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cès de pouvoir lui-même n'ouvre que le recours en cassation. A plus forte raison doitil en être ainsi pour l'ordre des avocats, réunion de confrères où sont exigées tant de conditions morales, et pour le conseil de l'ordre, qui a besoin d'une grande latitude pour accomplir le devoir qu'a rappelé l'ordonnance, « de maintenir les principes de modération, de désintéressement et de probité professionnelle, sur lesquels repose l'honneur de l'ordre des avocats. »-Ce conseil élu a des attributions administratives pour l'admission au stage, pour la surveilfance spéciale des stagiaires et pour l'inscription au tableau ou l'ajournement. A cet égard, on ne comprendrait pas l'appel de droit commun, qui obligerait chaque conseil à indiquer dans sa décision ses investigations confidentielles et leurs résultats, à venir s'expliquer devant une Cour impériale pour justifier l'ajournement ou le refus. Aussi aucune disposition de l'ordonnance ne suppose-t-elle possible, pour ce cas, un appel dont il aurait alors fallu indiquer les conditions et formes. C'est seulement pour les décisions disciplinaires, qui dérivent d'attributions judiciaires, qu'elle a parlé d'appel; elle l'a fait dans des dispositions spéciales pour ces décisions, et alors elle a réglé les cas, les formes et la juridiction : ce n'est pas l'appel de droit commun, puisqu'il y a eu attribution à une juridiction extraordinaire, l'assemblée générale en chambre du conseil, laquelle ne peut avoir compétence qu'en vertu d'un texte. Voilà ce qu'a formellement jugé l'arrêt de cassation de 1850; les arrêts postérieurs sont pour les cas de radiation du tableau ou d'équivalent, qui appartiennent à la matière disciplinaire.

Tels sont les principes consacrés. Voici comment ils sont méconnus par l'arrêt attaqué.-Deux mesures différentes étaient successivement prises par le conseil de l'ordre vis-à-vis de Me Grillon qui a interjeté deux appels successifs; chaque appel, combattu par une fin de non-recevoir, est jugé recevable et accueilli, avec réformation de chacune des délibérations et ordre d'inscription au tableau.- La première mesure ne concernait que le stage ou la liste des stagiaires. Ily avait

y

leur conduite; pouvant prolonger le stage, selon les cas, il peut assurément refuser une prorogation nouvelle. Après expiration du temps fixé, le stage a pris fin; le licencié admis pour un temps ne doit pas figurer indéfiniment sur la liste spéciale. Donc il n'y a point radiation contre un droit acquis, dans l'omission sur la liste renouvelée dé celui dont le stage est fini. Le droit du simple stagiaire n'est que temporaire, tandis que celui de l'avocat inscrit au tableau sera durable; il est provisoire ou conditionnel, subordonné à des devoirs spéciaux et à une appréciation de conduite. L'appréciation ici est purement administrative, à la différence du cas de poursuite disciplinaire pendant le stage. Il y a donc excès de pouvoir dans l'arrêt jugeant l'appel recevable et disant qu'à tort l'avocat Grillon a été éliminé de la liste des stagiaires.

it eu prorogation pour des causes indiquées qui subsistaient en partie; et le stagiaire déclarait ouvertement qu'il entendait continuer ce qu'on l'engageait à ne plus faire. Le terme du stage et de la prorogation était dépassé le conseil a déclaré ne pas maintenir le nom de Me Grillon sur la liste des stagiaires. Suivant l'arrêt, accueillant l'appel, le stagiaire a des droits comme les avocats inscrits, et son élimination de la liste, sans inscription au tableau, est une radiation disciplinaire... Mais c'est méconnaître une distinction essentielle tant de fois consacrée. Le stage est une épreuve; la liste des stagiaires est beaucoup moins que le tableau de l'ordre et ne se produit pas comme lui; le conseil surveille particulièrement les stagiaires et

