Images de page
PDF
ePub

2o Les règles spéciales auxquelles est sou- | compléter une chambre de la Cour, il y a mise la procédure de séparation de biens (C. proc., 865) rendent inutile l'autorisation maritale prescrite par les art. 215 et suiv., C. Nap. (1).

3 Au cas où un conseiller a présidé l'audience en remplacement du président empéché, il y a présomption que ce conseiller était le plus ancien des conseillers présents: la loi n'exige pas, à peine de nullité, qu'il soit fait mention de cette ancienneté dans l'arrêt (2). (Décr. 30 mars 1808, art. 48, et 6 juill. 1810, art. 41.)

Lorsque des conseillers ont été appelés pour

se trouve mise en péril par le mauvais état des affaires du mari, est, en général, abandonnée à l'appréciation des juges du fait. Dans l'espèce ici rapportée, la chambre civile a rejeté le pourvoi uniquement parce que la Cour d'Alger, en repoussant la demande en séparation de biens, avait usé de ce droit d'appréciation. En cela notre arrêt de rejet est conforme à l'arrêt de la chambre des requêtes du 17 mars 1847 (P.1847.1.665.-S.1847.1. 421), car, s'il a été dit dans ce dernier arrêt portant rejet d'un pourvoi contre une décision prononçant la séparation de biens, que les revehus des biens dotaux doivent servir à supporter les charges du mariage, la Cour régulatrice a ajouté | qu'il peut y avoir, d'après les circonstances, péril pour la dot, si, par le fait du mari, lesdits revenus ne reçoivent pas la destination que leur donne la loi, puis la Cour a déclaré que la Cour impériale, en tirant des faits de la cause les conséquences qu'elle en avait tirées, c'est-à-dire en ordonnant la séparation de biens sur le fondement de ces faits, dont la gravité aussi bien que la preuve était remise à son appréciation souveraine, n'avait fait qu'user du droit qui lui appartenait. On peut induire du rapprochement de ces deux arrêts que l'emploi des deniers de la dot à une autre destination que la satisfaction des besoins du ménage, n'est pas nécessairement, et dans tous les cas, un motif de séparation de biens. Dans la cause actuelle, l'arrêt attaqué lui-même faisait connaître par ses motifs que le mari, ainsi qu'il en convenait, se préparait à employer temporairement la partie de la dot consistant en deniers comptants, à solder ses dettes personnelles. Néanmoins, tout bien considéré, et par les raisons qu'exprime cet arrêt, les magistrats sont arrivés à la conviction que la situation du mari n'était pas telle que, par cet emploi de la dot, les deniers de la femme fussent mis en péril et qu'il y eût nécessité par suite d'admettre la demande en séparation de biens. Du reste, on remarquera que la Cour d'Alger, en le décidant ainsi, est allée plus loin que ne l'avait fait, au point de vue de la garantie de la dot, un arrêt de la Cour de Caen du 22 juill. 1863, maintenu aussi par la chambre des requêtes le 14 nov. 1864 (P.1865.119. - S. 1865.1.60). Par cet arrêt, également fondé sur l'appréciation des faits du procès, le mari contre lequel la femme avait demandé la séparation de biens, a obtenu gain de cause, notamment parce que les deniers dépensés par lui sur

présomption qu'ils l'ont été dans l'ordre de nomination et d'après les exigences du service (3). (Décr. 30 mars 1808, art. 4 et 49.)

(De Maubeuge C. de Maubeuge.)

Un jugement du tribunal civil d'Alger rendu, le 5 novembre 1863, sur la demande de la dame de Maubeuge, a prononcé la séparation de biens d'entre elle et son mari, par ce principal motif qu'en fait il était constant que le sieur de Maubeuge était poursuivi par divers créanciers et que, de son propre aveu, ses dettes s'élevaient tout au moins à

le capital de la dot se trouvaient garantis par son avoir personnel (V. loc. cit., les observations critiques de M. Dutruc sur cette partie de l'arrêt), tandis que la Cour d'Alger, à défaut d'avoir actuel du mari, a pris en considération des ressources non réalisées à provenir dans l'avenir des revenus et des émoluments de la carrière du mari.

