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nouveauté de l'invention au point de vue des moyens d'application, échappe à la censure de la Cour de cassation (1).

Comme aussi, les juges du fait ont plein pouvoir pour apprécier souverainement si l'appareil breveté existait déjà dans le commerce avant l'obtention du brevet (2). (L. 5 juill. 1844, art. 31.) qabah manchuot de 2o Il n'est pas nécessaire de motiver le rejet d'un chef de conclusions qui, formulé au début de l'instance, ne se trouve plus mentionné dans les conclusions signifiées ultérieurement, ni dans le point de droit du jugement ou de l'arrêt (3). (C. proc., 141; L. 20 avril 1810, art. 7.)

3° Le pourvoi en cassation contre le chef relatif à la distraction des dépens, et fondé sur l'irrégularité de l'affirmation de l'avoué, n'est pas recevable si l'avoué distractionnaire n'est point mis en cause (4). (C. proc., 133.)

(Letort C. Versel.) - ARRÊT.

LA COUR ; Sur le premier moyen du pourvoi: Attendu que le rapport des experts, homologué par le jugement de première instance confirmé par l'arrêt attaqué, constate 1° que la disposition principale de la pompe brevetée consiste à avoir adapté le volant, non sur l'arbre auquel s'articule la tige de la pompe, mais sur un arbre superposé au précédent et sollicité par un engrenage qui, en communiquant à ce second arbre une plus grande vitesse, augmente, dans le rapport du carré des vitesses angulaires

application nouvelle de moyens connus, on est parvenu à obtenir un résultat industriel utile, tel qu'une économie de matière, de temps et de force, l'arrêt attaqué considère, en point de fait, qu'en ce qui concerne la pompe à main dont il s'agit, les constatations faites par les experts et admises par les premiers juges, dont les motifs sont adoptés, n'ont pas été détruites par les documents nouveaux apportés devant la Cour, et qu'il n'a pas été justifié ni que l'appareil breveté exislat dans le commerce avant la date de l'obtention du brevet, ni que les appareils analogues indiqués par Letort présentassent les mêmes avantages;-Attendu que ces appréciations sont souveraines; qu'elles répondent à tous les points du litige, et qu'en jugeant comme elle l'a fait la Cour impériale de Rennes n'a violé aucune des lois invoquées dans ce moyen;

Sur le deuxième moyen: Attendu que si, au début de l'instance en appel, Letort a conclu à ce que Verset fût déclaré déchu de son brevet pour n'avoir pas régulièrement acquitté la taxe prescrite, ces conclusions ne se trouvent plus mentionnées dans celles signifiées ultérieurement, ni dans le point de droit, et qu'il ne résulte pas qu'elles aient été maintenues devant la Cour;-Que, dans cette situation, on ne saurait reprocher à l'arrêt attaqué de n'avoir pas motivé sa décision sur ce point; 19 MD T

Sur le troisième moyen:-Attendu que la condamnation aux dépens devant être maintenue comme conséquence de la condamrecevable

de ces deux arbres, l'action régulatrice du nation principale, Letort n'est en ordonne

volant; 2° que cette disposition, bien que mise en pratique pour d'autres genres de machines, n'avait pas encore été appliquée aux pompes à main, et que, restreinte à ces pompes, elle constitue une nouvelle invention; 3° que les pompes saisies chez Letort sont une contrefaçon des pompes pour lesquelles Verset a obtenu un brevet d'invention; Attendu qu'après avoir considéré, en point de droit, que l'invention est suffisamment caractérisée, aux yeux de la loi, quand, par une

(1-2) Ces deux points sont biens certains. V. Cass. 14 mars 1865 (P.1865.966.-S.1865.1. 372), et le renvoi.

