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METZ 5 juin 1866.

EAU (COURS D'), RIVERAIN, IRRIGATION, REGLEMENT JUDICIAIRE, SERVITUDE D'ÉCOULE

MENT.

Si le riverain qui se sert d'une eau courante pour l'irrigation de son fonds est, en règle générale, tenu de ramener dans le lit de la rivière toute l'eau que ce fonds n'a pas absorbée, l'impossibilité où il serait de satisfaire à cette condition ne doit pas avoir pour conséquence de le priver de tout droit à l'usage des eaux. En pareil cas, le pouvoir discrétionnaire dont les tribunaux sont investis par l'art. 645, C. Nap., leur permet de régler le mode et l'étendue de la jouissance des divers propriétaires intéressés, suivant leurs besoins respectifs (1). (C. Nap., art. 644 et 645.)

Ainsi, les tribunaux peuvent admettre un riverain à se servir, pour l'irrigation de son fonds, des eaux courantes qui le bordent, bien que, à raison de la situation des lieux, il ne puisse, après l'arrosage, rendre l'excédant des eaux à leurs cours naturel, en lui imposant pour condition de laisser dans le lit du ruisseau une quantité d'eau équivalente à celle qu'il y ferait rentrer s'il était dans une situation ordinaire (2).

La servitude créée pour l'écoulement des eaux par l'art. 2 de la loi du 29 avril 1845, ne peut être réclamée qu'à la double condition: 1° que les eaux aient servi à l'irrigation de terres qui ne les bordent pas; 2o que le passage réclamé ait pour effet de rendre ces eaux à leur cours primitif. En conséquence, le riverain d'un cours d'eau qui ne peut rendre au lit de la rivière les eaux dont il s'est servi pour l'irrigation de sa propriété, ne peut, en invoquant ledit art. 2 de la loi de 1845, les diriger sur un fonds d'où elles ne pourraient pas non plus retourner à leur lit naturel; il doit prendre les mesures et dispositions nécessaires pour empêcher l'écoulement de ces eaux sur le fonds du voisin.

(Marly et Barthélemy C. de Mardigny.)

Le sieur de Mardigny possède une propriété riveraine d'un cours d'eau appelé le ruisseau de Bouxières, qui est bordé, en aval, par d'autres propriétés appartenant aux sieurs Marly et de Barthélemy. Il a voulu utiliser les eaux pour l'irrigation de son fonds; mais, comme le lit du ruisseau est beaucoup plus bas que les ter

(1-2) Il est généralement admis que l'obligation imposée aux riverains de rendre l'eau à son cours naturel, est la condition indispensable de toute prise d'eau; d'où l'on conclut que, dans le cas où, par la disposition des lieux, cette condition ne pourrait être accomplie, le droit ne saurait être exercé. Sic, MM. Daviel, Cours d'eau, t. 2, n. 588, et Bertin, Code des irrigat., n. 131. -Toutefois un arrêt de la Cour d'Agen du 9 fév. 1863 (de Marcellus C. Fieron) a décidé que, dans

rains qu'il traverse, il a fallu, pour dériver les eaux, en élever le niveau au moyen d'un barrage mobile. D'un autre côté, la configuration du terrain est telle que les eaux ainsi dérivées ne peuvent être ramenées au ruisseau ; elles suivent la pente naturelle du sol et vont se jeter dans un autre cours d'eau, de sorte qu'elles sont perdues pour les propriétaires inférieurs, qui ne peuvent plus se servir du ruisseau de Bouxières pour l'irrigation de leurs terres. De plus, les eaux traversent, au sortir de la propriété de Mardigny, une pièce de terre appartenant au sieur Marly, et qui se trouve ainsi partiellement submergée. Cet état de choses a donné lieu à une double réclamation: d'une part, les sieurs Marly et Barthélemy ont demandé la suppression du barrage établi par le sieur de Mardigny, en soutenant qu'il n'avait aucun droit à se servir des eaux, du moment où il se trouvait dans l'impossibilité de les rendre à leur cours naturel après en avoir fait usage, conformément aux prescriptions de l'art. 644, C. Nap.; d'un autre côté, le sieur Marly, en ce qui le concernait personnellement, a demandé qu'en tout cas il fût interdit au sieur Mardigny de faire écouler sur son fonds l'excédant de ses eaux.

