Images de page
PDF
ePub

8,9h00 Mb 2840ard of ob Jonkolinullal-am 241 387 ansiyonddo as estimable
comme dans l'adversité, nous perdons la moitié
de nos forces, a trouve place dans le droit fran-
çais... Toutefois, les premiers documents legis-
latifs qui déclarent nulles les libéralités au profit
de personnes ayant acquis sur l'esprit du dispo
sant une grande influence, ne mentionnent pas
les médecins. L'ordonnance de Villers-Cotterets,
en 1539, art. 131, ne parle que des tuteurs, cu-
rateurs, gardiens, baillistes et autres administra-
teurs. La Coutume de Paris, art. 276, y ajoute
les pédagogues. La Coutume de Sedan, art. 127,
définit très-bien ceux auxquels l'incapacité de re-
cevoir est opposée comme un frein au pouvoir
d'exiger, par cette expression: Ceux ayant le
a gouvernement de lui et de ses biens. » - On
présume un abus de puissance, et la loi intervient
entre la faiblesse gouvernée et la force qui gou-
verne. L'incapacité repose sur une présomption
et frappe sans distinction... Mais la Coutume
ne parle pas des médecins. D'où viendra donc
l'incapacité des médecins ? Elle viendra de la ju-
risprudence. Le premier texte, pour ainsi dire,
qui constate cette jurisprudence, se trouve dans
les Arrêtés du premier président de Lamoignon.
Nous lisons, en effet, dans ce livre célèbre, com-
posé avec la collaboration d'Auzanet et de onze
avocats au Parlement: Le legs fait par un ma-
alade à son médecin, chirurgien ou apothicaire,
leurs femmes, enfants, descendants, leurs père
et mère et autres ascendants, est nul, encore
⚫ que les légataires soient parents ou filleuls du
testateur... D

« lui faire de la peine »; Surtout qu'on ne
peut douter de l'influence continue de Dé-
clat sur le traitement suivi par le duc de
Caderousse, lorsqu'on le trouve le 15 mai
1865 signant une ordonnance conjointement
avec le docteur Taillefer; le 27 du même
mois, se joignant aux docteurs Trousseau et
Vigla, appelés en consultation auprès du ma-
lade; au mois d'août suivant, entretenant
avec le docteur Bonnet-Malherbes, médecin
de Cauterets, où le duc prenait les eaux, une
correspondance médicale touchant la mala-
die de ce dernier, et approuvant le traite-
ment qui lui était prescrit; enfin, apparais-
sant encore, au moment de la dernière crise,
non-seulement comme ami, mais aussi comme
médecin, tellement que les certificats le dé-
signent comme ayant soigné le malade jus-
qu'au dernier jour; Que s'il n'apparaît
d'aucune circonstance de la cause que le
docteur Déclat ait employé quelque moyen
contraire à la délicatesse pour amener le
duc de Caderousse à exhéréder sa famille,
qui n'avait elle-même encouru d'autre re-
proche de la part du testateur que celui de
l'avoir protégé contre les entraînements de
sa jeunesse, il suflit qu'il soit démontré par
ce qui précède que les deux conditions aux-
quelles est soumise l'application de l'art. 909
existent dans l'espèce, pour qu'il y ait lieu
de prononcer la nullité du testament;-Par
ces motifs, déclare le docteur Déclat mal
fondé dans sa demande en délivrance du
legs universel, etc. »

Appel par le docteur Déclat, qui soutient que l'art. 909, C. Nap., sur lequel s'était fondé le tribunal pour annuler le testament du duc de Gramont-Caderousse, était inapplicable à la cause, le testament n'ayant point été fait à l'époque où le médecin légataire traitait le testateur, et étant d'ailleurs antérieur à la dernière maladie de celui-ci pendant laquelle le docteur Déclat n'était plus son médecin. L'appelant produisait, à l'appui de cette thèse, une consultation délibérée par M. le professeur Valette, et portant l'adhésion de M. Demolombe.

