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aux différends affectant la société tout entière de la nature de ceux dont il s'agit dans l'espèce ;

Attendu qu'aux termes de l'art. 14, C. Nap., un Français qui traite avec un étranger, même à l'étranger, peut bien citer cet étranger devant les tribunaux français; que la jurisprudence, jalouse de concourir à la protection de l'intérêt national, a étendu, en pareil cas, au créancier d'une société anonyme étrangère, autorisée ou non autorisée par le Gouvernement français, le bénéfice de cet art. 14;-Qu'il ne saurait toutefois être applicable dans le procès actuel, où il s'agit, non plus d'un créancier poursuivant la rentrée d'une somme ou la consécration d'un droit quelconque vis-à-vis d'une société étrangère, mais bien d'un actionnaire français prétendant faire dissoudre une société étrangère, dont il fait partie, par un tribunal français; Attendu, d'ailleurs, qu'on peut toujours renoncer au bénéfice exorbitant de l'art. 14; que cette renonciation ne présente rien de contraire à l'ordre public et aux règles fondamentales du droit; que, Brouillet se trouvant manifestement soumis aux statuts de 1863, les art. 39 et 40 desdits statuts lui enlèveraient la faculté d'invoquer l'art. 14, C. Nap. ;-Qu'il y a doublenient renoncé, d'abord par la clause compromissoire insérée en l'art. 39, ensuite en se reconnaissant justiciable, pour toutes les contestations sociales, des tribunaux étrangers compétents du siége de la société, aux termes de l'art. 40;Que, bien que la clause compromissoire soit nulle à défaut de désignation des arbitres et de l'objet du litige, conformément à l'art. 1006, C. proc. civ. français, on ne peut admettre qu'une semblable clause soit sans valeur sous l'empire du Code de commerce italien, qui dispose (capo secondo, del Compromesso, art. 12): « Lorsque, dans un contrat ou après, les parties se sont engagées à compromettre et soumettre à des arbitres les difficultés qui en pourraient naître, si les arbitres n'ont pas été désignés ou si tous ou quelques-uns viennent à manquer pour une cause quelconque, la désignation des manquants (la nomina dei mancanti) est faite par l'autorité judiciaire qui serait compétente pour connaître de la difficulté, à moins que les parties n'en aient décidé autrement;»-Que, dans tous les cas, la clause dont s'agit vaut comme renonciation à profiter de l'art. 14, C. Nap., toutes les fois qu'on a formellement accepté une juridiction étran gère, se soumettant ainsi aux règles de procédure tracées pour cette juridiction, et que l'intimé ne saurait s'y soustraire en présence de la disposition spéciale de l'art. 40, § 2, des statuts ainsi conçue: « A défaut d'élection de domicile, les comparants et tous les actionnaires font élection de domicile, pour toutes notifications quelconques, au parquet de l'avocat fiscal de la ville où est le siége de la société, et se reconnaissent, pour toutes contestations sociales, justiciables des tri

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bunaux compétents dans cette dernière ville ; » Attendu que les considérations qui précèdent rendent superflu l'examen 'des questions de savoir: si Brouillet, simple actionnaire, a qualité pour demander la dissolution de la société, si ce droit n'est pas exclusivement conféré par les statuts aux assemblées générales; quel est le caractère du jugement du 27 août 1866, s'il est interlocutoire ou simplement préparatoire, suscep tible ou non d'appel, en ce qu'il a nommé un expert pour constater préalablement l'état actuel de la société...;-Par ces motifs, etc. Du 1er déc. 1866.-C. Chambéry, 2 ch, MM. Perdrix, prés.; Diffre, av. gén.; Raveton (du barreau de Paris), Richard et Pignon (du barreau de Paris), av.

DIJON 12 décembre 1866.

1° BAIL, TRAVAUX PUBLICS, DOMMAGE, INDEMNITÉ. - 2 CONCILIATION, DEMANDE

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NOUVELLE.

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1o Le locataire d'un moulin, troublé dans sa jouissance par l'exécution de travaux publics qui ont eu pour effet de détourner pendant un certain temps l'eau alimentant le moulin loué, a contre le bailleur une action en réparation du dommage qu'il éprouve. Ici ne s'applique pas l'art. 1725, C. Nap., portant que le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent à sa jouissance par des voies de fait (1). (C. Nap., 1719, 1722, 1725.)