18 août 1865, jugement du tribunal civil de Metz qui admet en principe le droit du sieur de Mardigny à l'usage des eaux, nonobstant l'impossibilité où il se trouvait de les rendre à leur cours naturel, à charge par lui d'en laisser dans le lit du ruisseau une quantité égale à celle qui y rentrerait naturellement si la configuration du sol permettait de les y ramener après l'irrigation; et qui ordonne en conséquence une expertise pour rechercher les moyens de concilier les droits respectifs des parties, et déterminer les obligations qu'il y aurait à imposer au sieur de Mardigny pour qu'il pût arroser ses propriétés sans préjudice pour ses voisins ou, tout au moins, en les indemnisant de la gêne qu'il leur imposerait au delà des conséquences d'une équitable répartition des charges et bénéfices du cours d'eau.

Appel par les sieurs Marly et Barthélemy.

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est appelé à jouir par la situation naturelle de son héritage, sans pouvoir s'y attribuer un droit absolu: « En rivières et autres héritages publics, dit Coquille, le droit de chacun est d'en user tellement que l'usage des autres n'en soit empêché; »> Attendu que le riverain qui se sert d'une eau courante en la dérivant pour l'irrigation de son fonds est, en règle générale, tenu de ramener, dans le lit de la rivière ou du ruisseau, toute l'eau que ce fonds n'a pas absorbée; que néanmoins l'impossibilité où il serait de satisfaire à cette condition ne doit pas avoir pour conséquence de le priver de tout droit à l'usage des eaux ; qu'en pareil cas le pouvoir discrétionnaire dont les tribunaux sont investis par l'art. 645, C. Nap., permet de régler, suivant leurs besoins respectifs, le mode et l'étendue de la jouissance des divers propriétaires intéressés;-Attendu que, dans cet ordre d'idées, Barthélemy et Marly n'auront aucune réclamation à former si, en définitive, de Mardigny ne consomme que la quantité d'eau nécessaire à sa prairie, et laisse dans le lit du ruisseau une quantité équivalente à celle que, dans une situation ordinaire, il y ferait rentrer par des pentes et des rigoles de réversion convenablement disposées;

Sur la demande spéciale de Marly concernant l'écoulement des eaux sortant de la terre de de Mardigny : — Attendu que Marly ne peut être tenu de supporter cet écoulement et que de Mardigny est sans droit pour l'y assujettir moyennant le paiement d'une indemnité;-Attendu, d'une part, que l'art. 640, C. Nap., s'applique aux eaux qui découlent naturellement du fonds supérieur sur le fonds inférieur, sans que la main de l'homme y ait contribué; ce qui exclut nécessairement des eaux d'arrosage mises en mouvement par des moyens artificiels ;Attendu, d'autre part, que les dispositions de l'art. 2 de la loi du 29 avril 1845 sont également sans application au procès; qu'en effet le bénéfice de ces dispositions exceptionnelles ne peut être invoqué qu'à une double condition, à savoir: 1° que les eaux en question aient servi à l'irrigation de terres qui ne les bordent point; 2° que le passage réclamé ait pour objet de rendre ces eaux à leur cours primitif;-Attendu que ces cir

(1) Cette décision ne manque pas d'intérêt, et la question soulevée présentait quelque difficulté. Le Journal de Bordeaux cite, en effet, comme l'ayant résolue en sens contraire, en matière de publication d'actes de société, un arrêt de la même Cour de Bordeaux du 2 juin 1863, 20 ch. (Michaud C. le Comptoir d'escompte de Blaye), dont voici les considérants: Sur le défaut de qualité reproché aux demandeurs (les liquidateurs) par Michaud, résultant... de ce que la dissolution de la société (du Comptoir d'escompte de Blaye) et la nomination du liquidateur sont nulles à défaut de publication dans les délais