Il y avait dans notre espèce cette circonstance particulière que les dettes du mari étaient antérieures au mariage; sous ce rapport, la doctrine d'un arrêt de la Cour de cassation du 2 juill. 1851 (P.1851.2.171.-S.1851.1.509), qui exclut la séparation de biens quand, depuis le mariage, il n'y a ni désordre, ni dissipation à reprocher au mari (doctrine conforme à celle de MM. Troplong, Contr. de mar., t. 2, n. 1329, et Dutrac, Sépar. de biens, n. 82), aurait pu être applicable; mais l'arrêt ici recueilli n'a pas relevé la circon. stance dont il s'agit.

2,

(1) L'ordonnance du président du tribunal rendue conformément à l'art. 865, C. proc., habilite la femme à former la demande en séparation de biens, et les auteurs sont d'accord qu'une nouvelle autorisation n'est pas nécessaire pour qu'elle puisse interjeter appel du jugement qui a rejeté sa demande (V. Favard, Rép., vo Sépar. entre époux, n. 3; Carré et Chauveau, Lois de la proc. civ., quest. 2931; Dutruc, Sépar. de biens, n. 106; Pont et Rodière, Contr. de mar., n. 835). A plus forte raison, la femme peut-elle défendre, sans autorisation nouvelle, à l'appel interjeté par le mari du jugement qui a prononcé la séparation de biens. A part même l'application de l'art. 865, C. proc., le défaut d'autorisation expresse n'est pas opposable par le mari qui a plaidé contre sa femme, comme demandeur (V. Cass. 24 fév. 1841, P.1841.1.543.-S.1841.1. 315), et le renvoi.

(2) V. conf., Cass. 12 janv. 1847 (P.1847.1. 245.-S.1847.1.241), et 30 nov. 1852 (P.1854. 1.321.-S.1854.1.21).-Il a été jugé aussi que, quand un jugement énonce que le juge le plus ancien a présidé l'audience, il y a présomption que le président du tribunal était légalement empêché Cass. 19 nov. 1861 (P. 1862.100.- S. 1862.1.302).

(3) C'est là un point déjà nombre de fois jugé. V. Rép. gén. Pal., v° Jugement, n. 550 et suiv.; Table gén. Devill. et Gilb., eod. verb., n. 97 et suiv. V. aussi Cass. 17 fév. 1864 (P.1864.712. —S.1864.1.109).

15,000 fr. De là, le tribunal conclut qu'il y aurait évidemment danger pour la dame de Maubeuge à ce que son mari touchat sa dot et notamment 10,000 fr. qui en faisaient partie; car, ajouté le tribunal, il est positif que cette somme disparaîtrait à l'instant même pour faire face aux dettes du mari, lequel, au reste, ne conteste pas que telle est son intention.

Sur l'appel du sieur de Maubeuge, est intervenu, le 19 juin 1865, un arrêt infirmatif de la Cour impériale d'Alger, dont les motifs se résument à dire : « Que la dame de Maubeuge fonde sa demande sur l'existence, à la charge de son mari, de dettes antérieures au mariage, non déclarées par lui à l'instant du contrat et à l'extinction desquelles il se proposait d'appliquer tout ou partie de la dot; - Que de Maubeuge ne dénie pas l'existence de ces dettes, dont rien d'ailleurs n'établit que l'importance soit supérieure aux 15,000 fr. par lui déclarés... Que tout se réduit à rechercher l'importance des capitaux laissés par le contrat à la disposition du mari et si l'emploi momentanément fait de ces capitaux pour l'acquittement des dettes est de nature à mettre en danger la dot de sa femme... >>

Ici l'arrêt s'explique sur chacun des apports de la femine, apports qui, en partie, ne peuvent être exigés ou aliénés par le mari que Sous condition d'emploi ou de remploi ; puis il conclut en ces termes: « Qu'enfin l'importance de ses dettes n'est pas telle qu'il ne trouve tout à la fois et dans les revenus et dans les émoluments de sa carrière, des ressources plus que suffisantes pour faire, en fin de compte, à sa femme, raison de la portion de ses apports qu'il emploierait temporairement à sa libération ;-Qu'en pareille situation, et alors d'ailleurs qu'aucun fait postérieur au mariage n'est venu modifier les conditions dans lesquelles il a été contracté, il n'est pas possible de voir dans les circonstances toutes préexistantes au contrat qu'invoque la dame de Maubeuge, un péril pour sa dot qui justifie sa demande en séparation de biens. >>

POURVOI en cassation par la dame de Maubeuge. 1. En la forme: violation des art. 215 et suiv., C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a été rendu sans que la dame de Maubeuge fût pourvue de l'autorisation ma

ritale.

