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sieur Cormier père, marchand de bois à Blois, aujourd'hui en faillite, s'estnendu adjudicataire de trois coupes de bois dans les forêts de Blois, Bussy et Boulogne →→ Que conformément au cahier des charges établi pour la vente de ces bois, il a offert au rece veur général, représentant l'Etat, comme caution, le sieur Légal, marchand de bois à Nantes, lequel a été accepté ; Attendu que Légal, par suite des mauvaises affaires de Cormier père, a été obligé de payer à l'Etat le dernier terme du prix des bois encore dus et s'élevant à la somme de 11,875 fr.; que, dans cet état de choses, il se prétend subrogé aux droits de l'Etat et vient demander la revendication de tous les bois existant en ce moment sur le parterre des coupes; qu'il inToque à cet effet le bénéfice des art. 2102, C. Nap., 576, C. comm., et vient en outre demander le bénéfice de l'art. 16 du cabier des charges dressé par l'Etat, et ainsi conçu :

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Le parterre des coupes ne sera point considéré comme le chantier et le magasin des adjudicataires, et les bois qui s'y trouvent déposés pourront par suite être saisisrevendiqués, en cas de faillite, conformément aux dispositions des art. 2102, C. Nap., et 576, C. comm.; » Attendu que, de son côté, le syndic de la faillite Cormier père repousse cette prétention, et vient dire que le sieur Légal ne peut être admis à la revendication et rejette de toutes ses forces le bénéfice des articles susrappelés, qu'il invoque en sa faveur; Attendu, en droit, que l'art. 550, C. comm., dit : «le privilége et le droit « de revendication établi par le n°4 de l'art. << 2102, C. Nap., au profit des vendeurs d'effets << mobiliers, ne seront point admis en cas de a faillite; » Que, cependant, l'art. 576, C. comm., s'exprime ainsi : « Pourront être re«vendiquées les marchandises expédiées au «failli, tant que la tradition n'en aura pas été a faite dans les magasins de l'acheteur ou dans « ceux du commission naire chargé de les vendre pour le compte du failli; » -Attendu qu'il est de jurisprudence constante que le parterre d'une coupe de bois est considéré comme le chantier ou le magasin du failli; que, dans l'espèce, la tradition des bois vendus par l'Etat à Cormier père s'est faite immédiatement et sur place, aussitôt que le permis d'exploiter lui a été remis par l'inspec teur des forêts; que la prise de possession résulte évidemment de l'exploitation des bois de haute futaie sur le parterre même de la coupe, lesquels bois ont été débités en merrain, charpente et bois de feu de tous genres; que de tout ce qui précède il résulte bien que le parterre de la coupe était le magasin du failli; Attendu que la clause formulée dans le cahier des charges à l'art. 16 en faveur de l'Etat ne peut être opposée à des tiers quoi qu'elle ne présente rien d'illicite ni de contraire à la morale et à l'ordre public; car l'op, poser à des tiers serait porter atteinte à la sécu rité si nécessaire aux affaires commerciales; Que, s'il est dit dans la loi (art. 1134,

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C. Nap.) que les conventions font la loi des parties, quand elles sont légalement formées, il est des cas où ces conventions sont, au regard des tiers, réputées contraires à la loi;– Que, dans l'espèce, l'art. 16 du c cahier des charges imposé par l'Etat aux adjudicataires est contraire à l'esprit de l'art. 550, C. comm., qui exclut tout privilége en matière de faillite; Que c'est dans cette pensée que les auteurs du projet du Code Napoléon ont voulu, par ledit art. 550, C. comm., exclure en matière de faillite, et le privilége dont parle l'art. 2102, C. Nap., et la revendication dont parle l'art. 576, C. comm.; Attendu que les priviléges ne peuvent résulter que de la loi et ne sauraient être créés par des conventions particulières, comme l'a fait l'Etat dans son art. 16 du cahier des charges; Que décider autrement serait déroger au principe d'égalité entre les créanciers, qui est la règle générale en matière de faillite;

Attendu que les marchandises revendiquées ne peuvent être évaluées, d'après les éléments d'appréciation que le tribunal possède, à plus de 3,200 fr. environ, et que, pour les avoir fait fabriquer, il a été déboursé par le failli environ 1,000 fr., il ne peut entrer dans l'esprit du tribunal que ces déboursés puissent profiter à un seul créancier; -Attendu enfin que le sieur Légal, en payant à l'Etat 11,875 fr., n'a fait qu'acquitter une dette qu'il avait contractée en se portant caution du failli; que par cela même il rentre dans le droit commun et ne peut réclamer à la faillite un privilége que l'art. 550, C. comm., exclut; Par ces motifs, déclare Légal non recevable, etc. »

Appel par le sieur Légal.