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constances ne se rencontrent pas dans la cause; qu'en effet la terre de de Mardigny est riveraine du ruisseau de Bouxières, et le fonds de Marly est situé de telle sorte que les eaux que l'intimé veut y introduire ne peuvent pas retourner vers leur lit naturel; -Attendu, dès lors, que, quel que puisse être lé résultat du règlement à intervenir, il appartient à de Mardigny de prendre les mesures et dispositions nécessaires afin d'empêcher l'écoulement de ses eaux d'arrosage, provenant du ruisseau de Bouxières, sur le fonds de Marly et particulièrement dans les fossés d'assainissement appropriés à une autre destination;-Par ces motifs, réforme le jugement du tribunal civil de Metz du 18 août 1865, en ce qu'il statue préparatoirement sur les droits prétendus tant par Marly que par de Mardigny, relativement à l'écoulement des eaux d'arrosage provenant des fonds de ce dernier; dit que l'intimé n'a pas le droit de diriger lesdites eaux sur la terre de Marly; lui fait, dès à présent, inhibition et défense de le pratiquer ainsi, sous peine de tous dommages et intérêts; dit, en conséquence, que l'expertise ordonnée ne s'appliquera pas aux faits et circonstances énumérés dans le §... du dispositif du jugement dont est appel, lequel est considéré comme non avenu; confirme, pour le surplus, la décision des premiers juges, etc.

Du 5 juin 1866.-C. Metz, ch. civ.-MM. Alméras-Latour, 1er prés.; Boulangé et Dommanget, av.

BORDEAUX 20 novembre 1866.

1. FAILLITE, OPPOSITION, DÉLAI, PUBLICATION, JOURNAL, ANTIDATE.-20 DOMICILE, COLPORTEUR, Faillite, CompétENCE.

1o Les délais fixés par l'art. 580, C. comm., pour l'opposition aux jugements déclaratifs de faillite ont pour point de départ la date placée en tête du numéro du journal qui renferme l'annonce de la déclaration de faillite, alors même que ce journal serait, d'après des habitudes notoires, publié la veille du jour de sa date apparente, et que même une date particulière serait donnée aux annonces judiciaires dans le corps du journal (1). 2o Le principal établissement, et, dès lors,

de la loi : Attendu que, si la dissolution de la société a été prononcée par l'assemblée générale le 22 avril 1862, il est certain qu'elle a été insérée dans le numéro de l'Indicateur du 8 mai suivant, numéro qui, selon l'usage des feuilles périodiques, se publie et se distribue la veille du jour dont elles portent la date; qu'ainsi, la publication a réellement eu lieu le 7 mai 1862, c'est-à-dire dans la quinzaine prescrite par la loi; qu'il faut, en conséquence, reconnaître que les demandeurs avaient qualité pour intenter leur action, etc.- En présence des doutes qui peuvent s'élever, il serait à désirer, pour éviter

le domicile d'un marchand colporteur, est, pour tout ce qui regarde son commerce, dans le lieu où, même momentanément, il a transporté ses marchandises et fixé le siége de ses affaires; c'est donc le tribunal de ce lieu qui, scul, est compétent pour rendre contre lui, le cas échéant, un jugement déclaratif de faillite (1). (C. Nap., 108; C. comm., 438.) (Clause C. Mayaud.)''