2. En la forme également: violation des art. 48 du décret du 30 mars 1808 et 41 du décret du 6 juillet 1810, en ce que l'arrêt attaqué ne constate ni que le conseiller qui a fait fonction de président, à raison de l'empêchement du président titulaire, fût le plus ancien des magistrats composant l'audience, ni que la désignation des conseillers appelés à compléter la chambre ait été faite dans l'ordre des nominations.

3o Au fond: violation des art. 1443 et 1563, 1394, 1497, 1510, 1238, 1134 et 1387, C. Nap., en ce que la Cour impériale a refusé

de prononcer la séparation de biens demandée.-A l'appui de ce moyen,on soutient pour la demanderesse que la dot est mise en péril et qu'il y a lieu par conséquent à la séparation de biens, aussi bien lorsque le mari a détourné même partiellemement soit le capital, soit les revenus de la dot, de leur destination légale qui est de subvenir aux besoins du ménage, que lorsqu'il y a de sa part diminution accomplie ou imminente des garanties que la fortune du mari présentaît à la femme pour le remboursement de ses reprises. Le pourvoi invoque ici la jurisprudence de la Cour de cassation et notamment l'arrêt de la chambre des requêtes du 17 mars 1847 (V. ad. not.), ainsi que l'opinion émise par M. Dutruc, Sép. de biens, nos 58 et suiv. Dans l'espèce, ajoute-t-on, il est reconnu en fait par l'arrêt que les 10,000 fr. de capital faisant partie de la dot sont, par la volonté du mari, destinés à payer ses dettes. Ce n'est donc point pour subvenir aux besoins du ménage ou parer à une diminution de revenu du fonds dotal que le mari veut entamer et que la Cour d'Alger l'autorise à entamer la dot de sa femme. L'arrêt ne déclare même pas que le mari puisse, par sa fortune personnelle ou l'espérance de certains biens à échoir, reconstituer la dot de sa femme, dont le capital aura subi une atteinte si directe. C'est sur la foi d'économies futures qu'il considère comme inexistant le péril de la dot. Or, la Cour suprême (arrêt du 27 avr. 1847, P.1847.1.667. -S.1847.1.424) a déclaré: « Que ce n'est pas des chances plus ou moins assurées de la restitution de la dot à la dissolution du mariage que la loi a fait dépendre le droit de faire prononcer la séparation de biens, mais de l'administration du mari par suite dé laquelle la dot se trouve actuellement compromise et à plus forte raison dissipée. »>

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen du pourvoi: - Áttendu que la séparation de biens ne pouvant s'accomplir qu'avec l'autorité de la justice se trouve soumise à des règles spéciales, qui rendent sans objet l'autorisation maritale prescrite par les art. 215 et suiv., C. Nap. ;-Attendu qu'aux termes de l'art. 865, C. proc. civ., l'instance en sé-' paration de biens se trouve régulièrement introduite à tous les degrés de juridiction, lorsque, comme dans l'espèce, la femmé á obtenu du président du tribunal civil l'autorisation d'introduire sa demande ;

Sur le deuxième moyen :-Attendu, sur la première branche de ce moyen, que les art. 48 du décret du 30 mars 1808 et 41 du décret du 6 juillet 1810 n'exigent pas, surtout à peine de nullité, qu'il soit fait mention dans l'arrêt que

le conseiller faisant fonction de président, en cas d'empêchement du président titulaire, était le plus ancien des magistrats composant la Cour à l'audience où l'affaire a été plaidée; - Attendu, en ce qui concerne la deuxième branche de ce moyen, que la