L'excès de pouvoir est encore plus caractérisé quant à l'inscription forcée au tableau. Suivant l'arrêt, l'avocat qui a ses trois ans de stage et même plus aurait un droit acquis à cette inscription, un droit absolu dont la négation serait une radiation déguisée... Mais c'est toujours après stage que l'inscription première au tableau est demandée; jamais jusqu'ici le refus de cette inscription n'avait été considéré comme la radiation contre un droit acquis. Radiation déguisée! On n'avait pas osé présenter cet argument dans la discussion de 1850. 11 est imaginé pour essayer de s'appuyer sur les arrêts postérieurs. Mais ils ont dit seulement que le refus d'admettre un avocat déjà inscrit est l'équivalent d'une radiation. Aujourd'hui, on va beaucoup plus loin. Dans le système nouveau, le stage ne serait qu'un espace de temps, au lieu d'être une épreuve comme dans les autres carrières où il est aussi exigé; le temps écoulé créerait un droit supérieur, quoique la trèsgrande majorité des stagiaires finissent leur troisième année sans avoir jamais ni plaidé ni parlé à une conférence; dès lors l'inscription au tableau serait obligatoire, et le refus par le conseil donnerait pleins pouvoirs à la Cour d'appel. Que deviennent donc les conditions de moralité et de dignité personnelle, de moralité professionnelle ou d'honorabilité, dont l'appréciation appartient au conseil de l'ordre? Assimilant à la radiation disciplinaire, qui brise la carrière d'un avocat, le refus d'admission actuel d'un stagiaire à un tableau, l'arrêt voudrait une constatation expresse de faute grave à discuter en appel. Confusion manifeste! Il n'y a point ici condamnation disciplinaire, ce qui exigerait les conditions d'un jugement de répression. Le conseil de l'ordre n'a pas besoin d'une faute grave à punir, et n'est pas soumis à l'obligation d'énumérer des faits circonstanciés. Le refus est une mesure administrative, temporaire ou locale, qui n'enchaîne aucun conseil de discipline et pourra être rapportée ou n'avoir aucun effet ailleurs. Il se fonde ici sur une situation accidentelle, contraire aux conve

le cas

: Selon le

ges, non-seulement en première instance, mais
encore en appel,
1. et le bénéfice de ce principe de-

que m

nances, qui cessera ou bien n'existerait pas | procès, car toute contestation doit trouver des jýdans tout autre siége. La mesure administrative est dans les attributions du conseil de l'ordre, qui en prend la responsabilité comme vait, par conséquent, être accordé à M. Grillon, il revendique l'honneur de la formation de qui était en contestation avec le conseil de son son tableau. C'est une tradition, maintenue ordre sur le point de savoir s'il avait ou n'avait parles règlements et par la jurisprudence, que pas un droit acquis l'exercice ice de sa profession, justifient aussi de puissantes considérations. en contestation sur une véritable question de Il serait périlleux de lui substituer la liberté propriété.—Le droit d'appel existant, au profit de illimitée des professions industrielles. Me Grillon, en vertu du droit commun, on Pour le défendeur, on a le lui dénier si la loi le lui refuse par un we peut pourvoi, l'ordonnance de 1822 ne confère texte formel ou du moins par son esprit, Mais que deux attributions aux conseils de disci- on cherche vainement dans l'ordonnance réglemenpline une attribution administrative, dont taire du 20 nov. 1822, la disposition qui permetdonner lieu à aucun appel trait de consacrer, l'exercice ne pe nsacrer, dans le cas de l'espèce, l'exni recours, sauf le s d'excès de pouvoir, et une attribution judiciaire, ire, dont l'exercice ne peut donner lieu à l'appel, aux termes de l'art. 24, que dans deux cas, la suspension ou la radiation, et l'on semble aller, pour justifier le pouvoir discrétionnaire du conseil en ce qui concerne les stagiaires, jusqu'à l'inapplicabilité de ces deux peines aux stagiaires qui ne sont point inscrits sur le tableau de l'ordre. D'où il résulte, selon le pourvoi, qu'ils ne peuvent appeler d'une décision qui les raye de la liste des stagiaires et leur refuse l'inscription au tableau. réponse est simple et décisive. Et, d'abord, l'ordonnance n'a páslimité les cas d'appel; elle a simplement déclaré que des quatre peines disciplinaires, deux seulement, celles qui portent atteinte à l'exercice d du droit, seraient sujettes à appel. Mais elle n'a pas dit qu'en dehors de ces deux peines, l'appel ne continuait plus à être de droit commun.

