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n'était point le cas de prononcer une nullité sur laquelle le législateur garde le silence.

Le 12 avril 1808, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. Viellart président, M. Chasle rapporteur, MM. Dupont et Duprat avocats, par lequel :

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LA COUR,Sur les conclusions de M. Thuriot, substitut du procureur-général; - Vu l'art. 7 de l'arrêté des consuls, du 22 thermidor an 8; Attendu qu'aux termes de cet article l'huissier Boniface n'avait pas droit d'exploiter hors du ressort du tribunal de première instance de Douay, où siége la Cour d'appel à laquelle cet huissier est attaché; - Attendu que les prétendues significations qu'il a faites à Epinny, arrondissement d'Arras, département du Pas-de-Calais, le 15 août 1807, des deux arrêts d'admission des pourvois du demandeur, n'ont aucun caractère public; qu'elles ne peuvent être considérées que comme des actes privés qui ne remplissent point le vœu de la loi; d'où il suit qu'elles sont nulles de plein droit et commé non avenues; par conséquent que les arrêts d'admission n'ont pas été légalement signifiés dans le délai déterminé par le règlement, ce qui entraîne la déchéance absolue des pourvois; DECLARE le demandeur déchu de ses pourvois, etc. »

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COURS D'APPEL DE BORDEAUX ET DE LIÉGE. Doit-on appliquer aux actes de suscription des testamens. mystiques dans les campagnes la disposition de l'art. 974 du Code civil relativement aux témoins appelés pour la validité des testamens publics faits également dans les campagnes? (Rés. nég.)

PREMIÈRE ESPÈCE.

LE SIEUR BROCHARD-PUIJOLLY, C. LES SIEUR ET DAME DURÉCLUS. Le sieur Pierre Brochard avait, dans un testament mystique en date du 28 prairial an 11, institué sa légataire universelle Thérèse Brochard, femme Duréclus, sa nièce. A la mort de son oncle, celle-ci obtint, sur la présentation du

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testament, une ordonnance d'envoi en possession; mais le sieur Brochard-Puijolly, frère du défunt, y mit opposition, sur le motif que les formalités voulues pour la confection et suscription du testament mystique n'y avaient pas été observées. L'instance s'engage devant le tribunal civil de Périgueux. Là, le sieur Brochard - Puijolly soutient le testament nul par deux moyens : le premier, qu'il n'a point été présenté aux témoins; le second, que deux des six témoins énoncés en l'acte de suscription ont déclaré ne savoir signer. Il conclut en conséquence au partage de la succession ab intestat.

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La dame Duréclus, tout en défendant ce testament, en produit un premier, du 9 germinal an 9, par lequel son oncle disposait en sa faveur de la moitié de tous ses biens. sieur Puijolly ne conteste point la validité de ce premier testament, et restreint sa demande à la délivrance du quart des biens du défunt.

Le tribunal civil de Périgueux, par son jugement du to juin 1806, en rejetant le premier moyen de nullité, adopte le second; et après avoir prononcé la nullité du testament du 28 prairial an 11, ordonne, sur le fondement que l'article 976 du Code civil n'est point susceptible d'exception, ni d'être modifié par le 974, qu'il sera procédé au partage par experts de la succession de Pierre Brochard, dont un quart sera délaissé à l'héritier légitime, avec restitution de fruits et paiement des dégradations, etc.

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Appel par les sieur et dame Duréclus. Ils ont fondé leurs moyens sur une analogie prétendue entre l'article 974 et l'article 976 du Code civil. Le premier de ces deux articles, ontils dit, s'applique nécessairement à tous les testamens faits à campagne. S'il n'était pas entré dans l'intention du législateur que la forme mystique jouît des mêmes prérogatives que celle par acte public, lorsqu'elle a lieu également dans la campagne, il faudrait penser qu'il a voulu pour ainsi dire l'interdire à la multitude qui compose cette partie de la France. Plus le nombre des témoins éxigés augmente, plus ik

est difficile de le réunir dans un lieu où si peu de gens savent ordinairement signer. Si l'on a été persuadé de la nécessité d'y réduire à moitié les témoins signataires exigés pour la validité du testament authentique, à plus forte raison a-t-on voulu, pour maintenir l'égalité de droits parmi tous les Français, que la même réduction eût lieu dans le nombre plus considérable désiré pour l'acte de suscription du testament mystique. Aucune considération ne s'oppose à ce que cela soit ainsi, puisque tout reste dans les mêmes rapports, dont le législateur a lui-même donné la base dans l'art. 974, et que cette modification, qui a lieu pour l'un comme pour l'autre, dans les mêmes proportions, ne détruit en aucune manière les motifs qui ont fait exiger plus de témoins pour l'acte de suscription du testament mystique que pour les testamens nuncupatifs: aussi tous les commentatears du Code civil ontils pensé que, si la réduction faite dans l'art. 974, en faveur des habitans de la campagne, n'était pas littéralement éte!:due aux testamens mystiques, ce ne pouvait être qu'un oubli, une omission purement involontaire, à laquelle on ne devait pas s'arrêter.