[merged small][ocr errors]

désignation des conseillers appelés à compléter la chambre qui a rendu l'arrêt attaqué, est présumée avoir été faite dans l'ordre de nomination et d'après les exigences du service général de la Cour ; Soonberg06D Sur le troisième moyen: Attendu que

si l'arrêt attaqué constate que de Maubeuge se trouvait, au moment de son mariage, grevé de 15,000 fr. de dettes, cet arrêt, appréciant d'autre part l'importance et l'origine de ces dettes qui, pour la plupart, provenaient de cautionnements fournis par lui, les revenus et les émoluments de sa carrière, les stipulations du contrat de mariage et les autres circonstances de la cause, en a inféré que ces dettes n'étaient pas de nature à faire concevoir des appréhensions sur l'administration que de Maubeuge est appelé à exercer de partie des capitaux de sa femme et de leurs revenus, et à mettre en péril la dot de la demanderesse; Attendu que, dans cet état des faits, la Cour d'Alger a pu rejeter la demande en séparation de biens, sans violer aucun des articles de loi invoqués dans ce moyen;- Rejette, etc. ob modetuse

[ocr errors]

Du 15 juillet 1867.-Ch. civ.-MM. Trop long, 1er prés.; Mercier, rapp.; de Raynal, 1er av. gén. (concl. contr.); Costa, av. tol

CASS.-CIV. 8 juillet 1867.6d stoo ALL PRA3 1.99 200% 2HI012 June

BILLETS DE BANQUE, PERTE, NAUfrage, REMBOURSEMENT. JOG

que le propriétaire d'un billet de banque pouvait en exiger le paiement bien qu'il ne le représentat pas, s'il prouvait l'avoir perdu par cas fortuit ou force majeure.-Le pourvoi était fondé sur la violation des lois et statuts constitutifs de la Banque d'Algérie, et spécialement de l'art. 4, § 2, de la loi du 4 août 1851, et sur la fausse application de l'art. 1348, C. Nap.

L'art. 4 de la loi du 4 août 1851, a-t-on dit pour la demanderesse, est ainsi conçu : << La Banque est autorisée, à l'exclusion de tous autres établissements, à émettre des billets au porteur de 1000, 500, 100 et 50 fr. Ces billets sont remboursables à vue au siége de la Banque. »> Aux termes de l'art. 14 des statuts annexés à cette loi, « les opérations de la Banque consistent... 6° à émettre des billets payables au porteur et à vue... >> Ces dispositions législatives caractérisent de la façon la plus précise le billet de banque et en font une véritable monnaie, sauf les deux conditions inhérentes à la monnaie métallique, la valeur intrinsèque et le cours forcé. Encore ce dernier caractère peut-il appartenir accidentellement au billet de banque, comme cela a eu lieu en 1848.-Cette assimilation presque complète du billet de banque à la monnaie, lui a valu le surnom de monnaie fiduciaire (Rapport de M. Rossi sur le projet de loi relatif à la Banque de France. Monit. du 24 juin 1840, p. 1536 et s.). Si le billet de banque offre à certains égards les mêmes avantages

Les billets de banque ne peuvent être assi-et de plus grands encore que le numéraire, par milés aux titres de créance dont l'art. 1348, § 4, C. Nap., autorise les tribunaux à ordonner le remboursement, bien que ces titres ne soient pas produits, lorsqu'il est établi, même par la simple preuve testimoniale, que leur perte est due à un événement de force majeure (1). Giysin

Spécialement, la Banque d'Algérie n'est point tenue de rembourser les billets qu'on ne lui représente pas: le prétendu proprié taire de ces billets ne saurait être admis à trouver qu'il les a perdus dans un naufrage (2).

(Banque d'Algérie C. Casteras.)

Le conseil d'administration de la Banque d'Algérie s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la Cour d'Alger, du 4 mars 1865, rapporté vol. 1865.705 et qui a décidé 06 atol

contre, il participe à certains inconvénients de la monnaie métallique. Il peut être facilement détruit, perdu, volé, falsifié. Dans ces différents cas, la valeur du billet périt pour le porteur, comme la monnaie détruite, perdue, volée, falsifiée, périt pour son propriétaire, sauf le recours éventuel contre le détenteur, le voleur, le faussaire ou la personne qui a transmis le billet faux où la pièce fausse. - Si le billet de banque constitue, comme la monnaie, un instrument d'échange, il faut reconnaître qu'il constitue en même temps une promesse d'en payer la valeur en numéraire, de la part de la Banque qui l'a émis, l'a revêtu de son signe et de sa garantie. Mais cette promesse contractée envers quiconque représentera le billet émis ne l'est pas envers une personne

sentée, ils posent en principe, en invoquant deux jugements du tribunal de commerce de Paris des 30 mai 1831 et 22 mars 1832 (Gaz. des trib. des 31 mai 1831 et 23 mars 1832), que pour obtenir le paiement d'un billet de banque, c'est le billet lui-même tout entier qu'il faut représen

