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faits et articles, qualifié purgatif et décisoire, par la partie qui l'a provoqué, est-il un obstacle à l'admission ultérieure de la preuve par témoins sur les mémes faits? (Rés. nég.) C. ciy., art. 1565.

LE SIEUR MONNIER, C. LA VEUVE Bardon.

La demoiselle Gibert a souscrit, le 1er juillet 1772, au profit du sieur Monnier, un billet de 6,000 fr., payable à sa volonté, valeur reçue comptant. Depuis elle a épousé un sieur Bardon, marchand, dont elle est veuve aujourd'hui. Avant, pendant et depuis son mariage, le sieur Monnier n'a point demandé le paiement du billet; mais, le. 16 vendémiaire an 10, il a fait assigner la veuve Bardon en reconnaissance d'écriture et signature. Elle a reconnu sa signature; mais elle a soutenu que le sieur Monnier n'avait point fourni la valeur du billet: elle l'a cité, en conséquence, en conciliation devant le juge de paix d'Uzès, avec sommation d'y exhiber la pièce contentieuse, afin qu'elle pût en prendre communication, et faire sur son contexte telles observations qu'elle aviserait. Le sieur Monnier s'excuse de la représenter, sous prétexte qu'elle est entre les mains dé son avoué. Alors elle le somme de répondre sur des faits positifs qu'elle articule, protestant qu'elle tirera de son refus les inductions de

droit.

Ces faits sont que, la recherchant en mariage vers l'année 1772, il l'avait engagée à souscrire à son profit le billet en question, comme une garantie qu'elle ne céderait point aux oppositions de sa mère et de sa famille, qui répugnaient à ce mariage, et qu'elle lui tiendrait la foi jurée; mais qu'il a le premier manqué de persévérance, comme le prouve son mariage, antérieur à celui de son amante; qu'alors elle lui fit demander, par le curé d'Orsan, le billet en question, devenu sans cause; qu'il répondit l'avoir déchiré; qu'en effet, iln'a réclamé ni principal ni intérêts de sa prétendue créance; que même il a plusieurs fois acheté chez elle différentes marchandises qu'il a payées comptant, sans parler de com

pensation; que ce n'est qu'à la veille de la prescription trentenaire qu'il a tiré de l'oubli ce billet, après avoir déclaré l'avoir supprimé; et cela, dans la vue de se dédommager de la succession d'un de ses parens recueillie par elle, ainsi qu'il s'en est vanté.

Le sieur Monnier a refusé toute explication, et a insisté au paiement du billet, pour raison duquel il a obtenu jugement de condam nation au tribunal civil d'Uzès.

Sur l'appel, la veuve Bardon requiert qu'il soit interrogé sur faits et articles, après serment purgatif et décisoire. Il subit l'interrogatoire ordonné et se renferme dans une dénégation constante. Alors elle articule particulièrement les faits mis en avant au bureau de conciliation et demande à en faire preuve par témoins. Un arrêt interlocutoire de la Cour d'appel de Nismes, du 18 prairial an 13, l'admet à la preuve, à raison des probabilités qui se réunissaient en sa faveur, de ce qu'il s'agissait de captation, de fraude, de simulation, et d'une cause fausse reprochée à l'obligation : motifs suffisans pour autoriser la preuve vocale, surtout dans l'espèce, où il résultait un commencement de preuve par écrit du refus du sieur Monnier de répondre à des faits qui portaient sur la fausseté de la cause et sur la simulation du billet, quoique sommé de le faire, avec protestation de tirer de son silence les inductions de droit. Il y est, en outre, considéré que ́cette opiniâtreté à ne vouloir entrer dans aucune explication devant un tribunal de paix, et pour ainsi dire domestique, principalement établi pour recueillir des parties, les aveux et dénégations qu'arrache la vérité, était une confession implicite des faits articulés por l'appelante.

Sur le vu de l'enquête, jugée concluante, autre arrêt du 19 août 1806, qui déboute le sieur Monnier de sa, demande en paiement du billet.

Pourvoi contre ces deux décisions, pour violation de l'art. 1341 du Code civil, qui prohibe la preuve vocale contre et outre le contenu aux actes, et sur ce qui serait al

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légué avoir été dit avant, lors ou depuis, et pour fausse application de l'art. 1347.

L'application de l'art. 1341 à l'espèce de la cause est claire, disait le demandeur; elle se fait d'elle-même, sans le secours du raisonnement. A la vérité, la veuve Bardon n'a cessé de crier au dol, à la surprise, à la simulation; d'alléguer que la cause était devenue fausse par le défaut de persévérance du sieur Monnier dans sa recherche de mariage, puisqu'il avait épousé une autre femme avant qu'elle se fût engagée; et les juges d'appel ont fait résulter de ces assertions une exception à la prohibition de la preuve vocale : c'est une véritable erreur. La partie qui fait des allégations contre le contenu dans un acte a été à portée, ou d'expliquer son obligation pour empêcher qu'on n'en abusât contre elle, ou de se faire donner une contre-lettre: elle n'est pas recevable à proposer la preuve par témoins. Si les faits de dol, de surprise, de simulation, font exception à la prohibition de la preuve vocale, ce n'est qu'autant que la partie qui s'en plaint n'a pas eu le pouvoir de s'en garantir, en un mot, si l'on a pratiqué quelque fraude pour lui persuader qu'elle devait s'obliger.