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20ontanazh DO ARRÊT,VE SHEID $1 LA COUR; Considérant qu'aux termes de l'art. 576, C. comm., les marchandises vendues au failli ne peuvent plus être revendiquées, lorsque la tradition en a été faite dans le magasin de l'acheteur; Considérant qu'en matière de vente de bois, le parterre de la coupe devient le magasin de l'acheteur par suite du droit acquis par l'adjudicataire d'occuper le terrain pour abattre, façonner et revendre jusqu'à la fin de l'exploitation Considérant que, dans l'espèce, aux termes du cabier des charges, l'Etat a accordé à l'adjudicataire le droit d'exploiter dans de telles conditions, et notamment d'occuper pendant un laps de temps de dix-huit mois le sol forestier dont la superficie lui était adjugée ; Considérant, en fait, que Cormier a exploité en usant des facultés qui lui avaient été données; - Que, dès lors, les-marchandises, objet du procès et dont Cormier père était en possession apparente et réelle, se trouvant dans un lieu lui servant momentanément de magasin, ne pouvaient plus être l'objet d'aucune revendication ; Confirme, etc. $10081.2-- the M621,9) REBE

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Du 13 avril 1867. G. Orléans, cho civ.o MM Duboys, 1 prés.; Boulé, av. gén Lecoy et Johanet, av♪ : (02110821.9) 8621 50

99639 TAMETZ 28 mars 1867.olkoviall weUL CHEMIN DE FER, BAGAGES, DOMMAGES, TRIB. DE COMMERCE, JUGE DE PAIX, COMPÉTENCE.

La juridiction commerciale est scule compétente pour statuer sur la demande en dommages-intérêts formée par un voyageur de commerce contre une compagnie de chemin de fer, à raison du retard apporté à la livraison d'effets accompagnant ce voyageur. Ici ne s'applique pas l'art. 2 de la loi du 25 mai 1838, qui n'a fait qu'élever le taux de la compétence des juges de paix, sans changer les matières auxquelles elle s'applique (1). (C. comm., 632.)

Toutefois, cet article est applicable aux actions fondées sur un contrat mixte, c'està-dire intervenu entre un commerçant et un non-commerçant. Ainsi, un voyageur non commerçant peut saisir à son choix le juge de paix ou le tribunal de commerce d'une action fondée sur la perte ou l'avarie des effets qui l'accompagnaient (2). - Motifs de l'arrêt.

(Chem. de fer de l'Est C. Visetti.)

Le 18 nov. 1866 le sieur Visetti, voyageur de commerce, a pris à Reims le chemin de fer de l'Est pour se rendre à Metz. Il était accompagné de trois caisses contenant des échantillons de marchandises dont il se proposait d'opérer le placement, et qu'il a fait enregistrer comme bagages. Úne de ces caisses, ayant été égarée, ne parvint à Metz qu'après un retard de deux jours. Le sieur Visetti a fait assigner la compagnie de l'Est devant le tribunal de commerce de Metz en paiement d'une indemnité de 1,000 fr. à raison de ce retard. La compagnie a opposé à sa demande une exception d'incompétence ratione materiæ, fondée sur les art. 2 et 21 de la loi du 25 mai 1838.

