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une couverture; on appelle ainsi une somme d'argent ou un certain nombre de titres ou valeurs remis par le client à l'agent de change, dans le but de faire face aux différences probables qui peuvent être la suite du jeu. Buchère, Opér. de bourse, n. 375.

65. Le client qui est débiteur de son agent de change à la suite de pertes à la bourse peut-il exiger que l'agent de change lui restitue les sommes ou titres déposés à titre de couverture? Une distinction est nécessaire.

64. Si la couverture consiste en espèces ou monnaies, le client ne pourra les répéter; cette remise d'espèces constitue un paiement anticipé des avances de l'agent de change. Paris, 11 mars 1851 (S. 51. 2. 145. — P. 51. 2. 257. D. 51. 2. 217); 19 janv. 1867 (S. 67. 2. 87. P. 67. 445); Buchère, n. 544; Guillard, p. 477 et suiv. Mais s'il établit que les espèces ont été remises non à titre de paiement mais à titre de garantie, elles devraient être restituées au client.

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65. Si le client a remis à son agent de change des titres au porteur ou nominatifs, il peut les réclamer quoiqu'il doive des frais de courtage et des différences. Le mandat n'est obligatoire et ne produit d'effet, soit en faveur du mandant contre le mandataire, soit en faveur du mandataire contre le mandant, que lorsqu'il a pour objet une chose qui n'offense ni les lois ni les bonnes mœurs; or, l'agent de change qui a prêté son ministère à un pari sur la hausse ou sur la baisse des effets publics, a contrevenu à la loi et il ne peut trouver dans cette convention l'origine d'une action. Bordeaux, 15 juin 1857 (S. 57. 2. 733. P. 58. 742. — D. 58. 2. 31); Bordeaux, 25 août 1858 (S. 59. 2. 81); Paris, 29 nov. 1858 (P. 59. 41); 19 nov. 1864 (S. 64. 2. 281. -P. 64. 1269); Paris, 13 juin 1868 (S. 68. 2. 208.-P. 68. 828. -D. 68. 2. 170); Buchère, n. 546.

Par suite, le créancier du client est fondé à saisir arrêter les valeurs qui se trouvent aux mains de l'agent de change à titre de couvertures. Paris, 29 nov. 1858 (P. 59. 41).

66. L'agent de change ne peut réaliser, pour les appliquer au paiement de ses avances, les titres de ce client, qu'autant qu'il a été autorisé formellement à le faire par ce dernier; à défaut d'une telle autorisation, la remise de ces titres ne constitue qu'un nantissement nul comme la dette elle-même. Paris, 13 juin 1868 (S. 68. 2. 208.-P. 68. 828. D. 68. 2. 170).

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67. Et si l'agent de change a vendu sans autorisation les titres remis, il doit indemniser son client. Paris, 29 nov. 1858 (S. 59. 2. 81. P. 59. 41); Bordeaux, 3 janv. 1860 (S. 60. 2. 541); Paris, 19 nov. 1864 (S. 64. 2. 281.-P. 64. 1269); 13 juin 1868 (S. 68. 2. 208. P. 68. 828. D. 68. 2. 170); Lyon, 26 mai 1877 (Rec. de cette cour, 77. 294); Buchère, Opérat. de bourse, n. 547.

TOME V.

Toutefois, l'agent de change ne peut être condamné à restituer identiquement les titres au porteur qu'il a reçus : il suffit qu'il en remette de semblables, ou qu'il en paie le prix au cours du jour de la condamnation. Bordeaux, 25 août 1858 (S. 59. 2. 81).

68. Les mêmes principes seraient applicables au cas où la couverture consisterait en objets d'art; l'agent de change ne pourrait se refuser à restituer ces objets. Ainsi des tableaux avaient été donnés en nantissement à un agent de change pour solder des opérations de jeu; celui-ci n'a pas été admis à vendre ces œuvres d'art pour appliquer l'argent à éteindre sa créance. Seine, 26 avril 1867; Martin Le Neuf de Neuf-Ville, dissertation insérée dans la France judic., 1879, p. 389 et 390.