(3) V. dans le même sens, Cass. 16 janv. 1865 (P.1865.286.-S.1865.1.235); 24 avril 1865 (P.1865.554.-S.1865.1.235), et les renvois

(4) Dans ce cas, en effet, il s'agit d'un fait personnel à l'avoué, et cet avoué est, dès lors, le seul contradicteur légitime de la partie qui conteste la régularité de l'affirmation exigée par la loi. V. en ce sens, M. Chauveau, Lois de la proc. civ., Suppl., quest. 570 quat.-Mais il en serait autrement si la contestation portait sur la condamnation même aux dépens. L'avoué qui a obtenu la distraction des dépens n'est pas pour cela partie dans la cause; il ne peut donc ni intervenir sur l'appel du jugement qui a prononcé la dis

à attaquer le chef de l'arrêt qui la distraction au profit de l'avoué de Verset, faute par lui d'avoir mis en cause cet avoué, qui est directement intéressé à faire maintenir ce chef de l'arrêt; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour de Rennes du 19 mai 1864, etc. 2192uslood was spot

Du 15 juill. 1867.Ch. civ.MM. Troplong, 1 prés.; Mercier, rapp.; de Raynal, 1er av. gén. (concl. conf.); Maulde et Bosviel, av.sol

traction, pour faire maintenir cette disposition, ni être intimé sur l'appel du jugement, ni être appelé sur le pourvoi en cassation formé par la partie condamnée. V. à cet égard le Rép. gén. Pal., vis Avoué, n. 529 et suiv. et Frais et dépens, n. 360 et suiv., et la Table gén. Devill. et Gilb., v Dépens, n. 156 et suiv. Adde Cass. 7 janv. 1852 (P.1853.1.45.-S.1852.1.12), et Bordeaux, 4 juin 1862 (P.1863,710.-S.1862.2. 501). En ce qui concerne l'affirmation de l'avoué qu'il a fait l'avance des frais dont il demande la distraction, et le point de savoir si mention de cette affirmation doit, à peine de nullité, être contenue dans le jugement ou l'arrêt, V. le Rép. gén. Pal., vis Avoué, n. 518 et suiv., el Frais et dépens, n. 328 et suiv., et la Table gén., loc. cit., n. 148 et suiv.

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CASS. CIV. 10 juillet 1867.

ALGÉRIE, BOULANGERS, APPROVISIONNEMENTS, Bail, Commune, Garantie.

L'arrêté du gouverneur général de l'Algérie, du 14 juill. 1863, qui a proclamé la liberté de la boulangerie et dispensé les boulangers de l'obligation de faire des approvisionnements, n'a porté aucune atteinte à la convention antérieure par laquelle un particulier avait loué à certains boulangers, stipulant comme formant la corporation des boulangers de la ville, un immeuble destiné à recevoir leurs approvisionnements en farine. Cette convention reste donc obligatoire malgré l'abrogation des dispositions légales ou réglementaires sous l'influence desquelles elle était intervenue: cette abrogation ne saurait avoir un effet rétroactif sur le passé (1). (C. Nap., 2, 1134, 1148, 1302.)

Et la convention dont il s'agit reste obligatoire même pour les boulangers qui ont remplacé les signataires dans l'exercice de leur profession, si, d'ailleurs, ils ont euxmémes accepté le bail en occupant les lieux loués, et exécuté les conditions de ce bail.

Mais de ce que le bail a été approuvé par l'autorité administrative, il ne s'ensuit nullement que la commune ait contracté l'obligation d'en garantir elle-même l'exécution: l'intervention de l'autorité administrative n'ayant eu d'autre but que de surveiller l'exécution par les boulangers d'une obligation que la loi leur imposait en vue de l'intérêt public.

(Pauchon C. Boulangers de Blidah.)

Le 11 fév. 1845, il intervint entre le sieur Lazerges et six boulangers de la ville de Blidah, stipulant comme formant la corporation des boulangers de cette ville, une convention par laquelle le sieur Lazerges louait aux boulangers, pour le terme de 25 ans, un bâtiment construit et disposé pour recevoir les approvisionnements de farine exigés par la législation en vigueur. Cette convention fut approuvée par le directeur de l'intérieur à Alger; et, le 1er nov. 1845, les boulangers prirent possession du bâtiment loué. En 1853, un arrêté du Gouverneur général ayant autorisé le libre exercice de la boulangerie, les boulangers retirèrent leurs approvisionnements du magasin central et se déclarèrent délivrés de leurs engagements envers le sieur Lazerges. Mais cette prétention fut condamnée par une ordonnance de référé du 31 déc. 1853; et le maire de Blidah prit, à la date du 24 mai 1854, un arrêté enjoignant derechefaux boulangers en -exercice, ainsi qu'à tous ceux qui seraient ul

།།།།།།།།)།

(1) V. en ce sens, un précédent arrêt de la Cour de cassation du 24 juill. 1866, rendu à propos du décret du 22 juin 1863 qui a établi la liberté du commerce de la boulangerie en France (P.1866.888.-S.1866.1.327), et la note.