2 janv. 1867, jugement qui repousse l'exception proposée par les motifs suivants :

« Attendu que la demande principale a pour objet d'obtenir réparation d'un préjudice causé par la privation du colis d'échantillons de marchandises momentanément égaré par la compagnie des chemins de fer de l'Est; Attendu que la compagnie oppose à cette demande une exception d'incompétence fondée sur les dispositions des art. 2 et 21 de la loi du 25 mai 1838, sur les justices de paix; Que la compagnie demanderesse à l'exception tire des dispositions ci-dessus indiquées la conséquence absolue

(1-2) V. conf. sur ces divers points, Cass. 4 nov. 1863 (P.1864.541.-S.1864.1.132), et la note, où est indiqué l'état de la jurisprudence sur la question. Adde, en sens contraire, Paris, 15 fév. 1864 (P.1864.542.-S.1864.2.68); 9 déc. 1864 (P.1865.490.-S.1865.2.111).-V.aussi sur une difficulté analogue, Chambéry, 14 juill. 1866 (suprà, p. 591), et Cass. 26 juin 1867 (suprà, p. 750).

d'une attribution-exclusive de juridiction aux juges de paix en la matière quis fait les litige au principal; Attendu, à cet égard, que la loi du 25 mai 1838 est spéciale aux juges de pais, dont elle a eu pour but de régler et d'étendre les attributions par amplification à leur loi de fondation de 1790, et que, à aucun degré, ni explicitement ni implicitement, on ne saurait y rencontrer le caractère de juridiction exclusive du droit commun que la compagnie de l'Est prétend en tirer; que les dispositions abrogatives de l'art. 21 de ladite loi ne sauraient être interprétées autrement que comme s'appliquant uniquement aux lois antérieures et spéciales à l'ordre de juridiction en question; que si la loi à tort invoquée avait entendu faire échec au droit commun, abroger les dispositions de l'art. 632, C. comm., en ce qui concerne les entreprises de transport, le législateur n'aurait pas manqué de le spécifier;

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Attendu qu'il s'agit, dans l'espèce, d'un colis d'échantillons, de marchandises par conséquent, accompagnant un voyageur de commerce; que ledit colis est devenu litigieux du fait d'une entreprise de transports, défenderesse à l'instance principale, et que, dès lors, la juridiction commerciale est seule compétente pour en connaître; Attendu, d'ailleurs, que cette doctrine est générale. ment consacrée par la jurisprudence sur cette matière (arrêts de la Cour de cassation, du 4 nov. 1863,P.1864.541.-S.1864.1.132), de la Cour d'Angers, du 3 mai 1855, P.1855.1. 577.-S.1855.2.331 et autres), et que si, par impossible, le système contraire, plaidé par la compagnie de l'Est dans un intérêt qui se devine, pouvait un seul instant prévaloir, ce serait créer au profit des compagnies de transport, en dehors du droit com mun, une situation exceptionnelle très-préjudiciable pour le commerce et pour les voyageurs en général; Que ce serait là, en effet, une dérogation malheureuse aux dispositions de l'art. 420, C. pr. civ., puisque les demandeurs, ainsi privés des droits que ledit article leur confère pour le choix de la compétence, se verraient absolument contraints de porter leur demande en réparation de préjudice devant la justice de paix, au siége des compagnies défenderesses, c'est-à-dire à Paris, la loi de 1838 invoquée n'ayant pas, d'ailleurs, dérogé aux règles de la compétence ordinaire ; Que ce serait, dès lors, paralyser, dans le plus grand nom bre de cas, les actions en réparation dont l'importance ne comporterait pas les frais et les déplacements qui en seraient la conséquence; que ce serait donc créer, pour lesdites compagnies de transport, une immunité abusive, en même temps qu'une grave atteinte au droit commun, aux intérêts généraux, à ceux du commerce et de l'industrie, et, par voie de conséquence, à l'ordre public; Attendu, enfin, que ce serait encore ajouter au monopole dont ces compagnies disposent déjà, un autre monopole, celui de l'impunité,

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et leur irresponsabilité vis-à-vis des fautes ou des abus qu'elles pourraient commettre et dont, en raison des difficultés de poursuites ci-dessus, les tiers lésés resteraient dans un grand nombre de cas forcément les victimes; Par ces motifs, etc. >> Appel par la compagnie. 1 ཐུ།། །། ARRÊT.

