pourvoi en cassation (1). (L. 3 mai 1841, art. 20.)

Et en pareil cas, l'acte par lequel la partie expropriée, répondant aux offres qui lui sont notifiées avec sommation de se conformer à l'art. 21 de loi du 3 mai 1841, fait connaître les noms de ses locataires ou fermiers, ne peut être considéré comme un acquiescement au jugement et une acceptation de la notification, si, d'ailleurs, cet acte contient une protestation formelle contre toute procédure qui serait contraire à la loi (2).

Au cas d'expropriation pour l'établissement d'un chemin vicinal de grande communication destiné à être converti en chemin de fer, il doit être procédé, ab initio, suivant les formes tracées par la loi générale du 3 mai 1841: l'opération ne peut être scindée en deux parties, dont l'une, l'ouverture du chemin vicinal, serait régie par la loi spéciale du 21 mai 1836, et l'autre, l'établissement du chemin de fer, par la loi du 3 mai 1841 (3).

(De Follin C. Préfet de la Sarthe.) — ARRÊT.

LA COUR;- En ce qui touche la recevabilité du pourvoi : Attendu que si, aux termes de l'art. 20 de la loi du 3 mai 1841, le pourvoi en cassation contre un jugement d'expropriation pour cause d'utilité publique doit, à peine de déchéance, être formé, au plus tard, dans les trois jours de la notification du jugement, ce délai du pourvoi ne court qu'à partir d'une notification suffisante pour faire connaître à l'exproprié si les formalités nécessaires à la validité du jugement ont été remplies; remplies; - Attendu que l'extrait notifié à la demanderesse en cassation le 8 juillet 1866, à la requête du préfet de la Sarthe, se borne à l'indication des parcelles expropriées, et du magistrat nommé directeur du jury, ainsi que de son remplaçant éventuel; qu'il est entièrement muet sur le reste de la teneur du jugement d'expropriation du 28 mai 1866, et qu'il ne contient

(1) V. dans le même sens, Cass. 30 mars 1859 (P.1859.763). V. aussi MM. Daffry de la Monnoye, p. 115 et 116; de Peyronny et Delamarre, n. 270; Dufour, Expropr., n. 56, et Dr. admin., t. 5, n. 377.-Mais jugé qu'il suffit, pour que la notification du jugement d'expropriation fasse courir le délai du pourvoi en cassation, qu'elle contienne les énonciations prescrites par l'art. 15 de la loi du 3 mai 1841: Cass. 23 juin 1862 (P.1863.306.-S.1862.1.1061).

(2) L'arrêt précité du 30 mars 1859 décide aussi dans ses motifs que le concours de l'exproprié aux actes de procédure en règlement d'indemnité, n'emporte pas renonciation au droit de se pourvoir contre le jugement d'expropriation, si l'exproprié n'a ainsi procédé que sous des réserves

pas un seul mot duquel on puisse induire s'il y a eu accomplissement des conditions exigées par la loi, soit pour la régularité de l'expropriation, soit pour la validité de toute décision judiciaire;

Attendu que l'acte du 13 juillet 1866 par lequel la demanderesse a fait connaître les noms de ses fermiers sur les immeubles dont elle aurait été expropriée, ne saurait équivaloir à un acquiescement au jugement dont on ne lui donnait qu'une communication si imparfaite; qu'en effet, cet acte, où la demanderesse déclare agir en vertu de l'art. 21 de loi du 3 mai 1841, a été fait en réponse à sommation à elle adressée, par acte d'offres du 8 du même mois, d'obtempérer audit article; qu'elle s'exprime sur l'expropriation en termes conditionnels, et qu'elle y proteste formellement contre toute procédure qui serait contraire aux dispositions de la loi de 1841; Attendu qu'en l'absence de réelle notification et d'acceptation par la demanderesse, le délai du pourvoi contre le jugement du 28 mai 1866 n'avait pas commencé à courir lorsque, par déclaration au greffe du tribunal de la Flèche, en date du 11 déc. 1866, le pourvoi a été formé ; D'où il suit que le pourvoi est recevable.

Siatuant au fond: Vu les art. 2 et 30 de la loi du 3 mai 1841; -Attendu que le jugement attaqué a prononcé l'expropriation des immeubles y désignés à l'effet de les employer à la construction du chemin vicinal de grande communication de la Flèche à Aubigné, destiné à être converti en chemin de fer; qu'il a appliqué aux formalités de l'expropriation et à la composition du jury chargé du règlement des indemnités, non la loi du 3 mai 1841, qui est le droit commun en matière d'expropriation, mais la loi du 21 mai 1836, qui statue exceptionnellement en ce qui concerne les chemins vicinaux; Attendu que lorsque, comme dans l'espèce, une expropriation est prononcée avec la déclaration formelle qu'elle est destinée à créer un chemin de fer, il n'est pas permis de se soustraire aux conditions imposées par la loi pour cet établissement en opérant une scission dans les travaux, et en procédant comme

expresses. V. conf., M. Daffry de la Monnoye, p. 116.

(3) La loi du 12 juill. 1865 (P. Lois, dé crets, etc., p. 147.-S. Lois annotées, p. 86), relative aux chemins de fer d'intérêt local, ne dispose pas, d'une manière expresse, qu'il devra être procédé à l'expropriation suivant les formes tracées par la loi du 3 mai 1841; mais le rapport de la commission au Corps législatif (V. Moniteur du 1er juill. 1865, p. 954, 3° col.) ne laisse aucun doute sur ce point, qui, au besoin, résulterait, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer en note sous cette loi, du seul silence de la loi nouvelle à ce sujet. V. aussi M. Duvergier, Collect. des lois, 1865, p. 395.

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