(1-2) Cette question, tion, qui se p présentait pour la première fois devant la Cour de cassation, est d'une haute importance; la décision intervenue est conforme à l'opinion emise par MM. Flandin, Rev. crit., t. 13, p. 421, et Vincent, Rev. prat., t. 19, p. 488.-MM. Goujet liet et Merger, Dict. de dr.comm., v Banque de France, n. 122, sans ré ter soudre la question, paraissent cependant pencher en faveur du système aujourd'hui consacré, lors que, à propos du point de savoir oft si, en cas de perte d'une moitié de Billet de banque, la Banque best obligée de payer sur le Vu de la moitié répré

; et ce par le motif qu'autrement, on jetterait la Banque dans un système de justification de valeurs incompatible avec le régime des effets au porteur. V. au reste les observations placées sous l'arrêt d'Alger ici cassé (P. 1865.705. LUS.1865.2.155).'

[ocr errors]

billet a péri; et il n'est pas sans exemple
que, soit après un incendie, soit après un
naufrage (ainsi que cela est attesté par un
avis émané de la Banque de France avec
faits à l'appui), des billets de banque crus
perdus se soient retrouvés, en sorte que si
la Banque les eût payés une première fois,
elle eût été, sur la représentation qui en
aurait été faite, tenue de les rembourser une
seconde. Ainsi l'hypothèse de la repré-
sentation du titre qui, pour un débiteur or-
dinaire, est sans danger sérieux, entraîne
pour la Banque l'obligation de payer deux
fois;
Ajoutons que cette obligation pèse
indéfiniment sur la Banque, aucune pres-
cription n'étant applicable aux créances de
cette nature, dont l'échéance est à la merci du
porteur.- Donc, sous ce premier rapport,
l'application de Fart. 1348 devrait être écar-
tée. Sous un autre rapport, à combien
de dangers n'exposerait-on pas la Banque,
en admettant avec l'arrêt attaqué que la
preuve de la perte du titre peut suppléer au
titre! Le réclamant de mauvaise foi sera, en
effet, dispensé de ces éléments de preuve si
difficiles à réunir quand il s'agit de faire
croire à l'existence d'une prétendue créance
du droit commun; il n'aura pas à prouver
ses relations antérieures avec la Banque, la
cause de la dette, les circonstances dans les-
quelles elle a été contractée; toutes ces
difficultés lui seront épargnées par la na-
ture même de la créance qu'il invoque. C'est
un billet de banque, dira-t-il, je ne sais plus
de qui je le tiens, ni pourquoi, ni depuis
quand. Et quel honnête homme en effet, le
saurait à sa place?-Ainsi tombe la seconde
et précieuse garantie que suppose l'art. 1348
dans son application aux créances ordinaires