69. Ainsi que nous le verrons plus loin le client qui aurait autorisé l'agent de change à réaliser les effets déposés à titre de couverture ne pourrait ensuite les réclamer.

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70. Un marché fictif peut-il être validé par une exécution ou une ratification postérieure?

Une distinction est nécessaire.

Il est certain que l'exécution volontaire du marché élève une fin de non-recevoir insurmontable contre l'action en répétition des sommes payées.

En effet, les dispositions de l'art. 1967, C. civ., qui refuse au perdant le droit de répéter ce qu'il a volontairement payé, s'applique au paiement des dettes résultant de jeux de bourse. Ainsi, les sommes payées à un agent de change pour opérations de cette nature ne sont pas sujettes à répétition. Paris, 11 mars 1851 (D. 51. 2. 217); Cass., 27 janv. 1852 (S. 54. 1. 140. -- P. 53. 1. 449. D. 52. 1. 291); Paris, 29 nov. 1858 (S. 59. 2. 81. P. 59. 41); Cass., 1er août 1859 (S. 59. 1. 817. P. 60. 294. D. 59. 1. 289); Cass., 2 août 1859 (S. et P. ibid. — D. 59. 1. 292); 24 juill. 1866 (S. 67. 1. 24. P. 67. 33. D. 66. 1. 388); Paris, 19 janv. 1867 (S. 67. 2. 87. P. 67. 445). 71. Il y a, par exemple, paiement volontaire, quand le perdant a laissé vendre pour son compte par l'agent de change les valeurs remises à titre de couverture. Cass., 1er août 1859 (S. 59. 1.817. P. 60. 294); 24 juill. 1866 (S. 67. 1. 24.-P. 67. 33. -D. 66. 1. 388); Paris, 19 janv. 1867 (S. 67. 2. 87. P. 67. 445).

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72. Il a même été jugé que si, un agent de change présentant un compte général de ce qui lui est dû pour courtage, frais et avances occasionnés pour des opérations de bourse, le client forme, en réponse, une demande en paiement des différences reçues par l'agent de change, ce client se rend par cela même

non-recevable à exciper des arrêts de 1785 et 1786; il y a de sa part acceptation et ratification du mandat qu'il avait donné d'opérer à la bourse. Cass., 16 avr. 1833 (P. chr. D. 33. 1. 200).

En tous cas, on ne peut opposer pour la première fois en Cour de cassation que les opérations qui ont donné lieu à la demande en paiement de droits de courtage étaient illicites. Cass., 29 nov. 1831 (S. 32. 1. 37. — P. chr. — D. 32. 1. 120); 16 avril 1833 (P. chr. D. 33. 1. 200).

75. Mais l'agent de change, qui a coopéré sciemment aux opérations de bourse constituant un jeu, ne peut exciper des mentions portées sur ses livres pour établir qu'il a été autorisé à vendre les valeurs qui lui avaient été données en couverture. Paris, 14 mars 1853 (J. trib. com., t. 2. 104). V. aussi Paris, 3 août 1871 (J. trib. com., t. 20. 107).

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74. L'art. 1967 est-il applicable aux incapables? — Nous ne le croyons pas.

Ainsi le paiement d'une dette de jeu faite par une femme mariée, un mineur ou interdit, sans l'autorisation de leur mari ou tuteur, est sujet à répétition. Cass., 30 déc. 1862 (S. 63. 1.257. P. 63. 946); Limoges, 12 déc. 1868 (S. 69. 2. 104. P. 69.466); Pont, Petits contrats, n. 660; Troplong, Contrats aléatoires, n. 199; Aubry et Rau, t. 3, § 386, p. 419, note 13; Buchère, n. 551; Guillard, p. 375 et suiv.; Martin le Neuf de Neuf-Ville, France judic., 1879, p. 390.