A l'audience, M. le 1er avocat général de Vallée s'est attaché à réfuter la doctrine développée dans l'intérêt de l'appelant. Nous extrayons de son réquisitoire les principaux passages relatifs à la question de droit :

L'homme diminué par la maladie, a dit ce magistrat, n'a jamais été laissé à la merci du médecin, relativement à sa liberté de contracter avec lui ou de disposer en sa faveur; on a toujours supposé la lutte inégale entre le malade et le médecin. Ecoutez les empereurs Valentinien et Valens Archiatri scientes annonaria sibi commoda a populi commodis ministrari, honestè obsequi tenuioribus malint, quam turpiter servire divitibus. Quos etiam ea patimur accipere, quæ sani offerunt pro obsequiis, non ea quæ periclitantes pro salute promittunt (L. 9, C. de Profess. et medic. Comp. L. 3, Dig. De extraord. cognit.).

⚫ Cette idée, que ne désavoue pas la raison, puisqu'il est vrai qu'en général, dans la maladie

Voici comment les jurisconsultes justifiaient cette jurisprudence. Ecoutez Henrys, le célèbre jurisconsulte du Forez, dont l'autorité était si grande: Puisque les anciens appelaient les mé⚫decins sauveurs, au rapport de Lucien,

a

[ocr errors]

il ne

faut pas douter du grand pouvoir qu'ils ont sur les hommes. Tant il y a qu'un malade, considérant son médecin comme son sauveur et s'imaginant que c'est de là que dépend sa guérison, il ne lui peut rien refuser. Il est le maître de la dernière volonté qui est l'âme du testa«ment » (t. 2, p. 929, quest. 99, 1).

α

M. l'avocat général cite encore Ferrières, sur l'art. 276 de la Cout. de Paris; Furgole, des Testam., chap. 5, sect. 1, n. 11, et chap. 6, sect. 2, n.76, et Donat., quest. 32; Ricard, Donat., part. 1, chap. 3, sect. 9, n. 494. Il continue ainsi :

• Vous remarquerez que si énergique que soit la présomption, elle n'est pas absolue; qu'elle peut être détruite. Le médecin peut se défendre, et s'il prouve que ni lui ni son art n'ont déterminé, même aux approches de la mort, les libéralités, il peut profiter de ces libéralités. Les plus grands magistrats se divisaient sur l'empire et sur l'étendue de cette règle d'incapacité...-Les arrêts reproduisent très-fidèlement cette variété d'opinions et de doctrines, qui tantôt s'attachaient à la règle pour la faire triompher, tantôt se montraient plus favorables à l'exception. C'était la conséquence naturelle de cette incapacité fondée sur une présomption de captation qui n'excluait pas la preuve contraire...On trouve la jurisprudence exactement résumée ainsi dans les Nouvelles Institutions coutumières de Ferrières, art. 63 : a Les dispositions testamentaires faites aux mé

[ocr errors]

decins, apothicaires et chirurgiens, par les malades pendant leur dernière maladie, sont aussi nulles, si ce n'est pour quelques circonstances particulières. Je touche presque au rédacteur de l'art. 909 en plaçant sous vos yeux l'opinion d'un jurisconsulte qui était bien un homme d'école, mais qui y joignait l'avantage d'être un juge aussi. Je veux parler de Pothier. Vous y verrez naître l'art. 909. Dans son Traité des donations testamentaires (chap. 3, sect. 2, art. 3, n. 148), Pothier dit: Il y a des personnes à qui le testateur ne peut rien léguer, quoiqu'elles soient capables de recevoir des legs de toute autre personne. Telles sont toutes les personnes aqui ont quelque pouvoir sur la personne du testateur, ce qui pourrait faire craindre la suggestion. C'est pour cette raison que l'ordon"nance de 1539, art. 131, déclara nulles toutes donations entre-vifs et testamentaires faites au profit des tuteurs et autres administrateurs, ce qui a été étendu par la Coutume de Paris aux pédagogues, et par la jurisprudence aux médecins, chirurgiens, apothicaires, opérateurs, qui gouvernaient le malade dans le temps qu'il a 'fait son testament, aux directeurs et confesseurs du testateur, au procureur dont le testateur était le client. D

