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Le vote de l'adresse, bien que vigoureusement disputé, donna au ministère de M. Colettis plus de confiance dans son avenir politique, et il en profita pour travailler à assurer la sécurité publique à l'intérieur, améliorer l'état des finances et ouvrir à l'activité de tous de nouveaux moyens de richesse et de prospérité. Sans doute, la tâche était difficile; quoique le jeu des ressorts constitutionnels devint de plus en plus régulier, la situation de la Grèce était loin encore de se consolider et de se raffermir. L'agriculture et l'industrie se développaient lentement; l'avenir était incertain; chaque jour des nuées de brigands faisaient invasion dans les campagnes. Ce n'est pas que le ministère ne s'efforçât de réprimer un pareil état de choses; mais il ne pouvait en un jour changer ces habitudes de pillage contractées par la majeure partie de la population des campagnes pendant quinze ans de guerre civile.

Ces brigandages donnèrent lieu à une note sévère adressée par lord Palmerston à sir Edmond Lyons. Le ministre du gouvernement britannique, dans sa haine aveugle contre le ministère actuel, faisait injustement remonter jusqu'au gouvernement la responsabilité de ces désordres. M. Colettis, dans une réponse ferme et digne, repoussa ces accusations de la manière la plus énergique, et s'étonna qu'un gouvernement portât ainsi atteinte à l'honneur d'un pays dont la dignité et l'indépendance devaient intéresser les puissances qui avaient contribué à son établissement.

Les embarras financiers de la Grèce, et l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de servir les intérêts de la dette qu'elle a contractée envers les trois puissances protectrices, furent pour le gouvernement anglais l'occasion de remontrances plus graves encore.

Une note du cabinet de Londres, adressée au ministère grec dans les derniers jours de l'année 1845, avait témoigné des mauvaises dispositions du gouvernement britannique à l'égard de la Grèce. Cette note avait pour but d'obtenir du gouvernement grec que l'excédant de recettes annoncé au budget fût consacré au service de l'emprunt garanti par les trois puissances, du moins en ce qui regardait la portion garantie par l'Angleterre. Il y était fait une critique assez violente de la situation intérieure et de la marche de l'administration.

Le cabinet d'Athènes dut répondre par des explications sur des faits qui, dénaturés par l'esprit de parti, avaient été mal jugés par le gouvernement britannique. Tout en rétablissant la vérité sur tous les points, le gouvernement grec accepta la proposition du cabinet de Londres, non pas qu'il la crût de nature à amener un résultat satisfaisant, mais parce qu'il reconnaissait que l'Angleterre, en tant que créancière, avait le droit de fixer le mode de payement, et qu'il voulait prouver sa disposition à tous les sacrifices possibles pour faire honneur à la dette de l'État envers les puissances bienfaitrices.

L'opposition s'empara de cette note comme d'une arme. Ses journaux en dénaturèrent le langage, et montrèrent dans cette manifestation le commencement d'une lutte systématique de l'Angleterre contre le ministère Colettis. Elle prédit que bientôt la Russie se joindrait à l'Angleterre dans cette croisade dirigée, selon elle, non pas contre la Grèce, mais contre un chef de parti. En effet, une nouvelle note du cabinet de Londres fut accompagnée cette fois d'une note semblable du cabinet de SaintPétersbourg. Seule, la France continuait au gouvernement grec une bienveillance honorable pour les deux pays.

Les cabinets de Saint-Pétersbourg et de Londres, quoique ayant accepté la promesse de l'excédant des recettes à compte du service du 1er mars 1846, mais craignant, et non sans motif, que cette promesse ne fût illusoire, sollicitèrent du ministère des garanties à cet égard.

Une note, rédigée sous forme de rapport, et adressée au roi de Bavière par le prince Wallerstein, vint tout à coup surexciter ces craintes, et raviver des haines éteintes. Les dangers de Ja situation actuelle y étaient peints avec des couleurs exagérées. «La minorité, y disait le prince, devient opposition, et en Grèce, l'opposition se fait moins par les paroles que par le poing: ajoutez à cela la loi contre les hétérochtones, enlevant pour quelques années, aux affaires, des hommes habitués à leur maniement; l'effervescence à l'occasion des élections prochaines, l'issue incertaine de ces élections; l'état déplorable des finances, la pauvreté qui engendre la corruption.....>>

M. Colettis dut envoyer aux trois cours créancières de la Grèce un exposé des budgets des recettes et des dépenses.

Le total général du budget des recettes était de 13,334,199 dr. 31. 1. (53,340,000 francs). Le total général du budget des dépenses était de 13,272,426 dr. 791. (53,900,000 francs), si l'on n'y comprenait plus la somme de 3,011,686 dr. (12,096,000 fr.), montant des intérêts et de l'amortissement de l'emprunt Rothschild.