LA COUR; Attendu que l'art. 632, C. comm., répute acte de commerce toute entreprise de transports par terre ou par eau;

Attendu que la compagnie des chemins de fer de l'Est est actionnée par le sieur Visetti pour un acte de son entreprise; qu'ainsi, aux termes de l'art. 631, C. comm., la juridiction consulaire est compétente; Attendu qu'il est en vain soutenu que l'art. 2 de la loi du 25 mai 1838, sur les justices de paix, contient une dérogation à la règle générale;-Que les justices de paix sont, suivant le principe de leur institution, des juridictions purement civiles, et que la loi invoquée n'a fait qu'élever le taux de leur compétence sans changer les matières auxquelles elle s'applique; - Attendu qu'il y a d'autant plus lieu de le décider ainsi, que c'est senlement en 1840 qu'une loi nouvelle a introduit pour les tribunaux de commerce, relativement au premier et au dernier ressort, la même règle que pour les tribunaux civils; Attendu qu'il faut distinguer les contrats exclusivement commerciaux des contrats mixtes, c'est-à-dire de ceux qui

interviennent entre un commerçant et un non-commerçant; que pour ces derniers, l'individu non commerçant peut agir également devant les tribunaux civils et devant les tribunaux consulaires, et que, s'il opte pour la juridiction civile, il doit suivre la voie indiquée par l'art. 2 de la loi du 25 mai 1838, qui, dans ce cas, reçoit son application; Adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges; Confirme, etc.

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Du 28 mars 1867. - C. Metz, ch. civ. MM. Alméras-Latour, 1er pr.; Godelle, 1er av. gén.; Rémond et de Faultrier père, av.

DIJON 2 février 1865.

PARTAGE, CROIX D'HONNEUR, LICITATION. Dans le partage d'une succession, la vente

(1) Lorsqu'il dépend d'une succession des objets qui sont des souvenirs de famille, tels que décorations, armes, portraits, etc., objets placés hors du commerce et dont le prix, comme le dit notre carrêt,bra surtout une valeur d'affection, faut-il les comprendre dans le partage de la succession, comme le reste du mobilier, et les partager en nature, ou les liciter si ce partage n'est pas possible? On n'est pas d'accord sur la solution de cette question, qui semble à quelques-uns assez délicate. Elle s'est présentée notamment à l'oc casion de portraits de famille et de titres et documents nobiliaires ou historiques, et elle a été résolue dans le sens du partage on de la licitation,

par licitation de la croix d'honneur laissée par le défunt ne peut être demandée par un héritier absent qui a quitté son pays et sa famille depuis plusieurs années, alors que les autres héritiers ont choisi l'un d'eux comme dépositaire de cette croix d'honneur (1).(C. Nap., 815, 826 et 842.)

(Venot C. Hérit. Delorme.)-ARRÊT. LA COUR ; En ce qui touche la croix d'honneur de Delorme: Considérant que cet objet est un souvenir de famille, que sa destination met hors du commerce, et qu'en ratifiant le choix fait par les héritiers c'est à juste titre que les premiers juges ont confié entre les mains de Lemoine, brigadier de gendarmerie et décoré lui-même, le dépôt des insignes militaires qui avaient appartenu nées de silence et alors qu'il a quitté son au défunt; que ce n'est point après cinq anpays et sa famille, que Venot est bien fondé à réclamer la vente par licitation d'un objet dont le prix a surtout une valeur d'affection;-Par ces motifs, etc.

Du 2 fév. 1865.—C. Dijon, 1re ch. — MM. Neveu-Lemaire, 1er prés.; d'Azincourt et

Ally, av.

PARIS 5 avril 1867.

ASSURANCE SUR la vie, Tiers, Ayants droit.

Lorsqu'une personne a assuré une certaine somme sur sa vie, mais au profit de ses ayants droit, le bénéfice de l'assurance, à son décès, ne fait partie ni de sa succession, ni même de la communauté d'où ont été tirées les primes payées (2). (C. Nap., 1121, 1422, 1964.).

Et par ayants droit, on doit entendre, dans ce cas, tous ceux qui représentent le défunt à titre universel, tant en vertu de sa volonté qu'en vertu de la loi (3).

Spécialement, si l'assuré a laissé ses père et mère, des héritiers collatéraux et sa veuve légataire de tous ses biens, ses ayants droit sont ses père et mère, héritiers réservataires, et sa veuve, mais non les collatéraux, héritiers non réservataires exclus de la succession au moyen de l'institution universelle par lui faite au profit de sa femme (4).