- Grâce à l'étude du droit antérieur, on arrive aisément à reconnaître que le législateur de 1804 a voulu imposer aux juges l'incapacité du médecin, sous cette double condition, laissée & leur jugement, de la dernière maladie et du traitement. Il a voulu couper la racine des procès, comme disait Talon, et enlever aux juges l'appréciation des circonstances. Il a créé une incapacité tirée d'une présomption qu'il n'a dans aucun cas permis de détruire. Il n'a pas voulu se fier aux juges, et il a cru qu'il épuisait la matière en faisant une part à l'amitié et aux services rendus, dans les legs rémunératoires, une à la parenté, en faisant fléchir la règle pour les parents au quatrième degré. Est-ce bien, est-ce mal? Ne suffisait-il pas, comme autrefois, d'avertir le juge de surveiller l'influence du médecin, d'en détruire les effets abusifs et injustes, d'assurer une protection aux familles en cas d'abus ? Etait-il juste, était-il tout à fait nécessaire d'interdire au mourant, dont la vie se prolonge par les soins de son médecin, devenu son ami, de donner ses biens à cet ami, en l'absence d'héritiers réservataires ? Si j'écrivais un livre comme Troplong, je serais bien tenté de contredire cette loi dans son excès de réglementation. Je le ferais plus aisément qu'ici, et cependant, messieurs, la Cour de cassation elle-même a laissé percer ce sentiment de contradiction, le jour où elle a validé le testament fait par une femme à son mari médecin, qui l'avait soignée dans sa dernière maladie (Cass. 30 août 1808). Elle a, ce jour-là, introduit une exception nouvelle dans la loi, parce que la loi blessait la raison. Juridiquement, je ne saurais accepter cet arrêt, et je n'en parle que parce qu'il montre l'excès de la loi...Mais c'est la loi, et il faut s'y soumettre.

M

[blocks in formation]

e

Malleville, Anal. de la discuss. du Code, 3° édit., t.2.0 2, p. 320, et de Grenier, Donat et test., t. 1, n. 126. Parmi les auteurs modernes, il invoque M. Demolombe, Donat. et test., t. 1, n. 499).

a

α

a

J'ajouterai, dit ensuite l'organe du ministère public, pour compléter cette partie du débat, que M. Demolombe, cherchant à bien fixer le carac tère de cette disposition, dit ailleurs : « Ce n'est pas que le législateur ait présumé que toute libéralité qui serait faite par un mineur à son tuteur, durant la tutelle, ou par un ex-mineur ⚫så son ex-tuteur, avant la reddition du compte, ⚫ serait nécessairement toujours le résultat d'un abus coupable de cette autorité. Nous savons bien que l'on a souvent, dans notre ancien a droit et dans notre droit nouveau, expliqué ainsi l'incapacité du tuteur, de même que l'incapacité prononcée par l'art. 909 contre les médecins et les ministres du culte... Mais cette explication peut paraître excessive et injuste⚫ment blessante pour une classe très-honorable ⚫de personnes. Ce que le législateur a voulu, c'est précisément écarter de ces situations les soupçons injurieux de ce genre. Il a considéré ⚫ que ces libéralités, lors même qu'elles seraient l'expression libre de la volonté du disposant, pourraient paraître plus ou moins suspectes; qu'il y avait là, d'ailleurs, des abus possibles, qu'il importait de prévenir, dans l'intérêt et pour l'honneur de tous; et sa disposition ainsi <entendue, comme elle doit être, à notre avis, est, en effet, préventive, tout au moins autant que répressive (op. et loc. cit., n. 470). C'est donc un mur d'airain que l'art. 909 dresse devant le juge. Dès lors, il importe peu que les circonstances soient favorables ou défavorables au médecin gratifié. On ne pourra céder au désir, si impérieux qu'il soit, de proclamer que l'induction de la loi est détruite par les faits de la cause. C'est ce que la Cour de cassation a reconnu par son arrêt du 7 avril 1863, en des termes qui sont décisifs... (V. P.1863.737.-S.1863.1.172.)