Dans l'espèce, d'après la version même de la veuve Bardon, point de dol. Elle déclare qu'elle savait bien n'avoir pas reçu le capital de 6,000 fr.; elle reconnaît que sa promesse n'en était pas moins sérieuse; qu'elle l'avait souscrite comme garantie de la foi donnée, comme peine qu'elle attachait à cette violation, comme une barrière qu'elle opposerait aux sollicitations instantes de ses parens, qui voulaient la détourner de son projet de mariage. — Elle a donc tracé et signé le billet avec une volonté bien réfléchie, avec la plus grande liberté.

La simulation suppose de l'intelligence entre les parties qui contractent; son objet n'est que d'éluder la loi ou de tromper des tiers. Que ces tiers trompés puissent la dévoiler par la preuve vocale, dans l'impuissance d'en avoir acquis une lit

térale, rien de plus juste. Mais les parties qui n'auraient point entendu faire un contrat sérieux ne sauraient être admises à le justifier par témoins, dès qu'elles ont été maîtresses de rendre sans effet leurs engagemens respectifs par une contrelettre. Il en est de même de la fausseté prétendue de la cause, lorsqu'il est avoué qu'elle aurait été connue au moment du contrat. L'expression volontaire d'une cause fausse rentre dans la simulation, et a été susceptible d'être corrigée ou expliquée littéralement.

Il n'y aurait donc d'exception propre à légitimer la preuve admise par la Cour de Nismes en faveur de la veuve Bardon qu'un commencement de preuve par écrit. Comment se forme le commencement de preuve littérale ? Son principal élément, nous dit l'art. 1347 du Code civil, est tout acte par écrit émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Le procès verbal de non-conciliation dont il s'agit est bien un acte émané du sieur Monnier, puisqu'il y a comparu et l'a signé; mais il n'en résulte aucune conséquence qui puisse rendre vraisemblables les faits allégués. Il ne constate autre chose qu'une interpellation de répondre et un refus de le faire. Or, ne pas se prêter à suivre un adversaire dans tous les détails où il cherche à nous égarer, ce n'est certainement pas avouer, soit explicitement, soit implicitement, la vérité de ses questions. Il est d'autant moins possible de faire sortir de ce procès verbal un commencement de preuve par écrit contre le sieur Monnier, qu'il y déclare refuser de se concilier et insister au paiement du billet, ce qui est une dénégation générale de tous les faits allégués pour en détruire la cause et les effets. Il a donc répondu au roman imaginé par sa débitrice, de manière à ne laisser prise à aucune conséquence.

Le demandeur motivait encore son pourvoi sur la violation de l'art. 1363 du Code, qui interdit toute preuve de la faus

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seté du serment déféré ou référé. Il est vrai, disait-il, qu'en thèse générale, le serment prêté par la partie qui subít interrogatoire sur faits et articles est différent du serment décisoire, en ce qu'il ne forme pas preuve en sa faveur, et que celui qui requiert l'interrogatoire sur certains faits n'est pas dans l'intention de subordonner la décision de la contestation aux réponses de la partie interrogée; qu'elle se propose uniquement de tirer avantage des aveux qui en résulteraient, où des contradictions qu'elles 'présenteraient, ainsi que le porte la loi 4, ff., de interr. in jur. fact. Ut confitendo, vel mentiendo se oneret. Mais comme la partie qui fait interroger est libre de déférer en tout état de cause le serment décisoire, si elle attache aux réponses qu'elle provoque la solution de la contestation, il demeure hors de doute que la fausseté prétendue de ces réponses ne peut plus être détruite par une preuve quelconque. - Ici la veuve Bardon, dans sa requête à fin de faire ordonner l'interrogatoire du sieur Monnier, a demandé qu'il fût tenu de répondre catégoriquement, sous serment purgatif et décisoire, ce qui a été ordonné. La partie et les juges ont donc fait dépendre la décision de la question de ce que le sieur Monnier répondrait et affirmerait. Dès lors la preuve testimoniale contre ses dénégations affirmées n'a pu être admise sans contrevenir expressément à la loi.

Le 9 février 1808, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Henrion, doyen d'âge, président, M. Lachèse rapporteur, M. Pelleport avocat, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M.Jourde, substitutdu procureur-général; — Attendu, sur le premier moyen, que la disposition de l'art. 2 du titre 20 de l'ordonnance de 1667 ne reçoit point d'application aux faits de simulation; que l'art. 3 du même titre excepte aussi de la disposition générale dudit art. 2 le cas d'existence d'un commencement preuve par écrit, lequel, n'ayant pas été défini par la loi, a été abandonné à l'appréciation des juges;

de

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