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La franchise d'avaries ne peut être sérieusement contestée. Si la loi concède aux assurés la faculté d'opter entre l'action d'abandon et l'action d'avarie, jamais elle ne leur permet de cumuler ces deux actions. Une fois l'option faite, les assurés doivent se soumettre aux conséquences de l'action qu'ils ont adoptée, favorables ou défavorables. De ce que l'action d'abandon aurait été ouverte, il ne s'ensuit pas, si cette action est répudiée, que les assurés puissent jouir des avantages qui y sont attachés, en même tems qu'ils jouissent des avantages attachés à l'action d'avarie.

L'action d'abandon laisse aux assureurs un espoir de recouvrement sur le sauvetage: parfois il est arrivé que ce sauvetage a produit un bénéfice et que les assureurs ont gagné.

De plus, cette action s'exerce avec un escompte de 3 pour cent.

Or, serait-il juste que privés de tous les avantages de l'action d'abandon, les assureurs fussent encore privés des avantages qui dérivent de l'action d'avaries, c'est-à-dire, de la franchise de 5 pour cent stipulée ?

Ce n'est pas tout. On sait que la perte ou la détérioration matérielles sont seules computables et qu'on n'a aucun égard aux dépenses accessoires, lorsqu'il s'agit de savoir s'il y a ouverture à l'action d'abandon, hors des cas de sinistre majeur spécialement déterminés par la loi (1).

Or, il n'est nullement justifié, dans l'espèce, que la perte ou la détérioration matérielles s'élèvent aux trois quarts: l'action d'abandon n'était donc pas ouverte celle d'avarie reste donc seule: la

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(1) Voir ce Recueil, tome 1, IT part., page 303

franchise convenue reste donc aussi et elle ne peut être ravie aux assureurs.

Enfin les assurés veulent réduire la prime à 4 trois quarts pour cent et ils fondent leur prétention sur ce que le navire est parti avec la paix.

Il est vrai que la ville de Cadix a fait sa soumission, le 3 octobre 1823, et que cette nouvelle a été annoncée au gouvernement français par une dépêche télégraphique du Prince généralissime, datée de Bayonne le io du même mois.

Il est vrai, par suite, que, dès la même époque la guerre a cessé sur le continent, entre la France et les Cortés espagnoles.

que

Mais il est moralement et physiquement impossible la cessation des hostilités et de la guerre fât connue à S.-Thomas, le 7 novembre, époque du départ du navire.

Or, l'ignorance du rétablissement de la paix laissait subsister l'état de guerre sur la mer, et cela est si vrai que si le navire avait été capturé par un corsaire espagnol, la prise eût été déclarée valable.

Il faut donc distinguer la paix réelle et la paix legale, la paix connue et la paix inconnue. Cette distinction, qui est fondée sur la nature des choses, a été constainment admise par les publicistes, par les traités diplomatiques et par la jurisprudence : elle est formellement consacrée par une ordonnance de S. M. le Roi de France du 4 février 1783, qui, suivant la distance des lieux, détermine les délais après lesquels la paix est réputée connue (1),

Au vrai, le navire est parti en l'état d'une paix réellement existante sur le continent, mais inconnue

(1) Voir Emérigon, Traité des assurances, l. 2, p. 521.

à S.-Thomas, lieu du départ : les assureurs ont done couru les risques de cette paix inconnue, ou soit d'une guerre encore subsistante sur la mer: la prime doit donc être proportionnée à ce risque : elle doit être maintenue à 6 trois quarts pour cent, taux fixé par le contrat.

JUGEMENT.