[ocr errors]

a

a

D

Mais le pouvoir du juge s'exercera sur les conditions sans lesquelles cette incapacité n'existe pas. Que la disposition ait été faite pendant le cours de la maladie dont meurt le disposant, c'est là un membre de cette incapacité. Que le médecin ait traité le malade pendant cette dernière maladie, c'est l'autre membre de cette incapacité. Qu'entend-on, juridiquement, par dernière maladie, par traitement ?

za La première condition, c'est que la libéralité ait été faite pendant la dernière maladie, la maladie dont on décède. Quelle sera cette maladie ? commencera-t-elle, pour les phthisiques, avec le germe qui les tuera? Non, à coup sûr. Ici, je ne suis pas d'accord avec la Cour impériale de Toulouse; oh pas du tout. Quand bien même la maladie aura été persévérante dans son cours et fatale dans son issue, comme le dit l'arrêt Lacordaire (Toulouse, 12 janv. 1864, P.1864.724.S.1864.2.114), ce ne sera la dernière maladie qu'à des conditions juridiques que l'ancien droit détermine bien mieux que le nôtre, mais que le nôtre a tacitement acceptées. Vous savez que les textes des Coutumes caractérisaient la maladie dont on meurt, au point de vue des actes de der

[ocr errors]

nière volonté. Ces textes décidaient que les donations faites entre-vifs, par les malades gisants au lit et malades de la maladie dont ils décédaient, seraient considérées comme des donations à cause de mort. Voici la Coutume de Nivernais : « Do«nation est censée et réputée à cause de mort,

a

a

[ocr errors]

quand elle est faite par malade de maladie « dont il meurt après, ou de maladie vraysemblablement dangereuse de mort, et même quand « elle est faite par personne étant en vraysemblant danger de mort » (ch. 37, des Donations, art. 5). Et la Coutume de Paris, précisant plus encore, dans son art. 277: « Toutes donations, encore qu'elles soient conçues entre-vifs, faites a par personnes gisants au lit malades de la maladie dont elles décèdent, sont réputées faites à cause de morts et testamentaires et non entrevifs. Pothier (Don. entre-vifs, sect. 1, art. 1, n. 15) et Ferrières (sur l'article précité) se demandent si ces mots : gisants au lit, sont sacramentels, et ils répondent négativement, en faisant remarquer qu'on peut être très-malade de la maladie dont on va mourir sans être gisant au lit, qu'il suffirait d'ailleurs de se lever pour éluder la loi. Pothier ajoute que la personne hydropique notamment meurt presque toujours sans être au lit. Mais, en revanche, tous les jurisconsultes exigent que la maladie ait un trait prochain à la mort. Ils n'exigent pas cet affaiblissement des derniers jours, qui diminue beaucoup la volonté : ils se bornent à exiger que la maladie ait un trait prochain à la mort, et alors ils indiquent les limites fixées par les Coutumes. C'est quarante jours dans quelques Coutumes, moins dans d'autres. Ils prévoient les difficultés qui peuvent naître sur ce point du caractère des maladies.-Pothier (loc. cit., n. 13) prévoit même le cas de phthisie: Que si la maladie, lors de la donation, < était mortelle de sa nature, mais qu'elle n'eût trait qu'à une mort éloignée et n'empêchât pas ⚫le donateur de pouvoir espérer encore plusieurs • années de vie, telle qu'est, par exemple, une pulmonie qui n'est pas encore parvenue à une ⚫ certaine période, en ce cas la donation ne sera pas réputée pour cause de mort. »

a

α

[blocks in formation]

