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la femme, à qui la loi accorde le droit de renoncer à la ommunauté, celui dont jouit tout sociétaire de dissoudre la ociété, lorsque l'incapacité ou l'inconduite de l'associé adninistrateur l'expose à un préjudice certain.

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L'intimé fondait principalement sa défense sur le motifqui ivait déterminé les premiers juges; il ajoutait que, s'il était possible que le système de l'appelante fût accueilli, il en résulterait ce grave inconvénient, que la femme se croirait autorisée à critiquer l'administration de son mari par une demande en séparation de biens, ce qui serait porter une atteinte funeste à l'autorité maritale, et rendre illusoire la disposition de l'art. 1421 du Code; qu'il n'y avait nulle analogie entre le contrat de société et la communauté conjugale, et que les différences essentielles qui s'y rencontrent s'opposaient à toute espèce de comparaison entre l'un et l'autre. Du 16 mars 1808, ARRÊT de la Cour d'appel d'Angers, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions contraires de M. le procureur-général; - Considérant que les principes consacrés par le Code civil, sur la séparation de biens provoquée par la femme contre son mari, n'ont rien changé à l'ancienne législation; - Considérant que, suivant l'ancienne jurisprudence, fondée sur les dispositions des lois romaines, et attestée par les auteurs les plus accrédités, la femme, quoiqu'elle n'eût pas de contrat de mariage, pouvait se pourvoir en séparation de biens, pour la conservation tant du pécule qu'elle pouvait acquérir par son industrie, que de tout ce qui pouvait lui échoir par la suite, par succession, donation ou autrement, et ce, lorsque les affaires de son mari étaient dans un désordre notoire; Attendu que des pièces produites par l'appelante il résulte une preuve suffisanté du désordre des affaires de son mari et de son inconduite; que d'ailleurs, en pareille circonstance, la séparation de biens est la seule ressource que la justice puisse offrir à une épouse malheureuse, pour lui procurer les moyens d'exister et d'élever sa famille; - Dir qu'il a été mal jugé, bien appelé ;

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en conséquence, statuant sur l'appel interjeté du jugement rendu au tribunal civil d'Angers, le 26 janvier 1808, met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, déclare que la demoiselle Nourry est et demeurera séparée, quant aux biens, d'avec le sieur Lefoulon son mari, etc.»

Nota. La question est controversée. Un arrêt de la Cour de Rennes, du 22 janvier 1812, l'a résolue de la même manière que la Cour d'Angers; mais la Cour de Paris a décidé, par arrêt du 9 juillet 1811, que la femme qui n'avait point apporté de dot à son mari, et qui n'avait d'ailleurs aucunes reprises à exercer, ne pouvait pas demander la séparation, Ce dernier arrêt est rigoureusement conforme à la lettre de l'art. 1443 du Code civil, qui porte que « la séparation de << biens peut être poursuivie par la femme dont la dot est « mise en péril, et lorsque le désordre des affaires du mari « donne lieu de craindre que les biens de celui-ci ne soient « point suffisans pour remplir les droits et reprises de la « femme ». Mais il nous paraît s'écarter de l'esprit qui a dicté cette disposition législative, dont l'objet est de soustraire aux dissipations ou à la mauvaise administration du mari, non seulement les biens actuellement possédés par la femme, mais encore les fruits de son industrie et de ses économies à venir.

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COUR D'APPEL DE ROUEN.

Des cohéritiers qui ont plaide collectivement dans une instance où ils ont succombe doivent-ils les dépens solidairement; quoique la solidarite ne soit pas exprimée dans la condamnation ? (Rés. aff.)

LES HÉRITIERS JOURDAIN, C. LE SIEUR DUGARD.

Un sieur Dugard, actionné par un sieur Marseille, sa femme, et autres cohéritiers Jourdain au nombre de sept, en paiement d'une somme que, selon eux, il devait encore à la succession, parvint à prouver qu'il était libéré. Il fut eu

conséquence renvoyé de la demande formée contre lui, par arrêt de la Cour d'appel de Rouen, qui condamna les héritiers Jourdain aux dépens de l'instance.

· Dugard s'adresse, pour le paiement de son exécutoire, au sieur Marseille, dont l'insolvabilité est constatée par un procès verbal de carence. Mais la situation de la veuve Bazile, autre héritière, offrant plus de prise à une saisie mobilière, il la poursuit pour tous les dépens qui lui sont adjugés. Celleci s'oppose à l'exécution de ses meubles, et introduit un référé devant le président du tribunal civil d'Amiens, lieu de son domicile. Ses moyens d'opposition sont qu'en matière civile il n'y a point de solidarité pour les dépens; que n'étant intéressée que pour un septième dans l'instance, -elle n'est passible que d'une pareille portion des dépens, dont elle fait des offres.

Comme il s'agissait d'un exécutoire délivré par la Cour d'appel de Rouen, les parties y ont été renvoyées. Là elles ont discuté avec chaleur la question qui les divisait.