La

Maintenant, est-il vrai que la suspension et la radiation ne puissent atteindre l'avocat stagiaire, parce qu'il n'a qu'un droit provisoire et incomplet, soumis à la discrétion absolue du conseil? La défense le nie énergiquement. Les stagiaires ont tous les droits des avocats titulaires, moins les droits politiques de l'ordre. Ils peuvent plaider partout aussi librement que leurs confrères du tableau. C'est l'ordonnance de 1830 qui le dit. Ils ont aussi, quand ils ont accompli les conditions de stage, le droit d'obtenir leur inscription sur le tableau. C'est donc un droit conditionnel, mais certain, et qu'on ne peut méconnaître sans violer la loi, si les conditions sont accomplies. -Aussi, tout le monde reconnaît-il que l'art. 24 de l'ordonnance leur est applicable; jamais aucun doute ne s'est élevé sur ce point, et le texte de l'ordonnance n'établit aucune distinction. Le décret du 22 mars 1852 est formel à cet égard. Or, s'il en est ainsi, même en admettant que l'appel ne soit possible que dans les deux cas de l'art. 24, l'avocat stagiaire, évincé par une décision qu'il croit injuste, a le droit d'appeler.

M. le procureur général Delangle a conclu au rejet du pourvoi.

Si les principes généraux du droit, a dit ce magistrat, devaient être appliqués à la cause actuelle, on ne concevrait même pas la difficulté du

ception dont se prévaut le conseil de l'ordre des avocats de Vesoul; on y trouve, au contraire, la confirmation implicite et naturelle du droit d'appellation au profit de Me Grillon.-L'ordonnance attribue deux sortes de pouvoirs aux conseils de discipline: le pouvoir administratif et le pouvoir disciplinaire. Le pouvoir disciplinaire comporte l'application de quatre pénalités différentes: 1°l'avertissement; 2° la réprimande; 3° l'interdiction temporaire; 4° la radiation du tableau (art. 18).

Pour les deux premières peines de discipline, l'appel n'est point admis par l'ordonnance; eile l'autorise seulement (art. 24) dans les cas d'interdiction à temps ou de radiation. Pourquoi cette distinction? Elle est facile à comprendre l'avertissement et la réprimande sont des peines légères qui ne dépassent pas la mesure de ce que l'on a justement nommé castigatio domestica, et, dans l'intérêt même de l'avocat, il importe que les faits qui ont donné lieu à la punition restent secrets, qu'ils ne puissent devenir le sujet d'une discussion devant les magistrats. Les deux autres peines, et surtout la radiation, sont, au ontraire, des peines fort graves; elles atteignent l'avocat dans son état, dans sa propriété; c'est la raison déterminante du droit d'appel réservé par l'ordonnance. Pourquoi donc M Grillon ne pourrait-il pas exercer ce recours? N'est-il pas, lui aussi, atteint dans son état, dans sa propriété ? N'est-ce pas une véritable radiation qui lui a été infligée? L'analogie est frappante entre la situation qui lui est faite et celle en vue de laquelle l'ordonnance a formellement réservé le droit d'appel, et il est, dès lors, de stricte justice que les mêmes garanties lui appartiennent. »

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Ici, M. le procureur général discute l'objection tirée de ce que la délibération prise, dans l'espèce, par le conseil de l'ordre constituerait une simple mesure administrative, et non une décision disciplinaire.

Peu importe, dit-il, la forme donnée à la décision. Peu importe l'absence de motifs; il ne saurait dépendre d'un conseil de discipline de paralyser un droit par la précaution qu'il prendra de ne pas motiver sa décision, de lui imprimer les formes propres aux délibérations purement administratives. L'avocat est-il atteint dans son état? Toute la question est là, et l'appel doit être déclaré recevable dans tous les cas où la décision a pour résultat d'entraver l'exercice de la profession. C'est ce que la chambre civile de la Cour de cassation a décidé, notamment par son arrêt du 16 déc.

