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ΧΧΙ.

Les actes postérieurs au traité du 22 avril 1850, par lequel on régla l'occupation autrichienne, ne montrèrent que trop ce que les deux souverains parents et alliés entendaient par l'ordre à consolider. Quelques considérations suffiront pour faire connaître jusqu'à quel point l'influence autrichienne dominait en Toscane. On pouvait croire que le Grand - Duc Léopold II avait réellement l'intention de conserver la Constitution à la Toscane lorsqu'il ratifia la promesse que la municipalité de Florence en avait faite en son nom: le comte Balbo lui ayant fait à ce propos quelques compliments lors de la visite qu'il lui fit à Gaëte, le Grand-Duc lui répondit comme avec irritation : « Qu'a-t-on donc pensé de moi en Piémont? » Et, en parlant de l'État que l'illustre écrivain représentait alors auprès du pape, il lui donnait le conseil de marcher franchement dans la voie constitutionnelle. Il était décidé déjà, il est vrai, à revenir par les baïonnettes autrichiennes. L'Autriche étant dotée alors d'une Constitution, le Grand-Duc pensait-il rencontrer dans l'Empereur un défenseur des idées constitutionnelles, au lieu d'y trouver un soutien du pouvoir absolu comme en 1849? En s'abusant sur les dispositions de ses sujets, pensait-il que le sentiment national serait aisément assoupi, pourvu que le désir d'avoir un peu de liberté vint à être satisfait?

Mais dès que la Toscane fut occupée par les troupes autrichiennes, il fut facile de s'apercevoir que les Toscans auraient pu peut-être, si cela était nécessaire, sacrifier la liberté pour acquérir l'indépendance, mais que rien au monde n'aurait pu les décider à faire la moindre transaction avec l'éternel ennemi de l'Italie; il fut dès lors évident pour tout le monde qu'un parlement toscan ne pourrait que tourner toutes ses forces contre l'occupation et l'influence autrichienne, et se verrait inévitablement exposé à tomber sous les coups des soldats du baron d'Aspre ou sous le poids de la réprobation générale. Le Grand-Duc revint avec l'intention de suivre le conseil du prince de Metternich, qui avait dit aux princes italiens « qu'ils seraient restés en Italie, eux et lui, s'ils se fussent tenus unis, et qu'ils en seraient chassés, eux et lui, s'ils ne l'étaient pas. » Il était bien forcé de se convaincre qu'il ne pourrait s'appuyer dorénavant que sur la présence ou sur la menace des armées autrichiennes, et que toute institution qu'il placerait entre les mains de ses sujets leur servirait uniquement à l'éloigner de la souche de sa famille, à laquelle, au contraire, il croyait que sa dynastie devait se rattacher solidement.

Sans qu'aucun prétexte à la réaction put être trouvé dans la conduite des Toscans, qui se bornaient à rappeler tranquillement à toute occasion les promesses non accomplies par le Grand-Duc et à protester par la séparation la plus complète contre la présence des troupes autrichiennes, le gouvernement détruisit par des lois et par des actes arbitraires de plus en plus violents, toutes les libertés du pays.

Il fit disparaître tous les journaux qui, depuis la restauration, s'étaient distingués sans exception par du tact et de la modération; il publia des codes honteux pour un pays où les principes les plus élevés de la science avaient été appliqués avant qu'ils ne le fussent partout ailleurs; il rétablit par une loi exceptionnelle la peine de mort que la force de l'opinion publique l'empêcha cependant de faire exécuter.

Le sentiment de tolérance religieuse enraciné dans les esprits fut blessé par de scandaleux procès religieux et par l'enlèvement des droits civils aux Israélites; il détruisit une grande partie des sages lois léopoldines sur les matières ecclésiastiques, en stipulant un concordat à l'époque même où l'Autriche était en train de conclure le sien.

Il suspendit la constitution en revenant d'un voyage à Vienne au moment où l'on commençait à y parler d'abolir la Constitution du 4 mars; plus tard, enfin, il l'abolit définitivement quelques mois seulement après que l'Empereur François-Joseph lui en avait donné l'exemple. Et enfin, il alla jusqu'à supprimer l'organisation municipale introduite après la restauration de 1849, et à publier une loi en vertu de laquelle, en plein xxx siècle, les administrations municipales de l'un des pays les plus civilisés de l'Europe sont confiées à des conseillers tirés au sort.

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