Le bailleur ne pourrait non plus, en pareil cas, exciper de la force majeure, pour s'affranchir de l'obligation d'indemniser le preneur du préjudice causé à sa jouissance, qu'autant qu'il serait lui-même dans l'impossibilité de se faire allouer une indemnité à raison de la charge que les travaux entrepris font peser sur sa propriété (2). (C. Nap., 1749.)

"

2° Est non recevable, comme demande nouvelle non précédée du préliminaire de conciliation, l'action en résolution de bail formée pour la première fois dans les conclusions d'audience par un fermier qui, jusqu'alors, et devant le juge de paix siégeant en conciliation, s'était borné à demander des dommages-intérêts pour trouble de jouissance (3). (C. proc., 48.)

20(1-2) Cette question est diversement résolue. V. dans le sens de la décision ci-dessus, Lyon, 16 (non 19) nov. 1865 (P.1866.1027.-S.1866.2. 280); Et en sens contraire, Paris, 11 janv. 1866 (P.1866.676.-S.1866.2.150), ainsi que le renvoi sous ce dernier arrêt.

(3) Il s'agissait, ici, d'une demande tout à fait nouvelle et distincte de celle primitivement engagée; mais l'application de la règle posée par l'art. 48, C. proc. civ., peut parfois, en ce qui concerne les demandes additionnelles incidentes, ou

D16(Labonde C. Bretin et de Barbantane.)

Un jugement du tribunal de Châlons-surSaône avait repoussé les demandes en dommages-intérêts pour trouble de jouissance formées par par le sieur Labonde, qui dans le cours de l'instance avait conclu, en outre, à la résiliation de son bail. Ce jugement, qui résume suffisamment les faits, était ainsi conçu: Attendu que Labonde détient, à titre de bail verbal, depuis le 11 nov. 1864, le moulin du Plessis, appartenant à M. de Barbantane, et qui lui a été sous-loué pour une durée de six années, par Bretin, fermier

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principal; Attendu que, pendant le cours du mois de juillet 1865, l'administration des chemins vicinaux a exécuté, dans l'intérêt de la viabilité, des travaux sur le cours d'eau qui alimente le moulin du Plessis;-Attendu que Labonde prétend que ces

tourné pendant un certain teux ont dé

le cas d'expropriation pour
cause d'utilité
publique, le preneur doit, aux termes de
loi du 3 mai 1841, s'adresser, non pas
bailleur, mais à l'administration, pour obte-
nir devant le jury l'indemnité qui lui est due
pour la dépossession; Attendu enfin que
s'il en était autrement et si, comme dans
l'espèce actuelle, l'action en dommages-inté-
rêts du preneur contre le bailleur pour cause
de privation momentanée de jouissance par
le fait de travaux publics exécutés par l'ad-
ministration était accueillie par les tribu-
naux ordinaires, il en résulterait souvent
dans la pratique de graves inconvénients;
qu'ainsi le bailleur actionné par le preneur
devant les tribunaux civils serait condamné
à des dommages-intérêts, sans pouvoir in-
tenter devant la même juridiction une action
en garantie contre l'administration; qu'il
serait obligé, d'après la loi de pluviôse an 8,
de porter son action devant le conseil de
préfecture, qui, dans l'indépendance et la
plénitude de sa juridiction, pourrait envisa-
ger les faits sous un autre aspect, rejeter la
demande ou condamner à des dommages-
intérêts moindres que ceux alloués au pre-
neur par les tribunaux ordinaires; que con-
séquemment il pourrait y avoir, à raison du

que le législateur a toujours eu en vue
d'éviter, et qui ne se présentera pas si le
preneur porte directement son action en
dommages-intérêts contre l'administration;