déterminée qui puisse invoquer contre la titre, il faut qu'elle établisse, dans une cerBanque la relation de créancier à débiteur, taine mesure, ses relations avec le prétendu sans représenter en même temps le titre de débiteur. Voilà pourquoi l'art. 1348 est sans la créance. Si la Banque ne peut exiger du danger sérieux dans son application au droit créancier d'autre justification que la repré- commun.→→ Mais si, à la place d'une obligasentation du billet émis, elle peut, en re- tion du droit commun, il s'agit de l'obligavanche, se refuser au paiement tant que tion qui résulte d'un billet de banque, toutes cette justification ne lui est pas fournie; car les garanties disparaissent. Et, d'abord, elle ne connaît son créancier que par son quelles que soient la prudence du juge et titre, et l'on peut dire, en ce sens, qu'elle les probabilités touchant la perte du billet doit, non à la personne, mais, au billet. C'est de banque par force majeure ou par cas force qu'expriment très-nettement les disposi- tuit, il est bien difficile, pour ne pas dire tions législatives précitées lorsqu'elles di-mpossible, d'arriver à la certitude que le sent: «<les billets sont payables au porteur et à vue, ce qui détermine à la fois la mesure des obligations et des droits de la Banque. Ces notions élémentaires une fois rappelées, on s'étonne que la Banque ait pu être condamnée à rembourser le montant de billets qu'on ne lui représentait ni en tout ni en partie et qu'on prétendait avoir perdus dans un naufrage. Pour justifier cette décision l'arrêt attaqué se base sur l'art. 1348, § 4, qui autorise la preuve t teslimoniale au cas où le créancier a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou de force majeure. Sans doute, le billet de banque, entre les mains du porteur, forme un titre au moyen duquel il peut en réclamer la valeur en argent, mais il n'en résulte nullement qu'à défaut de ce titre, celui qui a cessé d'en être le porteur conserve le droit d'en exiger le montant. C'est le contraire qui est vrai; le droit se perd ou se transmet avec le titre, et, dès lors, il est inexact de dire que la preuve de la perte équivaut à la représentation, du titre. L'art. 1348, qui n'est qu'une exception à la règle de l'art. 1341, concernant la preuve littérale, suppose, comme la règle elle-même à laquelle il déroge, des relations personnelles de créancier à débiteur, familières au droit civil, étrangères aux combinaisons commerciales, et surtout au système sur lequel reposent les établissements de crédit public comme la Banque de France et la Banque d'Algérie. Pourquoi, en matière d'obligation ordinaire, la preuve de la perte peut-elle suppléer à la représentation du titre? Parce que le titre, l'instrumentum, n'a d'autre objet que la constatation de la créance; il n'a de prix que pour le créancier personnel, déterminé, envers lequel le débiteur a contracté il ne peut pas servir à d'autres pour obtenir paiement du débiteur qui ne s'est pas engagé vis-à-vis du porteur éventuel du titre, mais vis-à-vis d'un individu déterminé; de là cette conséquence, que si, par suite des erreurs ou des abus trop fréquents de la preuve testimoniale, la religion du juge a été surprise, et que le titre qu'on a cru perdu et jugé tel vienne à être retrouvé, personne n'en pourra faire usage contre le débiteur qui a payé sur la foi de la perte du titre. Il y a plus quand une personne se prétend créancière d'une autre et demande à faire preuve de la perte de son

[ocr errors]

T

Mais allons plus loin, plus loin que la réalité. Supposons que le réclamant puisse fournir au juge la preuve matérielle, irrésistible, qu'un billet a été perdu, détruit entre ses mains, et que jamais ce billet ne pourra être représenté par personne; dans ce cas même, la Banque ne pourrait pas être condamnée au remboursement. La raison en

est
que le billet est la monnaie de la Banque,
comme le numéraire métallique est la mon-
naie de l'Etat, que l'une et l'autre peuvent
être falsifiées, et, de même que personne
n'est tenu de recevoir une pièce de mon-
naie sans s'assurer par la vue et le tact
qu'elle est de bon aloi, de même la Banque

[ocr errors]
[ocr errors]

