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COUR DE CASSATION.

L'autorisation d'ester en jugement, donnée à la femme en puissance de mari, comprend-elle le pouvoir de se concilier en bureau de paix, lorsque surtout il ne s'est ensuivi ni contrat ni transaction quelconque entre les parties? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 217, 218, 219.

LA DAME DEYNER, C. LE SIEUR PIETTE.

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La dame Deyner avait obtenu sa séparation contre son mari, et, dans la vue de recouvrer une partie des sommes qui lui avaient été allouées pour ses reprises, elle forma saisie-arrêt entre les mains d'un sieur Piette, du prix de deux billards qui lui avaient été vendus par le sieur Deyner, — Au mois de vendémiaire an 15, le sieur Piette fait citer les sieur et dame Deyner en conciliation, la femme à fin de mainlevée de la saisie-arrêt faite à sa requête, le mari pour qu'il eût à autoriser sa femme. Le sieur Deyner refuse son consentement. En cet état, le sieur Piette assigne les époux devant le tribunal civil de Toulouse, et obtient un jugement qui autorise la femme à ester en jugement. Celle-ci soutient alors l'autorisation judiciaire étant postérieure au procès verbal de non-conciliation, elle n'avait qualité si pouvoir pour comparaître: elle en demande en conséquence la nullité.

que,

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Alors Piette se décide à citer de nouveau la femme Deyner au bureau de conciliation; et, revenu devant le tribunal, il obtient un jugement par défaut qui lui donne mainlevée de la saisie-arrêt. - Opposition de la part de cette dernière, qui demande la nullité de ce second procès verbál et de toute Ja procédure, sur le fondement que l'autorisation d'ester en jugement était insuffisante, et qu'il aurait fallu en outre qu'elle eût été autorisée à se concilier. Le droit d'ester en jugement ou de soutenir ses droits devant les tribunaux, disait la dame Deyner, ne doit point être confondu avec le pou

voir de transiger, que suppose, qu'exige même, la loi dans ceux qui se présentent aux bureaux de paix pour se concilier. La conciliation est une mesure préliminaire et indépendante de la poursuite judiciaire. A l'égard de celle-là, une partie règle et modère ses droits ainsi que bon lui semble, taudis qu'à l'égard de la seconde elle se borne à les proposer aux tribunaux, pour qu'il y soit statné selon le vœu de l'équité et de la loi d'où il suit qu'il faut dans un cas une autorisation bien plus positive que dans l'autre.

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Si l'essai de conciliation, répondait le sieur Piette, est avec raison réputé le premier pas des parties contenidantes dans l'arène judiciaire, si cet essai est obligatoire, s'il fait. une partie intégrante et nécessaire de la procédure, la distinction qu'on a posée, pour en induire une plus grande efficacité de pouvoirs en faveur de la femme assignée en burean de paix, est arbitraire et mal fondée. L'autorisation d'ester en jugement comporte avec elle toute la latitude de pouvoirs pour procéder aux actes dont se compose la procé-dure: elle est donc,suffisante pour se présenter au bureau de paix, dont cette présentation est une portion nécessaire et indivisible. Ainsi, l'exception tirée de la prétendue nullité de la procédure est sans objet, et la dame Deyner doit tre purement et simplement déboutée de son opposition à l'exécution du jugement par défaut.

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Le moyen de nullité fut néanmoins accueilli par le tribuual, «-Attendu, dit son jugement, qu'aux termes de l'art. 16 de la loi du 6 mars 1791, on ne peut comparaître au bureau de paix ni y tenter la conciliation sans avoir la capacité de transiger; Que la femme Deyner, simplement autorisée à éster en jugement, ne l'était point à transiger, ni par consé~ quent à se concilier, et que, par une autre conséquence, elle a illégalement et nullement tenté la conciliation ».

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Comme ce jugement était rendu en dernier ressort, le sieur Piette se pourvut en cassation pour fausse application de l'article 16 de la loi du 6 mars 1791, et pour violation de l'article 218 du Code civil. Il reproduisit les mêmes raisonnç

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mens que ceux qu'il avait infructueusement présentés devant le tribunal de Toulouse; mais comme ils ont été consacrés par l'arrêt, ́ét qu'ils y sont plus lumineusement développés, nous croyons inutile d'en entretenir nos lecteurs. La même observation s'applique à la défense proposée au nom de la dame Deyner, dont les principaux moyens reposaient sur les motifs contenus dans le jugement attaqué.

