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le vendeur à sa propre expérience et n'a-t-elle ouvert, en sa faveur, ni l'action en garantie, ni l'action rédhibitoire, à raison d'une plus value quelcondans la chose aliénée.

que

Le contrat sera donc maintenu dans sa nature et il ne sera pas violé, nonobstant que le vendeur de lingots ne jouisse pas d'une prérogative refusée au vendeur de tout autre objet.

On objecte, en cinquième lieu, que l'action de garantie peut être intentée contre l'essayeur. Oui, sans doute; mais cela n'empêche pas qu'elle ne soit ouverte contre le vendeur et que ce dernier seul soit attaqué, si l'acheteur le juge convenable,

Enfin, on objecte que l'ouverture de l'action en garantie serait une source d'inconvéniens plus ou moins graves, parce qu'il serait possible que le premier vendeur eût disparu ou qu'il fût insolvable, et ensuite parce qu'on ne pourrait souvent remonter jusqu'à lui qu'à l'aide d'une série de garanties successives, ce qui occasionerait une grande masse de frais, frais qu'on ne pourrait faire supporter ni au vendeur primitif, ni aux vendeurs subséquens.

Mais la possibilité de la disparition du vendeur se rencontre dans toutes les ventes, et cette considération n'est cependant pas un obstacle au recours en garantie de l'acheteur. Le droit commun résout donc la difficulté, sur ce point.

Il en est de même en ce qui concerne les dépens. Les sieurs Pignatel frères n'ont attaqué que leur vendeur ils n'ont pas d'autre adversaire que lui : chaque vente forme un contrat distinct, puisque chaque vente peut avoir un prix différent.

Cela étant, les dépens doivent être adjugés à chaque partie contre son adversaire succombant, et il

ne saurait y avoir lieu de les réunir en masse générale, moins encore d'imposer le poids entier de cette masse sur le demandeur ou le défendeur principal.

Les inconvéniens signalés par le sieur Loubon ne doivent donc pas être pris en considération, puisque le droit commun les suppose tous, et que néanmoins il ne refuse pas l'action en garantie à l'acheteur pour les vices cachés de la chose.

Mais un inconvénient réel et bien grave résulterait du système du sieur Loubon. En effet, si le vendeur de lingots n'est pas soumis à la garantie, et si l'acheteur n'a de recours qu'à l'encontre de l'essayeur, ce recours sera le plus souvent illusoire. Sans doute, la fortune de ce dernier pourra supporter des différences légères dans les titres; mais elle ne pourra supporter des différences plus ou moins considérables, plus ou moins nombreuses. Ne peut-il pas arriver d'ailleurs qu'un lingot de cuivre ait été paraphé à l'instar d'un lingot d'or? En tel cas, le vendeur, qui aura profité de la fraude, pourra-t-il renvoyer son acheteur à un essayeur insolvable?

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JUGEMENT.

Attendu que les lingots reçus par l'acheteur, sans aucune réclamation sur le titre paraphé, laissent cet acheteur sans action contre son vendeur, tout comme il le serait pour une autre marchandise qu'il aurait agréée et reçue;

» Attendu que les sieurs Pignatel frères succombant dans leur demande principale, il n'y a pas lieu de s'occuper des demandes en garantie; »>

LE TRIBUNAL déboute les sieurs Pignatel frères, par défaut d'action, de la demande par eux formée

contre le sieur Loubon; met sur icelle le sieur Lonbon hors d'instance et de procès; déclare, en conséquence, n'y avoir lieu de s'occuper des demandes en garantie et contre-garantie; condamne les sieurs Pignatel frères aux depens.

Du 15 novembre 1824.

Prés. M. LUCE.

Plaid. MM, LECOURT, pour les sieurs Pignatel frères; SERMET, pour le sieur Loubon; DUMAS, pour le sieur Martel; GILLET, pour le sieur Giraudy.

Appel est émis envers ce jugement.

ARRÊT.