Attendu qu'il suit de ces considérations qu'il y a lieu de décider, tant à raison du principe posé par l'art. 1725, C. Nap., qu'à raison des principes posés dans les lois spéciales qui régissent les travaux publics, que Labonde n'a pu valablement exercer son action en dommages-intérêts contre Bretin;

l'eau qui alimente le moulin, savoir: du 18 juill. 1865 au 13 août suivant, puis du 3 déc. 1865 au 25 du même mois, et enfin du 14 janv. 1866 jusqu'au 25 du même mois, date de son assignation devant le tribunal, et demande en conséquence à Bretin, son bailleur, une somme de 2,000 fr., à titre de dommages intérêts, à raison de cette privation de jouis-même fait, contrariété de décisions, situation sance; - Attendu que Bretin oppose à cette demande les dispositions de l'art. 1725, C. Nap., et soutient que l'action de Labonde aurait dû être formée, non contre lui, mais contre l'administration, qui est la cause du trouble dont il se plaint;- Attendu qu'aux termes de l'art. 1725, « le bailleur n'est pas «tenu de garantir le preneur du trouble que « des tiers apportent par voies de fait à sa «jouissance, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose; sauf au preneur à les pour« suivre en son nom personnel; Attendu que le trouble dont se plaint le sieur Labonde est bien un trouble qui provient du fait d'un tiers, de l'administration, qui ne prétend aucun droit sur la chose louée; qu'ainsi c'est le cas d'appliquer, dans l'instance décider que Labonde ne peut valablement intenter une action en dommages-intérêts contre son bailleur, à raison des faits relatés dans ses conclusions, sauf à poursuivre directement l'administration devant les tribunaux compétents, en réparation du dommage qui lui a été causé;-Attendu que cette décision est, du reste, conforme aux lois spéciales qui régissent les droits des tiers en matière de travaux publics; qu'ainsi, dans

C'est l'art. 1725, C. Nap., et de

modificatives de l'action principale, présenter
quelques difficultés. V. à cet égard, Rép. gen. Pal.
et Supp., v Conciliation, n. 70 et suiv., 100 et
suiv.; Table gén. Devill. et Gilb., eod. v, n. 28
et suiv.;
Lable décenn., eod. v°, n. 2 et suiv..
Adde Cass. 22 août 1860 (P.1861.1127. S.
1861.1.81); 16 déc. 1862 (P.1863.594. S.
1863.1.128).

ANNÉE 1867.-6 LIVR.

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« Sur la troisième question:-Attendu que, dans ses conclusions devant le juge de paix siégeant en conciliation, Labonde n'a demandé à Bretin que des dommages-intérêts pour cause de privation momentanée de jouissance; que sa demande en résolution du bail apparaît pour la première fois aujourd'hui dans ses conclusions. d'audience; que dès lors cette demande est non recevable comme n'ayant pas été précédée du préliminaire de conciliation; Rejette la demande en dommages-intérêts formée par Labonde et Bretin; déclare non recevable quant à présent l'action en résolution du bail, etc. » Appel par le sieur Labonde.

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ARRET

LA COUR;-Sur la première question (fin de non-recevoir contre la demande en résiliation) :-Adoptant les motifs des premiers juges;

Sur la deuxième question-Considérant que les travaux entrepris par l'autorité administrative pour l'établissement d'un chemin ne peuvent, sous aucun rapport, être assimilés aux voies de fait prévues par l'art. 1725, C. Nap., et dont le preneur serait en

