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XXV.

En présence de ces événements, tout le monde sentait que la question des formes de gouvernement ne pouvait avoir aucune importance pour un pays italien gouverné par une dynastie autrichienne, et toutes les aspirations du parti libéral se concentrèrent dans la question de l'indépendance nationale, dont le drapeau était de plus en plus noblement porté par le loyal souverain constitutionnel du Piémont. Le mouvement insurrectionnel de Livourne en 1857, qui avait éclaté en même temps qu'un mouvement analogue était essayé à Gènes, fut réprimé par ces mêmes soldats toscans qui firent cause commune avec le peuple deux années plus tard. Le parti libéral; en s'abstenant de toute participation à ce

mouvement, avait montré son ferme propos de laisser se développer la question nationale par les efforts réguliers du roi de Sardaigne et de son habile ministre.

Dès qu'au commencement de cette année la probabilité d'une guerre nationale aidée du puissant secours de la France commença à poindre sur l'horizon politique, une agitation plus calme dans sa manifestation, mais plus générale qu'en 1848, était signalée au gouvernement par toutes les autorités qui reconnaissaient en même temps dans leurs rapports officiels que le maintien de la tranquillité était dû aux soins des hommes influents du parti national plutôt qu'à l'action des agents du pouvoir: ils ajoutaient naïvement qu'un mot venu de Turin suffirait pour mettre en mouvement la Toscane entière, et que tous ceux qui avaient soutenu le gouvernement en 1849, s'en étaient séparés.

Beaucoup de jeunes gens partaient de plus en plus nombreux pour s'enrôler en Piémont, tandis que d'autres se rassemblaient pour s'instruire par bataillons dans les manœuvres militaires, sans que le gouvernement parvînt à empêcher ces départs et ces réunions qu'il se bornait à contrarier par quelques mesures sans portée bientôt même abandonnées. Des publications portant en toutes lettres, comme auteurs, les noms d'hommes considérables, et traitant habilement la question nationale, étaient répandues rapidement dans le pays par milliers d'exemplaires; et le gouvernement, sur l'avis des magistrats respectables, s'abstenait de les poursuivre. Une perquisition arbitraire était exécutée dans le but d'arrêter la publication d'une de ces brochures, sur des sollicitations venues de haut lieu; et non-seulement la brochure fut publiée, mais une consultation rédigée par quelques avocats distingués, à l'appui de la demande d'indemnité formée par les éditeurs, fut appuyée par les adhésions signées de presque tous les membres des barreaux des villes principales de la Toscane. Enfin quelques désertions venant à faire craindre la dissolution de l'armée, les officiers ne purent les faire cesser qu'en assurant les soldats qu'ils partageaient, comme c'était vrai, leur ferme désir de se battre contre les Autrichiens; et c'est par là et par leur noble conduite au 27 avril, que les officiers toscans parvinrent à sauver une armée de dix mille hommes mise par un gouvernement anti-national à deux doigts de la dissolution la plus complète, et acquirent des titres précieux à la reconnaissance de tout bon Italien.

Un seul acte de vigueur fut essayé par le gouvernement grand-ducal au milieu de cette agitation qui le débordait; ce fut le rétablissement de la censure préventive pour toute publication politique. Personne n'aurait fait attention à cette mesure devenue désormais inutile après que tout ce qu'il y avait à dire à propos de la question du moment avait été publié, si l'on n'avait en la maladresse de saisir cette occasion pour choquer encore le sentiment national en disant que cette mesure était adoptée dans le but de ne pas compromettre l'amitié qui liait heureusement le Grand-Duc à tous les autres souverains : ce qui, étant dit à propos d'une mesure adoptée le jour même où paraissait une brochure qui dévoilait les griefs de la Toscane contre l'Autriche, sans du reste offenser le moins du monde son souverain, et au moment où personne n'avait garde d'attaquer d'autres gouvernements, parut à tous les yeux une nouvelle déclaration de la politique anti-nationale que le Grand-Duc s'apprètait à suivre.

L'action du gouvernement devenait nulle par le fait, et tout le monde sentait qu'un mouvement national aurait aisément raison d'un gouvernement débordé de tous côtés sans qu'un parti l'appuyât, ne disposant que d'un général désormais sans pouvoir sur les soldats, et de fonctionnaires convaincus euxmêmes de la nécessité de céder au vœu de l'opinion publique.

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