Un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux, du 26 mars 1866, avait résolu ces questions en ce sens par les motifs suivants : -«Attendu que l'opposition de Mayaud frères envers le jugement du 15 janvier dernier qui déclare le sieur Clause en état de faillite, est contestée en la forme; que le syndic Guérard prétend qu'elle est non recevable comme ayant été faite après les délais fixés par la loi; Attendu que l'art. 580, C. comm., dispose que: Le jugement déclaratif de la faillite et celui qui fixera à une époque antérieure << la cessation de paiements, seront suscepti«bles d'opposition, de la part du failli, dans la « huitaine, et de la part de toute autre partie « intéressée, pendant un mois. Ces délais cour«ront à partir du jour où les formalités de «l'affiche et de l'insertion énoncées dans l'art. « 442 auront été accomplies »;-Attendu que le délai d'un mois fixé par la loi doit s'entendre de quantième à quantième, et sans tenir compte du nombre des jours dont chaque mois est composé; que ces mots : « pendant un mois» ont reçu de la jurisprudence cette interprétation définitive; Attendu que l'intérêt de Mayaud frères ressort de leur qualité de créanciers nantis; qu'il y a donc lieu d'examiner si, comme ils le soutiennent, leur opposition a été faite en temps utile ;-Attendu que, par le jugement précité, en date du 15 janv. 1866, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la faillite du sieur Clause jeune; que ce jugement a eu lieu sur la déclaration même du failli, et a provisoirement fixé audit jour la date de la cessation des paiements, et ce, en conformité des art. 440 et 444, C. comm.;Qu'aux termes de l'art. 442, même Code, les jugements rendus en vertu de ces deux ar

toute confusion et tout procès, que les journaux désignés pour recevoir les annonces judiciaires et dont la publicité, dès lors, a, in parte qua, un caractère officiel, fussent assujettis à l'obligation de donner à chacune de leurs feuilles, non une date de fantaisie, mais la véritable date du jour de sa publication.

(1) Jugé, d'après le même principe, que le tribunal de commerce d'une ville dans laquelle un colporteur s'arrête momentanément pour exercer son industrie, est compétent pour connaître d'une action intentée contre lui à raison de faits relatifs à sa profession: Douai, 31 mars 1843 (P.1846. 2.166.-S.1843.2.327). V. aussi MM. Carré, Lois de la proc., t. 1, p. 440, note 1re; Bon

ticles doivent être affichés et insérés par extraits dans les journaux tant du lieu où la faillite aura été déclarée, que dans tous les lieux où le failli aura des établissements commerciaux, suivant le mode établi par l'art. 42 du présent Code:-Attendu que l'art. 42, rendu ainsi applicable aux jugements de faillite, dispose que les extraits dont il s'agit seront insérés dans un ou plusieurs journaux désignés par l'administration pour recevoir les actes de sociétés en nom collectif et en commandite, et, par extension, les extraits des jugements concernant les faillites; Attendu que l'extrait du jugement déclaratif du 15 janvier a été adressé le lendemain mardi 16, par le greffier du tribunal, au Journal de Bordeaux, officiellement désigné pour recevoir les publications de cette nature; que cette publication a eu lieu dans le numéro dudit journal ayant pour date, en tête de sa première feuille Mercredi 17 janvier 1866; qu'à s'en tenir à cette énonciation, toute partie intéressée pouvait, pendant un mois, former opposition audit jugement à partir du 17 janvier, jour où, selon les termes de la loi, la formalité dé l'insertion a été accomplie, jusqu'au 17 du mois suivant, expiration du délai légal;Attendu que, l'opposition de Mayaud frères portant la date du 17 février, ils étaient dans le délai pour signifier ledit acte; - Attendu, il est vrai, que la feuille du Journal de Bordeaux du 17 janvier porte, à sa quatrième page, ces mots: Annonces légales du 16 janvier; qu'en outre, il est notoire que ce journal parait habituellement à Bordeaux la veille, au soir, de la date qui figure en tête de sa première feuille, et que le syndic fait remarquer qu'en s'en tenant à cette pratique, le mois accordé par l'art. 580 était expiré le 16 février, c'est-à-dire un jour avant celui où Mayaud frères ont signifié leur opposition;