V. Lyon, 20 déc. 1861 (P.1863.275.-S.1862.2. 309), et Paris, 19 mars 1864 (P.1864.247.-S. 1864.2.170). V. du reste, la note qui accompagne l'arrêt de Lyon précité, et dans laquelle sont rappelés les précédents en doctrine et en jurisprudence sur la question envisagée à un point de vue général. Set 2

(2-3-4) L'assurance sur la vie se propage; elle a été cependant attaquée de haut et par des voix éloquentes; mais nous espérons que ces voix res, teront sans écho, et nous avons été heureux de voir, dans cette cause, l'organe du ministère pu blic signaler le caractère moral et les bienfaits réels de ce mode d'assurance. Le contrat d'as

(Hérit. Louis C. Louis.) Le 17 juill. 1866, jugement du tribunal ci

surance sur la vie, disent ses adversaires, donne un intérêt à la mort de l'assuré, répand de mauvais désirs, et peut pousser au crime. Telle est la principale objection soulevée; mais combien d'autres contrats, combien d'autres dispositions, attachant un bénéfice à la mort d'une personne, peuvent faire souhaiter cette mort à des âmes faibles ou perverses! Faut-il, pour éviter ce danger, supprimer le testament, l'institution contractuelle, le contrat de rente viagère, la donation avec réserve d'usufruit? Le législateur, qui avait approuvé le contrat de rente viagère à titre onéreux, ne pouvait pas refuser son approbation au contrat d'assurance sur la vie; l'inconvénient est le même, mais quelle différence dans les motifs qui inspirent ces combinaisons ! Le placement en viager est le plus souvent dicté par l'égoïsme, l'assurance sur la vie par l'esprit de prévoyance et de dévouement; tandis que celui qui convertit sa fortune en rente viagère a pour but d'accroître son bien-être dans le présent et enlève à sa famille des capitaux transmissibles, celui qui assure une somme sur sa vie retranche sur ses dépenses et sur son bien-être pour constituer un capital transmissible à ses héritiers.

Dans l'espèce de notre arrêt, l'assuré avait déclaré que le montant de l'assurance serait payable à ses ayants droit; il était mort laissant sa femme légataire universelle, ses père et mère héritiers réservataires, et des frères exclus de sa succession par l'institution universelle; qui avait-il voulu désigner par cette expression ayants droit ? Première question; question d'interprétation de volonté, de fait, par conséquent, car nous ne mettons pas en doute le pouvoir, pour celui qui assure une somme sur sa vie, de disposer de cette somme au profit de qui bon lui semble. Nous admettons aussi que lorsque l'assuré a stipulé le bénéfice de l'assurance pour un tiers, et que ce tiers a ensuite accepté, la créance de la somme assurée a cessé depuis le contrat de faire partie du patrimoine de l'assuré, et n'est pas un des éléments de l'actif de sa succession. V. Colmar, 27 fév. 1865 (P.1865.1265.-S.1865.2.337), et la note. Mais l'assuré peut aussi stipuler pour sa succession; tout dépend à cet égard de sa volonté. -Le tribunal de première instance avait pensé que l'expression ayants droit désignait la succession de l'assuré, et que la somme due par la compagnie d'assurance devait figurer dans la liquidation de la succession de ce dernier. Cela n'a rien d'antijuridique.-La Cour, au contraire, a décidé que le bénéfice de l'assurance devait revenir à ceux qui avaient des droits dans la succession de l'assuré, soit en vertu de la loi, soit en vertu de la volonté de l'homme, mais que ce bénéfice leur appartiendrait comme un bien propre, distinct de la succession, comme l'objet d'une libéralité que l'assuré leur avait faite au moment même du contrat d'assurance. C'est peut-être une interprétation meilleure de la volonté de l'assuré; en tout cas, la solution est également juridique, et elle

vil de la Seine, ainsi conçu : << En ce qui touche la somme de 10,000 fr. montant de l'assurance; Attendu qu'un contrat d'as

doit être admise quoique les personnes gratifiées n'aient accepté le bienfait qu'après la mort du disposant; car il est admis en jurisprudence et par beaucoup d'auteurs que la libéralité insérée comme condition dans un contrat principal que le donateur fait pour lui-même peut n'être acceptée qu'après la mort du disposant (art. 1121, C. Nap.). V. Cass. 22 juin 1859 (P.1860.945.—S. 1861.1.151), et la note; Colmar, précité.