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droit de poursuivre les auteurs en son nom personnel; que l'autorité administrative ne fait, en ce cas, qu'user du droit que la loi lui confère dans un intérêt public; que tout propriétaire est légalement astreint à supporter, sauf indemnité, les conséquences de ces travaux, soit qu'ils nécessitent sa dépossession irrévocable, soit qu'ils affectent seulement sa jouissance temporaire ;-Qu'au premier cas, en vertu des dispositions expresses de la loi, le preneur dépossédé de tout ou partie de la chose louée, est indemnisé directement et sans recours contre le bailleur qui l'a mis en mesure de faire valoir ses droits à l'indemnité et demeure dès lors à l'abri de toute garantie; que, dans le second, il n'y a lieu de procéder par voie d'expropriation vis-à-vis du preneur, qui n'est privé d'aucune parcelle de l'immeuble affermé et n'éprouve qu'un trouble à sa jouissance; que ce trouble est le résultat de l'exercice d'un droit supérieur qui pèse sur la propriété; que le bailleur est obligé, par la nature du contrat de louage, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail, et ne peut être affranchi de cette obligation que dans les cas prévus par la loi ; -Que, dans l'espèce, le trouble provient bien d'un fait que le bailleur n'a pu ni prévoir ni | empêcher, mais que ses effets, c'est-à-dire le préjudice qu'il occasionne à la jouissance, peuvent toujours être surmontés, puisque le bailleur trouve dans sa qualité de propriétaire le droit de se faire indemniser;-Qu'il ne pourrait invoquer la force majeure pour s'affranchir de l'obligation, imposée par l'art. 1719, C. Nap., d'indemniser le preneur du préjudice causé à sa jouissance, qu'autant que lui-même serait dans l'impossibibité de se faire allouer cette indemnité; qu'au cas particulier il n'a tenu qu'à lui de l'obtenir; qu'en effet, l'appelant prétend qu'à plusieurs reprises il a été privé, d'abord par les travaux d'établissement du chemin, puis par la négligence du bailleur à rétablir le barrage destiné à la retenue des eaux, de la jouissance de tout ou partie de ces eaux nécessaires au roulement du moulin qu'il tient à titre de sous-bail de l'intimé Bretin; que s'il en est ainsi, le bailleur avait incontestablement le droit de réclamer, près de l'autorité compétente, la réparation du dommage provenant de l'exécution des travaux; qu'étant donc en mesure de se faire garantir contre les conséquences dommageables de ces travaux, il ne peut échapper aux obligations que lui impose l'art. 1719 précité, et refuser de garantir à son tour le preneur du préjudice qu'il peut avoir éprouvé; Infirme, etc. Du 12 déc. 1866.-C. Dijon, 1re ch.—MM. Vuillerod, prés.; Proust, 1er av. gén.; Gouget, Lombart et Ally, av.

BORDEAUX 13 février 1867.

RESPONSABILITÉ, RENSEIGNEMENTS.

une autorité publique, sur sa demande, des renseignements défavorables sur un candidat à un office ministériel, n'engage point vis-àvis de ce candidat la responsabilité de la personne qui a donné les renseignements, alors d'ailleurs qu'elle a agi de bonne foi, sans rien répéter en public, et n'a été dirigée ni par un sentiment d'animosité ni par des considérations d'intérêt personnel. (C. Nap., 1382.) (M....... C. M.....)

Un jugement du tribunal civil d'Angoulême, du 18 déc. 1865, le décidait ainsi dans les termes suivants : < Attendu qu'Ernest M... demande à Nicolas M... 30,000 fr. de dommages-intérêts à cause des renseignements fournis confidentiellement par ce dernier au tribunal civil d'Angoulême; Attendu que, pour qu'une réparation puisse être réclamée, il faut qu'un préjudice ait été souffert;

Attendu que si, par suite des renseignements fournis par Nicolas M..., le tribunal civil d'Angoulême a émis l'avis qu'il n'y avait pas lieu de présenter Ernest M... à l'agrément de Sa Majesté pour les fonctions d'huissier qu'il sollicite, cet avis n'a privé Ernest M... d'aucun droit acquis et ne l'a frappé d'aucune incapacité; qu'il est aujourd'hui ce qu'il était avant la délibération du tribunal; qu'il peut encore, comme il le pouvait auparavant, poser sa candidature aux fonctions d'huissier, et que, si l'avis défavorable du tribunal élève contre cette candidature de fâcheuses préventions, Ernest M... peut victorieusement les combattre en prouvant que cet avis a été surpris à la religion des magistrats; Attendu qu'en effet, si Ernest M... peut établir, comme il l'articule, que la grosse au bas de laquelle Nicolas M... l'accuse d'avoir apposé la fausse signature de Rançon a été réellement signée par Rançon, et que Nicolas M... a lui-même reconnu la fausseté de ses imputations, cette preuve administrée, soit devant le tribunal d'Angoulême, qui n'est ni lié ni dessaisi par sa première délibération, et qui peut changer d'avis en présence de renseignements nouveaux, soit devant le garde des sceaux, appréciateur souverain de la candidature d'Ernest M..., fera cesser pour ce dernier le danger d'insuccès dont il se croit menacé; Par ces motifs, etc. »> Appel par le sieur Ernest M...