-Attendu, sur ce point, qu'en ordonnant l'affiche et la publication des jugements de faillite, la pensée du législateur a été évidemment de ne considérer ces formalités comme accomplies que du moment où le public en aurait effectivement connaissance ;Que la loi du 31 mars 1835 a ajouté à l'art. 42, C. comm., une disposition qui en définit

cenne, Théor. de la proc., t. 2, p. 205; Rodière, Compét. et proc. civ., t. 1, p. 110 et 111; Bioche, Dict. de la proc., v° Exploit, n. 247; Demolombe, t. 1, n. 348; Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 1, § 87, note 2, p. 119; Nouguier, des Trib. de comm., t. 2, p. 394 et 395; Marc Deffaux et Harel, Encyclop. des huiss., v° Exploit, n. 374.-Toutefois, si le colporteur avait un domicile certain, comme nul n'est censé ignorer la condition de ceux avec lesquels il contracte, c'est à ce domicile, à peine de nullité, que l'exploit devrait lui être signifié: V. Bordeaux, 4 août 1840 (P.1840.2.709); MM. Bioche, loc. cit., n. 248; Marc Deffaux et Harel, loc. cit.

la portée « Il sera justifié de cette inser<< tion par un exemplaire du journal, certifié << par l'imprimeur, légalisé par le maire, et << enregistré dans les trois mois de sa date >> ; que la date de l'insertion est donc bien celle réelle du journal où elle a paru, la seule à laquelle l'enregistrement donne l'authenticité légale, et non pas celle qu'il aura convenu à l'éditeur de faire figurer dans le contexte même de sa feuille; qu'il n'est pas même justifié que l'administration supérieure ait donné au journal désigné par elle l'autorisation d'agir ainsi ;-Que la faillite touche aux intérêts les plus graves; que, pour le failli, elle emporte de plein droit dessaisissement de l'administration de tous ses biens, lui retire l'exercice du droit de propriété à un titre quelconque, lui enlève même la disposition de sa personne; que, pour les créanciers, aucune action mobilière ou immobilière ne peut plus être exercée par eux contre leur débiteur, et que, par suite, tous ont le plus grand intérêt à ce que cette situation spéciale et transitoire de la faillite sous laquelle un commerçant est placé, soit sur sa propre déclaration, soit à la requête d'un ou de plusieurs créanciers, soit d'office, ne puisse être ignorée d'aucun de ceux qui ont un intérêt quelconque à la maintenir ou à s'y opposer; que c'est certainement dans ce but que le délai si prolongé d'un mois après les formalités a été jugé nécessaire par le législateur; Attendu que les dispositions des lois sur la faillite sont d'ordre public, protégent en même temps l'intérêt personnel du failli et celui des tiers, et que, par suite, la publicité à laquelle elles sont soumises doit être réelle, effective, et ne pouvoir donner lieu à des doutes, à des erreurs ou à des interprétations, qui pourraient avoir pour conséquence de tromper la foi de tous, et de préjudicier ainsi, malgré sa vigilance et sa bonne foi, aux intérêts d'autrui; Attendu que, s'il est vrai que le journal dont il s'agit, revêtu de la date légale du 17, a paru à Bordeaux le 16 au soir, il faut voir dans cette circonstance une convenance de son propriétaire, qui ne saurait, dans aucun cas, avoir pour conséquence d'abréger un délai fixé par la loi ;-Qu'il pourrait advenir que, pour une cause quelconque, ce journal modifiât sa distribution, ne parût que quelques heures plus tard, à l'expiration même de la journée du 16, ou même le lendemain, et que, cependant, l'argument tiré de ce qu'il a été en fait publié avant la fin de ladite journée et que sa feuille d'annonces porte la date de la veille, conserverait, dans le système du défendeur, toute sa valeur;-Qu'en supposant (ce que le tribunal ne saurait admettre) que cette publicité fût suffisante pour les justiciables habitant Bordeaux, il est certain que tous ceux domiciliés dans le ressort du tribunal et en dehors du chef-lieu ne reçoivent ce journal que le lendemain, c'est-àdire le jour même de sa date, et qu'ils perdraient ainsi forcément un jour, sans que

leur éloignement du chef-lieu où la publicité a été faite pût servir d'excuse à cette réduction dans le délai que la loi a jugé utile de leur accorder pour la défense de leurs intérêts;-Attendu que les délais légaux doivent être constatés d'une manière certaine, absolue et ne prêtant à aucune équivoque; que, par le système du syndic, ils seraient forcément soumis à des agissements personnels d'autrui; d'où cette conséquence inadmissible que la loi subirait dans son application les mobilités de l'intérêt privé; Attendu que les exceptions sont de droit étroit, qu'elles doivent être plutôt restreintes qu'étendues, et que c'est le cas, pour le tribunal, de faire application à l'espèce de ce sage enseignement de la doctrine et de la jurisprudence, en tenant l'opposition dont il s'agit comme ayant été faite dans les délais utiles;