les maladies incurables? et, alors que toute cure est impossible, dira-t-on que ce que la loi appelle traitement ne peut y trouver place? Non. Mais ce qu'il faut de toute nécessité, c'est que ce traitement n'ait pas été purement accidentel et passager. On doit écarter ce que la jurisprudence a appelé « l'intervention momentanée du médecin. » C'est bien ainsi que M. Demolombe entend l'art. 909, et nous nous rangeons à son opinion. « C'est, dit-il, par la continuité même de ses soins que l'homme de l'art acquiert, sans le vouloir sou« vent et même sans le savoir, une influence toute-puissante sur l'esprit du malade, auquel

a

« il finit par devenir nécessaire » (n. 505)...Et la jurisprudence a consacré la même doctrine dans les arrêts du 12 oct. 1812 et du 9 avril 1835 (P. chr.-S. 1835.1.450).

a Telles sont, à l'égard du traitement, les appréciations juridiques qu'il ne faut pas perdre de vue, dont il faut se pénétrer.

[ocr errors]
[ocr errors]

Maintenant, il ne me reste plus, ou plutôt il me reste encore, avant d'arriver aux faits, à examiner la question de la coïncidence. L'honorable et savant professeur qui a prêté à cette question l'appui de son autorité ne méritait pas les reproches qui lui ont été adressés. Il n'est pas l'inventeur de la thèse qu'il a développée dans la consultation, et, quand il le serait, la valeur de cette thèse n'en serait pas diminuée. Oui, cette doctrine de M. Valette est très-ancienne. Je la trouve contredite par le sommaire d'un arrêt du Parlement de Bretagne du 15 juill. 1632. J'extrais ce sommaire d'un recueil d'arrêts très-connus, réunis par M. Sébastien Frain, et cité par Ricard: Do«nation du malade à son médecin nulle, quoiqu'elle soit faite par testament et en l'absence a du médecin »...-A propos de l'incapacité du tuteur, de l'administrateur, elle a été discutée par de grands jurisconsultes. Montholon, plus tard Duplessis, sur la Coutume de Paris, tenaient pour la coïncidence, et leur grande raison était que l'effet ne pouvait pas survivre à la cause. Mais d'autres jurisconsultes la combattaient, Ricard, par exemple, et nous trouvons, dans son Traité des donations (part. 1, n. 47), en quelque sorte le compte rendu de toute cette querelle: Jacques de Montholon, dit-il, donne une résolution notable à ce sujet, pour servir de limitation à l'ordonnance, savoir qu'elle ne doit pas avoir d'effet, lorsque le mineur fait son testament en un lieu éloigné de son tuteur; de sorte que les conjectures de suggestion, qui ont servi de motifs à l'ordonnance, cessent et que l'on ne puisse pas présumer que la volonté du mineur « eût été violentée ni excitée par aucune induc«tion de la part du tuteur; cette question est importante et susceptible de raisons de part et d'autre. Car, d'un côté, on peut dire que la loi, en faisant cette prohibition, a considéré le mineur comme étant en l'administration et sous la puissance de son tuteur, et, en ce faisant, sujet « à des persuasions et non pas en cas qu'il soit « hors de sa conduite, en un lieu éloigné, en sorte qu'il ne puisse y avoir aucune suggestion de sa

[ocr errors]

a

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

α

a

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small]

a

part. Le dessein de l'ordonnance n'a pas été de

faire passer les tuteurs au rang des indignes, « mais seulement de prévenir les suggestions,

[ocr errors]

Plorsque le tuteur a le pupille en sa puissance et qu'il est en état d'en pouvoir abuser;... l'autre opinion a aussi ses raisons, qui ne sem«blent pas moins considérables que celles de la première. En effet, outre que l'ordonnance parle • généralement et sans exception, on peut dire que la persuasion d'un tuteur, quoique éloigné, « ne laisse pas d'être à craindre; parce qu'il ne s'agit pas tant d'un effort violent qui, en vérité, ne peut être exercé que quand les objets sont pré«sents, mais qui a moins souvent son effet, vu « qu'il y a plusieurs moyens pour le prévenir, a que d'une persuasion qui s'insinue facilement