<< Attendu que les lingots dont il s'agit ont été versés dans le commerce et passés, de mains en mains, sous la foi du titre à eux donné par l'essayeur du commerce; que s'il y a erreur dans le titre, elle ne donne action que contre cet essayeur, qui ne peut lui-même être recherché que dans un temps déterminé ;

» Attendu que les appelans n'ont ni attaqué l'essayeur, ni même pris des fins contre lui; qu'en dirigeant leur action contre leur cédant, ils ont laissé de côté leur seule partie, et attaqué celle qui ne leur doit rien, »

LA COUR confirme et condamne les appelans aux dépens envers toutes les parties (1).

Du 6 août 1825.- Cour royale d'Aix. - Plaid. MM. SEMERIE, LONG, TASSY et PERRIN.

(1) La question relative aux dépens était délicate, et la solution. du tribunal de Marseille et de la cour d'Aix se trouve, sur ce point, en opposition avec un arrêt de la cour de Grenoble, à la date du 31 novembre 1824, rapporté dans le Mémorial de Jurisprudence de M. Tajan, tom. 11, pag. 113.

Quant à l'action qui aurait pu être intentée directement contre l'essayeur, voy. ce Recueil tom. 5, 1o part., pag. 343.

re

Mandat. Accomplissement. - Tiers. - Vente.

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Le mandataire oblige-t-il le mandant, même alors qu'il accomplit deux fois le mandat, si d'ailleurs les tiers avec lesquels il a traité sont de bonne foi? (Rés. all.)

En d'autres termes : le mandat une fois accompli, les pouvoirs du mandataire sont-ils éteints au point que le mandataire ne puisse plus obliger le mandant, même envers les tiers de bonne foi? (Rés. nég.)

:

Spécialement le mandataire qui a reçu pouvoir de vendre une quantité de marchandises déterminées par leur espèce seulement et qui, après une vente faite à un premier acheteur, fait une autre vente de la quantité totale ou qui excède la quantité totale comprise dans le mandat, oblige-t-il le mandant envers le second acheteur de bonne foi? (Rés. aff.) (Bruat Daniel et compagnie contre Lenormand et Léomet).

LES sieurs Bruat Daniel et compagnie, négocians à Marseille, entretenaient des relations avec le sieur Reynard de Rouen, et ils lui donnaient par fois des ordres pour vendre des savons.

Le 23 janvier 1825, ils lui transmettent l'ordre de vendre 400 caisses de cette marchandise.

La lettre arrive le 29 du même mois.

Le même jour, le sieur Reynard vend 200 caisses savon aux sieurs Lenormand et Léomet, négocians à Rouen, d'ordre et pour compte des sieurs Bruat Daniel et compagnie, au prix de 28 fr. 50 c. le quintal,

commission en sus de 2 pour cent et les frais nécessaires, livrables, à raison de 50 caisses par mois, pendant les mois de septembre, octobre, novembre et décembre 1825.

Le 28 février, les sieurs Bruat Daniel et compagnie font assigner les sieurs Lenormand et Léomet devant le tribunal de commerce de Marseille : ils demandent que la vente consentie par le sieur Reynard soit déclarée nulle et non obligatoire pour eux, comme ayant été faite sans mandat, de leur part, et comme leur étant entièrement étrangère.

Les sieurs Lenormand et Léomet contestent la prétention des sieurs Bruat Daniel et compagnie et, de leur côté, ils demandent que la vente soit déclarée valide.

Voici l'analyse du système des sieurs Bruat Daniel et compagnie.

En fait, ils soutiennent qu'au moment où le sieur Reynard avait passé vente de 200 caisses savon aux sieurs Lenormand et Léomet, son mandat avait déjà reçu son accomplissement intégral, puisque le sieur Reynard avait déjà vendu les 400 caisses savon qui faisaient l'objet de l'ordre ou soit du mandat.

En droit, ils soutiennent que le mandat une fois accompli, les pouvoirs du mandataire sont éteints et, que par suite, l'exercice que le mandataire pourrait en faire, ne saurait obliger le mandant.

Le mandant, disent-ils, doit exécuter les engagemens contractés par le mandataire pour l'exécution du mandat; mais si le mandataire a excédé les bornes de ses pouvoirs, le mandant cesse d'être obligé : diligenter fines mandati custodiendi sunt; nam qui excessit,

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