« Au fond: Attendu qu'aux termes des art. 437 et 438, C. comm., tout commerçant qui cesse ses paiements est en état de faillite, et tout failli tenu, dans les trois jours de la cessation de ses paiements, d'en faire la déclaration au greffe du tribunal de commerce de son domicile ;-Attendu que la jurisprudence enseigne que, lorsqu'un commerçant a plusieurs établissements, c'est au greffe du tribunal de commerce du lieu où il possède son principal établissement que sa faillite doit avoir lieu; qu'il s'agit donc de rechercher si Clause, le 15 janvier dernier, se trouvait dans une des situations qui viennent d'être indiquées, soit par rapport à son domicile, soit par rapport à son principal établissement commercial; Attendu que

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Clause, ou quoi que soit son syndic, ne justifie, par aucun moyen sérieux, avoir été domicilié à Bordeaux lors du jugement qui l'a déclaré en faillite; qu'il ne paie à Bordeaux ni cote personnelle, ni impôt mobilier, ni patente, ni tout autre impôt de quelque nature que ce soit; qu'il n'indique aucun magasin, comptoir ou atelier industriel, dont il soit le propriétaire ou le gérant, et qu'à défaut de déclaration expresse de domicile, la preuve de son intention de fixer à Bordeaux son principal établissement, selon les termes des art. 103 et suiv., C. Nap., ne résulte d'aucune circonstance probante Attendu que ce défaut de domicile, soit réel, soit d'intention, acquiert une autorité absolue du fait que Clause est étranger, et qu'il n'est pas établi qu'en conformité de l'art. 13 du même Code, il eût été autorisé par le Gouvernement à fixer son domicile en France, et particulièrement à Bordeaux; que, sans doute, l'étranger qui exerce en France un commerce quelconque s'est, par ce fait même, soumis à l'application de la loi commerciale du pays où il réside, et peut l'invoquer à son profit, de même que ceux avec lesquels il a traité ont le droit d'obtenir contre lui condamnation, de demander sa faillite, et de soumettre ainsi la conduite commerciale de leur débiteur à l'appréciation

des tribunaux compétents; mais que ces principes, qui ne sauraient être contestés, reçoivent leur confirmation même de l'obligation, imposée sans distinction aucune par le législateur, aux étrangers comme aux regnicoles, de se conformer aux dispositions générales et absolues des art. 437 et suiv. sur la faillite; Attendu que Clause exerce la profession de colporteur, et qu'il a luimême déclaré, d'après un jugement rendu par le tribunal de Rodez le 8 déc. 1865, qu'il voyageait toute l'année de ville en ville avec sa femme, ses chevaux et voiture;-Attendu que la profession de colporteur est exclusive de celle de commerçant ayant un domicile fixe et un établissement immuable; que, sans doute, ce n'est là qu'une présomption qui cède à l'existence du fait; mais qu'il est vrai tout d'abord de reconnaître que l'action de colporter des denrées quelconques pour les vendre dans des lieux différents implique une mobilité de résidence et de domicile en opposition avec la situation d'un commerçant ayant un établissement où se lient habituellement les contrats de ventes et d'achats relatifs à son commerce;-Attendu que, loin de justifier que Clause possédât un établissement de ce genre, centre principal de ses opérations, il résulte, au contraire, de nombreux documents fournis au tribunal, que Clause se faisait expédier ses marchandises dans toutes les villes où il résidait passagèrement; que les lettres et factures de ces envois lui étaient adressées aux mêmes lieux et poste restante; que les effets qu'il souscrivait ou les traites fournies sur lui étaient payables à des domiciles élus qui se succédaient dans tous les hôtels où il s'arrêtait ;-Qu'à la vérité, on établit bien qu'à Bordeaux, Clause occupait une chambre, route de Toulouse, no 24, et qu'il y avait reçu un certain nombre de documents commerciaux ; mais que le tribunal ne peut voir dans ce domicile momentané qu'une nouvelle preuve de la situation nomade du défendeur, se fixant momentanément dans chaque lieu où le retenait une industrie qui, de son propre aveu, l'obligeait à voyager constamment sans se fixer nulle part; - Attendu qu'en particulier, dans les effets produits comme ayant été payés audit domicile, on remarque que le plus grand nombre avaient été créés le même jour à Libourne, à la date du 15 août 1863, et à une époque contemporaine de la date d'un traité amiable qu'il faisait dans cette dernière ville, et non à Bordeaux, avec ses créanciers et en exécution dudit traité ;Attendu que, dans ces circonstances, il y a lieu, pour le tribunal, d'adopter dans l'espèce la jurisprudence de la Cour de Douai telle qu'elle résulte d'un arrêt du 31 mars 1843 (V. ad notam), et d'après laquelle un marchand colporteur transporte, pour tout ce qui touche son commerce, son principal établissement et, par conséquent, son domicile, partout où il fixe, même momentanément, le siége de ses affaires;