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térieurement autorisés à exercer cette profession à Blidah, de déposer des approvisionnements au magasin central, à défaut de quoi le droit d'exercer leur profession leur serait retiré. Le bail reprit, en conséquence, son exécution. Mais en juillet 1863, un arrêté du Gouverneur général ayant affranchi la boulangerie du dépôt d'approvisionnement, les boulangers de Blidah enlevèrent de nouveau les farines déposées dans le bâtiment loué et déclarèrent qu'ils n'avaient plus à exécuter le bail. Le sieur Pauchon, représentant le sieur Lazerges, a alors fait assigner tous les boulangers de Blidah à fin d'exécution dudit bail, et la commune ellemême, comme garante de cette exécution. Il est à observer qu'à cette époque aucun des boulangers qui avaient signé la convention du 11 fév. 1845 n'était en exercice; d'autres les avaient remplacés.

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14 avril 1864, jugement du tribunal de Blidah qui repousse la demande, et toutefois condamne les boulangers à payer six mois de loyer, attendu qu'ils n'avaient pas donné congé.

Appel par le sieur Pauchon; et appel incident par les boulangers. 26 avril 1865, arrêt de la Cour impériale d'Alger ainsi conçu:« Sur l'appel principal: -Attendu, en ce qui touche la commune de Blidah, que, en admettant qu'elle doive être considérée comme ayant succédé, quant à l'administration principale, à l'ancienne autorité administrative, représentée au premier degré par le Commissaire civil local et au second degré par le Directeur de l'intérieur, il ne résulterait de ce fait, à la charge de ladite commune, aucune obligation prenant naissance dans le bail intervenu le 11 fév. 1845 entre les boulangers de Blidah et le sieur Lazerges, cédant de Pauchon; Attendu, en effet, que de cela seul qu'une commune peut avoir intérêt, soit à la formation, soit à l'exécution d'un contrat entre particuliers, il ne résulte pas qu'elle cautionne soit l'un soit l'autre des contractants; Attendu que

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l'intervention de M. le Commissaire civil et de M. le Directeur de l'intérieur au bail dont il s'agit n'a eu d'autre but que de surveiller l'exécution par les boulangers de Blidah d'une obligation qui leur était imposée à cette époque, en vue de l'intérêt public; que ces fonctionnaires n'ont pris et ne pouvaient prendre aucun engagement vis-à-vis du sieur Lazerges; que si celui-ci eût entendu avoir la commune pour obligée ou pour garante, il eût dû le stipuler contradictoirement avec le représentant de celle-ci, et cela dans la forme et avec l'autorisation prescrites par la loi; que, ne l'ayant pas fait et aucune obligation ne pouvant être aujourd'hui opposée à ladite commune, c'est avec raison qu'elle a été mise hors de cause par les premiers juges; En ce qui concerne les boulangers, autres intimés: Attendu que des sept boulangers contre lesquels a été dirigée la demande de Pauchon, il n'en est aucun qui

ait concouru au bail dont celui-ci poursuit l'exécution; Que si le sieur Galiana a figuré parmi les preneurs, et s'est, à ce titre, obligé vers le sieur Lazerges, cette obligation ne lie pas sa veuve, laquelle n'est ni son héritière ni son ayant cause, laquelle, d'ailleurs, pour continuer après lui l'exercice de la profession de boulanger, a dû se pourvoir d'une autorisation spéciale et personnelle, conformément aux règlements alors existants sur la matière; Attendu, cela posé, que