α

[ocr errors]

dans l'esprit d'un jeune homme, et dont les fondements étant jetés lorsque le tuteur le tient a en sa puissance, se conserve aisément pour << avoir effet lorsque l'occasion's'en présente, etc. » -La question a été traitée aussi par Pothier, et je m'empresse de dire que, dans l'ancien droit qui ne frappait pas les médecins d'une incapacité légale, c'est-à-dire dans des circonstances juridiques dont vous verrez bientôt la différence profonde avec celles de l'art. 909, Pothier n'aurait pas hésité à être de l'avis de M. Valette. Voici ce que dit Pothier sur l'art. 296 de la Coutume d'Orléans: Observez que les legs faits à « des personnes à qui il est défendu de léguer par une loi précise, telles que sont un tuteur, aune épouse, sont nuls, quand même elles ne seraient devenues personnes prohibées que depuis le testament, car n'ayant plus été permis au testateur, depuis que cette personne est devenue prohibée, de vouloir lui léguer le legs qu'il lui a fait, qui ne peut valoir que comme une ordonnance de sa dernière volonté, cette personne, se trouvant prohibée et incapable lors de l'ouverture du legs, ne peut pas le recueillir. Il est vrai que Pothier ajoute, faisant une distinction qui nous servira tout à l'heure à expliquer le sens de l'art. 909: « Il n'en est pas d de même des personnes à qui il n'est défendu par aucune loi de léguer, quoique l'on ait coutume de déclarer nuls les legs qui leur sont « faits, comme étant présumés être l'effet de l'empire de ces personnes sur la volonté du a testateur, tels que sont les directeurs, médecins, etc. Car sí ce legs leur a été fait dans un u temps où elles n'avaient pas encore cette quaalité, n'y ayant pas lieu en ce cas à cette présomption, le legs doit être confirmé. Observez encore une autre différence entre ces personnes ta et celles à qui il est défendu de donner par une baloi précise. Les legs faits à celles-ci sont indistactinctement nuls; à l'égard des autres, cela déapend beaucoup des circonstances. » La docatrine de Pothier est bien nette et facile à comprendre dans l'ancien droit, où la prohibition relative aux médecins était une simple présomption qui tombait devant la preuve contraire. Il ne s'agissait pas, en un mot, d'une incapacité légale, comme aujourd'hui. Mais vous voyez aussi l'argument considérable que ce passage de Pothier fournit pour interpréter l'art. 909. Supposez, en effet, que Pothier soit en face de l'art. 909, au lieu de l'être d'une jurisprudence plus facile, et il décidera pour les médecins comme il décidait

[ocr errors]

α

pour les tuteurs sous l'empire de l'ordonnance de 1539.

a

[ocr errors]

Quoi qu'il en soit, il faut écarter de la thèse de M. Valette ce reproche de nouveauté qui lui a été adressé, et l'étudier en elle-même. Examinons-la donc avec toute la déférence qui est due à l'opinion des savants professeurs et de notre collègue M. Massé (sur Zachariæ, t. 3, § 418, p. 42, note 28). Elle ne repose pas sur un grand nombre d'arguments. Je la résume. L'article 909 est une disposition strictissimi juris, qui repose sur une présomption d'empire abusif exercé sur une volonté affaiblie et malade. Le traitement est l'élément essentiel de cette présomption; s'il manque au moment de la disposition, il ne saurait engendrer la présomption. Or, la présomption absente, l'incapacité manque de base. C'est ainsi qu'on raisonne et qu'on fait raisonner M. Demolombe.-On ajoute que le texte primitif de l'art. 909 traduisait cette opinion expressément et que les changements qui y ont été apportés n'ont pas modifié la pensée de la loi en paraissant mettre le traitement au passé. On signale les inconvénients d'étendre l'incapacité aux médecins antérieurs et aux médecins postérieurs à la disposition. On écarte l'objection tirée de ce que le testament pouvant être révoqué et ne l'étant pas, il devient ainsi à posteriori contemporain du traitement. On fait remarquer avec raison que ces arguments ne s'appliqueraient pas du tout aux donations, qui sont irrévocables et que l'art. 909 traite absolument comme les testaments. - - Examinons.