Du 5 mai 1808, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, au rapport de M. Zangiacomi, par lequel:

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« LA COUR,- Sur les conclusions.conformes de M. LeCoutour, substitut du procureur-général; - Vu l'art. 218 du Code civil et l'art. 16 de la loi du 6 mars.1791; Consi dérant que la femme Deyner était autorisée, aux termes de l'art. 218 du Code, à ester en jugement; Que cette autorisation renfermait évidemment celle de faire tous les actes, de remplir toutes les formalités, que le procès rendait nécessaires ; —- Que, si la comparution au bureau de paix et la conciliation qu'elle y a tentée avaient opéré une transaction entre les parties, il ne se fût plus agi alors d'un procès, mais d'un contrat qui, aux termes des art. 217 et 219 du Code civil, n'aurait pu être passé par la femme Deyner sans une autorisation spéciale; - Que, dans l'espèce, l'essai de conciliation qui a eu lieu entre les parties n'ayant été suivi ni de transaction ni de contrat quelconque, mais d'un procès, cet essai de conciliation ne peut être considéré que comme ane formalité judiciaire que la femme Deyner était autorisée remplir, puisqu'elle l'était à plaider; - Que la dernière partie de l'art, 16 de la loi du 6 mars 1791 n'exige un pouyoir spécial de transiger que de la part de ceux qui comparaissent aux bureaux de paix en qualité de procureurs fondés d'un tiers; que cet article ne peut être opposé à la femme Deyner, qui s'est présentée à ce bureau en son nom personuel; et qu'il n'existe aucune loi qui exige de ceux qui esgaient la conciliation dans leur propre cause le pouvoir ou la volonté de transiger; Qu'ainsi le jugement du tribunal civil de Toulouse a fait une fausse application de la dernière

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artie de l'art. 16 de la loi du 6 mars 1791, et violé l'art. 218 u Code civil, en exigeant une formalité inutile que cet ar- ́ cle ne prescrit pas, et dont par conséquent il dispense; ASSE, etc. »

COUR DE CASSATION.

a surenchère est-elle une cause d'éviction qui donne liêu à la garantie contre le vendeur, de la part de l'acquéreur? (Rés. aff.)

a garantie peut-elle étre exercée dans ce cas, quoiqu'elle n'ait pas été stipulée dans l'acte, et est-elle suppléée de plein droit? (Rés. aff.) C. civ., art. 1626, 1650, 2185 et 2191.

LES SIEUR ET DAME CAPON, C. LE SIEUR MOTTARd.

La mise aux enchères est un moyen d'éviction ouvert par loi, en faveur du créancier inscrit, contre l'acquéreur. Cod. civ., art. 2185.) Si c'est un moyen d'éviction, ou , ce qui est la même chose, cet acquéreur est dépossédé; la i doit lui accorder son recours contre le vendeur pour tout qu'il a payé au-dessus du prix stipulé dans l'acte d'acquition, ainsi que pour les intérêts de cet excédant. (Cod. civ., rt. 21gr.)-Ces principes ne sont point nouveaux ; ils étaient galement professés par les auteurs qui ont écrit sous l'empire e l'édit de 1771. — Voici ce que dit M. Grenier, autēur 'un commentaire très-estimé sur cet édit, et de plusieurs utres ouvrages plus récens (1). L'acquéreur, se demande. et écrivain, peut-il exercer un recours contre le vendeur, l'effet d'en être indemnisé ?...

Il répond': « Il ne paraît pas qu'on doive faire une difféence à cet égard entre le décret volontaire et les lettres de atification. Or, quand le décret volontaire devenait forcé, lorsque l'acquéreur se rendait adjudicataire, il était obligé e payer aux créanciers le prix de l'adjudication, à quelque

(1) Commentaire sur l'édit, seconde édition, art. 9, pag. 181.

somme qu'elle pût monter; mais en ce cas l'acquéreur ava un recours en garantie contre son vendeur, pour être inde nisé dece qu'il avait payé au delà de ce qui était stipulé p le contrat de vente. (C'est ce qu'atteste d'Héricourt, cha dernier, no 3.)- En effet, dans le cas même d'obtention lettres de ratification, le contrat de vente ne laisse pas régler les conventions entre le vendeur et l'acquéreur. vendeur ne peut s'en écarter; il ne peut pas imputer à l'a quéreur d'avoir voulu obtenir des lettres de ratification.Ce faculté donnée par la loi, et sous-entendue entre les partie a le même effet que la permission de faire un décret volo taire inséré dans le contrat. S'il survient des enchères, c'e par le fait du vendeur: il doit autant en indemniser l'acqu reur qu'il doit faire cesser les oppositions des créanciers; un mot, il a contracté l'engagement de faire passer l'hérita à l'acquéreur moyennant le prix convenu. Ces princip nous paraissent d'une justesse remarquable; ils sont même corollaire naturel du grand principe sur la garantie en m tière de vente, garantie qui est toujours supposée et sou entendue, à moins d'une convention contraire. (Cod. civ art. 1626.)

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Pour la négative, on ne serait pas fondé à alléguer que surenchère est un moyen de droit que l'acquéreur a pu pr voir; d'où il suit qu'il n'est point fondé à exercer son acti contre son vendeur, lorsqu'il vient à étre évincé, sur le for dement d'un moyen de cette nature. Et la raison en sensible: c'est que la source en est dans le fait du vendeur, que par cette qualité il est tenu de faire jouir d'après les co ventions stipulées au contrat. Une surenchère est fond sur le droit du créancier inscrit, lequel ne le tient que vendeur : c'est donc à celui-ci à faire cesser un droit qui pe dû compromettre l'effet de la convention. Si quelqu'un a pu le prévoir, c'était ce dernier sans doute, et non l'acqu reur, qui n'a pu être informé qu'après la transcription son acte d'achat. La stipulation de garantie ou le silence y supplée le dispensaient de faire aucune recherche sur

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