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lève d'ailleurs aucune réclamation ; — 4o En ce qui touche le moyen tiré de ce que le terrain ayant été de nouveau exproprié, la compagnie, qui ne le possède plus, ne peut être tenue de le restituer : Considérant que la nouvelle expropriation du terrain revendiqué, pour l'ouverture de la rue de Rome, n'est point un obstacle à l'exercice du droit conféré à Delair par l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841; Que, malgré cette circonstance, il n'en subsiste pas moins; que seulement, au lieu de s'exercer aujourd'hui sur la chose elle-même, il s'adresse au prix représentatif de la chose expropriée; que là se bornent toutes les prétentions de Delair; Infirme; statuant au principal: donne acte à Delair de ce qu'il déclare requérir, conformément à l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841, la remise en possession des 140 mètres expropriés et des 71 mètres indûment possédés; lui donne également acte de ce qu'il offre de racheter et de payer lesdits 140 mètres dans les formes et délais de droit, comme de ce qu'il entend user de son droit, et déclare être prêt à racheter ledit terrain pour le prix qu'il en a reçu en 1852; ordonne la réunion d'un jury chargé de fixer le prix de la rétrocession, à défaut d'accord entre les parties, comme aussi de fixer le prix de l'indemnité due à Delair pour les terrains indûment possédés par la compagnie de l'Ouest; dit qu'à défaut de réalisation du contrat dans le mois de ce jour, l'arrêt en tiendra lieu aux prix et conditions qui seront fixés par le jury, etc. »>

POURVOI en cassation par la compagnie.1° Excès depouvoirs; violation des règles dela compétence des tribunaux ordinaires, et spécialement de l'art. 1er de la loi du 11 avr. 1838; et fausse application des règles de la compétence du jury d'expropriation, notamment des art. 28 et 38 de la loi du 3 mai 1841, en ce que l'arrêt attaqué a accueilli la demande du sieur Delair relativement aux 71 mètres de terrain qui auraient été usurpés par la compagnie, et a donné mission au jury de fixer l'indemnité afférente à ces 71 mètres. Le jury d'expropriation, a-t-on dit, est compétent pour fixer l'indemnité due à raison des terrains expropriés, et non des terrains usurpés en dehors de toute déclaration d'utilité publique, de tout arrêté de cessibilité et de tout jugement d'expropriation. Si donc, en 1860, la compagnie s'est indûment emparée, suivant la prétention de la partie adverse, de 71 mètres de terrain en sus des 211 mètres qu'elle avait expropriés en 1835, ce fait ne pouvait donner naissance qu'à une action réelle ordinaire, de la nature de celles dont la connaissance a été dévolue aux tribunaux civils par l'art. 1er de la loi du 11 avril 1838. Ce n'était donc pas au jury d'expropriation, mais bien au tribunal de première instance ou à la Cour impériale ellemême, qu'il appartenait de fixer le montant de l'indemnité pour les 71 mètres de terrain

dont il s'agit. Sur ce chef, l'arrêt attaqué ne saurait échapper à la cassation.

2° Violation du principe de la séparation des pouvoirs judiciaire et administratif fausse application de l'art. 60 de la loi du 3 mai1841, et violation de l'art. 62 de la niême loi, en ce que l'arrêt attaqué a admis la demandé du sicur Delair relativement aux 140 mètres de terrain expropriés en 1835, alors que, d'une part, il n'existait, au moment de la demande, aucun acte administratif déclarant que ledit terrain était inutile à l'exécution des travaux en vue desquels l'expropriation avait été prononcée; et que, d'autre part, il était intervenu, en cours d'instance, un arrêté de cessibilité, expropriant de nouveau le même terrain au profit de la ville de Paris de telle sorte que la propriété de ces 140 mètres de terrain avait passé directement des mains de la compagnie de l'Ouest dans celles de la ville de Paris, sans reposer un instant sur la tête du défendeur éventuel.

