La Toscane présente un spectacle vraiment admirable. Depuis qu'elle est sans Grand-Duc elle jouit de la liberté la plus complète en même temps que de l'ordre le plus parfait. Il n'y a pas eu l'ombre d'un désordre, ni d'une violence, ni d'une division, pas un seul abus de pouvoir ni un seul tumulte populaire. Les partis sont unis dans l'amour de la patrie et une merveilleuse unanimité n'a cessé de régner depuis trois mois. On était hier unanime pour concourir à la guerre sainte de l'indépendance nationale; on est unanime aujourd'hui pour rendre irrévocable la déchéance d'une dynastie qui, en affaiblissant une portion de l'Italie, entravait l'aveLa révolution pacifique du 27 avril n'a été l'œuvre d'aucune classe ni d'aucun parti. Tous les Toscans se sont trouvé vouloir la même chose; et le soir de ce beau jour, on pouvait dire à Florence: Il n'y a rien de changé, il n'y a qu'une famille autrichienne de moins. nir de la Péninsule entière. Eh si, tout était changé! on le vit dès le lendemain; car la troupe, que la veille encore on excitait contre le peuple, ne faisait plus qu'un avec lui; les riches et les pauvres, entre qui l'Autriche semait les défiances, fraternisaient dans une pensée commune; les partis s'étaient spontanément donné la main, oubliant leurs anciennes offenses dans un pardon mutuel; on ne se demandait plus ce que l'on avait fait il y a dix ans, mais ce que l'on voulait et pouvait faire aujourd'hui. Il y avait rivalité de zèle et de bonne volonté pour la patrie italienne. Cette parfaite entente entre les partis et les classes n'avait rien d'étonnant pendant la guerre; mais elle a subsisté, elle s'est accrue en durant; maintenant qu'il s'agit de la réorganisation du pays, si cette entente n'est pas moins naturelle, elle est du moins plus belle encore, elle mérite incontestablement de conquérir à la Toscane des sympathies nouvelles auprès des âmes élevées. Les Toscans ont la conscience d'avoir, par leurs efforts et par leur concorde, répondu à cette parole de l'empereur Napoléon III: «Votre désir d'indépendance, si longtemps exprimé, si souvent déçu, se réalisera si vous vous en montrez dignes. » La Toscane est restée pure de toute petite passion locale. Dès le premier jour elle s'est placée sous la direction politique de l'ambassadeur de Sardaigne, sous le commandement militaire d'un général napolitain; elle a effacé les barrières entre elle et les duchés de Parme et de Modène; elle a tendu une main fraternelle aux Légations; elle a souffert des massacres de Pérouse comme si c'eussent été des massacres infligés à elle-même. On peut dire en vérité que, dans ces derniers temps, le cœur de l'Italie a battu à Florence. Le premier acte de la Toscane affranchie de ses Grands-Ducs autrichiens, a été d'immoler sa personnalité provinciale sur l'autel de la grande patrie commune. Partout à la fois, dans les villes et les villages du Grand-Duché, fut exprimé le vœu spontané d'annexion au Piémont. C'était noblement répondre à ce reproche de séparatisme municipal si fréquemment et si durablement formulé contre l'Italie. C'est ainsi que disparaît cet esprit de localité, que combattait l'empereur Napoléon Ior comme l'un des plus grands obstacles à l'organisation de la nation italienne. L'expulsion des Grands - Ducs autrichiens a été l'extraction d'un corps étranger. C'était un fer de lance laissé aux flancs du pays par une main étrangère. Aussitôt que le pays se le fût arraché à lui-même, la plaie s'est refermée, cicatrisée et guérie. Voudrait-on la rouvrir? Les ennemis de l'Italie ont essayé d'exploiter contre elle certains mécontentements qui se sont produits au lendemain d'une paix si imprévue. Les espérances avaient été si grandes et si légitimes, qu'il faut avouer qu'un désappointement était compréhensible. Mais l'Italie souffrait tellement il y a six mois, qu'elle ne peut qu'être profondément reconnaissante de ce qui a été fait pour elle, à condition pourtant qu'il lui soit permis d'en profiter, et que, selon une parole souveraine, elle reste réellement << maîtresse de ses destinées. » Après chaque bienfait vient presque toujours le reproche d'ingratitude. Il est vrai que le plus souvent les bienfaits font des ingrats. Mais, pour être juste, il faut convenir que l'ingratitude est en grande partie engendrée par la manière dont le bienfait est rendu, et que rien n'aide plus à l'injustice qu'un bienfait reproché. Si les hommes privés ont fréquemment auprès d'eux des gens qui, dans un intérêt personnel, les poussent à mal faire, cela est encore bien plus exact des gouvernements. Déjà l'on entend certaines gens parler de « l'ingratitude de l'Italie. » Mais il est bon de noter que ce sont les mêmes qui eussent voulu il y a quelques mois que l'on ne fit rien pour l'Italie, et qui voudraient aujourd'hui qu'on fît le moins possible. Nous savons combien la mission que la France a à remplir dans le monde est grande et aussi combien sa marche et son œuvre sont forcément entou |