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» Attendu D que les assureurs proposent trois chefs de compensation sur le prorata les concernant,

savoir :

1.° La déduction du tiers sur le coût des réparations faites au navire;

2.° La franchise d'avarie stipulée dans la police; 3.o La prime à raison de 6 trois quarts pour cent;

» Sur le 1er chef, attendu qu'il est de justice et de principe généralement adopté dans les réglemens d'avaries de prelever le tiers pour l'usage, c'est-àdire, pour compenser la différence du neuf au vieux sur les objets remplacés; mais que cette réduction se borne aux seuls objets isolés et qui sont intégra lement remplacés, tels, par exemple, qu'un câble, une voile qui, étant entièrement perdus, sont rem placés par un câble ou une voile neufs;

» Sur le 2. chef, attendu qu'il n'est pas démontré que la dépréciation éprouvée par le navire le Dauphin se soit élevée à plus des trois quarts de sa valeur; qu'aucun rapport d'experts spécialement commis pour établir ce fait n'est produit; qu'enfin dans la somme de 23,000 fr. à laquelle s'élevent les avaries souffertes le par corps se trouve compris un grand nombre d'articles qui n'ont aucun rapport avec la détérioration, laquelle ne peut être calculée que d'après le dommage immédiat et

ne peut être accrue par les dépenses accessoires & l'avarie ou qui ne seraient pas inhérentes à l'objet ;

» Sur le 3.o chef, attendu que, d'après les termes du contrat, la prime devait être réduite à 4 pour cent, le navire partant avec la paix ; que l'intention des contractans se trouve ainsi littéralement exprimée et n'est pas susceptible d'interprétation ni de doute; que s'il est vrai qu'il fût impossible que la nouvelle de la cessation des hostilités, de la part des Cortés espagnoles, fût connue à SaintThomas, le 7 novembre, cette circonstance ne peut faire éluder l'effet d'une clause écrite et positive; que vainement les assureurs invoquent l'ordonnance de 1783, qui détermine divers délais, suivant la distance des lieux; que cette ordonnance est une loi transitoire rendue pour des faits et des époques qui ne sont pas ceux de la cause; qu'elle n'est, dès-lors, relative qu'à une hypothèse particulière et ne peut établir une règle générale ;

LE TRIBUNAL, ayant tel égard que de raison aux conclusions respectives des parties, condamue les assureurs au paiement de la contribution qui leur compète sur la somme par chacun d'eux prise en risque, sous la déduction néanmoins, 1.° du tiers sur le coût des objets entièrement remplacés à neuf, suivant leur valeur à Marseille, qui sera fixée par experts convenus ou nommés d'office; 2.o de la franchise d'avaries particulières convenue à raison de 5 pour cent; 3.0 enfin de la prime à raison de 4 trois quarts pour cent; les dépens postérieurs à l'offre compensés, etc.

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Du 17 juin 1825. Prés. M. LUCE. ——, Plaid. MM. FOUET pour les sieurs Fabron frères, NEGRE pour les Assureurs.

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La clause que dit être dispense-t-elle le capitaine de répondre du poids énoncé dans le connaissement, s'il n'est pas justifié que la marchandise ait été pesée en présence du capitaine? (Rés. aff.) Cette clause dispense-t-elle le capitaine de tenir compte de la marchandise jetée à la mer pour le salut commun? (Rés. nég. )

En matière de petit cabotage et lorsqu'il y a prohibition de charger sur le pont, le capitaine qui contrevient à cette prohibition est-il personnellement responsable du jet des marchandises chargées sur le pont ? ( Rés aff. )

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(-Henri Fiertz et Compagnie contre Scotto. )

JE 7 novembre 1824, le capitaine Scotto signe, à Naples, un connaissement par lequel il déclare avoir reçu à bord du navire Saint Gaëtan et Saint Michel, et sous couverte, la quantité de 1,361 quintaux os d'animaux, pour les conduire à Marseille et les consigner aux sieurs Henri Fiertz et Comp.

La clause que dit être précédait la signature du capitaine sur le connaissement,

Quoique ce capitaine eût pris l'obligation de charger sous couverte, il avait placé une partie des os sur le pont.

Pendant le cours de la navigation, une tempête survient une partie des agrès du navire et les os chargés sur le pont sont jetés à la mer pour le bien et le salut communs.

Première Partic.

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