«Si Pothier avait fait l'art. 909, aurait-il fait dépendre la nullité de l'acte de libéralité, notamment du testament, de la concomitance précise de la disposition et du traitement, de telle sorte que, le testament fait aujourd'hui et le traitement ne commençant que demain, l'incapacité n'eût pas existé? Non, car créant une incapacité tirée d'une présomption, mais qui s'impose aux juges, il ne l'aurait pas attachée à ce fait si spécial, si exclusif, si étroit, pour ainsi parler, de la concomitance. Tant que le médecin de la dernière maladie n'est pas une personne prohibée, on comprend sans peine que le juge puisse dire: Je ne verrai de cause de nullité que dans la concomitance. Mais le législateur pouvait-il établir lådessus une incapacité légale ? Cela n'en valait pas la peine, et la loi, en général, ne procède pas ainsi. Il est donc bien entendu que si l'incapacité du médecin eût été édictée par la loi comme celle du tuteur, Pothier n'eût pas songé à soutenir la thèse de la concomitance; il aurait dit au médecin de la dernière maladie: Vous êtes personne prohibée au moment de la mort, dès que la disposition a été faite pendant la dernière maladie.

« Mais voyons le Code. Je laisse de côté les arguments de texte, M. Valette leur donne trop d'importance. Que, dans sa première rédaction, M. Bigot de Préameneu ait parlé de l'officier de santé qui traite; qu'ensuite, voulant introduire le confesseur dans la prohibition, on ait passé au pluriel en disant les médecins, chirurgiens, etc., et au passé en disant : qui ont traité, cela ne saurait avoir une grande importance, surtout dans le sens de la coïncidence scire leges non est earum

verba tenere, sed vim ac potestatem. Ce ne fut jamais plus vrai: le texte ici n'apprend rien. Mais voyons comment l'art. 909 se forme. M. Demolombe nous éclaire complétement sur ce point et avec sa sagacité accoutumée. C'est l'art. 907 qui engendre l'art. 909. Là l'incapacité naît de la tutelle, ici elle naît du traitement. Or, M. Demolombe écarte la thèse de coïncidence de l'art. 907, parce que la disposition est conçue en termes généraux et qui ne comportent aucune distinction (loc. cit. no 474).- On dira bien sans doute La tutelle n'est pas un fait comme le traitement; elle gouverne le mineur de loin comme de près, tandis que, le traitement n'étant pas continué, il n'y a pas de tutelle, et, pour ainsi dire, pas de traitement. Mais d'où vient que l'incapacité continue quand la tutelle a cessé, et qu'elle dure jusqu'à la reddition du compte? La présomption de la loi est bien affaiblie, et cependant l'incapacité subsiste. Où sera la différence entre ce tuteur qui ne l'est plus et le médecin qui aura traité, qui ne traitera plus, qui n'aura pas encore reçu ses honoraires, et en faveur de qui le mourant testera? Ubi eadem ratio, ibi idem jus. Sans doute, la loi a supposé que le plus souvent la libéralité coïnciderait avec le traitement, parce qu'elle a supposé, ce qui arrive souvent, l'unité de traitement et l'unité de médecin, et alors pas de difficulté. La thèse ne se présente pas; mais si, comme cela arrive maintenant très-fréquemment, il y a plusieurs médecins, comment concilier avec le bon sens la thèse de la coïncidence? Si la loi suppose l'unité de médecin et de traitement, elle n'exclut pas la variété; le mourant pourra faire venir successivement plusieurs médecins. Alors que devient la thèse de la coïncidence? Non, la loi n'exige pas ce fait dramatique et spécial du médecin qui tâte le pouls du mourant pendant que le mourant lui fait une donation ou un testament; elle regarde deux faits qu'elle détermine la disposition pendant la dernière maladie, le traitement pendant cette maladie. Voilà ses limites, elle n'en a pas d'autres. Prenez le confesseur, et le sens de la loi devient plus manifeste. On ne l'appelle pas aussitôt que le médecin. Admettre à son égard la thèse de la coïncidence, c'est anéantir complétement l'art. 909. L'homme qui a vécu philosophe finit par se rendre; huit jours, quinze jours avant la mort, il appelle près de lui le confesseur; mais avant, n'ayant que des parents inconnus ou ennemis, il teste en faveur du ministre de Dieu. Est-ce que le confesseur ne sera pas incapable? Et puisque la loi a édicté contre lui des prescriptions, est-ce qu'elles ne tiendront pas ? On peut regretter la loi comme législateur, il faut s'y soumettre comme juge »-M. de Vallée cite l'arrêt précité de la Cour de Toulouse du 12 janv. 1864, comme ayant résolu implicitement la question:

