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publics, ils ne se rendirent pas à cette nouvelle invitation, c'est qu'ils savoient prescrire, quand il le falloit, des limites aux devoirs qui leur étoient les plus chers.

Du 7 au 12 juin 1789.

L'urgente nécessité, d'une police quelconque fit adopter un règlement (1) provisoire, quelque imparfait qu'il fût. Par là, l'assemblée put se former en bureaux. Cette dernière mesure parut plus propre à adopter, que celle de discuter sur la motion de M. Malouet, de se constituer en assemblée des communes.

Le 8, les députés de Saint-Domingue furent admis à assister aux séances, sans suffrages, sauf à statuer sur leurs droits, d'après l'examen de leur nomination et de leurs pouvoirs. Il y eut un instant, dans la séance du 10, où les communes n'eurent aucun objet à discuter. Mirabeau

(1) Mirabeau, pour faciliter les délibérations, avoit mis au jour les règlemens observés en Ans gleterre, dans la chambre des communes, ouvrage traduit de l'anglois.

saisit cette occasion pour observer(1) queles momens étoient précieux, qu'un des membres (M. l'abbé Sieyes) avoit une motion de la plus grande importance à proposer. Sur cette observation, M. l'abbé Sieyes, qui portoit la parole pour la première fois, fut entendu; il fit sentir qu'il. étoit du plus grand intérêt que les communes sortissent de l'inaction où elles étoient, qu'il étoit instant de procéder à la vérification des pouvoirs.

Cette motion fut adoptée à une grande majorité.

Tout ce que Mirabeau a dit et écrit, porte tellement le caractère des connoissances profondes du sentiment de la liberté, que nous croyons ne pas devoir passer sous silenceun incident relatif à une dénonciation faite contre M. du Roveray, Gènevois, qui se trouvoit assis au milieu des députés.

Un membre des communes, à l'occasion des discussions concernant la rédaction d'une adresse au roi, avoit demandé qu'on

(1) Notes manuscrites.

fit

fit retirer les individus non députés qui se trouvoient dans la salle » Il en est un, ajouta-t-il, étranger, proscrit de son pays, réfugié en Angleterre, pensionnaire du roi d'Angleterre, que nous voyons depuis plusieurs jours écrire et faire circuler des billets dans la salle c.

Mirabeau se leva aussi-tôt, et dit :

<<< MESSIEURS,

>> Je conviens avec le préopinant, que nul individu non député, soit indigène, soit étranger, ne doit être assis parmi nous. Mais les droits sacrés de l'amitié, les droits plus saints de l'humanité, le respect que je porte à cette assemblée d'enfans de la patrie, d'amis de la paix, m'ordonnent à la fois de séparer de l'avertissement de police la dénonciation, la délation vraiment odieuse que le préopinant n'a pas craint d'y ajouter. Il a osé dire que dans le grand nombre d'étrangers qui se trouvoient parmi nous, il étoit un proscrit, réfugié en Angleterre, un pensionnaire du roi d'Angleterre.

un

>> Cet étranger, ce proscrit, ce réfugié, c'est M. du Roveray, l'un des plus res Tome I.

C

pectables citoyens du monde. Jamais la liberté n'eut de défenseur plus éclairé, plus laborieux, plus désintéressé; dès sa jeunesse, il obtint la confiance de ses concitoyens pour concourir à la formation d'un corps de lois qui devoit assurer à jamais la constitution de sa patrie. Rien de plus beau, rien de plus philosophiquement politique que la loi en faveur des natifs, dont il fut un des auteurs; loi si peu connue et si digne de l'ètre, loi qui consacre cette grande vérité, que toutes les républiques ont péri, disons mieux, qu'elles ont mérité de périr, pour avoir opprimé des sujets, et ignoré qu'on ne conserve sa liberté qu'en respectant celle de ses frères. Déjà procureur-général de Genève par l'élection de ses concitoyens, M. du Roveray avoit mérité la haine des aristocrates; dès-lors ils avoient juré sa perte, et réussi à faire demander sa destitution par un ministre despote, trop sûr que l'intrépide magistrat ne cesseroit jamais de se servir des droits de sa place pour défendre l'indépendance de sa patrie que l'on attaquoit. Mais au milieu des haines et des factions, la calomnie elle-même respecta les vertus de M. du Roveray,

L

jamais son souffle impur n'essaya de ternir une seule action de sa vie. Enveloppé dans la proscription que les aristocrates firent prononcer par les généraux des armées, destructeurs de la liberté Genevoise, M. du Roveray se retira en Angleterre, et sans doute il n'abdiquera jamais l'honneur de son exil aussi long-tems que la liberté n'aura pas recouvré ses droits dans sa patrie. Un grand nombre de citoyens respectables de la Grande-Bretagne s'empressèrent d'accueillir le républicain proscrit, lui ménagèrent la réception la plus honorable, et provoquèrent le gouvernement à lui donner une pension. Ce fut en quelque sorte une couronne civique décernée par le peuple moderne, que le génie tutélaire de l'espèce humaine paroît avoir préposé plus spécialement au culte de la liberté..... Voilà l'étranger, le proscrit, le réfugié que l'on vous dénonce..... Autrefois un infortuné embrassoit les autels; il y échappoit à la rage des méchans; il y trouvoit un asile inviolable. Cette salle va devenir le temple qu'au nom des Français vous élevez à la liberté: souffrirez vous qu'un martyr de cette liberté y reçoive un outrage>>?

Ca

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