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si les intimés ne peuvent être recherchés par Pauchon en qualité de preneurs directs ou d'héritiers des preneurs originaires, ils ne peuvent pas l'être non plus soit à raison de leurs faits personnels, soit comme ayant succédé aux obligations auxquelles se serait soumise la corporation des boulangers de Blidah ; Attendu, en ce qui touche les faits personnels, que si les intimés ou quelques-uns d'entre eux ont déposé des farines dans le magasin faisant l'objet du bail, ils n'ont agi en cela que par continuation des errements existants et par obéissance à la réglementation professionnelle alors en vigueur; qu'on ne saurait voir dans ce fait, lequel n'impliquait aucun rapport direct avec le propriétaire de l'immeuble, une acceptation implicite des charges et conditions du bail consenti par ce dernier à la date du 11 fév. 1845; En ce qui touche le moyen fondé sur ce que les intimés seraient tenus à l'exécution du bail en qualité de membres de la corporation des boulangers de Blidah:Attendu, d'une part, que les preneurs primitifs ont déclaré, il est vrai, stipuler comme formant le corps des boulangers de Blidah; mais qu'à l'époque où ils faisaient cette déclaration, ils n'avaient ni titre ni qualité pour la faire; que la corporation n'a été constituée que postérieurement et n'a eu qu'à une date ultérieure aussi un bureau syndical ayant mission d'agir pour elle; Attendu, d'autre part, que fût-il vrai qu'il y ait eu engagement contracté par la corporation, cet engagement n'a pu durer qu'autant que la corporation elle-même et s'est éteint avec elle; Attendu que cette extinction a été la conséquence de l'arrêté du Gouverneur général qui a proclamé la liberté de l'exercice de la boulangerie, et affranchi par suite les boulangers de l'obligation d'avoir un magasin d'approvisionnement; Attendu qu'à partir de ce moment, le preneur avec lequel le sieur Lazerges avait traité a cessé d'être ; que la cause du contrat a cessé aussi d'exister; que c'est à tort, par suite, que Pauchon prétend faire continuer l'exécution de

ce

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contrat par les intimés, lesquels ne sont ni les continuateurs ni les successeurs de la corporation; - Sur l'appel incident : Attendu que les premiers juges, après en avoir décidé ainsi, se sont contredits en imposant aux défendeurs à l'action de Pauchon l'obligation de payer à celui-ci six mois de loyers; que, n'étant point preneurs, lesdits défendeurs ne pouvaient être soumis à l'obli

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POURVOI en cassation par le sieur Pauchon 1° Violation des art. 2, 1108, 1126, 1134, 1148, 1302, 1722 et 1741, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le bail contracté par la corporation des boulangers avait été résolu par l'arrêté administratif qui avait proclamé la liberté de la boulangerie et affranchi les boulangers de l'obligation des approvisionnements; et, d'autre part, que les boulangers assignés n'étaient pas obligés par une convention qu'ils n'avaient pas signée, bien qu'ils eussent, par leurs faits personnels, ratifié cette convention en occupant les lieux loués et en exécutant les conditions du bail.

2o Violation des art. 1134 et 1375, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a refusé de déclarer la commune de Blidah garante de l'exécution d'un bail approuvé par l'administration et consenti dans un intérêt municipal.

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LA COUR; En ce qui touche le pourvoi dirigé contre la ville de Blidah: Attendu que cette commune, n'ayant pris aucun engagement envers Lazerges ou Pauchon qui est à ses droits, ne pouvait être poursuivie par ce dernier soit comme obligée personnellement par les actes de fév. et nov. 1845, soit comme garante de leur exécution; que c'est donc avec raison qu'elle a été mise hors de cause; Rejette le pourvoi en ce qui la concerne;

Mais en ce qui touche les autres défendeurs : Vu l'art. 2, C. Nap., et l'arrêté du maire de Blidah du 24 mai 1854; - Attendu qu'au moment où est intervenu l'arrêté du Gouverneur général de l'Algérie qui a proclamé la liberté de la boulangerie, lesdits défendeurs faisaient partie de l'association des boulangers de Blidah et étaient tenus, comme membres de cette association, de remplir les engagements qu'elle avait pris envers ledit Lazerges par le bail du 11 fév. 1845, ratifié, le 1er novembre suivant, par la prise de possession du magasin central; Qu'en effet, l'arrêté du maire de cette ville du 24 mai 1854 obligeait tous les boulangers alors en exercice et tous ceux qui seraient ultérieurement autorisés à exercer cette profession à Blidah, à déposer dans ce magasin une certaine quantité de farines, à titre d'approvisionnements, et à payer les frais de garde et autres charges du bail, à défaut de quoi le droit d'exercer leur profession leur serait retiré ; Qu'ils ont effectué les dépôts de farine, payé les loyers et contribué aux charges de la location jusqu'au jour où l'arrêté qui les obligeait à faire ces approvisionnements a été rapporté; Que, s'ils ne sont pas les preneurs directs, ni les héritiers des preneurs originaires, ils en sont les ayants cause, puisqu'ils ont, par leurs faits personnels, accepté et exécuté le bail passé par les