[ocr errors]
[ocr errors]

La thèse de la coïncidence, dit-il, n'a pas été présentée, et elle pouvait l'être. Ah! si elle eût pu prévaloir, quelle occasion de la soutenir et je suis bien sûr que les magistrats eux-mêmes auraient été heureux de l'appliquer... Ils l'ont donc implicitement écartée, jugeant, comme nous le jugeons nous-mêmes, qu'elle est inconciliable avec le sens et la portée de la loi. »

M. l'avocat général aborde ensuite l'examen

[blocks in formation]

LA COUR;-Considérant que la sentence dont est appel ayant fait application des dispositions de l'art. 909, C. Nap., au testament du duc de Gramont-Caderousse, du 24 janv. 1865, l'appelant en demande la réformation: 10 parce que, en droit, pour que l'art. 909 soit applicable, il faut que le testament soit contemporain du traitement ordonné par le médecin légataire, ce qui n'existerait point dans la cause; 2o parce que le testament dont il s'agit n'a point été écrit pendant la dernière maladie du testateur, dont le docteur Déclat n'était pas d'ailleurs le médecin pendant cette dernière -Consimaladie ;-Sur le premier moyen :— dérant que l'art. 909, C. Nap., établit une présomption légale résultant de deux circonstances, à savoir la confection du testament et le traitement donné pendant la dernière maladie; Qu'on éluderait la volonté de la loi en ajoutant une troisième condition à celles qu'elle a limitativement édictées; Considérant qu'avant la promulgation de l'art. 909, l'incapacité qu'il établit ne résultait point d'une disposition formelle; que la valeur des legs faits au médecin du testateur était livrée complétement à l'appréciation des tribunaux, lesquels pouvaient alors prendre en considération l'éloignement du médecin au moment de la rédaction du testament; Mais qu'il n'en est point ainsi sous l'empire de la règle posée par l'art. 909; que les conditions établies audit article se trouvant remplies, le juge est lié et contraint d'annuler la disposition testamentaire, quels que soient d'ailleurs les autres éléments de la cause et les garanties dont ils peuvent entourer l'acte de dernière volonté ;-Considérant que, le droit étant ainsi reconnu, n'y a pas lieu d'examiner, au point de vue de ce premier moyen, si le docteur Déclat était le médecin du duc de Gramont-Caderousse au 24 janv. 1865;

[ocr errors]

il

que

Sur le deuxième :-Considérant moyen :les documents de la cause démontrent que le duc de Gramont-Caderousse, au jour où il est parti pour l'Egypte, à la fin de 1864, était atteint de la maladie dont il est mort;-Que, dès cette époque, était arrivé pour lui cet état morbide qui défie tous les efforts de la médecine et n'admet plus que les palliatifs pour la douleur et les distractions pour les préoccupations du malade; -Que c'est là ce qui explique même la conduite du docteur Déclat, laissant intervenir les médications les plus contraires à ses convictions et surveillant seulement, à partir de la fin de 1864, l'ensemble des moyens de distraction et de soulagement entrepris successivement par son malade

« PrécédentContinuer »