Images de page
PDF
ePub

voyés ne puissent pas proposer la plus légère composition, parce que, sur le point fondamental de la vérification des pouvoirs dans l'assemblée nationale, vous ne pouvez vous départir de rien; et quant à la noblesse, tolérez que les adjoints confèrent avec elle comme individus, mais ne leur donnez aucune mission, parce qu'elle seroit sans but et ne seroit pas sans danger.

>> En effet, ne nous dissimulons pas que dans notre sein même on s'efforce de former un parti pour diviser les états-généraux en trois chambres, pour les faire délibérer et opiner par ordre, unique ambition des privilégiés en cet instant, et qui est l'objet d'un véritable fanatisme. Toute déviation du principe, toute apparence de composition encouragera le parti, et entraînera ceux d'entre-nous qu'on est parvenu à ébranler. Déja l'on a répandu, déja l'on professe qu'il vaut mieux opiner par ordre que de s'exposer à une scission (ce qui revient à dire : Séparons-nous de peur de nous séparer ); scission que le ministre désire, que le roi veut, que le royaume craint. Sile ministre est foible, soutenez-le contre lui-même, prétez-lui de vos forces. Un aussi bon roi que le notre ne veut pas ce qu'il n'a pas le droit de vouloir. Le royaume craindroit, s'il pouvoit vous croire vacillans. Qu'il vous sache fermes et unis, vous serez investis de toute sa sécurité. On yous flatte enfin ( et c'est le plus adroit des pièges que depuis ving-quatre heures seulement on n'a pas craint de dresser même à décou vert), on nous flatte que les ordres privilégiés vont sacrifier leurs exemptions: et quel intérêt, dit-on alors, d'opiner plutôt par tête que par ordre? Quel intérêt ! Je comprendrois ce langage, s'il étoit adressé à ceux qui s'appellent les deux premiers ordres; car, comme ils n'ont pas un seul privilège au delà des exemptions pécuniaires, comme hors de ce cercle tous nos intérêts sont évidemment communs, je ne leur vois pas une seule raison de s'opposer à la délibération par tête, s'ils sont de bonne foi; et voilà, pour le dire en passant, pourquoi je ne crois encore que foiblement à la sincérité de leurs sacrifices. Mais nous, qui, malgré leur fierté dédaigneuse, avons de grandes raisons de douter qu'ils aient le privilège exclusif de Finstruction et des lumières; nous qui ne regardons point l'assemblée nationale comme un bureau de subdélégués, nous qui croyons que travailler à la constitution est le premier de nos devoirs et la plus sainte de nos missions; nous qui savons qu'il est physiquement impossible de s'assurer d'avoir obtenu le vœu national autrement que par la votation par tête, la renonciation la plus complète et la moins ambiguë aux exemptions pécuniaires, ne nous désintéressera nullement du seul mode de délibérer et d'opiner, auquel nos pouvoirs nous autorisent et nos consciences nous contraignent.

,

>> Ne compromettons pas ce principe sacré, MESSIEURS n'encourageons pas les intriguans, n'exposons pas les foibles, n'égarons pas, n'alarmons pas l'opinion publique, marchons avec une circonspection prévoyante, mais marchons.

>> Lanoblessearompu par le fait l'ajournement du roi; nous devons en aviser M. le garde des sceaux, pour constater que le provisoire est fini, et annoncer ainsi, par la voie la plus modérée et la plus respecqueuse, mais la plus régulière et la plus

, 1

directe, que les communes vont s'occuper des moyens d'exercer leurs droits et de conserver les principes.

>> Envoyons ensuite au clergé des hommes munis de notre confiance, et autorisés à inviter, à entendre, mais non à proposer. Laissons la noblesse continuer paisiblement sa marche usurpatrice autant qu'orgueilleuse; plus elle aura fait de chemin, plus elle se sera donné de torts; plus les communes, qui n'en veulent point avoir, qui n'en auront jamais, seront encouragées aux principes, sûres de leurs forces, et par cela même de leur modération; plus la concorde, l'ensemble, l'harmonie s'établi

→ ront parmi nous; plus l'esprit public se formera, et de lui seul se composeront notre irrésistible puissance, nos glorieux et durables succés ».

L'assemblée prit l'arrêté suivant:

« L'assemblée des communes a arrêté de nommer plusieurs membres pour conférer avec ceux qui ont été ou qui seront choisis par MM. du clergé et de la no blesse, seuls moyens proposés pour réu mir tous les députés, afin de vérifier les pouvoirs en commun; a arrêté en outre,

qu'il sera fait une relation écrite des con férences ».

Du 25 au 29 mai 1789 (1).

Un député avoit fait une motion relative au costume dans lequel les membres devoient se présenter. Mirabeau demanda que préalablement à tout, il fut fait provisoirement un règlement de police que l'assemblée sanctionnercit. « A Dieu ne plaise, dit-il, que je blesse aucun amour propre, ni même que je m'afflige de nos débats, un peu bruyans, qui, jusqu'à présent, ont mieux montré notre zèle et notre ferme volonté d'être libres, que ne l'eût fait la tranquillité la plus passive. Mais la liberté suppose la discipline; et puisque tous les momens peuvent nécessiter des démarches dont on ne sauroit prévoir toutes les suites ni s'exagérer l'importance, il faut, pour l'acquit de tous nos devoirs, et même pour notre sûreté individuelle, prendre un mode de débattre et de voter, qui donne

(1) 22 mai. M. Chomorceau remplace M. le Roux en qualité de doyen.

« PrécédentContinuer »