ARRÊT.

LA COUR ; Attendu que si Nicolas M... a fourni, d'abord au parquet du tribunal civil d'Angoulême, et ensuite au tribunal lui-même, des renseignements défavorables au sujet d'Ernest M..., candidat aux fonctions d'huissier, il est à remarquer que ce n'est point de son propre mouvement, mais sur la demande expresse du procureur impérial, que Nicolas M... été appelé à fournir ces renseignements, et qu'il les a donnés d'une manière toute confidentielle, sans les répéter en public, puisque l'offre de preuve contenue dans les

Le fait d'avoir fourni confidentiellement à conclusions d'Ernest M... ne présente aucune

articulation contraire à cet égard ;- Attendu qu'il ne ressort des circonstances de la cause aucun motif de soupçonner que Nicolas M... fût animé de mauvais sentiments envers Ernest M..., ni qu'il eût un intérêt quelconque à faire une déclaration contraire à la vérité; que tout se réunit donc pour montrer qu'il a agi de bonne foi; que, d'un autre côté, on ne trouve nulle part des indices portant à faire croire que son langage ait été dicté par une légèreté condamnable; qu'Ernest M... n'est, par conséquent, point fondé, dans l'état actuel de la cause, à accuser Nicolas M... d'une faute qui ait engagé sa responsabilité et dont il doive réparation; Attendu, quant à la preuve offerte subsidiairement par Ernest. M..., que les considérations qui précèdent fournissent un motif suffisant pour la faire écarter, car, en supposant prouvés les faits articulés, Nicolas M... pourrait toujours se défendre en invoquant sa bonne foi et le devoir qui lui a été imposé de répondre à des interrogations qu'il n'avait pas provoquées; qu'au surplus, parmi les faits articulés, le second seulement serait de nature à incriminer ses intentions vis-à-vis d'Ernest M...; mais que l'ennui et les regrets que lui aurait causés sa déclaration s'expliquent même en la tenant pour sincère, car il pouvait parfaitement regretter d'avoir été mis dans la nécessité de révéler ce qu'il croyait vrai au préjudice d'Ernest M... ; Par ces motifs, confirme, etc.

Du 13 fév. 1867. C. Bordeaux, 1re ch.MM. Dégrange-Touzin, prés.; Jorant, 1er av. gén.; Dégrange-Touzin fils et Guimard, av.

(1) L'art. 826, C. Nap., qui autorise chaque copartageant à demander sa part en nature, doit, il est vrai, être combiné avec l'art. 832 qui veut que, dans la formation des lots, on évite autant que possible de morceler les héritages et de diviser les exploitations; mais lorsque cette division et ce morcellement ne présentent pas de dangers sérieux, le principe posé par l'art. 826 gardé sa force, sauf, bien entendu, le rétablissement de l'égalité entre les cohéritiers au moyen de soultes. V. M. Demolombe, Succ., t. 3, n. 672 et suiv.Le principe que le partage en nature est obligatoire lorsque ce partage peut se faire commodément a été consacré même au cas de titres de créance. V. Riom, 11 avril 1856 (P. 1857. 910. S.1856.2.602).

(2) Il est admis (comme le décide l'arrêt ici recueilli) qu'en matière de dispositions à titre gratuit, la cause fausse ou illicite n'est un motif d'annulation de la disposition qu'autant qu'elle a été finale ou déterminante. V. ce principe rappelé et appliqué par un arrêt de la Cour de cassation du 31 juill. 1860 (P.1862.88.1860.1.833), et la note. V. aussi Amiens, 14 janv. 1864 (P.1864.329.-S.1864.2.11); Cass. 22 janv. 1867 (suprà, p. 113); Paris, 9 fév. 1867 (suprà, p. 557), et les observations

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S.

PARIS 8 mars 1867.

