En présence de l'œuvre si grave et si difficile de la réorganisation de la Péninsule, l'attention publique se porte aujourd'hui sur les duchés italiens, et surtout sur le Grand-Duché de Toscane. Chacun comprend que c'est en grande partie de la solution qui sera donnée à cette question que dépendra l'amélioration réelle du sort de l'Italie. Si les Italiens ont eu la douleur de voir la Vénétie, par suite d'une fatalité persistante, demeurer cette fois encore sous la couronne d'Autriche, loin de se laisser aller au découragement, ils pensent que c'est une nécessité de plus, pour eux, de travailler à renforcer, partout où ils le peuvent, l'élément national. Au lendemain de la paix de Villafranca, on s'est demandé si les princes, qui ont dû s'exiler devant la réprobation de leurs peuples, seraient rétablis dans les duchés. On sait aujourd'hui qu'aucune force étrangère ne sera employée à cet effet. Reste à savoir s'ils ont des chances d'être rappelés par leurs anciens sujets. Ce que demandent les habitants des duchés, c'est que la libre expression de leurs vœux soit respectée. Dans les circonstances actuelles, il a paru opportun de mettre sous les yeux du public un récit que l'on s'est efforcé de rendre aussi modéré qu'impartial, de tout ce que la Toscane a recueilli, en bien comme en mal, de la dynastie grand-ducale. A voir des princes, souvent bons, se trouver néanmoins impuissants à répondre aux vœux les plus légitimes de leur peuple, on est forcé d'avouer que le mal ne tient pas à la personne du souverain, mais à la dynastie. Qu'espérer du fils quand on n'a guère à reprocher au père que d'être Autrichien? C'est l'un de ces cas où les abdications ne remédient à rien. La vérité est qu'il est impossible d'être tout à la fois Archiduc d'Autriche et prince vraiment Italien. La déchéance du Grand-Duc et de sa famille est unanimement voulue en Toscane. Et l'on ne sait sur quoi l'on pourrait se fonder pour espérer des partisans à cette dynastie, puisque ce sont ceux-là mêmes qui l'avaient rappelée en 1849, qui l'ont dernièrement, les premiers, abandonnée. Le GrandDuc, en violant toutes ses promesses, il y a dix ans, s'est aliéné tous les Toscans: ses deux fils, qui ne sont plus des enfants, ont montré un tel dévouement à l'Autriche, qu'ils se sont rendus impossibles. L'instinct du peuple, toujours si sûr, a révélé aux Toscans que ce qui leur était le plus avantageux, à eux et à l'Italie, c'était leur annexion au Piémont. Et, en effet, le Piémont s'est montré digne d'être la tête de l'Italie, tant par sa fidélité aux principes libéraux que par la bravoure de son roi et de son armée sur le champ de bataille, dans la guerre de l'Indépendance. Et c'est ce qui fait regarder comme bon, par tous les esprits sages, ce qui tend à augmenter la prépondérance du Piémont. Mais, soit qu'il s'agisse d'annexion, ainsi que le vœu en a été récemment exprimé par les habitants, soit que certaines puissances, précisément dans la crainte que le Piémont ne devienne, par là, un État trop fort, conseillent de former, par l'union des duchés, un grand État central; soit encore que la diplomatie incline au statu quo des séparations territoriales; toujours est-il que rien ne peut ni ne doit se faire, à cet égard, sans le concours et l'assentiment des populations, et qu'on n'a pas le droit de disposer de leur sort sans elles et malgré elles. Il est difficile d'imaginer que l'on veuille traiter plus défavorablement les duchés italiens que l'on n'a traité les principautés danubiennes à l'occasion desquelles, sous le ministère de lord Palmerston, le plénipotentiaire de la Grande-Bretagne au Congrès de Paris, avait dit ces mémorables paroles : « Qu'il se fondait particulièrement sur l'utilité et la convenance à prendre en sérieuse considération les vœux des populations, dont il est toujours bon, ajoutait-il, de tenir compte. » Il y a, d'autre part, |