Attendu que Clause se trouvait depuis plusieurs jours à Rodez lors du jugement déclaratif de sa faillite par le tribunal de Bordeaux; qu'il avait à Rodez toutes les marchandises dont il fait le commerce; qu'à défaut de domicile ou d'établissement commercial, c'était donc à Rodez, où était réuni son actif commercial et où les poursuites de ses créanciers l'avaient atteint, qu'il aurait dû déposer son bilan et demander à la justice consulaire, soit de le protéger contre les poursuites individuelles de ses créanciers, soit de pourvoir aux formalités voulues par la loi pour la conservation de son actif, dont il ne pouvait dissimuler aucune partie, et dont la représentation devait offrir à Rodez, dans l'intérêt même du failli, moins de difficulté qu'ailleurs, etc. »>

Appel par le syndic de la faillite.

ARRÊT.

LA COUR;-Sur la fin de non-recevoir résultant de ce que l'opposition de Mayaud frères au jugement déclaratif de faillite rendu contre Clause jeune aurait été tardivement formée:- Attendu que, lorsque la loi civile circonscrit dans un délai déterminé, et à peine de forclusion, l'exercice d'un droit qu'elle concède aux citoyens pour la défense de leurs intérêts, les moyens adoptés pour constater le point de départ et l'expiration de ce délai doivent être combinés de manière à exclure la possibilité d'une surprise faite à la bonne foi des justiciables;-Attendu que tel était le résultat atteint par la loi du 8 juin 1838, lorsqu'en faisant courir le délai d'opposition aux jugements déclaratifs de faillite à partir de leur insertion dans le journal à ce désigné, elle donnait virtuellement pour point de départ à ce délai, la date même du journal où cette insertion avait lieu, date placée en tête de la feuille, et dès lors, parfaitement ostensible, saillante à tous les yeux et toujours concordante, à cette époque, avec la date effective de la publication elle-même ;-Attendu que si, depuis lors, de nombreux journaux, et particulièrement le Journal de Bordeaux, désigné pour les annonces judiciaires, mus par des calculs d'intérêt privé, ont, avec la permission ou la tolérance de l'autorité, détruit cette concordance; s'ils donnent habituellement à leur feuille une publication antérieure à la date apparente de celle-ci et contradictoire avec elle, cette circonstance, que rien ne constate légalement pour le justiciable et qui peut être ignorée de lui, ne saurait restreindre ni dans ses effets, ni dans sa durée, le droit qui lui appartient, non plus qu'en changer le point de départ originairement fixé;-Attendu que ces considérations décisives subsistent nonobstant l'addition d'une date particulière donnée aux annonces judiciaires dans le corps du journal, loin de la place initiale où la date apparente de la publication saisit de prime abord les regards du lecteur, date additionnelle abandonnée d'ailleurs au libre arbitre de l'éditeur qui peut

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