décision

1862 (V. ad notam), en jugeant admission M Grillon, il peut arriver, dans des barreaux peu

par laquelle le conseil

elle' a

l'ordre refuse

sur son tableau à un avocat précédemment inscrit sur un autre tableau est sujette à appel, parce qu'elle porte atteinte à un droit acquis, parce qu'elle équivaut à une radiation. La chambre civile a confirmé cette jurisprudence par un a arrêt du 15 fév. 1864 (V. ad notam). Elle ne s'arrêtera donc pas à une objection que, par deux fois déjà, e a écartée, car on lui alors comme on lui dit aujourd'hui : Noui disait alors n'avons pas exercé notre pouvoir disciplinaire, mais bien notre pouvoir administratif, qui échappe tout contrôle; nous n'avons pas puni un avocat, nous avons refusé de l'inscrire, ainsi qu'il nous appartenait de le faire, en vertu de l'art. 13 de l'ordonnance, et nul n'a le droit de discuter l'opportunité de la mesure que nous avons cru devoir prendre et que nous avons prise dans la limite de ce pouvoir discrétionnaire. La Cour de cassation

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a répondu que, pour savoir faut si le droit d'appel

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existe aa profit de l'avocat, considérer le résultat de la décision, et que, pour que l'appel soit recevable, il suffit que l'avocat soit atteint dans un droit acquis: c'est évidemment la réponse encore, elle fera à l'objection que, cette fois a-t-il lieu de déroger à cette jurisprudence par le motif qu'il ne s'agit, dans l'espèce, que d'un stagiaire ? Nous ne le pensons pas. La a situation on du stagiaire, a-t-on dit, est provisoire, dépendante; on même on l'a même comparé à l'élève qui se présente aux examens l'Ecole polytechnique, à l'étudiant qui se présente au baccalaureat, et dont l'élimination ne saurait jamais faire l'objet d'aucun recours. Cette e comparaison manque d'exactitude: le stagiaire est avocat, il plaide, il consulte; s'il n'a pas des droits aussi étendus que le sont ceux de l'avocat inscrit au tableau, et si, par exemple, il n'a pas qualité pour remplacer un juge absent ou pour signer certaines consultations, il n'est pas moins en possession sion d'un droit dont il devra obtenir la confirmation definitive à la seule condition d'avoir rempli les conditions du stage. Que son stage soit prorogé, 'il n'a suivi les audiences, si ses épreuves ne sont pas jugées suffisantes, cela se conçoit; que l'avocat stagiaire soit puni disciplinairement si sa conduite a été répréhensible, cela se comprend encore; mais est-ce là ce qu'a fait le conseil de l'ordre des avocats de Vesoul? Il ne reproche absolument rien à Me Grillon, de qui l'arrêt attaqué rend un si bon témoignage; il ne proroge pas non plus son stage, dont la durée est d'ailleurs depuis longtemps dépassée; il le raye de la liste des stagiaires en même temps qu'il lui refuse l'inscription au tableau, et quand il brise ainsi la carrière d'un jeune avocat parvenu au seuil de la confirmation de son droit, il émet la prétention que sa décision reste sans contrôle comme elle est sans motifs expri

més !

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Si les pouvoirs donnés aux conseils de discipline comportaient une telle latitude, dit en lerminant M. le procureur général, ce serait le cas d'aviser et de ramener les choses à des termes plus raisonnables, plus rassurants; car si, dans les grands centres judiciaires, on n'a pas à craindre l'abus qui peut se cacher sous des exécutions

sommaires de la nature de celle dont se plaint nombreux, que le droit le plus respectable soit sacrifié à l'arbitraire, à la passion, à de mesquines jalousies, et il faut, dès lors, que l'injustice, commise puisse être réparée. Mais l'ordonnance. de 1822 suffit, telle qu'elle est in interprétée par la jurisprudence de la Cour de cassation, jurisprudence qui concilie tous les intérêts et sauvegarde tous les droits en déclarant l'appel ouvert contre toutes les décisions dont l'effet est d'anéantir ou de modifier l'état professionnel de l'avocat. -ozib of alo2009 ZARRÊT.indi