Les héritiers d'un défunt, a dit la veuve Bazile, ne forment point entre eux un collége; chacun est successible pour la part qu'il prend dans l'hérédité, de manière qu'il est censé y avoir autant d'hérédités particulières que de parties prenantes; que les dettes se divisent naturellement dans la même proportion; que chaque héritier en est tenu seulement pour la part dont il est saisi, ainsi que l'enseigue l'art. 1220 du Code civil, sauf quelques exceptions étrangères à l'espèce. Si les dettes actives et passives du défunt se divisent entre les héritiers, dont les droits et les actions sont indépendans, il en résulte qu'ils ne peuvent ester en jugement, soit comme demandeurs, soit comme défendeurs, qu'individuellement. Leur réunion dans un exploit de demande avec constitution d'un seul avoué, à raison de l'identité d'intérêts, ne modifie nullement la divisibilité de leurs droits, qui n'en sont pas moins distincts, d'autant mieux qu'ils sont et doivent être nominativemant établis, et qu'il répugne qu'il soit formé autant de demandes qu'il y a de parties; en un mot qu'au

cune loi ne défend à ceux qui ont un même intérêt de s'adresser au même officier ministériel, pour ne pas multiplier frustratoirement les procès, les frais et les jugemens.

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De là est née au barreau la maxime inviolable que leś dépens sont personnels en matière civile, et que l'on ne doit consulter le nombre des parties que pour savoir quelle quotité chacune d'elles doit en supporter. Cette maxime est fondée sur ce que chacune des parties est censée avoir discuté de son chef pour sa part virile, malgré le rapprochement physique de plusieurs noms dans les mêmes actes d'instruction et de procédure.

A la vérité, on trouve dans Denisart, au mot Dépens, un arrêt du 14 juillet 1759, rendu au parlement de Paris, sur les conclusions de M. l'avocat-général Séguter, qui a jugé que la solidarité devait avoir lieu contre des huissiers de la ville de Chinon, qui s'étaient réunis pour contester à la communauté des notaires de la même ville le droit de faire des ventes de meubles, et avaient succombé, relativement au paiement de l'exécutoire des dépens adjugés, quoique la condamnation ne fût point prononcée solidairement. Mais l'arrêtiste observe que ce préjugé isolé révolta le barreau, qui le regarda comme violant les vrais principes, suivent lesquels les dépens sont personnels en matière civile, et se divisent entré les parties condamnées, à moins que la solidarité n'ait été prononcée par le jugement même qui les adjuge. Une pareille décision ne saurait être d'aucune autorité: il faut tenir pour constant que la saisie-exécution du sieur Dugard est vexatoire, et que les offres de la veuve Bazile sont suffisantes pour en arrêter la suite.

Le sieur Dugard a répondu que la solidarité, en matière de dépens, existait par la seule force de la loi, toutes les fois qu'il y avait association pour l'exercice d'un droit ou d'une prétention quelconque. Quoiqu'en thèse générale les héritiers d'une même succession ne forment pas une corporation, on ne peut se dissimuler qu'il n'aient une communauté d'iutérêt, et lorsqu'ils agissent en nom collectif dans le même

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sens, par le ministère d'un seul avoué, il y a évidemment entre eux une association tacite, en vertu de laquelle ils chargent l'un d'eux de les représenter, avec promesse de participer aux périls du procès comme aux avantages qui en seraient la suite. Voilà bien le caractère d'une société véritable, des effets de laquelle la solidarité est, aux yeux du législateur, la première conséquence, ainsi que l'à jugé avec raison l'arrêt du 14 juillet 1759, rapporté par Denisart.~~

Du 17 mars 1808, ARRÊT de la Cour d'appel de Rouen,' première chambre, par lequel :

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« LA COUR,

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Considérant que les héritiers Jourdain se sont unis pour intenter cumulativement et indivisément une action contre Dugard pour le recouvrement d'une prétendue créance que le sieur Jourdain aurait eu à réclamer si Dugard n'avait pas prouvé qu'il en était libéré; — Que, tant en première instance qu'en Cour d'appel, la procédure a été commune, indivise et collective, de la part des héritiers Jourdain contre Dugard, et de Dugard contre eux; Que conséquemment les dépens n'ont pas été plus considérables que s'il n'y eût eu qu'un seul héritier au lieu de sept qui se sont unis contre Dugard, et qu'en pareil cas la solidarité est due natura rei;' Vu surtout que la solidarité engendre moins de frais qu'il n'y en aurait s'il fallait multiplier les taxes contre chacun des héritiers séparément, et signifier à chacun d'eux à domicile l'arrêt de la Cour et l'exécutoire des dépens, qui dans le cas présent forment une dette commune; Considérant enfin que l'insolvabilité de l'héritier choisi pour être le mandataire de tous ne doit point être nuisible à Dugard, poursuivi par tous les héritiers qui se sont joints à lui; Faisant droit sur l'action de Dugard, du 18 novembre 1807, en résultance du renvoi devant la Cour, prononcé par le tribunal civil d'Amiens; 5; DIT à bonne cause la saisie encommencée sur la veuve Bazile, à tort le référé interjeté par elle; ordonne que les poursuites et contraintes encommencées seront continuées et parachevées pour le montant intégral de l'exécutoire des dépenses et frais faits

Y

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