règles communes de la justice, que, pour le bien de l'Europe, la Toscane dût endurer des dommages en échange desquels l'Europe ne lui donnerait ni compensation ni indemnité. » Et c'est en pleurant ⚫ l'indépendance de la Toscane, toujours conservée intacte par la république et par les Grands-Ducs, » qu'un bon chroniqueur florentin de l'époque, Settimanni, annonce l'adhésion forcée de Jean-Gaston au traité de Vienne, par lequel l'époux de la future impératrice Marie-Thérèse était appelé à monter sur le trône de Toscane. La nouvelle dynastie de Lorraine-Autriche débuta par la destruction de l'autonomie toscane, le nouveau Grand-Duc François ayant été promptement associé à l'Empire par Marie-Thérèse. Quoique à cette époque le sentiment national ne fût pas fort développé en Italie; que, dans le Milanais, les aïeux des héros des cinq journées de Milan et des martyrs du Spielberg et de Mantoue vécussent dans une paisible indifférence sous le sceptre de Marie-Thérèse, et quoique dans le Grand-Duché de Toscane le nouveau régime fût, à plus d'un titre, préférable à celui peu regrettable des Médicis, ce fut avec répulsion et douleur que le peuple toscan accueillit, dès l'abord, cette souveraineté étrangère. L'Empereur-Grand-Duc François, pendant vingthuit ans de règne, ne passa que trois mois dans le Grand-Duché, qui devint, par le fait, une véritable province de l'Empire, occupée par des troupes étrangères, régie par des gouverneurs étrangers, envahie par des nuées d'employés étrangers, dont les descendants eux-mêmes ont été, jusqu'à nos jours, le noyau d'une bureaucratie façonnée à l'image de celle de l'Autriche. En échange de ces importations, si nuisibles à la Toscane, l'Empereur-Grand-Duc ne manqua point de faire des exportations fort avantageuses à la cour de Vienne. A la mort de l'Empereur Charles VI, les caisses de l'Empire ne possédant que 100,000 florins, il s'empressa de faire enlever les bijoux des Médicis et vendre, au profit du trésor impérial, les argenteries de cette famille, ainsi que plusieurs de ses propriétés, qui eussent dû échoir à l'État, ou du du moins à la couronne de Toscane. Les sommes que ce Grand-Duc exporta ainsi de la Toscane, outre la liste civile qu'il consommait à Vienne, s'élèvent à 30,000,000 de livres! C'étaient les abus d'un pouvoir sans contrôle, qu'un puissant souverain se permettait envers un pays, dont l'indépendance et la séparation absolue de l'Empire avaient pourtant été solennellement reconnues dans les actes mêmes où les puissances avaient le plus méconnu les droits sacrés du peuple toscan. Il avait été stipulé dans le traité de Londres de 1718, que la Toscane ne ferait jamais partie des États héréditaires de la maison d'Autriche, et que la souveraineté de ce pays passerait au fils cadet du futur Empereur; de son côté, l'Empereur Charles VI avait déclaré, sur la demande du Grand-Duc Jean-Gaston, que la Toscane n'était point comprise dans la Pragmatique-Sanction. En 1760, dans un intérêt de famille et en vue de conclure le mariage entre l'Archiduc Léopold, deuxième fils de l'Empereur-Grand-Duc, et d'une infante d'Espagne, l'indépendance de la Toscane fut encore plus nettement proclamée dans le traité de Madrid du 3 décembre de cette même année, par lequel la couronne grand-ducale fut donnée à cet Archiduc et à ses descendants. Malgré des déclarations aussi solennelles, la conviction que la Toscane n'est qu'un domaine de la maison d'Autriche a été de tout temps tellement enracinée dans l'esprit des membres de cette famille, que, dans maintes circonstances, une telle conviction exerça une grande influence, et toujours fâcheuse, sur le sort de ce pays. L'Empereur Joseph II, tout en ayant renoncé formellement en faveur de son frère Léopold à la couronne grand-ducale, voulut qu'on lui envoyât à Vienne une grande partie de l'argent trouvé dans les caisses publiques de la Toscane à la mort de son père; lors de son voyage en Italie, en 1783, il exigea que le Grand-Duc remplaçât par des Allemands tous les professeurs italiens qui présidaient à l'éducation des jeunes princes; et il avait enfin le projet, qu'il communiqua lui-même à l'historien Pignotti, confident de sa famille, de réunir la Toscane à l'Empire en donnant à l'Archiduc héréditaire Ferdinand ou établissement en Allemagne. Tout en signalant ces ambitions de famille, qui ont porté de graves atteintes à l'indépendance et |