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représentants de l'association; Que l'arrêté qui les a dispensés, en 1863, de l'obligation des approvisionnements n'aurait pu détruire ce contrat sans effet rétroactif, ni les affranchir des obligations auxquelles ils étaient soumis envers Pauchon; Qu'ils peuvent d'autant moins soutenir que le bail à cessé d'exister par l'effet de cette dispense, que, d'une part, la résiliation n'en était pas stipulée pour le cas où les approvisionnements ne seraient plus exigés, et que, d'autre part, le magasin est toujours resté à leur disposition, qu'ils ont pu l'employer à un autre usage ainsi que Pauchon les y a formellement autorisés;-Qu'à défaut de syndic pouvant agir au nom de l'association, le nouvel emploi de la chose louée peut être fait soit par les boulangers eux-mêmes, soit par d'autres mandataires qu'ils nommeront pour les représenter; Que l'arrêt attaqué n'a donc pu, sans violer les dispositions ci-dessus visées, décharger pour l'avenir les boulangers de leurs obligations envers Pauchon, en se fondant sur ce que le fait du prince aurait rendu le contrat sans cause et son exécution impossible; Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de s'occuper des autres moyens du .pourvoi; Casse, etc.

Du 10 juill. 1867. - Ch. civ. MM. Pascalis, prés.; Le Roux de Bretagne, rapp.; · Blanche, av. gén. (concl. conf.); Brugnon, Dareste et Bozérian, av.

CASS.-REQ. 17 juin 1867. COMPÉTENCE, SOCIÉTÉ COMMERCIALE, ADMINISTRATEUR JUDICIAIRE, DOL ET FRAUDE, DOMMAGES-INTÉRÊTS.

La demande formée par un actionnaire d'une société commerciale contre l'administrateur judiciaire de cette société, en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par le dol et la fraude de cet administrateur, est de la compétence du tribunal du domicile du défendeur.

Une telle demande ne saurait être considérée ni comme une demande en reddition de compte contre un comptable commis par justice, et de la compétence du tribunal qui l'a commis; ni comme une contestation entre un actionnaire et la société, régie, quant à la compétence, par les statuts sociaux. (C. proc., 59 et 527.)

(Jacquinot C. Galloni d'Istria.)

Le sieur Jacquinot avait été nommé, par jugement du tribunal civil de la Seine, administrateur provisoire de la société Cipriani et Ce, dite société métallurgique de la Solenzara (Corse), dont le siége était à Paris. La dissolution de cette société fut ensuite décidée en assemblée générale des actionnaires. La liquidation eut pour résultat de réduire considérablement la valeur de chaque action sociale, et tout l'actif de la société fut vendu à une société nouvelle qu s'était formée sous

le nom de société des hauts fourneaux de la Solenzara, et dont le sieur Jacquinot était gérant. En cet état, le sieur Galloni d'Istria, actionnaire de l'ancienne société, a prétendu que des actes dolosifs et frauduleux avaient été commis par le sieur Jacquinot pendant son administration provisoire, et que ces actes avaient influé sur les résultats désastreux de la liquidation et sur la vente de l'actif social à un prix bien inférieur à la valeur réelle. En conséquence, il a formé contre lui une demande en dommages-intérêts devant le tribunal civil de Sartène, comme étant celui du domicile du sieur Jacquinot.-Ce dernier a opposé que le tribunal civil de la Seine était seul compétent, soit aux termes de l'art. 527, C. proc., attendu qu'il s'agissait de l'exécution d'un mandat d'administrateur provisoire donné par ce tribunal, soit en vertu des statuts de la société Cipriani qui attribuaient compétence au même tribunal de la Seine pour toute contestation relative à la société.

