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4796 - an Iv. chiens fuient de toutes parts, abandonnant leur artillerie, leurs

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C'en était fait du corps d'armée tout entier du général Sebottendorf, si la cavalerie française avait passé le pont de Lodi en même temps que l'infanterie, pour se mettre sur-le-champ à la poursuite des vaincus; mais comme Bonaparte ne s'attendait pas à réussir aussi promptement dans son entreprise, il avait donné l'ordre au général Beaumont, qui la commandait, d'aller passer l'Adda à un gué près de Mozzanica, pour attaquer en flane. Le gué était peu praticable, et le général Beaumont, retardé dans son opération beaucoup plus que le général en chef ne l'avait calculé, n'avait pu arriver assez tôt pour qu'on eût la facilité de détruire en entier le corps de Sebottendorf; celuici, profitant de cette circonstance, avait eu le temps de rallier son infanterie vers Fontena. Les Français, malgré dix lieues de marches forcées et le combat qui venait d'avoir lieu, se portaient encore sur lui; mais, protégé par ses nombreux escadrons, le général Sebottendorf résista facilement à des troupes harassées de fatigue; malgré tout le zèle et le dévouement de ces dernières, il opéra sa retraite sur la Benzona, avec plus d'ordre et de bonheur qu'il ne pouvait en attendre de la part de soldats ainsi vaincus et culbutés. A l'entrée de la nuit, les Autrichiens continuèrent leur mouvement rétrograde jusqu'à Crema.

L'ennemi perdit vingt pièces de canon et 2 à 3,000 hommes morts, blessés ou prisonniers; les Français eurent 1,000 hommes hors de combat. Le général en chef, dans son rapport au gouvernement, fit la mention la plus honorable du général Berthier, son chef d'état-major, qui fut tour à tour, dans cette journée, suivant les expressions de Bonaparte, canonnier, grenadier et cavalier; le chef de brigade Sugny', commandant l'artillerie, le chef de bataillon Marmont et le capitaine Lemarois2 (tous les deux aides de camp du général en chef), le capitaine Latour, aide de camp du général Masséna, furent également cités avec éloges; et Bonaparte regretta de ne pouvoir nommer tous les généraux, officiers et soldats qui se distinguèrent en cette occasion. Il sollicita l'avancement de plusieurs braves officiers, tels

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Depuis lieutenant général. - Depuis lieutenant général.

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Italie.

que Monnier' , qui n'était point compris sur le tableau d'acti- 1796 - an Iv. vité des adjudants généraux; Reille2, lieutenant, aide de camp de Masséna; et Thoiret 3, adjudant-major du troisième bataillon de grenadiers.

Pendant la nuit qui suivit le passage et le combat du pont de Lodi 4, les troupes françaises prirent position vers Formo : une partie de la cavalerie fut seulement envoyée en avant du côté de Crema; mais Beaulieu s'était déjà mis en marche pour se retirer derrière le Mincio, et se mettre à l'abri sous la protection des fortifications de Mantoue. La division Augereau et la cavalerie eurent ordre de le poursuivre dans la journée du 11 mai; d'un autre côté, le général Serrurier, qui s'était d'abord dirigé sur Pavie, fut chargé de se rabattre sur Pizzighettone, afin de seconder, sur la rive droite de l'Adda, l'attaque de cette ville, que Masséna devait faire sur la rive gauche. Pizzighettone, investi le même jour, se rendit, le lendemain 12 mai, aux Français, après une canonnade assez vive, qui causa beaucoup de dommage aux Autrichiens. Les vainqueurs firent dans cette place environ 400 prisonniers. Crémone ouvrit ses portes à l'avant-garde du général Beaumont, et n'essaya pas même d'opposer une résistance devenue inutile.