་།།

LA COUR; Attendu que la profession d'avocat et le libre exercice de cette profession sous les conditions déterminées par les lois et règlements, sont de droit public; Que lorsqu'un conseil de l'ordre statue sur le droit qu'un avocat prétend avoir acquis à l'exercice de sa profession, et lui refuse l'inscription au tableau qui en est la reconnaissance officielle et la condition nécessaire, ce conseil agit, non comme représentant une association volontaire, maîtresse d'agréer ou de ne pas agréer un nouvel associé, mais comme une autorité publique chargée de faire justice à chaque postulant, et dont la décision, pouvant blesser un droit, ne saurait être affranchie de tout recours et de tout contrôle; Que si l'art. 24 de l'ordonnance 1822 réserve l'appel à l'avocat

du 20 novou même interdit temporai

rayé du,

rement, ce n'est point que l'appel soit admis contre les décisions disciplinaires en général, c'est que ce recours existe de droit commun en faveur de la partie à laquelle une décision enlève une qualité ou une propriété d'une importance indéterminée, comme l'est pour un avocat la profession qui renferme tout son avenir;-Que ce principe reçoit son application même lorsqu'il s'agit d'une délibération prise dans la forme régie par l'art. 13 de l'ordonnance du 20 nov. 1822, et d'un refus d'inscription au tableau; qu'il est, en effet, reconnu que l'ancien avocat qui, après avoir abdiqué sa profession, demande sa réinscription sur le tableau, peut interjeter appel de la décision qui la lui refuse; que les avocats admis au stage, et surtout ceux qui l'ont accompli, comme le défendeur, sont dans une position plus favorable, puisqu'ils ont la possession acquise et actuelle du droit de plaider, qui constitue essentiellement l'exercice de leur profession;-Qu'on objecterait en vain que le refus d'inscription peut tenir à des considérations relatives à la moralité et à la dignité de l'avocat, quoique ces motifs ne soient pas exprimés; qu'envisagée à ce point de vue, l'exclusion du tableau a le caractère d'une peine et même de la plus forte des peines de discipline; qu'elle fait supposer contre l'avocat exclu les griefs les plus graves; qu'elle entache ainsi sa réputation, en même temps qu'elle lui enlève l'exercice de sa profession; qu'elle a donc tous les effets de la mesure qui, d'après l'art. 24 de

l'ordonnance de 1822, donne ouverture à l'appel, et qu'elle doit être soumise au même recours; Qu'il suit de tout ce qui précède qu'en recevant l'appel, interjeté par Me Grillon, des décisions du conseil de l'ordre des avocats de Vesoul, qui l'avaient éliminé de la liste des stagiaires et lui avaient refusé, après l'accomplissement de son stage, l'inscription sur le tableau, comme en réformant l'exclusion prononcée au préjudice de Me Grillon en l'absence de toute prohibition légale et de toute incompatibilité, et sans qu'aucun reproche eût été articulé contre lui au point de vue du caractère et de la moralité, la Cour impériale de Besançon n'a commis aucun excès de pouvoirs, et que, loin de violer l'ordonnance du 20 nov. 1822, elle a fait de ses dispositions combinées une saine application;-Rejette, elc.

Du 29 juill. 1867.—Ch. civ.- MM. Troplong, 1er prés.; Quénault, rapp.; Delangle, proc. gén. (concl. conf.); Morin et Bosviel, av.

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Les frais de liquidation et de partage d'une communauté et d'une succession dans lesquelles un débiteur avait des droits indivis, ne peuvent être considérés comme faits pour la conservation de la chose commune de ses créanciers, et, dès lors, comme privilégiés vis-à-vis de la masse, lorsque la liquidation et le partage ont été provoqués par ce débiteur uniquement dans son intérêt, pour faire déterminer l'importance de ses droits, et même à une époque où ceux des créanciers n'étaient pas encore nés (1). (C. Nap., 2101.)

Le privilége doit surtout être refusé lorsqu'il est constaté que le notaire et l'avoué, créanciers des frais de liquidation et de partage, n'en ont pas réclamé le paiement immédiatement après la conclusion de ces opérations, et ont ainsi suivi la foi du débiteur. (Romagny et Bonenfant C. cr. Toudouze.) Après le décès du sieur Toudouze, surve