Les testamens, a répondu l'intimé, sout, de toutes les màtières que régissent les lois civiles, celle que le législateur a cru devoir traiter avec un soin plus scrupuleux. Ses efforts à garantir l'homme de sa propre faiblesse, et l'expérience qui nous apprend combien ils sont encore insuffisans, nous démontrent assez la nécessité d'être sévères dans l'application des lois aux actes de dernière volonté. Le législateur, néanmoins, a voulu lui-même désigner avec quelle rigueur il fallait qu'on observât les formalités dont il jugeait indispensable de les entourer. L'art. 1001 du Code civil porte : « Les formalités auxquelles les divers testamens sont assujettis par «<les dispositions de la présente section et de la précédente « doivent être observées à peine de nullité. » — Ainsi, en faisant l'application indiquée dans cet art. 1001 aux sections précédentes, l'art. 976 du même Code dispose, sous peine de nullité, que le testateur présentera son testament clos et scellé

au notaire et à six témoins au moins; il veut, toujours sous. peine de nullité, que l'acte de suscription soit signé tant par le testateur que par le notaire et par les témoins : donc, s'il n'est pas signé par tous les témoins, il est frappé d'une nullité absolue,On ne saurait appliquer par analogie les dispositions de l'art. 974 à celles de l'art. 976. Ce dernier est trop positif pour croire que le législateur l'ait voulu soumettre aux mêmes règles que le premier': il a au contraire précisé dans 4 l'art. 974 sur quelle espèce de testamens il entendait que pût se faire la réduction qu'il autorise, en ne parlant que de deux et de quatre témoins, nombre prescrit pour les seuls testamens par acte public. D'ailleurs il n'a rien dit encore des tes15 tamens mystiques; ce n'est que deux articles après qu'il trace leur forme, et désigne les formalités auxquelles ils doivent être assujettis.-S'il était essentiel d'augmenter le nombre des témoins pour la confection du testament mystique, il ne l'était pas moins d'exiger qu'ils signassent tous sans exception l'acte de suscription. Le premier but du législateur, en entourant de formalités le testament, est, on ne saurait trop le répéter, de s'assurer qu'il ne contient uniquement que ce qu'a voulu le testateur. Plus la forme de tester rend facile la substitution d'une autre volonté à la sienne, soit qu'elle la change entièrement, soit que seulement elle la modifie, plus on le voit s'empresser de la prévenir, en multipliant les obstacles par des formalités. La faculté de tester se fût trouvée extrêmement resserrée dans les campagnes, où il est difficile de réunir à volonté un certain nombre d'hommes sacht signer. Le législateur, ayant le désir de créer une exception, a dû, dans la recherche des moyens à l'effectuer, choisir ceux qui l'éloigneraient le moins du but principal qu'il s'était proposé. Le testament par acte public était celui qui pouvait souffrir avec moins d'inconvéniens une réduction de témoins. Le notaire écrit mot à mot les dernières volontés du testateur. Il lui en fait la lecture, હૈ lui et aux témoins, qui les signent de suite. Leur œil, qui a pu suivre exactement ces diverses opérations, apercevrait la moindre tentative de substitution d'un papier à un autre;

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et cette substitution même eût-elle échappé à leurs regards, leur dénégation, lorsqu'ils ne reconnaîtraient plus dans ce testament falsifié les paroles du testateur, en pourrait encore détruire l'effet. Mais dans le testament mystique, au contraire, rien ne transpire. Le papier est présenté au notaire clos et cacheté; les témoins ignorent ce qu'il contient. Sur la dé`claration du testateur qu'il renferme ses dernières volontés, l'officier instrumentaire dresse l'acte de suscription. Toute la force de cette espèce de testament est dans cet acte de suscription. On ne saurait prendre trop de mesures pour en assurer la vérité, et pour en rendre l'abus impossible. -Le testament mystique diffère donc essentiellement de celui par acte public. On ne doit point par conséquent s'étonner que le législateur n'ait point étendu l'exception portée en l'art. 974 à l'art. 976. Sa sévérité a un juste motif. On voit évidemment qu'il n'a pas commis une omission, mais que son silence manifeste une volonté contraire. Les termes dans lesquels il s'exprime sont clairs et précis. Quel motif de chercher des inductions d'un cas à un autre, de raisonner par analogie, de torturer la loi pour lui trouver un sens qu'elle n'a pas Quand des formalités sont par elle aussi impérieusement prescritès que le sont celles des testamens, il faut nécessairement trouver dans ces dispositions mêmes une exception formelle qui permette de s'en écartér.

Le 12 avril 1808, ARRÊT de la Cour d'appel de Bordeaux, MM. Ferere et Saget avocats, par lequel:

« LA COUR, Attendu que l'art. 976 du Code civil exige formellement que l'acte de suscription du testament mystique soit signé par six témoins au moins, sans distinguer les testamens faits dans les villes de ceux qui sont faits dans les campagnes; Attendu que l'art. 974 n'a été fait que pour les testamens publics, auxquels seulemeut la disposition de cet article peut convenir et être appliquée; — Que de là il résulte que la disposition de l'art. 976 subsiste dans toute sa force, à l'égard du testament mystique, soit qu'il ait été fait dans une ville ou à la campagne; Qu'il peut y avoir

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