On a dit, à l'appui de ce moyen: La faculté de rétrocession ouverte aux anciens propriétaires par l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841 ne peut s'exercer qu'autant que le nonemploi des terrains expropriés est constaté préalablement à la demande en remise. Cela est certain. Mais par qui doit être faite cette constatation? Evidemment, par l'autorité administrative. C'est elle qui déclare l'utilité publique: c'est à elle qu'il appartient de déclarer que l'utilité publique a cessé d'exister. La compétence de l'autorité judiciaire pourrait se soutenir s'il s'agissait de constater simplement le fait matériel de savoir si, au moment de la demande en remise, les terrains ont été ou non employés à l'exécution des travaux. Mais telle n'est pas la question à résoudre. Pour qu'il y ait lieu à la rétrocession, il ne suffit pas qu'au moment de la réquisition de l'ancien propriétaire, les terrains n'aient pas encore été employés, il faut qu'il soit, en outre, certain qu'ils ne doivent pas être employés à l'exécution des travaux dans un avenir plus ou moins prochain. C'est sur ce principe qu'est fondée la disposition de l'art. 61 de la loi de 1841, aux termes duquel il appartient à l'administration de faire connaître les terrains qu'elle est dans le cas de revendre. Sans doute, les anciens propriétaires ne seront pas tenus de différer leur demande en remise jusqu'à ce que l'administration ait publié l'avis dont il est question dans cet article. Mais il ne résulte pas moins de cette disposition que c'est l'administration qui est compétente pour désigner les terrains qui devront être revendus, et que si elle ne procède pas à cette désignation, c'est à elle que les anciens propriétaires devront s'adresser pour l'obtenir. La Cour de cassation s'est prononcée en ce sens, notamment par deux arrêts des 28 déc. 1852 et 9 déc. 1861 (V. ad notam.) Or, dans la cause, au moment où le sieur Delair a introduit sa demande en rétrocession, n'existait aucun acte administratif déclarant