1° PARTAGE, LICITATION, SUCCESSION. 2° LEGS, CAUSE FAUSSE. 3o TUTELLE, COMPTE, TRAITÉ, Partage. 4° APPEL, INDIVISIBILITÉ, PARTAGE.

1° Il suffit que la consistance et la composition des biens dépendant d'une succession en permettent la division pour que le partage en nature entre les héritiers en doive être ordonné, de préférence à la licitation, si l'un de ces héritiers le demande; peu importe, dans ce cas, que les immeubles ne puissent pas, à raison de leur situation et de leur éloignement, convenir également à tous les copartageants (1). (C. Nap., 826, 832.)

Peu importe aussi que l'un des héritiers soit, comme débiteur de ses cohéritiers, soumis à des rapports envers eux.

2° L'énonciation d'une cause fausse ou erronée dans un legs, n'emporte pas nullité du legs, s'il n'est pas établi qu'elle en ait été le motif déterminant (2), (C. Nap., 895 et 1131.)

3° Le partage, entre une mère tutrice et son fils, de la succession de leur mari et père, constitue un traité qui, d'après l'art. 472, C. Nap., est frappé de nullité, s'il n'a été précédé d'un compte de tulelle; et cela, bien que la tutelle n'ayant duré que quelques semaines, la tutrice puisse être considérée comme n'ayant rien administré (3),

4° En matière de partage de succession, matière indivisible, l'appel interjeté dans le délai légal à l'égard de l'un des héritiers, conserve les droits de l'appelant à l'égard de ceux des autres héritiers contre lesquels il n'a appelé qu'après l'expiration de ce délai (4). (C. proc., 443.)

qui accompagnent ce dernier arrêt. « Qui sait, en effet, dit Zachariæ (édit. Massé et Vergé), t. 3, § 420, note 3, p. 51, si, même en l'absence de la cause exprimée, le donateur n'aurait pas fait la donation? Et même, lorsqu'une personne a fait une donation ex turpi causa, on peut supposer que, sans cette cause, il n'en eût pas moins donné. » V. dans le même sens, MM. Troplong, Donat. et test., t. 1, n. 379; Duranton, t. 8, n. 546 et suiv., Massé et Vergé, sur Zachariæ, loc. cit.

(3) V. en sens contraire, Bruxelles, 29 janv. 1818 (P. chr.); Caen, 10 mars 1857 (P.1858. 1161.-S.1858.2.413).-Jugé en tout cas que, en admettant que le pacte de famille intervenu entre une mère tutrice et ses enfants devenus majeurs, et le partage ultérieurement opéré en conséquence entre ces derniers, fussent sujets à l'action en nullité établie par l'art. 472, C. Nap., ils ne pourraient, après le décès de la mère dont la succession aurait été acceptée par tous, être attaqués par l'un des enfants, chacun d'eux se devant, en un tel cas, une garantie réciproque : Cass. 7 fév. 1859 (P.1859.945.-S. 1859.1. 304).

T

(4) V. dans le même sens, Cass. 20 juill. 1835 (P. chr.-S.1835.1.881); V. aussi Cass. 14 août

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21 avril 1866, jugement du tribunal de la Seine ainsi conçu:-«En ce qui touche la demande en compte, liquidation et partage:

Attendu que la comtesse de Sanzillon de Mensignac est décédée à Paris le 23 janv. 1854, laissant pour héritiers ses trois enfants; qu'après son décès, il a été dressé par Tandeau de Marsac et son collègue, notaires à Paris, inventaire de tous les biens meubles et immeubles composant sa succession; Attendu qu'aux termes de l'art. 815, C. Nap., nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision; qu'Aurélie de Sanzillon, héritière pour un tiers de la comtesse de Sanzillon, sa mère, a donc le droit de demander le partage de cette succession ;- En ce qui touche le mode de partage des immeubles : Attendu que la loi ne prescrit le partage en nature des immeubles d'une succession que lorsque ce partage peut être immédiatement opéré; Attendu que les immeubles sont situés, les uns dans le département de la Dordogne, les autres dans celui d'Ille-et-Vilaine, et sont d'une valeur très-différente ;-Que, pour les partager entre les trois héritiers, il faudrait établir des soultes à la charge d'un ou de plusieurs des copartageants; Que, d'autre part, Adhemar de Sanzillon est débiteur envers la succession d'une somme de plus de 100,000 fr., et que le tiers des immeubles, joint au rapport qu'il devra faire, dépasserait sa part dans la succession; que la licitation des immeubles, tout en permettant à chaque cohéritier de racheter ceux qui lui conviendront, permettra un partage plus facile de la succession, sans constituer les cohéritiers débiteurs entre eux de sommes plus ou moins importantes;