(1) Le privilége créé par l'art. 2101 ne protége les frais de justice qu'autant qu'il s'agit de frais faits dans l'intérêt de la masse des créanciers et pour la conservation du gage commun; que si, au contraire, ces frais, bien que se rattachant à une mesure qui pouvait avoir pour résultat indirect l'avantage des créanciers, en ce qu'elle augmentait ou garantissait le patrimoine du débiteur, ont eu pour cause une instance ou des actes dans lesquels ce dernier figurait seul et uniquement dans son intérêt personnel, l'art. 2101 ne saurait recevoir d'application à ce cas. On remarquera avec quel soin, dans l'espèce qui nous occupe, la Cour de cassation s'est attachée à relever les circonstances desquelles il résultait que la demande en partage avait été introduite par le cohéritier

nu en 1855, intervint, sur la demande de la dame veuve Toudouze, un jugement du tribunal de Nogent-sur-Seine qui ordonna une liquidation entre elle et ses enfants, liquidation à laquelle il fut procédé par les soins de Me Romagny, notaire, commis à cet effet. Le projet dressé par le notaire attribua à la veuve, pour la remplir jusqu'à due concurrence du montant de ses reprises, la totalité de l'actif de la communauté, dans lequel figurait le mobilier, et ce, à la charge d'acquitter le passif, notamment les frais d'instance et de liquidation dus à Me Romagny et à Me Bonenfant, avoué, qui avait occupé dans l'affaire. Il n'existait, soit dans la communauté, soit dans la succession, aucun actif liquide permettant de faire face à ce passif. Le 12 décembre 1861, le tribunal homologua purement et simplement le travail de M Romagny, et taxa les frais dus à ce dernier à 834 fr. et ceux dus à Me Bonenfant, avoué, à 324 fr. 43 c. — Sur l'appel interjeté par le subrogé tuteur des mineurs Toudouze, la Cour de Paris rendit, le 31 août 1863, un arrêt confirmatif.

Bientôt après, divers créanciers de la dame Toudouze, dont les créances avaient pris naissance pendant les instances dont il vient d'être parlé, firent procéder à la vente du mobilier qui avait été attribué à cette dernière par la liquidation, et une contribution fut ouverte pour la distribution du prix. Romagny et Bonenfant produisirent à la contribution pour leurs frais taxés de compte, liquidation et partage, et réclamèrent une collocation par privilége, en vertu de l'art. 2101, § 1, C. Nap.

MC3

Cette collocation privilégiée, contestée par les autres créanciers, fut repoussée par un jugement du tribunal de Nogentsur-Seine du 11 mai 1865, ainsi conçu : << Attendu qu'on ne peut considérer comme frais de justice privilégiés, aux termes de l'art. 2101, C. Nap., que ceux qui ont été faits pour la cause commune des créanciers, soit qu'ils aient eu pour objet la conservation de leur gage, ou sa conversion en une somme liquide, ou enfin la distribution de cette somme;-Attendu que les frais pour lesquels Romagny et Bonenfant demandent dans son seul intérêt et non dans un intérêt commun qui n'existait même pas à l'époque de la poursuite. C'est d'après le même principe qu'un précédent arrêt du 14 fév. 1853 (P.1854.2. 512.-S.1853.1.246) a jugé que les frais d'un partage amiable fait par un notaire entre cohéritiers, dans leur intérêt exclusif, et sans l'intervention d'aucun créancier, ne donnent lieu à aucun privilége. V. aussi Pau, 12 mai 1863 (P. 1863.1091. S. 1863.2.197) et l'annotation, ainsi que les renvois sous deux jugements des trib. de Condom, 24 nov. 1864 (P. 1865.1261... S. 1865.2.350), et de Die, 29 mars 1865 (P.1866. 365.-S.1866.2.97), qui ont jugé en sens contraire. Adde MM. Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 2, § 260, p. 597.