il

que les terrains par lui réclamés étaient inu- que tout copropriétaire dépossédé en vertu tiles à l'établissement du chemin de fer. A de la loi du 3 mai 1841, conserve éventuellece point de vue déjà, il devait donc être dé- ment le droit de réclamer la remise de toute claré non recevable dans une demande sur partie de son immeuble, qui, expropriée en le mérite de laquelle les faits postérieurs ne vue de l'utilité publique, ne reçoit pas cette pouvaient exercer aucune influence. Que destination, moyennant un prix à fixer dans s'est-il passé, d'ailleurs, après l'introduction de les formes déterminées par l'art. 60 de cette l'instance? Pendant qu'elle suivait son cours loi; Attendu qu'il ressort des faits constadevant le tribunal, il est intervenu un décret tés par l'arrêt attaqué qu'à la date du 2 oct. portant déclaration d'utilité publique et un 1860, et avant le décret déclarant d'utilité arrêté de cessibilité qui a déclaré les terrains publique l'ouverture de la rue de Rome, Dedont il s'agit expropriés au profit de la ville lair avait notifié à la compagnie de l'Ouest, de Paris pour l'ouverture de la rue de Rome. par acte extrajudiciaire,l'offre formelle de reOn pourrait dire qu'à partir de ce moment, prendre aux conditions de l'art. 60 de la loi il y a vraiment eu reconnaissance par l'au- de 1841, la partie des 211 mètres expropriés torité administrative de la non-utilité des en 1835, qui n'avait pas été employée à l'éterrains pour l'établissement du chemin de fer; tablissement du chemin de fer de Saintmais comme l'arrêté de cessibilité, en même Germain ; Attendu qu'à la demande par temps qu'il contenait implicitement cette re- laquelle Delair a formulé judiciairement la connaissance, affectait expressément ces même prétention, la compagnie de l'Ouest a mêmes terrains à une destination également opposé l'incompétence des tribunaux de droit d'utilité publique, il est clair que cet acte, commun pour statuer sur la question d'embien loin de changer la situation du sieur ploi des terrains ainsi revendiqués; -AtDelair, opposait, au contraire, à sa demande tendu que, sans qu'il soit besoin de recherun obstacle insurmontable. En deux mots, cher à laquelle des juridictions administrative avant l'arrêté de cessibilité, la demande en ou judiciaire il appartiendrait, en principe, remise ne pouvait pas être accueillie, parce de décider, pour l'application de l'art. 60 qu'il n'existait pas de déclaration adminis- de la loi précitée, si des terrains expropriés trative; et elle ne pouvait pas l'être après cet sont ou peuvent être utilisés en vue de l'objet arrêté, à cause de la nouvelle destination de l'expropriation, il existe, dans l'espèce, un qui en résultait.—Suivant l'arrêt attaqué, la fait dominant relevé par l'arrêt attaqué, à nouvelle expropriation du terrain revendiqué savoir l'expropriation au nom de la ville de n'est pas un obstacle à l'exercice du droit de Paris des 140 mètres dont s'agit pour l'oupréemption conféré par l'art. 60 de la loi verture de la rue de Rome, et qui justifie de 1841; ce droit n'en subsiste pas moins; non-seulement le non-emploi de cette parseulement, au lieu de s'exercer sur la chose celle par la compagnie de l'Ouest, mais enelle-même, il s'adresse au prix représentatif core l'impossibilité absolue pour elle de l'utide la chose expropriée. Ce système est inad- liser à l'avenir; - D'où il suit qu'en constamissible; car il résulte nettement et du texte tant, dans les circonstances particulières de de l'art. 60 et du motif qui l'a dicté, à savoir la cause, le non-emploi desdits 140 mètres,en le désir de ne pas morceler les héritages, déclarant Delair recevable à en exercer, de que la faculté accordée à l'ancien proprié- son chef, la rétrocession, et en ordonnant taire doit porter sur la remise en nature du la réunion d'un jury pour en déterminer le terrain et ne peut plus s'exercer lorsque, par prix, la Cour impériale de Paris n'a violé auun fait quelconque, cette remise est devenue cun principe, ni aucun texte de loi; · Reimpossible.-Au surplus, la première condi- jette le moyen; tion pour avoir droit à une indemnité d'expropriation, c'est d'être propriétaire au moment où l'expropriation est commencée. Or, en 1863, lors de la nouvelle expropriation, le sieur Delair avait cessé d'être propriétaire depuis 1835; et l'arrêté de cessibilité aussi bien que le jugement d'expropriation qui en a été la suite, ont eu simplement pour effet de faire passer la propriété des mains de la compagnie dans celles de la ville de Paris, sans qu'elle ait reposé un seul instant sur la tête de Delair; celui-ci ne pouvait donc, sous aucun prétexte, réclamer l'indemnité afférente à un terrain dont, depuis 28 ans, il n'était plus propriétaire. Sur ce second chef, l'arrêt attaqué a donc également encouru la cassation.

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Mais sur le premier moyen relatif aux 71 mètres :Vu l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841;-Attendu qu'il est déclaré, en fait, par l'arrêt attaqué que par suite et en exécution du jugement de distraction du 23 fév. 1860, la compagnie de l'Ouest s'est mise en possession de 211 mètres de terrain, sans tenir compte des 71 mètres déjà employés dans l'établissement du chemin de fer de SaintGermain, et qu'ainsi elle détenait indûment, au jour de l'expropriation prononcée au profit de la ville de Paris, 71 mètres qui n'avaient pas fait partie de celle de 1836; Attendu que la reprise de cette parcelle devait dès lors être, de la part de Delair, l'objet, non d'une deniande en rétrocession, dans les termes de l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841, mais d'une action en revendication soumise aux règles du droit commun; - D'où il suit qu'en renvoyant Delair devant un jury spécial pour faire fixer l'indemnité qui pourrait

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CASS.-CIV. 23 avril 1867. Enregistrement, PARTAGE D'Ascendant, DONATION, SOUlte.

L'acte par lequel un ascendant fait donalion à l'un de ses enfants de tous les biens composant son patrimoine, en chargeant le donataire de payer à chacun de ses frères et sœurs une somme égale à leur part virile dans les biens donnés, a le caractère de partage anticipé avec soultes et non celui de donation ordinaire; peu importe que la libéralité soit faite à titre de préciput, et que l'acte ne soit point revêtu de l'acceptation des frères et sœurs. En conséquence, un tel acte, indépendamment du droit de donation de

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P. 100 sur l'attribution faite au donataire, est passible de celui de 4 p. 100 sur le montant des soultes (1). (C. Nap., 1075 et suiv.; LL. 22 frim. an 7, art. 69, § 7, n. 5, et 18 mai 1850, art. 5.)