La victoire de Lodi devenait décisive pour la campagne; l'armée autrichienne, désormais trop faible pour résister aux troupes françaises, était obligée d'aller attendre, dans les marais de Mantoue, des renforts qui pussent la mettre à même de résister à une armée qui menaçait d'effectuer la conquête entière de l'Italie. La capitale de la Lombardie, Milan, n'était défendue que par une faible garnison de 1,800 hommes, que le général Colli avait jetée dans le château de cette ville, en s'enfuyant de

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Mort en 1816, lieutenant général et pair de France.

Depuis lieutenant général. Il a épousé la fille du maréchal Masséna. 3 C'est ainsi qu'en citant, à l'exemple des autres généraux en chef, les noms des guerriers qui s'étaient distingués sous ses yeux, et en provoquant leur avancement, Bonaparte cherchait à se concilier l'attachement sincère de ces derniers. Ceux que nous rapportons sont devenus presque tous célèbres.

4 Bonaparte, devenu tout-puissant en France, voulut immortaliser le souvenir de ce glorieux fait d'armes. Une des rues de Paris, construite pendant son consulat, s'appelle encore aujourd'hui rue du Pont-de-Lodi,

Italie.

4796-an iv. Buffarola. Bonaparte, qui toute sa vie s'est servi de l'opinion publique comme d'un levier non moins puissant que ses armes, et qui cependant a péri par elle, Bonaparte résolut de ne pas différer l'occupation de Milan, afin de donner au peuple d'Italie la plus haute opinion possible de ses forces et de sa puissance. Il voulait d'ailleurs s'occuper dans cette ville de donner à la Lombardie, qu'il venait de conquérir, une organisation politique, seul moyen d'imprimer à ses conquêtes une consistance durable : les esprits étaient déjà préparés à tous les changements qu'il pouvait vouloir introduire, et Bonaparte, pour se voir accueillir dans Milan, n'avait besoin que de se présenter.

En effet, les premiers succès de l'armée d'Italie avaient répandu dans cette ville la consternation dans tous les cœurs des habitants qui tenaient encore à la cause de l'Autriche par intérêt ou par opinion; des prières publiques, ordonnées par le gouvernement, avaient eu lieu avec pompe et appareil daus l'église métropolitaine; la même cérémonie avait été ordonnée dans les campagnes. Les dames les plus distinguées par leur nom, leur rang et leur fortune, avaient fait des quêtes nombreuses destinées au soulagement des veuves ou des orphelins des soldats morts en combattant pour la patrie. Aussitôt que la nouvelle du passage du Pô fut parvenue à Milan, le plus grand désordre et la plus grande division y régnèrent; on s'empressa d'en faire sortir les effets les plus précieux; les émigrations devinrent si nombreuses et si précipitées, qu'on ne trouvait plus de chevaux. Les jeunes princes, enfants de l'archiduc, sous la conduite du bailli Valente Gonzague, leur gouverneur, et l'archiduchesse, avec sa gouvernante, prirent la route de Mantoue, et avec eux tout ce qui tenait à la cour sortit de Milan; ce qui produisit l'effet ordinaire en pareille circonstance. Cette fuite précipitée augmenta les craintes de ceux qui redoutaient l'arrivée des Français, et accrut les espérances de ceux qui la désiraient.

Après le départ de l'archiduc, qui eut lieu par suite de la nouvelle du passage du pont de Lodi, le désordre fut à son comble dans cette ville privée de tout gouvernement. Des groupes nombreux se formèrent dans les rues et sur les places, et les hommes qui les composaient n'osaient point encore manifester hau

Italie.

tement, les uns leurs appréhensions, et les autres les vœux 1796-an iv. qu'ils formaient dans leur cœur. Tout à coup le bruit se répandit que les Français n'étaient plus qu'à quelque distance de la ville. Aussitôt la foule de ceux qui étaient en secret les partisans des principes de la révolution, se dirige en tumulte sur le cours de la porte Romaine, par où l'on croyait que les Français faisaient leur entrée; bientôt même quelques audacieux osèrent arborer les couleurs nationales, et cet exemple fut suivi si rapidement, qu'au bout d'une heure la moitié des spectateurs en fut décorée. Le peuple, cette machine dont les rouages sont les mêmes dans tous les pays, et qui se déclare contre le gouvernement renversé avec autant d'empressement qu'il montre souvent de servilité à lui obéir quand ce dernier est debout, le peuple de Milan chercha à se venger de la maison d'Autriche, en arrachant ou couvrant de boue les armes impériales gravées sur les édifices publics *.