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à être colloqués par privilége ont été exposés dans une instance en partage introduite par la dame Toudouze, uniquement dans son intérêt, pour faire déterminer l'importance des reprises qu'elle avait à exercer tant contre la communauté ayant existé entre elle et son mari que contre la succession de ce dernier; qu'ainsi ils n'ont pas été faits pour la cause commune des créanciers, dont la créance n'était pas née à cette époque;

Al

Attendu qu'en ne réclamant pas de suite, après avoir procédé à la liquidation judiciaire dont s'agit, le paiement de leurs frais et honoraires, Romagny et Bonenfant ont suivi la foi de Mme Toudouze, qui est devenue leur débitrice personnelle, et qu'ils ne peuvent imputer qu'à eux-mêmes la situation que leur fait aujourd'hui l'insolvabilité de cette dame; qu'ils n'ont donc rien fait pour la conversion du gage des créanciers en une somme liquide; qu'au contraire, leur abstention indique qu'ils n'ont considéré leurs créances que comme de simples créances recouvrables par les voies de droit commun, et qu'ils n'y ont pas attaché de motifs dé préférence ou de privilége que la loi ne leur accorde pas et que leur refuse d'ailleurs une jurisprudence presque unanime; tendu, enfin, que ce n'est que bien posté rieurement, et sans le concours de Romagny et Bonenfant, qu'il a été procédé, à la requête d'un créancier, à la saisie et à la vente du mobilier appartenant à la veuve Toudouze, et que les frais qui ont donné lieu à la somme aujourd'hui en distribution peuvent seuls être considérés comme frais privilégiés; Que vainement les contestants prétendent, pour soutenir leur contestation, qu'à défaut, par la veuve Toudouze, d'avoir provoqué cette procédure, les créanciers auraient été obligés de la provoquer eux-mêmes dans l'intérêt général de la masse; Attendu que si les créanciers peuvent user du bénéfice de l'art. 1166, C. Nap., lorsqu'ils le jugent convenable, on ne saurait leur refuser le droit de profiter de faits accomplis depuis longtemps, sans leur concours et aux frais de leur débiteur et dans son intérêt personnel;

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Qu'agir autrement serait méconnaître les vrais principes qui n'accordent de privilége qu'aux frais fails exclusivement dans l'intérêt commun des créanciers; Par ces motifs, etc. >>

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POURVOI en cassation par les sieurs Romagny et Bonenfant, pour violation de l'art. 2101, § 1er, C. Nap., en ce que le jugement attaqué a refusé de considérer comme frais de justice privilégiés sur les biens meubles de la dame Toudouze, dont le prix était en distribution, les frais de liquidation et partage judiciaire tant de la communauté ayant existé entre la dame Toudouze et son mari que de la succession de ce dernier, alors que ce partage et cette liquidation étaient indispensables pour séparer les biens de la dame Toudouze de ceux de ses enfants et

pour permettre la saisie des objets qui formaient le gage commun, et avaient ainsi profité à tous les créanciers. ARRÊT.

LA COUR; Attendu que le jugement attaqué constate que les frais pour lesquels le notaire Romagny et l'avoué Bonenfant demandent à être colloqués par privilége ont été exposés dans une instance en partage introduite par la veuve Toudouze uniquement dans son intérêt, pour faire déterminer l'importance des reprises qu'elle avait à exercer tant contre la communauté ayant existé entre elle et son mari que contre la succession de ce dernier; qu'ainsi ils n'ont pas été faits pour la cause commune des créanciers, dont la créance n'était pas née à cette époque;

- Attendu que le même jugement établit qu'en ne réclamant pas de suite après avoir procédé à la liquidation judiciaire dont s'agit le paiement de leurs frais et honoraires, Romagny et Bonenfant ont suivi la foi de la veuve Toudouze, qui est devenue leur débitrice personnelle et qu'ils ne peuvent imputer qu'à eux-mêmes la situation que leur fait aujourd'hui l'insolvabilité de ladite dame; -Attendu, enfin, que le tribunal déclare que ce n'est que bien postérieurement, et sans le concours de Romagny et Bonenfant, qu'il a été procédé, à la requête d'un créancier, à la saisie et à la vente du mobilier appartenant à la veuve Toudouze, et que les frais qui ont donné lieu à la somme en distribution peuvent seuls être considérés comme frais privilégiés;-Attendu qu'en déboutant, dans ces circonstances, Romagny et Bonenfant de leur demande aux fins d'être colloqués par privilége, le jugement attaqué n'a violé ni l'art. 2101, C. Nap., ni aucune autre disposition de la loi; Rejette, etc.

Du 24 juin 1867.-Ch. civ. MM. Troplong, 1er prés.; de Vaulx, rapp.; Blanche, av. gén. (concl. conf.); Lefebvre, av.

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