Ce qu'il y avait de vrai dans la situation financière, ce qui était ressorti des débats de l'adresse, c'est que les recettes de 1845 n'étaient pas constatées, mais supposées; c'est que l'administration des finances se trouvait tellement paralysée, que le ministre placé à sa tête ignorait, le 10 janvier 1846, l'état véritable des recettes de l'année précédente. Cette situation fut clairement exposée dans la correspondance officielle qui eut lieu entre le président de la chambre et le ministre des finances.

Il y avait là de graves dangers, sans doute; mais il était juste de reconnaître que les luttes incessantes que le ministère se voyait forcé de soutenir détournaient ses soins de la question financière, à laquelle ils eussent dû être entièrement consacrés.

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Deux succès vinrent coup sur coup consolider la position de M. Colettis. 69 voix contre 33 lui accordèrent un crédit qu'il demandait, et la mème majorité rejeta la proposition d'une adresse au roi pour prier Sa Majesté de changer de système.

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SUISSE.

CHAPITRE VIII.

Révolution radicale de Vaud.

Luttes religieuses.

Situation

du gouvernement de Lausanne. Vote des assemblées populaires. Constituante. - Réforines radicales. Destitution de neuf conseillers d'État. - Communisme à Zurich. - Réaction catholique dans le Tessin. Conférence des sept Etats catholiques. - Ouverture de la diète. - Vote relatif à la conférence catholique. - Révolution de Genève. Actes du gouvernement nouveau. Résolution du corps diplomatique.

Révision de la constitution à Berne.

Attitude des partis.

SUISSE.

L'événement le plus important des derniers jours de l'année 1845 avait été une révolution consommée à Lausanne dans le sens le plus radical.

Une des conséquences les plus graves de la révolution vaudoise, c'était la situation faite à l'Église dans ce canton. De tous côtés, arrivaient les démissions des pasteurs. Les persécutions dirigées par le gouvernement révolutionnaire contre l'Église établie, et l'incroyable prétention élevée, par MM. Druey et Delarageaz, de reconstituer une Église officielle, avaient fait déserter la plupart des paroisses par leurs desservants. Partout les anciens paroissiens se groupaient auteur de leurs véritables pasteurs, et les services religieux se célébraient dans des maisons particulières. Le clergé gouvernemental, de son côté, ne trouvait à se recruter que parmi les gens déconsidérés.

Aussi, en présence des antipathies générales soulevées contre l'Église prétendue nationale, fallut-il faire des concessions. Le conseil d'État adressa, le 24 décembre 1845, une circulaire aux préfets et aux municipalités. Il commencait par rejeter sur les ministres démissionnaires la responsabilité du désordre qui régnait dans l'Église. Mais, pour répondre au reproche de persécution, il déclarait laisser libre le culte à domicile, et engageait les municipalités à veiller à ce qu'il ne fût pas troublé par des désordres. Cette tolérance tardive et involontaire ne devait que hater la děsòrganisation de l'Église officielle.

Dans ces circonstances difficiles, et pour s'abriter derrière une approbation puissante, M. Druey fit appel au gouvernement anglais et sollicita de lui une note favorable à ses actes politiques. La réponse de lord Aberdeen fut des moins satisfaisantes. Le ministre y déclarait que le gouvernement britanniqne avait vu avec surprise qu'un canton soi-disant libéral se montrât aussi peu jaloux de la liberté civile et religieuse, et que, à son sens, la marche adoptée par le gouvernement de Lausanne, dans les affaires religieuses, devait nécessairement préparer de nouveaux troubles au canton et à toute la confédération.

L'anarchie se défie des lumières. Aussi, l'Académie de Lausanne, cette ancienne et respectable fondation, due à la paternelle administration des Bernois, dut-elle subir le sort commun de toutes les autres institutions nationales. A la suite d'une dernière désorganisation de cet établissement, tous les anciens professeurs, à l'exception d'un seul, furent destitués à la fois, comme ayant cessé d'être agréables au pouvoir. Les étudiants en masse signèrent une chaleureuse protestation contre cette mesure qui menaçait d'un complet anéantissement une des institutions scientifiques qui honorent le plus la Suisse. Un des membres les plus éminents de ce corps, M. Vinet, fut spécialement éliminé, comme atteint et convaincu d'avoir fréquenté les assemblées de l'Église libre.

L'Académie de Genève, contemporaine de la réformation, et qui a brillé si longtemps dans le monde, était menacée d'un sort semblable; elle devait aussi bientôt subir un remaniement radical, en haine de ce que la presse révolutionnaire nommait aristocratie scientifique.

Un incident assez grave vint compliquer la situation du canton de Vaud, déjà rendue si difficile par les embarras d'une révolution récente. M. Bluntschli, en ouvrant, comme prési

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