Mais la somme que le donataire s'est engagé à payer au donateur lui-même ne saurait être considérée comme une soulte; elle ne constitue qu'une simple réserve par le donateur, et n'est, dès lors, passible d'aucun droit. (Firn C. Enregistr.)

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Le 24 juill. 1864, jugement du tribunal de Saverne ainsi conçu : Attendu que, suivant contrat de mariage reçu M. Kellermann, notaire à Bouxwiller, le 5 janv. 1861, la veuve Firn a fait donation à Jacques Firn, son fils, par préciput et hors part, d'une maison avec dépendances et d'un jardin sis à Bouxwiller, sous la réserve d'un droit d'habitation pour elle et ses autres enfants, après la cessation de la maîtrise qu'elle avait conservée;-Que la donatrice a assigné aux biens donnés une valeur de 6,000 fr., en déléguant son fils donataire 1° d'acquitter d'abord à sa décharge une somme de 2,434 fr. 55 c., représentant la fortune mobilière de son mari, dont elle était restée débitrice envers ses six enfants, qui y avaient droit par parts égales; qu'ainsi le donataire était tenu de payer à chacun de ses cinq frères et sœurs une somme de 405 fr. 75 c.; 2° de remettre à sa mère une somme de 565 fr. 45 c.;-Que le contrat porte

(1) V. sur cette question, les précédents indiqués dans les conclusions de M. l'avocat général Blanche, par nous reproduites. V. aussi Rép. gén. Pal. et Supp., v° Enregistrement, n. 2593 et suiv.; Table gén. Devill. et Gilb., eod. verb., n. 1304 et suiv.

en outre : « Quant aux 3,000 fr. formant le «< surplus du prix d'estimation, la donatrice << entend partager cette somme par portions « égales entre ses six enfants, de sorte que le <«< futur époux retiendra pour sa propre part << la somme de 500 fr., et il sera tenu de payer << à chacun de ses frères et sœurs une pareille << somme de 500 fr., etc. »;-Attendu qu'il est de principe que les actes doivent être interprétés par leur substance, leur but et les stipulations qu'ils renferment, plutôt que par les dénominations que les parties intéressées leur ont données; qu'il est manifeste que le contrat de mariage précité contient, non une donation ordinaire, mais un véritable partage anticipé, avec soulte, d'immeubles impartageables en nature; -Attendu que la stipulation d'un préciput sans intérêt et le défaut d'acceptation par les enfants donataires des sommes qui leur sont attribuées ne peuvent modifier le caractère de la donation portant partage, et sont sans influence sur la perception; Par ces motifs,-Déclare bonne et valable la contrainte, etc. >>

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POURVOI en cassation par le sieur Firn.

1° Violation des art. 932, 1081 et suiv., C. Nap., et de l'art. 69, § 6, no 2, de la loi du 22 frim. an 7; et fausse application des art. 1075 et suiv., C. Nap., ainsi que de l'art. 5 de la loi du 18 mai 1850, en ce que le jugement attaqué a considéré l'acte du 5 janv. 1861 comme un partage anticipé avec soultes, alors que cet acte était en réalité une donation par préciput avec charges.

20 Violation de l'art. 3 de la loi du 16 juin 1824 et de l'art. 932, C. Nap., en ce que le tribunal a validé la perception du droit proportionnel sur une donation qui n'était pas acceptée par les donataires.

3. Violation de 1 art. 69, § 7, no 5, de la loi du 22 frim. an 7 et de l'art. 5 de la loi du 18 mai 1850, en ce que le jugement attaqué a considéré comme une soulte de partage la somme que le donataire devait payer à la donatrice.