25 juin 1866, jugement par lequel le tribunal civil de Sartène rejette le déclinatoire et se déclare compétent. Et sur l'appel, arrêt confirmatif de la Cour de Bastia du 20 fév. 1867.

Le sieur Jacquinot s'est alors pourvu en règlement de juges devant la Cour de cassation.

ᎪᏒᎡᎬᎢ .

LA COUR; Attendu qu'en règle générale, aux termes de l'art. 59, C. proc. civ., le défendeur, en matière personnelle, doit être assigné devant le tribunal de son domicile; Attendu qu'il est dès à présent établi par les documents produits que Jacquinot est domicilié à la Solenzara, hameau de la commune de Sari, arrondissement de Sarlène;-Que c'est donc à bon droit que l'action intentée par Galloni d'Istria contre Jacquinot a été introduite devant le tribunal civil de Sartène;-Attendu que cette demande tendait à obtenir la réparation du préjudice que Galloni d'Istria prétendait avoir éprouvé par les faits de dol et de fraude reprochés à Jacquinot;-Qu'il ne s'agissait ni d'une demande en reddition de compte contre un comptable commis par justice, soumise pour la compétence à la règle tracée par l'art. 527, C. proc. civ., ni d'une contestation entre un actionnaire et la société Cipriani, régie par l'art. 66 des statuts de cette société;

·D'où suit que le tribunal civil de la Seine n'est pas compétent pour statuer sur l'action intentée par Galloni d'Istria contre Jacquinot, et que le tribunal civil de Sartène avait seul juridiction pour prononcer sur cette demande;- Rejette la demande en règlement de juges, etc.

Du 17 juin 1867.- Ch. req. MM. Bonjean, prés.; Dumon, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); Clément, av.

CASS.-CIV. 9 avril 1867.0 30 26mandeur principal contre toutes les parties, à reproduire sa demande en garantie par de simples conclusions prises à l'audience et déposées sur la barre de la Cour il ne le peut qu'en recourant à la voie de l'appel, s'il est encore dans le délai pour en interjeter un vis-à-vis du garant (1). (C. proc., 443.)

Garantie, Appel, CONCLUSIONS INCIDENTES,

Le garanti qui, en succombant sur une partie de la demande principale, a vu repousser son recours contre le garant, n'est pas recevable, au cas d'appel interjeté par le de

(1) Le recours en garantie ayant été, dans l'espèce, rejeté par le tribunal, ne pouvait évidemment être obtenu devant la Cour qu'en faisant réformer le jugement sur ce chef. Or, ce n'est que par la voie de l'appel que la réformation d'un jugement peut être demandée au juge du second degré. C'est donc à tort que l'arrêt attaqué avait décidé que le garanti pouvait reproduire sa demande devant la Cour, sans appeler du chef du jugement qui l'avait rejetée, et en laissant pour ainsi dire ce jugement entièrement de côté, comme s'il n'existait pas.-Mais dans quelle forme cet appel aurait-il dû être interjeté ? Etait-ce dans la forme ordinaire, c'est-à-dire par exploit à personne ou domicile ? ou bien sous la forme incidente, c'est-à-dire par acte d'avoué à avoué ? Notre arrêt ne le dit pas. D'après la jurisprudence et la doctrine, lorsqu'il s'agit d'un appel incident de la part de l'intims contre l'appelant, et que cet appel a pour objet le jugement même dont est appel principal, cet appel incident peut être relevé par un simple acte d'avoué à avoué. On le décide ainsi en se fondant sur les dispositions combinées des art. 337 et 470, C. proc.: l'appel incident, constituant une demande incidente à la cause d'appel, rentre par cela même dans la disposition générale de l'art. 337 précité. V. à cet égard, le Rép. gén. Pal., v° Appel (mat. civ.), n. 1880 et suiv., et la Table gén. Devill. et Gilb., vo Appel incident, n. 87 et suiv. Adde MM. Rivoire, de l'Appel, n. 145; Rodière, Compét. et proc., t. 2, p. 355: Bioche, Dictionn. de proc., v° Appel, n. 702; Mourlon, Répét. écr. sur le Cod. proc., n. 764. Plusieurs auteurs, s'appuyant, à tort selon nous, sur un arrêt de la Cour de cassation, du 17 (ou 7) fév. 1832 (P. chr.-S.1832.1. 689), pensent même que l'appel incident peut être formé par de simples conclusions verbales prises à la barre de la Cour. Sic, MM. Chauveau, sur Carré, quest. 1572; Talandier, de l'Appel, n. 404; Rodière, loc. cit., et Mourlon, loc. cit. V. toutefois en sens contraire, MM. Rivoire, ubi sup., et Bioche, n. 704. Voilà pour l'appel incident de la part de l'intimé contre l'appelant principal. En est-il de même de l'appel incident d'un intimé contre un autre intimé ? La question présente plus de difficulté. On se trouve tout d'abord en présence de ce principe, consacré par de nombreux arrêts et par la doctrine de la plupart des auteurs, que l'appel incident d'intimé à intimé n'est pas recevable (V. à cet égard, Caen, 18 mai 1864, P.1865.476.-S.1865.2. 103, et le renvoi). Mais ce qu'il faut bien remarquer, c'est que le principe dont il s'agit est particulièrement appliqué au point de vue du délai. L'art. 443, C. proc., affranchit l'appel incident de la rigueur du délai ordinaire, en disposant qu'il peut être interjeté en tout état de cause. Et comme

