XXXI. On aurait beau arguer aujourd'hui, à l'appui des prétentions de cette dynastie, que les jeunes Archiducs ne sont point complices des fautes de leur père; que le peuple toscan peut se contenter de l'abdication de Léopold II, qui lui semblait suffisante le 27 avril; et que les liens de parenté avec la famille régnant à Vienne ne seraient plus à craindre, maintenant qu'un traité lui interdit à l'avenir toute intervention armée dans la Péninsule. Nous dirons d'abord que les jeunes Archiducs ont fait leur la faute de leur père, puisqu'ils se sont, dans le duché, prononcés comme lui contre la cause italienne, et se sont montrés plus Autrichiens que lui en allant combattre dans les rangs de l'Autriche. On ne les connaît plus, en Toscane et dans toute l'Italie, que sous le nom de vaincus de Solferino. Sans nous arrêter à des discussions générales sur l'impossibilité de séparer les différents individus d'une famille souveraine de la dynastie à laquelle ils appartiennent, ni sur la nécessité de tenir compte des principes que chaque dynastie représente, de son origine et de son histoire, nous nous bornerons à remarquer que le vœu unanime de tous les Italiens, est que tout ce qui est autrichien disparaisse du sol de l'Italie pour le bonheur de ses habitants et pour le repos de l'Europe, et à ajouter qu'il serait évidemment trop absurde de voir replacer sur un trône italien, autrement que par les armes de l'Autriche, une dynastie autrichienne qui ne s'y est implantée que de par les armées autrichiennes, qui ne s'y est soutenue et n'y est rémontée que de par les armées autrichiennes, et qui l'a enfin abandonné une dernière fois plutôt que de seconder le vœu national de ses sujets italiens. Les fils de Léopold II, élevés conformément aux tendances traditionnelles de leur famille, n'ont jamais montré aux Toscans des sentiments différents de ceux de leur père; et ils ont eux-mêmes laissé dans la population de sinistres souvenirs personnels, dont les effets ont été encore augmentés par la conduite que toute cette famille a tenue pendant et après la journée mémorable du 27 avril. Quelle que pût être la conduite du Prétendant grand-ducal, il est certain qu'il n'existe aucun bon souvenir qui puisse disposer en sa faveur l'opinion publique, que bien au contraire l'impression encore récente des derniers événements est terrible contre lui. Il n'y a pas un Toscan qui puisse supporter la pensée de voir un Archiduc revenir de la capitale de l'Autriche et même des rangs de son armée, pour remonter sur le trône. Les sujets auraient alors autant de haine contre leur souverain que celui-ci aurait de défiance à leur égard. Le sang italien, le sang toscan lui-même, versé par les armes de ceux au milieu desquels les fils de Léopold II ont cherché un asile et un appui, est une barrière désormais infranchissable entre ces princes et leurs anciens sujets. En revenant en Toscane, de quel œil seraient-ils vus par les veuves et les orphelins des vaillants guerriers de l'Indépendance; quelle confiance devraient-ils avoir eux-mêmes dans les soldats toscans, contre lesquels ils portaient les armes? Où trouveraient-ils des ministres dévoués autres que ceux qui sont tombés avec eux le 27 avril, sauf peut-être quelques vieux chambellans, non moins odieux au pays? Quel serait leur drapeau? Serait-ce le drapeau national qu'ils ont abattu en 1849, et qui, relevé par eux-mêmes le 27 avril 1859, est devenu le point de mire de leurs coups dans la guerre à laquelle ils ont pris part contre l'Italie? Où rencontreraient-ils des officiers fidèles ailleurs que parmi les quinze gardes-du-corps qui, seuls dans toute l'armée toscane, ont refusé de se battre pour l'indépendance de la patrie? XXXII. On comprend que deux branches d'une même famille aient pu régner à Paris et à Madrid sans que pour cela la France ait absorbé l'Espagne; car c'étaient deux nations fortement constituées, et ce que le Grand Roi voulait, c'était doubler la force de chacune d'elles par leur amitié et leur intime alliance, et non point établir la domination de l'une sur l'autre. Mais pour l'Autriche et l'Italie, c'est tout différent; car l'Autriche, qui n'est pas une nation, mais est formée de plusieurs parties de nations diverses, ne peut respecter les droits d'aucune nation. Ce n'est pas l'alliance de l'Italie qu'elle recherche, mais sa sujétion; elle a constamment tendu à la ronger partie par partie dans le but de l'autri |