Voici en quels termes M. l'avocat général Blanche a apprécié les divers moyens du pourvoi :

« La question qui se présente à la Cour, a dit ce magistrat, a un historique assez curieux. Sous l'empire de la loi du 22 frim. an 7, la difficulté ne pouvait pas se produire, puisque les donations ordinaires et les partages anticipés étaient soumis aux mêmes règles de perception (LL. 22 frim. an 7, art. 69, § 6, n. 2, et 27 vent. an 9, art. 10). En 1824, le droit devint moins élevé sur les partages anticipés que sur les donations entre-vifs, puisque l'art. 3 de la loi du 16 juin de cette année le réduisit à 25 cent. par 100 fr. sur les meubles et à 1 fr. par 100 fr. sur les immeubles. Alors les redevables soutinrent que les actes pareils à celui qui est en litige étaient des partages d'ascendants avec soulte et non pas des donations entre-vifs avec charges. La jurisprudence se montra très-favorable à cette prétention et fit une application libérale de la loi de 1824. La Cour de cas

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sation reconnut notamment le caractère du partage anticipé à une donation qui n'était pas qualifiée et ne portait aucun signe extérieur (Cass. 26 avril 1836, S.1836.1.499.-P.chr.);―ouqui ne comprenait pas tous les biens du disposant (Cass. 30 déc. 1839, P.1840.1.117. - S.1840. 1.153); ou qui s'adressait à un seul des enfants chargé de payer une soulte aux autres (Cass. des 1er déc. 1830 et 30 déc. 1839 précités);-Etencore bien que la donation fût faite à titre de préciput (Cass. 29 mars 1831, P. chr.-S.1831.1.310); -ou que plusieurs des donataires ne fussent pas présents au contrat ou ne l'eussent pas accepté (Cass. 11 avril 1838, P.1838.1.570. - S.1838. 1.432, et 30 déc. 1839, précité).-Les choses étaient en cet état lorsque parut la loi du 18 mai 1850, dont l'art. 5 vint décider que les partages anticipés seraient assujettis aux règles de perception applicables aux soultes dans les partages ordinaires. Dès ce moment, les redevables eurent intérêt à faire prendre de véritables démissions de biens pour des donations avec charges, et ils ne manquèrent pas de chercher à engager la jurisprudence dans cette voie. Mais tous les tribunaux ont résisté à ce changement de doctrine... » Ici M. l'av. gen. cite et discute des jugements des trib. de Péronne du 17 août 1860, de Wissembourg du 29 avril 1864, de Schlestadt du 13 déc. 1865 et de Saint-Quentin du 7 fév. 1866 qui ont consacré l'existence de la démission de biens dans des cas semblables, puis il continue: Cette résistance des tribunaux se justifie pleinement selon moi par les arrêts que la Cour de cassation a rendus avant la loi de 1850. Il est clair que les changements de tarif ne modifient pas la nature des actes el qu'une convention qui était un partage anticipé avant l'assujettissement des soultes au droit proportionnel ne peut devenir depuis une simple donation entre-vifs. Au reste, la plus grande expression judiciaire de l'Alsace, la Cour de Colmar a reconnu, le 13 mars 1850, que les actes analogues à celui qui nous occupe constituent des démissions de biens et non des donations. En effet, si l'on consulte l'acte en lui-même, on reconnaît aisément qu'il renferme une démission de biens avec réserve par la mère d'une somme de 565 fr. 45 c. Il s'agit d'un immeuble impartageable dont la mère voulait se dessaisir au profit de ses enfants. Elle distribue entre eux la valeur de la maison et sa succession se trouve réglée au moins en cette partie. Dessaisissement actuel, attributions égales en valeur, partage entre les enfants, voilà donc les caractères essentiels de la convention et ce sont aussi ceux du partage anticipé. Le pourvoi objecte que les frères et sœurs du donataire de l'immeuble n'ont pas accepté l'attribution qui leur était consentie. Mais on peut faire à cela trois réponses qui paraissent également décisives. La première c'est que l'objection déjà produite à l'occasion des arrêts des 11 avril 1838 et 30 déc. 1839 n'a pas touché la Cour; la seconde, que l'administration de l'enregistrement n'a pas à s'enquérir des causes de nullité contenues dans les actes soumis à la formalité; la troisième enfin, c'est, selon la juste remarque de Zachariæ, sur l'art. 1121, C. Nap., que si, en principe, la stipulation faite en faveur d'un tiers