Quant à l'opinion émise par M. l'avocat géné ral, d'après laquelle seraient exclus du bénéfice de l'assurance ceux dont la vocation à la succession dériverait de la volonté de l'homme, dans l'espèce la femme donataire universelle, nous ne saurions y adhérer. Tout raisonnement qui tend à exclure un légataire ou un donataire de biens å venir du bénéfice de l'assurance, comme d'un bien étranger à la succession, est également applicable à l'héritier légitime; et si l'on consulte uniquement l'intention de celui qui a fait l'assurance, ni l'un ni l'autre ne doit être exclu.

Il est une autre question, question de droit, que la Cour a rapidement résolue, et qui nous paraît mériter quelque attention. Celui qui a formé le contrat d'assurance était marié, marié sous le régime de la communauté; il n'avait pas d'enfant de son mariage; il a obligé la communauté au paiement des primes. A-t-il eu le droit d'enlever à celle-ci le bénéfice de l'assurance et de l'attribuer à ses propres héritiers ?-Tout contrat à titre onéreux fait durant la communauté profite à la communauté, et non à la fortune particulière de l'époux qui l'a passé; c'est un principe incontestable, auquel le législateur a apporté limitativement quelques exceptions étrangères à notre hypothèse; donc la créance de la somme assurée a été, au moment de la formation du contrat, un bien de la communauté. Le tribunal de première instance en avait tiré la conclusion que cette somme devait faire partie de l'actif de la communauté à liquider à la mort de l'époux auteur du contrat d'assurance. La Cour n'a pas méconnu que le contrat d'assurance n'eût été conclu au nom et, de prime abord, au profit de la communauté, mais elle a ajouté que la créance de la somme assurée, étant une valeur mobilière, avait pu être donnée par le mari à un tiers, spécialement à ses héritiers, en vertu des pouvoirs dont il est investi comme chef de communauté: art. 1422, C. Nap. Les conséquences pratiques de cette théorie ne se sont pas fait sentir, dans l'espèce, avec ce qu'elles peuvent avoir d'inique à l'égard de la femme commune en biens, parce que la femme était donataire universelle de son mari. Mais la doctrine émise conduirait à dire que le mari (dont nous supposons l'union stérile) peut assurer sur sa tête, moyennant des primes que la communauté sera tenue d'acquitter, une somme payable à ses héritiers à l'exclusion de sa femme. Ainsi le mari, qui ne peut pas augmenter sa fortune propre aux dépens de la communauté, pourrait, avec les ressources de la communauté, aug

surance sur la vie est un contrat synallagmatique, qui fait naître, au moment où il est formé, en échange de l'obligation d'acquitter une prime annuelle, un droit éventyel à un capital dont l'exigibilité seulement est différée jusqu'à la réalisation d'un événement prévu; Attendu que ce droit éventuel tombe nécessairement, à sa naissance, dans la communauté quand le contrat est passé par un mari, administrateur de cette communauté, ainsi que l'obligation corrélative du paiement des primes, niême celles en retard au jour de sa dissolution, pourvu qu'elles soient échues auparayanɩ; Qu'il est hors de doute que, si le contrat dont il s'agit venait à être résolu avant le paiement de l'assurance et si la résolution donnait lieu à des dommages-intérêts en faveur de l'assuré, ces dommages-intérêts tomberaient dans la communauté et ne constitueraient pas un propre au profit du mari, à qui la loi ne permet pas d'enrichir sa succession au préjudice de la communauté ; Qu'il s'ensuit que, lorsqu'une assurance sur la vie est constituée au cours d'une communauté et de ses deniers, le montant de cette assurance doit figurer à son actif au moment de la liquidation, sans préjudice des droits des héritiers du mari, communément désignés, s'il y en a, sur la part revenant à celui-ci ; Attendu que c'est donc à bon droit que le Dotaire liquidateur a fait figurer, dans l'espèce, à l'actif de la communauté, la somme dont il s'agit; Attendu qu'il est dit dans le contrat d'assurance que cette somme sera payée aux ayants droit de l'assuré, sans désignation de personnes ; - Que l'on ne peut considérer comme ayants droit que ceux qui ont à prétendre quelque chose dans la succession; Que,si l'on descend dansles faits de l'espèce actuelle, et si, notamment,on rapproche la date de l'assurance de celle du testament laissé par le défunt, on y trouve la preuve que ce dernier n'a pu avoir en vue ses héritiers du sang qu'il a exhérédés en instituant sa femme sa légataire universelle; Que cette