Cependant le général Masséna, dont la division formait l'avantgarde de l'armée française, était attendu d'un moment à l'autre par cette foule avide de nouveauté. Le 14 mai, ce général fit, sur les onze heures du matin, son entrée publique dans Milan, et fut reçu par la municipalité et les autres corps administratifs qui étaient allés au-devant de lui à la porte Romaine. Le quartier général de l'armée française vint s'y établir le lendemain 15, et les soldats purent enfin se livrer à quelque repos, bien nécessaire, sans doute, après un mois de courses, de combats, de batailles, de victoires et de fatigues.

L'entrée solennelle du général Bonaparte dans Milan fut trèsbrillante : jamais triomphe ne fut plus complet ni mieux mérité. Une députation était venue, dès l'avant-veille, 13 mai, lui apporter à Marignano les clefs de la ville, et l'un des députés de Milan, le comte Melzi, s'était rendu auprès de lui jusqu'à Melezuolo. Arrivé à la porte Romaine, il y trouva la plus grande partie de l'immense population de cette ville et la garde civique rangée en haie et baissant les armes sur son passage; il fut complimenté à plusieurs reprises, au milieu des cris de joie de

1 On afficha en gros caractères, sur les portes du palais de l'archiduc: Maison à louer, s'adresser au commissaire Salicetti.

Italie.

1796-an rv. la multitude, par les députés de la ville et de la noblesse, qui étaient allés le recevoir dans des voitures superbes. Précédé d'un gros détachement de ces mêmes grenadiers qui s'étaient immortalisés à Lodi, Bonaparte s'avançait, entouré des officiers de son état-major et de ses guides, et suivi de la garde civique. Il marcha dans cet ordre jusqu'à la place du palais archiducal, où son logement était déjà préparé. Des marches et des symphonies, exécutées par des musiciens français et milanais, se joignirent aux acclamations des citoyens, pendant cette marche triomphale. Un dîner de deux cents couverts fut servi au palais, et cette journée, où Bonaparte faisait l'apprentissage de la grandeur, finit par un bal brillant, où les dames milanaises se firent un honneur d'assister, parées des couleurs nationales françaises.

Toujours actif, Bonaparte ne s'endormit point au sein de son triomphe. Dès le lendemain de son entrée dans Milan, il s'occupa du soin de presser le siége de la citadelle; les habitants, craignant de voir les Autrichiens tirer sur leur ville, firent avec le gouverneur un accommodement par lequel il s'engageait à ne tirer que sur les troupes employées au siége. Le même jour, les scellés furent mis sur toutes les caisses, tant archiducales que de la ville, et il fut arrêté qu'elles seraient versées dans les caisses françaises. Une contribution de 20 millions fut en outre imposée sur la ville; mais, afin de la rendre moins onéreuse pour les habitants, il fut convenu que l'argenterie des églises serait fondue et consacrée à ce nouvel usage. En même temps Bonaparte, auquel le Directoire avait envoyé les artistes qu'il avait demandés, s'occupait de faire faire la recherche de tous les objets d'art ou curieux qui pouvaient se trouver à Milan, afin de les envoyer au Musée national de Paris.

1 Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en donnant ici la liste des principaux objets recueillis dans Milan et dans le duché de Parme; savoir : Dans la bibliothèque Ambroisienne: 1o Le carton de l'école d'Athènes, par Raphaël;

2o Un tableau de Luigi, représentant une Vierge;

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Idem du Giorgion, représentant un concert;

5o Idem de Lucas de Hollande, représentant une Vierge;

6o Une tête de femme, par Léonard de Vinci;

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