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cet article n'a trait qu'à l'appel incident de l'intimé contre l'appelant principal, on en a conclu que la dispense du délai ne s'applique qu'à cet appel et que tout autre appel incident reste soumis à la règle générale, en sorte qu'il ne sera recevable que s'il est interjeté dans le délai ordinaire HOD Reste donc à savoir si l'appel incident d'un in—8 timé contre un autre intimé peut, lorsqu'il esto formé en temps utile, être relevé par un simple acte d'avoué à avoué. L'affirmative est enseignée par plusieurs auteurs. Merlin, Quest. de droit, vo Appel incident, § 10, après avoir dit que l'appel incident même d'un autre jugement que celui contre lequel est dirigé l'appel principal, n'est autre chose qu'une demande incidente qui peut être formée par un simple acte d'avoué à avoué, s'exprime ainsi : « Qu'importe qu'il n'y ait pas d'exception dans l'art. 456 qui veut que l'acte d'appelb soit signifié à personne ou domicile ? De même que l'art. 68 est limité par la nature même des choses aux exploits introductifs des causes de pre- e mière instance, de même aussi l'art. 456 se res-o treint nécessairement aux actes d'appel introductifs des causes d'appel; et de même que l'un n'empêche pas que les demandes incidentes qui surviennent par suite d'un premier exploit he soient intentées par acte d'avoué à avoué, de même aussi l'autre ne peut pas empêcher que l'on n'interjette dans la même forme les appels inci- / dents qui surviennent par suite d'un appel principal. DM. Chauveau, sur Carré, quest. 1873,0 n'est pas moins explicite. La faculté, dit cet auteur, de former des demandes incidentes dans le cours de l'instruction et par un simple acte d'avoué à avoué, comprend virtuellement, ce nous semble, pour chacune des deux parties, le droit de former incidemment appel de tout jugement qui leur est opposé dans le cours de l'instance principale, et pour l'un des intimes celui de diriger son appel incident contre un autre intimé.» V. aussi MM. Pigeau, Proc. civ., t. 1, p. 658, et Poncet, des Jugements, t. 1, n. 314. Un arrêt de la Cour de Nîmes, du 7 janv. 1812, a jugé, dans le sens de cette doctrine, que lorsque l'appelant veut s'étayer d'un jugement autre que celui dont est appel, l'intimé est recevable à appeler incidemment de ce dernier jugement, par requête d'avoué à avoué, s'il est encore dans les délais. On peut citer encore dans le même sens un arrêt de Colmar, du 19 mai 1826, qui a jugé que le garanti qui, en succombant sur la demande principale, a obtenu son recours contre le garant, peut aussi, sur l'appel principal interjeté par celui-ci vis-à-vis de toutes les parties, interjeter lui-même appel incident en tout état de cause vis-à-vis du demandeur principal, par simple acte d'avoué à avoué; que ce n'est pas le cas d'un appel principal qui doive être formé dans les trois mois et par

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