menter, sa succession ou conférer un avantage à ses héritiers! Et la femme ne serait en droit de faire une opération semblable qu'avec l'autorisation de son mari. Quelle dangereuse inégalité!-Sous un autre rapport, une sorte d'anomalie nous apparaît: le mari ne peut disposer pour le moment de sa mort que de sa part dans la communauté, et il lui serait loisible, comme clause accessoire d'un contrat d'assurance, de faire une libéralité à ses héritiers, libéralité qui sera recueillie après sa mort, et dont le montant ne sera pourtant pas imputé sur sa part de communauté !-On répondra, sans doute, que les primes seront presque toujours payées sur les revenus de la communauté; que le mari pourrait les dépenser et non les économiser; qu'en tout cas, le mari n'est jamais responsable de son administration, quelque faneste que soit l'emploi par lui fait des revenus ou des capitaux de la communauté. Cette réponse ne ANNÉE 1887.-8° LIVR.

[ dernière et les époux Louis, père et mère, comme héritiers réservataires, sont les seuls ayants droit à qui puisse profiter le montant de l'assurance en question; Déclare les héritiers du sang non réservataires mal fondés dans leurs contestations, etc. »

Appel par les héritiers Louis. A l'audience, M. l'avocat général Descoutures a conclu à l'infirmation du jugement attaqué.

Le contrat d'assurance sur la vie, a dit ce magistrat, est assurément un contrat licite, soit que le bénéficiaire doive être l'assuré lui-même, soit que ce dernier ait stipulé au profit d'un tiers. Cette stipulation est légitime, dans les termes de l'art. 1121, C. Nap. Nous n'avons pas à rechercher et à discuter ici la moralité de ce genre de contrats; ils ont été l'objet, à l'occasion d'un procès criminel tristement célèbre, de critiques d'autant plus sévères qu'elles tombaient de plus haut; mais nous ne saurions nous y associer, et sans examiner incidemment une question qui mériterait une étude approfondie, nous nous bornerons à dire que le contrat d'assurance sur la vie nous apparaît simplement comme un mode d'éco nomiser mis à la portée du père de famille, et qui lui permet de réserver et d'accumuler annuellement une fraction quelconque de ses revenus ou des bénéfices de son industrie. Or, il y a là une chose d'autant plus respectable que l'assuré est plus désintéressé; car, dans la plupart des cas, la réalisation du contrat ne s'effectue qu'à sa mort, et au profit de ses enfants, ou de la personne désignée pour en recueillir le bénéfice. Il y a donc, tout à la fois, une pensée de prévoyance dont le survivant est l'objet, et un sacrifice permanent de l'assuré, pendant toute la durée de sa vie ; ce sont précisément ce sacrifice et cette prévoyance qui nous semblent être le signe irrécusable de la moralité du contrat.

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nous satisfait pas; une dissipation par le mari est moins périlleuse qu'un emploi à son profit exclusif; l'esprit de la loi, en établissant le principe des récompenses, a été que le mari pût tout faire sur les biens communs, si ce n'est s'enrichir en propre; la jurisprudence coutumière était plus fidèle à ce principe que le Code Napoléon, lorsqu'elle exceptait les héritiers personnels du mari du nombre des personnes à qui ce dernier pouvait donner les biens de la communauté. V. Pothier, Communauté, n. 481 et suiv. Nous regrettons l'absence dans nos lois d'une semblable disposition.

Comp. MM. Bugnet, sur Pothier, op. cit., note 1re; Mourlon, Répét. écr., 3° exam., n. 125; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 4, p. 279, § 509, note 6;-Cass. 13 janv. 1862 (P.1863.19. -S.1862.1.249), et la note. Dy

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