ne profite pas à ce dernier, il en est autrement quand cette stipulation forme, soit la condition d'un contrat à titre onéreux que le stipulant conclut dans son propre intérêt, soit la charge d'une libéralité qu'il fait au promettant. Or, dans l'espèce, la donation faite aux enfants Firn est la condition expresse de la donation adressée à leur père ils sont donc habiles à en profiter.-Sur le troisième point, le pourvoi me paraît avoir raison. En effet on ne peut pas considérer comme soulte la somme que la mère se réserve; c'est une diminution de la démission de biens, mais ce n'est pas une soulte versée par celui qui reçoit trop à celui qui ne reçoit pas assez. » ARRÊT.

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LA COUR; Sur le premier et sur le deuxième moyen: - Attendu que, par contrat de mariage du 5 janv. 1861, la veuve Firn, en faisant donation par préciput à Jacques Firn, son fils, des immeubles qui composaient la totalité de son patrimoine, a stipulé: 1° que le donataire sera tenu de faire état, en raison de cette donation, d'une somme de 6,000 fr.; 2° qu'en déduction de cette somme, le donataire devra payer, à la décharge de la donatrice, la somme de 2,434 fr. 55 c., formant le montant de la fortune paternelle mobilière que la donatrice est restée devoir à ses six enfants, par portions égales; 3° que le donataire sera de plus tenu de payer à la donatrice une somme de 565 fr. 45 c.; 4o que, quant aux 3,000 fr. formant le surplus du prix d'estimation, la do→ natrice entend partager cette somme par portions égales entre ses six enfants, de sorte que le donataire retiendra pour sa propre part la somme de 500 fr., et qu'il sera tenu de payer à chacun de ses frères et sœurs une pareille somme de 500 fr.; Attendu que cet acte, qui a pour objet de liquider et d'estimer l'actif net du patrimoine de la donatrice et d'en faire la répartition entre tous ses enfants, suivant leur part héréditaire, en attribuant à l'un d'eux, par préciput, la totalité de ses immeubles, et en attribuant aux autres des sommes déterminées correspondant à leur part virile dans la valeur estimative de ces immeubles, contient tous les caractères d'un partage anticipé, avec soulte, quelle que soit, d'ailleurs, la dénomination que les parties ont voulu lui donner; Attendu que, d'après l'art. 1079, C. Nap., les dispositions faites par préciput au profit de l'un des copartagés ne changent pas le caractère du partage anticipé; Attendu que la nonprésence ou le défaut d'acceptation actuelle des donataires allotis en créances sur le donataire principal présent et acceptant, n'empêche pas non plus la donation d'être, au fond, un véritable partage anticipé avec soultes; Qu'en effet, le donataire acceptant ayant intérêt à ce que les attributions faites à ses frères et sœurs, non acceptants, soient maintenues par la donatrice, atin de n'être pas exposé à une demande en réduction de la donation préciputaire à lui faite,

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il s'ensuit que ces attributions ne pouvaient être révoquées par la donatrice sans le concours du donataire lui-même, et que, dès lors, ces attributions opérant, au regard de la donatrice, un dessaisissement complet et absolu, ont pour résultat de rendre, quant à elle, le partage anticipé parfait et irrévocable; Attendu, d'ailleurs, que si le défaut d'acceptation de quelques-uns des donataires rend possible l'annulation de ce partage, cette éventualité ne peut changer le caractère de cet acte, ni former obstacle à la perception du droit d'enregistrement dont il est passible dans son état actuel; · D'où il suit qu'en décidant que l'acte du 5 janv. 1861 était, en ce qui concerne les attributions faites aux enfants de la donatrice, passible du droit proportionnel établi par l'art. 69, § 6, n° 2, de la loi du 22 frim. an 7, et par l'art. 5 de la loi du 18 mai 1850, le jugement attaqué, loin de violer lesdits articles, en a fait une juste application ; Rejette le premier et le deuxième moyen; Mais sur le troisième moyen: - Vu les art. 11 et 69, § 7, no 5, de la loi du 22 frim. an 7; - Attendu que la somme de 565 fr. 45 c., que le donataire s'est engagé à payer à la donatrice sur la valeur de l'immeuble à lui donné ne saurait être considérée comme une soulte de partage; mais qu'elle ne constitue qu'une réserve stipulée à son profit par la donatrice sur les biens par elle donnés, et formant, à ce titre, une dépendance du contrat de donation; D'où il suit qu'en décidant qu'il y avait lieu de percevoir un droit de soulte sur cette somme, le jugement attaqué a faussement appliqué et par suite violé les articles ci-dessus visés ;- Casse sur ce chef, etc.