75. Mais si la femme mariée a volontairement payé des sommes sur un compte résultant de jeux de bourse auxquels elle se livrait au su de son mari, elle ne peut en exiger la restitution; le mari ayant ainsi couvert, dans toutes ses conséquences, l'incapacité relative de sa femme. Cass., 20 nov. 1865 (S. 66. 1. 14. – P. 66. 21. — D. 66. 1. 112); Buchère, n. 552; Guillard, p. 387.

76. Si le paiement est valable, il en est de même du mandat de payer la dette de jeu; donné par l'un des joueurs, à un tiers, étranger au jeu ; un tel mandat est à l'abri de tout reproche et rien n'empêche le mandataire de poursuivre en justice le remboursement de ses avances. Cass., 29 nov. 1831; Taulier, Théor. C. civ., t. 6, p. 495; Zachariæ, Massé et Vergé, t. 5, p. 22, § 745, texte et note 4, in fine; Boileux, t. 6, sur l'art. 1965, C. civ., p. 517, Aubry et Rau, 4° édit., t 4, p. 575, § 386, texte et note 5; Troplong, n. 71; Pont, Pet. contr., t. 1, n. 650, et Rev. de législ., 1845, t. 1, p. 535; Ballot, Rev. de dr. franç, et étrang., 1849, t. 6, p. 309; Guillard, p. 460; Bozériau, n. 381.

77. Mais la ratification résultant de la reconnaissance de la dette ne saurait produire les mêmes effets que l'exécution. L'article 1967 du Code civil déclare bien, en effet, non-recevable

l'action en répétition de la part de celui qui a payé une dette de jeu; mais tant que le paiement n'a pas été effectué, on peut opposer le vice originaire de la dette. Cass., 11 août 1824; Mollot, Bourses de com., n. 317.

78. Ainsi, les reconnaissances ou billets souscrits en paiement de différences, bien que la cause ne soit pas énoncée ou soit dissimulée, n'ont pas la valeur d'un paiement effectif: le débiteur peut toujours repousser la demande dirigée contre lui. Cass., 29 déc. 1814; 30 nov. 1826; Angers, 22 fév. 1809; 13 août 1831; Lyon, 21 déc. 1822; Grenoble, 6 déc. 1823; Limoges, 2 juin 1819; 8 janv. 1824; Montpellier, 4 juill. 1828; Lyon, 11 mars 1856 (S. 57. 2. 525 P. 57. 1090), Paris, 27 nov. 1858 (S. 59. 2. 88.P. 59. 154); Angers, 24 août 1865 (S. 67. 2. 86. P. 67. 443. D. 66. 2. 211); Cass., 27 avril 1870 (D. 70. 1. 258); Coffinières, Des opérations de bourse, p. 304; Troplong, Contrats aléatoires, n. 61; Chardon, Du dol et de la fraude, t. 3, n. 561; Mollot, n. 331; Buchère, n. 553; Guillard, p. 433 et suiv.; Boistel, n. 757; Dramard, Des effets de complaisance (France judic., 79, 249).

79. Il en est ainsi alors même que les billets n'ont été souscrits qu'en vertu d'une transaction, si cette transaction n'a porté, que sur le chiffre de l'indemnité à payer par le perdant pour l'inexécution du marché, une telle transaction étant nulle comme l'opération à laquelle elle se rattache. Paris, 27 nov. 1858 (J. trib. com., t. 8, 86; Nantes, 25 mars 1876 (J. Nantes, 76. 1. 219); Pont, t. 1, n. 638; Buchère, n. 554. — V. sup., n. 39.

80. La nullité existerait ainsi quand même l'obligation souscrite pour paiement d'un jeu de bourse serait authentique et indiquerait pour cause un prêt en argent compté devant notaire. La dette pour avoir changé de forme dans l'intérêt du créancier n'a pas changé de nature. La justice a toujours le droit de rechercher, s'il y a contestation sur ce point, quelle a été la cause première de l'obligation. Paris, 30 janv. 1838 (Gaz., 31 janv.); Guillard, p. 437.