ne saurait être tenue de recevoir sa propre, monnaie, soit en paiement, soit en échange du numéraire qu'elle doit au porteur, sans être mise à même de vérifier que la monnaie fi-duciaire ou le titre de créance dont on se prévaut est bien réellement une monnaie ou un titre émanant de la Banque. Or, cette vérification est impossible à défaut du billet, et, dans le doute, il est absolument inexact de dire avec l'arrêt attaqué que la preuve de la perte d'un titre (qui peut être faux) équivaut à la représentation d'un titre (qui, pour être payé, doit être vrai). Mais, dit-on, il serait inique que, dans le cas où le billet ne serait jamais représenté, la Banque s'enrichit aux dépens du dernier porteur. A cela deux réponses.-En premier lieu, la Banque ne s'enrichirait pas, et elle ne demande à s'enrichir aux dépens de personne. Supposons, en effet, le retrait ou l'extinction du privilége de la Banque, qu'arrivera-t-il? que l'Etat prendra les mesures nécessaires pour le remboursement de tous les billets non représentés par la Banque ou non supprimés régulièrement. Il ordonnera, par exemple, le dépôt à la Caisse des consignations d'une somme égale à la valeur de tous les billets émis et non rentrés. Si, par suite de la destruction effective d'un ou de plusieurs billets, cette somme dépasse la valeur du papier présenté par le public à la Caisse des consignations, qui profitera de l'excédant ? L'Etat et non la Banque. Ce serait donc à l'Etat que le dernier porteur du billet détruit pourrait reprocher de s'enrichir à ses dépens; mais ce reproche, quel que soit celui auquel on l'adresse, l'Etat ou la Banque, ne sera justifié qu'à l'époque fixée pour la rentrée définitive de tous les billets de banque, si tant est qu'un terme fatal soit jamais assigné pour cela. Allons plus loin, et supposons, ce qui n'est pas, que la Banque tire, en fin de compte, un profit de la perte des billets non représentés, ne pourrait-on pas dire que cette éventualité à été prise en considération par le législateur lorsqu'il a concédé à la Banque le privilége de battre monnaie, et que ce bénéfice éventuel est largement compensé par des pertes éventuelles inhérentes à la nature de toute monnaie, comme le danger de falsification. Il ne faut pas juger les combinaisons économiques qui président P'institution d'établissements de crédit au même point de vue que les relations privées d'où naissent les contrats de droit commun, et c'est faute d'avoir tenu compte de la différence des situations que l'arrêt attaqué est tombé dans les erreurs que lui reproche le pourvoi. Si maintenant, disait-on en terminant, on compare dans leurs conséquences les deux systèmes, nous voyons que le premier ouvre la porte aux fraudes les plus dangereuses et met la fortune de la Banque à la merci de la preuve testimoniale doni le législateur s'est défié avec tant de raison. La Banque n'aura plus seulement à redouter le danger de la falsification, contre lequel, du

moins, elle est protégée par les peines sévères du faux et par le soin extrême qu'elle apporte à la confection de ses planches; mais tout sinistre, tout accident qu'il lui est absolument impossible de prévenir, élèvera contre elle la menace d'une condamnation à rembourser le montant de billets qu'elle ne connaît pas. Dans le second système, au contraire, où tous ces dangers sont écartés, il pourra, sans doute, arriver que le propriétaire de billets de banque en perde la valeur; mais ne subira-t-il pas presque toujours en pareil cas la peine de sa négligence et de son imprudence? Dans l'espèce, par exemple, les défendeurs en cassation n'ont-ils pas commis une haute imprudence en confiant à la poste, sans les déclarer, des billets au porteur? Si l'on suppose le sinistre au-dessus de toute prudence humaine, n'aurait-il pas détruit la monnaie métallique comme la monnaie fiduciaire, et cette circonstance que la Banque met à la disposition du public une monnaie plus commode, plus transportable que le numéraire, doit elle garantir le porteur des billets contre les accidents auxquels le porteur de numéraire serait inévitablement exposé?

ARRÊT.

LA COUR; Vu l'art. 1348, C. Nap., et l'art. 4 de la loi du 4 août 1851; - Attendu que ce dernier article dispose que la Banque de l'Algérie est autorisée, à l'exclusion de tous autres établissements, à émettre des billets au porteur de 1000, 500, 100 et 50 fr. et que ces billets sont remboursables à vue au siége de la Banque ; Attendu qu'il est de la nature de billets ainsi définis et caractérisés de n'impliquer aucun rapport direct ou personnel entre ceux qui les possèdent et la Banque qui les a émis, et qu'à cet égard, il est au contraire permis d'affirmer que les obligations de cette Banque, comme les droits des porteurs procèdent du titre seul et s'y réfèrent exclusivement, ce qui revient à dire que la Banque d'Algérie ne peut être obligée au remboursement de ses billets que sur leur présentation et en échange de leur remise effective; Attendu, en outre, que si, à un point de vue général, on vient à considérer les billets de banque en eux-mêmes et d'après les effets qui leur sont propres, on demeure convaincu qu'ils se distinguent de toutes les autres valeurs par des différences d'une telle nature que, sous ce rapport encore, il y a lieu d'écarter, en ce qui les concerne, l'application de l'art. 1348, C. Nap.;

Ainsi, il est incontestable que tandis que le débiteur, au cas de perte du titre, peut toujours contre-balancer le danger de la preuve testimoniale en puisant, de son côté, les éléments de la preuve contraire soit dans ses rapports personnels avec le créancier, soit dans les circonstances concomitantes de la convention alléguée, les Banques, dans ce cas, seraient, au contraire, absolument dépourvues de tous moyens de contrôle et

« PrécédentContinuer »