«En ce qui touche la nullité du legs de 20,000 fr. fait au profit d'Aurélie de Sanzillon et de la comtesse de Robien: - Attendu, en principe, que la fausseté de la cause d'un legs indiquée dans un testament ne vicie pas la libéralité testamentaire, à moins qu'il ne soit certain que le testateur n'eût pas disposé s'il eût connu la fausseté de la cause qu'il attribuait à sa libéralité; Attendu que la comtesse de Sanzillon a énoncé plusieurs motifs du legs qu'elle faisait à ses filles; qu'en admettant même, ce qui n'est pas établi, que l'un de ces motifs fût erroné, les autres causes indiquées dans son testament suffiraient pour justifier le don qu'elle leur a laissé par préciput et hors part;-Que la de

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mande en nullité de ces legs doit donc être rejetée; 104 Jas mit Juomanno i

29214.

«En ce qui touche la demande en nullité du partage du 24 déc. 1855:-Attendu qu'elle est fondée sur ce que ce partage n'aurait pas été précédé du compte de tutelle prescrit par l'art. 472, C. Nap.; Mais attendu que ce compte n'est exigé que lorsqu'il y a eu une tutelle effective; qu'en fait, la minorité d'Adhémar de Sanzillon n'a duré que quelques semaines après la mort de son père; que, dans cet intervalle, la mère, tutrice naturelle et légale, n'a rien touché pour le comple de son pupille; que les scellés n'ont été levés et l'inventaire commencé qu'après la majorité dudit Adhémar; que la tutrice n'a douc eu aucun compte à rendre, puisqu'elle n'a rien administré ; Attendu que le partage a été accepté par toutes les parties et exécuté depuis près de dix années, et que le demandeur ne se trouve dans aucun des cas prévus par la loi pour en demander la rescision ;..» Appel par le sieur Adhémar de Sanzillon.

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ARRÊT.

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T910

LA COUR; En ce qui touche la recevabilité de l'appel :-Considérant que, s'agissant d'une demande en partage et conséquemment d'une matière indivisible, l'appel interjeté en temps utile par Adhemar de Sanzillon contre les époux de Robien, a conservé son droit vis-à-vis de la demoiselle de Sanzillon; qu'ainsi l'appel interjeté contre cette dernière est recevable, bien qu'interjeté après l'expiration des délais légaux; Au fond: En ce qui touche le partage en nature des biens de la succession de la dame de Sanzillon : Considérant qu'il résulte de la consistance et de la composition de ces biens qu'ils peuvent être commodément divisés en trois lots, et par suite qu'ils sont partageables en nature; que la situation et l'éloignement de ces biens n'empêchent pas que, considérés en eux-mêmes, ils ne puissent être commodément divisés et partagés ; que la circonstance qu'à raison de leur situation, certains de ces biens pourraient ne pas convenir également à tous les copartageants, ne modifiant pas leur consislance et leur composition, ne saurait faire obstacle à l'exercice du droit de chacun des héritiers de demander et d'obtenir sa part en nature;-Et qu'enfin il importe peu, au point de vue de la possibilité et de la commodité du partage en nature, que l'un des héritiers soit ou puisse être débiteur de ses cohéritiers, les rapports et les droits des copartageants, en tant qu'héritiers, restant indépendants de leurs rapports et de leurs droits en tant que débiteurs et créanciers;qu'il suit de là que c'est à tort que les premiers juges ont ordonné la licitation des immeubles dépendant de la succession de la dame de Sanzillon;

En ce qui touche les legs, de 20,000 fr. chacun, faits par la dame de Sanzillon à la dame de Robien et à la demoiselle de Sanzillon : Adoptant les motifs des premiers

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