81. La novation opérée par la substitution d'un nouveau créancier à l'ancien n'a pas davantage pour effet de valider l'obligation, lorsqu'il est constaté que le nouveau créancier a eu connaissance de la cause originaire de la dette. Cass., 29 déc. 1814.

82. Mais si le cessionnaire a été de bonne foi, s'il ignorait l'origine du titre qui lui a été cédé, et si cette cession a eu lieu en paiement d'une autre dette, la novation doit produire son effet. Paris, 5 fév. 1834 (Gaz., 15 fév.); Pont, n. 641; Mollot, n. 391; Buchère, n. 555.

83. En conséquence, le débiteur d'un billet à ordre souscri

pour différence et passé dans le commerce ne peut refuser de le payer, à moins qu'il ne prouve que le tiers-porteur a parfaitement connu la cause de la dette, ou bien qu'il est le prête-nom du créancier. Paris, 18 déc. 1844 (Droit, 19 déc.); 28 janv. 1853 (S. 53. 2. 231. P. 53. 1. 599. D. 53. 2. 136); Cass., 12 avril 1854 (S. 54. 1. 313. - P. 54. 1. 753. — D. 54. 1. 180); Paris, 27 nov. 1858 (S. 59. 2. 88. - P. 59. 154). - Contra, Seine, 8 juill. 1852 (J. trib. com., t. 1, 376); Buchère, n. 555; Boistel, n. 757; Dramard, Des effets de complaisance (France judic., 79, p. 249, n. 58).

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84. Le débiteur du billet à ordre qui a payé entre les mains d'un tiers de boune foi, a un recours contre le gagnant bénéficiaire du billet; en effet, il ne l'a point payé volontairement, mais lui a remis une simple promesse, non assimilable à paiement dans notre espèce. Cass., 12 avril 1854 (S. 54. 1. 313. P. 54. 1. 753. D. 54. 1. 180); 4 déc. 1854 (S. 54. 1. 763.D. 54. 1. 413); Paris, 27 nov. 1858 (S. 59. 2. 88. — P. 59. 154); Pont, Petits contrats, n. 642; Troplong, Contr. aléat., n. 196; Mollot, Bourses de comm., n. 331; Buchère, n. 557; Boistel, n. 757. - Contra, Paris, 28 janv. 1853 (S. 53. 2. 231. — P. 53. 1. 599. -D. 53. 2. 136 (arrêt cassé par celui du 12 avril 1854 précité). 85. La souscription d'un billet à ordre ou d'une lettre de change n'équivalant pas à un paiement, il faut décider que le souscripteur peut, avant toute négociation consentie par le bénéficiaire, les réclamer à celui-ci. Cass., 2 févr. 1853 (S. 53. 1. 428. D. 53. 1. 57); Buchère, n. 558; Dramard, ibid., n.57.

86. La simulation employée pour déguiser la cause réelle des billets ou promesses, constituant une fraude à une loi prohibitive, peut être prouvée par témoins; les juges peuvent même admettre, par application de l'article 1353 du Code civil, des présomptions graves, précises et concordantes. Bordeaux, 7 mars 1835 (S. 35. 2. 263. — P. chr. — D. 35. 2. 62); Merlin, Rep., v° Jeux, n. 4; Toullier, t. 6, n. 382; Chardon, Du Dol et de la Fraude, t. 3, n. 561; Duranton, t. 18, n. 107; Malleville, sur l'art. 1965; Locré, Légis. Civ., t. 15, p. 174; Zachariæ, t. 3, p. 356; Troplong, Contr. aléat, n. 62 et suiv.

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87. Le paiement lui-même peut être annulé s'il n'a pas été volontaire. Ainsi, le paiement fait, avant l'abolition de la contrainte par corps, à un garde du commerce procédant à l'arrestation du débiteur, en vertu d'un jugement exécutoire par provision, ne constituait pas un aquiescement volontaire; en conséquence, nonobstant ce paiement, la preuve que la créance avait pour cause une dette de jeu pouvait être admise pour parvenir à la restitution de la dette payée. Paris, 23 août 1836 (P. chr. D. 37. 2. 95).

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