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Du 23 avril 1867.-Ch. civ. MM. Troplong, 1 prés.; Mercier, rapp.; Blanche, av. gén. (concl. conf.); Lefebvre et Moutard-Martin, av.

CASS.-REQ 24 avril 1867. ENREGISTREMENT, ACTIONS SOCIALES, TAXE

ANNUELLE.

Pour la perception du droit annuel de 12 cent. par 100 fr. applicable aux actions sociales qui peuvent se transmettre sans un transfert sur les registres de la société, il n'y pas de distinction à faire entre les actions détachées de la souche et celles qui y sont

(1) Cette question est neuve en jurisprudence; mais elle ne comportait pas, selon nous, une solution différente de celle qu'elle a reçue. Il est, en effet, impossible d'admettre que la loi ait subordonné l'exigibilité de l'impôt au fait matériel du détachement de l'action. On sait que, dans plusieurs grandes compagnies, les principaux actionnaires laissent leurs titres adhérents à la souche, sans perdre pour cela aucun des bénéfices attachés à la délivrance matérielle de ces titres. Avec le système contraire, et comme le fait re

encore adhérentes ces dernières sont, comme les premières, passibles de la taxe (1). (L. 23 juin 1857, art. 6.)

(Hamoir C. Enregistr.)

La société Hamoir avait été constituée, le 4 fév. 1863, en cent actions au porteur attribuées, dans des proportions diverses aux sociétaires, et devant être extraites d'un registre à souche après la signature de deux membres du conseil de surveillance. Jusqu'au 1" oct. 1864, le gérant de la société paya chaque trimestre au bureau de l'enregistrement le droit annuel de douze centimes par 100 fr. établi par l'art. 6 de la loi du 23 juin 1857 sur les actions au porteur et sur celles nominatives dont le transfert peut s'opérer autrement que par une inscription sur les registres de la société. Mais, à cette date, la régie a été assignée en restitution des droits acquittés, par le motif qu'aucune action n'ayant été détachée de la souche n'avait pu être transmise, et que, dès lors, aucun droit de mutation n'était exigible.

10 août 1865, jugement du tribunal de Valenciennes qui repousse cette prétention dans les termes suivants: << Considérant qu'aux termes de l'art. 6 de la loi du 23 juin 1857, toute cession d'actions dans une société est assujettie à un droit de vingt centimes pour cent francs de la valeur négociée, et ce droit est converti en une taxe annuelle de douze centimes pour cent francs du capital desdites actions à l'égard des titres au porteur, ou de ceux dont la transmission peut s'opérer sans un transfert sur les registres de la société; - Considérant que cette dernière disposition est applicable toutes les fois qu'il ne s'agit pas de titres dont la transmission ne peut s'opérer que par une annotation sur les registres sociaux; que tel est le texte de l'art. 7 de la loi;-Considérant, en fait, qu'il résulte d'un acte reçu par Me Lefebvre, notaire à Valenciennes, le 4 février 1863, et de l'acte sous seings privés des 30 juillet et 2 août de la même année, déposés en l'étude dudit notaire le 6 octobre suivant, que les actions de la société formée entre les sieurs Hamoir-Boursier père, et ses cinq enfants, ne sont pas de celles dont la transmission ne peut s'opérer que par le transfert sur les registres de la société; les demandeurs ne soutiennent pas le contraire, ils se bornent à prétendre que la taxe annuelle

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